Après deux jours et demi de dédicaces, conférences, débats et rencontres, le Palais du Commerce a fermé ses portes aux lecteurs de polars le 11 avril. Cette sixième édition de Quais du Polar est une réussite affirment les organisateurs, qui annoncent le chiffre de 32 000 visiteurs, soit une fréquentation en hausse de 7 %, qui prouve, mais cela n’était pas vraiment nécessaire, que le roman noir, policier, thriller ou comme vous voudrez bien le nommer, est au mieux. Je ne vais pas revenir ici sur les raisons du succès du (mauvais) genre, mais plutôt vous donner mes impressions après ce week-end de pérégrinations entre les stands.
Premier constat : les poids lourds attirent toujours du monde. Je vous l’avais écrit dans le post précédent, Maxime Chattam n’a pas arrêté de signer ses livres. Son compère de la Ligue de l’Imaginaire, Henri Loevenbruck idem. Plusieurs longues files d’attente tendaient aussi à prouver que le public lyonnais est fin connaisseur. Don Winslow a vendu tous les exemplaires de son excellent La Griffe du Chien (Points Policier) en moins de 24 heures et a trouvé le temps de discuter longuement avec ses lecteurs, ravis. Deon Meyer, outre la récente sortie de son dernier roman, 13 Heures (Seuil), en a profité pour parler de son pays, l’Afrique du Sud, Coupe du Monde de football oblige. Craig Johnson n’a pas quitté son chapeau de cow-boy et n’a pas lâché d’une semelle (de bottes) son éditeur, Olivier Gallmeister. Lalie Walker et Bob Garcia ont pu, entre deux séances de dédicaces, partager leurs mésaventures (l’une est attaquée par le Marché Saint-Pierre, l’autre par les héritiers d’Hergé). Mo Hayder a tenté tant bien que mal d’éviter les photographes durant ses interventions. Les filles de Sonatine, qui accompagnaient Tim Willocks, ont pu mesurer combien la jeune maison d’édition créée par François Verdoux avait le vent en poupe. Ingrid Astier et Dominique Manotti ont prouvé que les femmes ont pris le pouvoir dans la Série Noire.
Le tout dans une bonne ambiance, ponctuée par des repas et des soirées, parfois un peu arrosées, partagés entre auteurs, bénévoles et journalistes. L’occasion de faire des rencontres, de partager ses expériences et de s’entretenir dans un cadre informel avec les plus grands écrivains du moment. Tim Willocks est de ceux-là. L’auteur de La Religion et de Green River n’a pas chômé, entre l’enregistrement de l’émission de France Culture Mauvais Genres et la présentation d’un tableau au musée des Beaux-Arts (Bethsabée au bain, de Véronèse) – une initiative originale au cours de laquelle un écrivain explique au public ce que cette oeuvre lui inspire -, il a tout de même trouvé le temps de s’attarder avec son ami Don Winslow. Ce dernier, sorte de Roberto Saviano (l’auteur de Gomorra) gringo tant la ressemblance entre les deux est frappante (ou est-ce l’inverse, Saviano ne serait-il pas le Winslow italien ?), s’est montré disponible et partant pour tout et il a enchainé les interviews (à suivre prochainement dans un futur post, l’entretien qu’il m’a accordé).
Le public, s’il a quasiment envahit les salles de conférences, a cependant moins acheté d’ouvrages du fonds pour se ruer sur les nouveautés aux dires des libraires. Sans doute un effet de la crise. Mais il a participé en masse, plus de 3 500 personnes ont endossé le costume de détective, à la grande enquête organisée dans toute la ville. Quais du Polar est aussi l’occasion de remettre des prix. Le Point décerne ici traditionnellement sa récompense pour le meilleur polar européen. Cette année, c’est un Français qui l’emporte : Pierre Lemaïtre pour Cadres Noirs (Calmann-Levy). Le prix des lecteurs Quais du Polar/20 Minutes lui est allé à Antoine Chainas pour Anaisthésia (Série Noire). Le prix Experience/Evene de la BD revient à Chabouté pour Terre Neuvas (Vents d’Ouest).
La prochaine édition se prépare déjà et, confidence des organisateurs, il semblerait qu’un rapprochement avec le festival du film policier de Beaune soit à l’étude. Ce dernier se déroulait aux mêmes dates, au grand désespoir des amateurs de noir, qui ne pouvaient se couper en deux et ont dû faire l’impasse sur l’une des manifestations. Vivement l’an prochain.
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Photo : Paolo Bevilacqua. Tim Willocks et Don Winslow, pause-café en terrasse, sous l’oeil attentif de Deon Meyer.