Lucie, Lucie dépêche-toi !

Lucie a 17 ans. Comme elle s’amuse à le dire elle-même, elle est “rousse, myope, alsacienne et fille unique”. Mais Lucie est bien plus que ça. Elle est l’une des septs lauréates du Prix Clara et elle est particulièrement talentueuse. Sa nouvelle intitulée « Héritage » raconte la visite en prison de Blanche à son père, condamné à perpétuité pour meurtre,  et qu’elle ne connaît pas. Une écriture redoutable, à tous les sens du terme. Lisez cette interview, et retenez bien ce nom, Lucie Heiligenstein : à coup sûr, vous le retrouverez sans tarder couché sur une couverture. Il y a au fond de cette jeune fille une urgence à écrire, alors, comme le dit la chanson, ” Lucie, ne t’arrête pas…”

Lucie portrait

                                                          Lucie Heiligenstein. Photo : G.Cambon

Qu’est ce qui t’a inspiré cette nouvelle ?

Ce sont deux romans d’Amélie Nothomb qui m’ont influencée pour écrire « Héritage » : il s’agit de Métaphysique des tubes et des Catilinaires. Du premier j’ai tiré le thème du dégoût, fruit de la rencontre entre Blanche et son père et l’un des éléments les plus importants dans mon histoire. Dans Métaphysique des tubes, ce dégoût est présent dans la scène de l’étang, passage dans lequel la jeune Amélie se voit attribuer la mission de nourrir les carpes japonaises qu’elle a reçues en cadeau ; jour après jour, elle subit ce moment comme une torture, jusqu’à ce que les gueules immenses sortant de l’eau et lui exposant leur tube digestif sans aucune retenue ne lui donnent des envies de suicide tant elles la répugnent. Dans Les Catilinaires, j’ai été touchée par le personnage d’Émile qui ne semble pas se connaître lui-même et ai repris cette caractéristique pour mon héroïne ; comme lui, ce n’est qu’à la chute du récit que Blanche ne comprend véritablement ce qui se cache en elle. J’ai repris la dernière phrase du roman, « Je ne sais plus rien de moi », et l’ai transformée en « Plus jamais elle ne serait Blanche ».

Que t’apporte l’écriture ?

On voit parfois l’écriture comme un espace de liberté totale, dans lequel on décide du destin de chacun des protagonistes ; mais généralement, le maître n’est pas celui qui rédige. J’ai souvent l’étrange impression qu’après avoir été écrites, les idées évoluent et suivent leur cours de manière indépendante. L’écriture m’apporte donc la rencontre avec des personnages, des lieux, des événements, dont je ne connais pas l’origine exacte, et qui, pourtant, ont d’abord pris forme en moi.

Où écris-tu ?

J’écris presque toujours en deux phases : la phase de recherche et celle de rédaction. Durant la première, j’écris dans un carnet (j’en suis déjà à mon septième…) : je cherche des idées, je n’hésite pas à coucher sur le papier absolument tout ce qui me vient, même les choses les plus farfelues (c’est d’ailleurs généralement celles qui me plaisent le plus !), je sélectionne, je construis un plan. Durant cette phase, je peux écrire dans mon lit, au CDI, dans le train ;  en fait, presque n’importe où, tant que personne ne fait attention à moi. La phase de rédaction est assez explicite ; c’est celle où mon plan manuscrit se transforme en phrases tapées sur le clavier de mon magnifique ordinateur portable au clavier rose reçu à Noël dernier. Là, je préfère être tranquille chez moi ; mais le TGV (surtout les trajets interminables de cinq heures) me convient aussi ; la seule condition essentielle pour que je puisse écrire est d’avoir de la musique dans les oreilles.

As-tu un rêve d’écrivain, lequel ?

Si par « rêve d’écrivain », vous me demandez quel genre d’écrivain je rêve d’être, j’ai bien du mal à répondre. Je viens à peine de commencer mon premier roman, je ne suis donc qu’au tout début de ma possible carrière. Pour l’instant, je me plonge dans la science-fiction ; mais comme pour mes lectures, presque tous les genres littéraires m’attirent. Devenir un auteur touche-à-tout, mélangeant tous les styles qu’il apprécie pour créer son propre univers, tout à fait unique, serait certainement quelque chose d’extraordinaire.

 Quel livre t’a le plus marquée dans ton enfance ?

Comme beaucoup de jeunes de ma génération, mon enfance a été profondément marquée par la saga Harry Potter. J’ai découvert le premier tome lorsque j’avais dix ans et, même si j’avais déjà lu de nombreux livres, c’est l’œuvre littéraire qui m’a le plus secouée. C’est extrêmement rare qu’un livre vous fasse en même temps franchement rire, frémir de peur, et vous donne des crises de larmes durant des heures entières, ce qui m’est arrivée durant la lecture de la série. J’admire énormément J.K. Rowling et son univers si riche, même lorsque l’on se détache de l’histoire des personnages principaux ; comme J.R.R Tolkien, elle a réussi à créer un monde en entier, dans lequel les sorciers vont à Poudlard, se promènent à Pré-au-Lard, font leurs achats sur le Chemin de Traverse et collectionnent les Chocogrenouilles. J’ai bien-sûr rêvé, comme des milliers d’enfants, de m’exercer un jour au Quidditch en montant un balai magique ; et, évidemment, j’ai déjà essayé de fixer mon stylo en lançant un énergique « Wingardium Leviosa ! », même si ce dernier a obstinément refusé de léviter.

Qu’écris-tu en ce moment ?

En ce moment, comme ce sera sans doute le cas durant plusieurs mois, je travaille sur deux projets à la fois. Le premier est le plus vaste que j’ai jamais entrepris ; j’ai enfin commencé l’écriture d’un roman de science-fiction, dont j’ai inventés les personnages lorsque j’étais en Seconde. Je sais que ce sera un travail d’endurance et, pour ne pas me décourager, je continue à rédiger des nouvelles pour des concours entre deux chapitres. La prochaine sera sur le thème de la lumière.

 

Propos recueillis par SB

Un commentaire pour “Lucie, Lucie dépêche-toi !”

  1. Cet interview m’a vraiment donné envie de lire Héritage le livre d’une jeune fille de 17 ans, moi qui en ai 50 de plus!!! Je suis fasciné qu’une personne si jeune puisse écrire sur un sujet qui réclame en général un peu…voire beaucoup de vécu. Merci pour avoir partagé cette découverte.

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