Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir en Algérie. C’est un peu le sentiment qui habite le lecteur quand il referme l’excellent roman La Prière du Maure (éditions Jigal). Adlène Meddi, son auteur, nous plonge dans les bas-fonds de son pays. Le rédacteur en chef d’El Watan Week-End livre ici une sombre histoire sur fonds de disparitions, de services de renseignements et de guerre au terrorisme, menée par une écriture parfois sèche, d’autres fois très poétique, et nous propose une galerie de personnages plus sombres les uns que les autres. Un régal. Interview d’un jeune auteur né en 1975 dans la banlieue d’Alger, sans aucun doute l’un des futurs noms qui comptera dans le noir. Un écrivain trentenaire et engagé, cofondateur du groupe de contestation Bezzzef (Assez), qui organise depuis novembre 2009 des manifestations et des happenings, dans un pays sous état d’urgence permanent où toute manifestation publique est interdite.
En terminant votre roman, on se sent presque mal tant vous parvenez, dans vos descriptions, à retranscrire l’atmosphère pesante qui règne dans les rues d’Alger. Etait-ce une volonté de votre part de faire un livre aussi noir ?
Malaise. Oui, je crois bien que c’est ça : d’ailleurs la plupart des personnages de La Prière du Maure ressentent ce malaise de vivre, parce qu’ils ont perdu l’habitude banale de vivre. Malaise aussi par rapport au contexte de “ni guerre ni amnistie” du début des années 2000 en Algérie. Comme si on ne savait plus quoi faire de toute cette violence. On fait l’amalgame entre bourreaux et victimes et on sacrifie la justice sur l’autel de la raison d’Etat. Malaise donc des femmes et des hommes, de toute une société qui voit son échelle de valeurs bouleversée.
Le roman est très documenté. Quelle est la part de fiction et de réalité ?
Je voulais décrire des mécanismes et des réalités crues. C’était l’un de mes soucis. Je voulais sortir du mythe, des généralités et des opacités qui sévissent dans notre littérature. Dans un thriller, on ne peut faire l’impasse sur les détails, les noms des rues, les sigles… Je l’ai monté comme un film, ce roman. J’adore aussi créer des univers à partir d’une réalité documentée. On joue les petits Dieux et c’est jouissif comme écriture ! D’un autre côté, je trouve de la beauté dans un organigramme et je traque les indices de fantaisie même dans les notes de service… Mais pour ce qui est de la part faite à la réalité et à la fiction, je ne pourrai répondre réellement à cette question. Sauf en considérant que je me laisse porter par l’écriture et les personnages, et souvent je rencontre des situations corrélatives à ce que j’écris. Les deux univers se mélangent, notre réalité est un texte pour ceux qui savent le lire. Je pars de ce principe.
Votre métier de journaliste vous a sans doute poursuivi durant l’écriture, comment écrivez-vous et parvenez-vous à faire la différence entre vos 2 casquettes ?
Dans ma tête, la frontière est très nette entre le journaliste et l’auteur. J’avais déjà commencé des tentatives de romans dans mon adolescence, avant même de décider de devenir journaliste. Je ne suis pas un «journaliste-auteur». Je suis journaliste ET auteur ! Maintenant, les deux se font la guerre : comment trouver, voler du temps au boulot pour écrire. Ça me rappelle le roman L’Ange des ténèbres de l’Argentin – et grand – Ernesto Sabato, texte qui explique les difficultés d’écrire un roman. A part l’écriture, la plus grande tache de l’auteur est de batailler pour dégager du temps pour écrire.
Parfois, la réalité dépasse la fiction… Comment voyez-vous l’Algérie d’aujourd’hui comparée à celle que vous décrivez dans votre roman ?
Vaste question ! Mais d’abord, je ne suis pas un historien. J’écris une histoire qui se passe dans l’Histoire, comme tout écrivain (à part en science-fiction, et même là on est obligé en amont de créer l’Histoire). Il n’y a pas de dialectique entre La Prière du Maure et l’Algérie d’aujourd’hui. Ensuite, bien sûr, il y a des lectures, des interprétations. Ce texte est un moment à moi, et il se trouve par hasard que je suis Algérien et que je vis ici. J’aime cette expression qui dit qu’un texte doit tenir debout tout seul. Exister d’abord en tant que texte.
Le polar, un choix réfléchi ? Est-il le genre absolu pour parler d’une société et de ses travers, de ses aspects les plus sombres ?
Est-ce que La Prière du Maure est réellement un polar ? Pour moi c’est un poème, une prière, la dernière, la prière du mort. J’emprunte des codes au polar pur et dur pour justement, comme vous dites, explorer l’obscur, la marge, ce que les historiens ne retiendront pas : ce que la guerre fait aux hommes. Comment moi, maintenant, à 35 ans, je ne peux plus vivre comme j’aurai vécu si la violence et l’assassinat industriel des années 1990 n’avait pas été enclenchés. Ces codes permettent de poser les bonnes questions, chercher des réponses qui deviennent fatales. Et du coup, l’impossibilité de l’enquête renseigne sur un état d’esprit plus général : l’impunité, le déni de justice et plus loin, notre propre statut d’êtres humains face à la bête immonde qui est en nous. Il n’y a que le sexe et la mort qui questionnent : ils s’attaquent aux deux plus grandes subversions salvatrices de l’homme. Exactement ce qui nous dépasse et ce qui nous fait. Ce que nous sommes sans tricheries.
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La Prière du Maure, d’Adlène Meddi, éditions Jigal, 176 pages, 15 €
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Rampfer. Rampfer a dit: Alger la noire, à lire sur le blog polar de Slate : https://blog.slate.fr/mauvais-genre/2010/05/17/alger-la-noire/ […]
SANS INTERET
Le port du voile : la pudeur par excellence.
Concernant les interventions de certaines lumières sur le port du voile, je demande juste d’ouvrir une parenthèse pour une remarque assez pertinente.
Je suis Professeur agrégé dans les religions monothéistes et , j’interviens me basant sur mon modeste capital de connaissances.
En philosophie , il est dit qu’il faut connaître beaucoup pour enseigner peu ! Or ce à quoi nous assistons c’est à lynchage systématique à l’encontre des gens du LIVRE qui nous sont pourtant proches. Il est évident que je fais allusion à nos frères de confession Musulmane.
Ce qui est ridicule à lire, c’est que l’organisation, fort respecteuse du reste : NI PUTES NI SOUMISE s’arroge le droit de porter un jugement sur un des fondements de l’Islam. Je ne vous cacherai pas que lorsque j’entends le nom de cette association , je ne peux m’empêcher d’imaginer des partouzes en groupes s’appliquant à parfaire les actes que je ne citerai pas par pudeur !
Cette association est le reflet de notre société qui va à la dérive.
La vérité est blessante à dire mais, il faut la dire !
Nous avons été élevés ,par ceux qui ne plus plus de ce monde, dans le respect strict, le respect absolu alors que, ce à quoi nous assistons de nos jours, c’est la banalisation du libertinage outrancier fait que nous apprenons avec un pincement au coeur ce qui se passe dans certains foyers : la maman qui bécotte avec son amant devant le mari surexcité , devant les filles qui se baladent en string et sans aucune pudeur devant des amis de la famille, l’enfant qui confie à sa maman , sans honte ni pudeur qu’il est amoureux de son copain de classe ou alors que la fille est lesbienne et là, tout le monde applaudit.
Dans la république actuelle, nous traitons de tous les mots et de tous les maux les filles Musulmanes qui ont de la pudeur à en revendre.
Je les admire pour leur FOI inébranlable malgré le lynchage médiatique qui devient en fin de compte harassant.
Et, le comble des combles , nos représentants politiques ou de partis, parlent et dissertent sur l’Islam comme s’ils connaissaient peu ou prou de la 3°religion révélée.
Une aberration qui s’ajoute à tant d’autres dans une société où le charme et l’éducation légués par nos parents relèvent d’une période révolue.
J’en suis malade.
Que le Seigneur nous ramène dans le droit chemin.
Amen !
Quel rapport avec une interview d’un écrivain ? Je n’en vois aucun, mais je n’aime pas la censure, donc je laisse ce commentaire qui n’engage que son auteur…
Hello, Je passe régulièrement ici et je suis sous le charme de cette page. D’habitude je lisais en diagonale pour aller directement au sujet principal, par contre sur cette page, c’est d’une différence flagrante. Je vais le mettre sur mon mur facebook. Je n’ai pas attendu pour ajouter ce site à mes favoris! Bye Bye.
It’s topics like these that make me sit and think – makes me ponder, “this can’t be true, can it?