Level 26, polar 2.0

Vous aviez l’habitude de lire des polars ? Et bien cliquez maintenant. Tel pourrait être le slogan de Level 26. Publié chez Michel Lafon le mois dernier, ce roman entend révolutionner le genre policier. Rien que ça. Il faut dire que son auteur, Anthony Zuiker, n’est autre que le créateur de la série Les Experts (CSI : Crime Scene Investigation, en version originale). Alors, véritable révolution ou coup marketing ? Les deux mon capitaine, ai-je envie de répondre.


Le concept est alléchant et intéressant. Vous achetez le livre et, toutes les 20 pages environ (c’est-à-dire tous les deux ou trois chapitres), un code apparaît. Vous le rentrez sur le site associé au livre pour avoir accès à des vidéos de trois minutes réalisées par Zuiker en personne.

Le but est de prendre le lecteur traditionnel de polar et de lui demander de consommer le livre différemment avec des visuels de haute qualité. Il s’agit d’impliquer la génération YouTube qui ne lit pas vraiment”, expliquait-il dans Libération il y a quelques mois.

Outre ces minis épisodes, “des ponts numériques”, selon l’auteur, le site officiel du livre permet à chaque lecteur de s’inscrire (mais que vont-ils faire de toutes ces données personnelles, monsieur le policier scientifique Grissom ?), de participer à une communauté baptisée les 26ers, à des forums et à des textes complémentaires. Bref, un produit hybride qui semble parfaitement adapté à l’iPad d’Apple… S’il n’est pas obligatoire de se connecter pour suivre la trame du roman, qui peut être lu de manière classique, je vous conseille tout de même d’y aller au moins une fois. Le site est une véritable extension interactive (la première du genre ?), avec des bonus classiques, making-of, blog de l’auteur, etc.

Mais ce n’est pas tout. Level 26 est bel et bien une expérience littéraire (et noire) inédite. Outre le papier classique et le site gratuit, un pack audiovisuel payant (25 €) est disponible, édité par Penguin Group, dans lequel se nichent une version CD lue par le comédien John Glover (plusieurs fois nommé aux Emmy Awards), mais aussi un DVD interactif avec les vingt vidéos du site qui s’affichent automatiquement, des scènes supplémentaires, des photos du tournage et une série d’illustrations originales réalisées par Marc Ecko. Plusieurs versions pour eBooks sont bien sûr disponibles, ainsi qu’une application iPhone, un peu chère (10,49 €), qui contient aussi bien le texte que toutes les vidéos.

Passons aux choses sérieuses maintenant. Ce roman, car malgré tout, Level 26 reste une oeuvre de fiction, un polar “à l’ancienne”, est-il bon ? Bof… Voici l’intrigue : Les policiers du monde entier répartissent les criminels sur une échelle de 1 à 25, selon leur dangerosité. Un tueur, baptisé Sqweegel, échappe à cette classification. Cruel à l’extrême, insaisissable, sévissant sur tous les continents, il ne connaît aucune limite ni aucun mode opératoire de prédilection : c’est le niveau 26. Un seul homme peut l’arrêter. Il s’appelle Steve Dark, mais depuis que ce monstre a massacré sa famille, il s’est juré de cesser de traquer les psychopathes. Bientôt, pourtant, il n’aura plus le choix. Voilà pour le premier volume de ce qui est annoncé commeune trilogie racontant le combat de ce criminel particulièrement cruel contre un agent du FBI. Rien de plus classique. Et surtout, les clichés fusent, les personnages, notamment féminins, frisent la caricature, et le style laisse souvent à désirer.

Pas étonnant quand on sait qu’Anthony Zuiker affirme :

“je n’ai pas la patience de lire un roman de 250 pages jusqu’au bout.”

Ni de l’écrire vraiment d’ailleurs. Car en réalité, il s’est contenté de rédiger un plan détaillé de 60 pages et c’est Duane Swierczynski qui en a fait un roman d’une banalité confondante. Et je suis gentil comparé à la critique du quotidien USA Today. “Digitale ou non, l’histoire n’est pas digne d’un roman”, assène Bob Minzesheimer. Malgré tout, l’expérience vaut d’être vécue, si on ne se contente pas que du texte. Tout l’intérêt réside dans l’interactivité, dans cette nouvelle manière de lire, multisupports. Ne cherchez pas ici le prochain polar de l’année, juste un livre à avoir dans sa bibliothèque, pour pouvoir dire plus tard, “j’ai le premier polar 2.0 jamais publié.” A mon avis, avant les deux prochains tomes, il est à parier que Level 26 ne se transforme en série télévisée ou en film.

On est loin, comme veut le faire croire l’éditeur français, du premier volume d’une trilogie qui détrônera Millenium“Le livre vous arrachera des cris d’horreur. Les séquences vidéos vous feront dresser les cheveux sur la tête. Et si le site internet vous demande votre numéro de téléphone, il est possible que l’assassin vous appelle”, écrit Anthony Zuiker sur son blog. J’ai envie de lui répondre : même pas peur !

2 commentaires pour “Level 26, polar 2.0”

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