La visite de Jennifer Preston, la «social media editor» du New York Times, à Columbia était aussi intéressante que frustrante: à la fin de sa présentation ET d’une session de questions/réponses, je n’avais toujours aucune idée précise de ce qu’elle faisait à son poste et de ce qu’était un «social media editor».
Depuis, je vois un peu partout naître des «social media editors», des «engagement editors», des «social media managers» et des «community editors». Bien décidée à comprendre ce que tous ces longs titres signifiaient réellement, j’ai interviewé plusieurs d’entre eux à des postes très différents: une «social media editor» qui ne s’occupe que d’une rubrique dans un grand journal, une «social media desk assistant» pour une émission de la télévision publique américaine et son boss, le «Directeur de la communication digitale» au siège de cette télé, et le «manager des médias sociaux et partenariats digitaux» dans l’équipe marketing d’un autre journal national.
Premier constat, s’il y a autant de termes pour définir ces postes en charge des médias sociaux dans les médias, c’est que, contrairement aux rédacteurs en chef et autres reporters, les médias sociaux ne sont pas encore assez installés dans les rédactions américaines pour avoir créé des normes dans leurs organigrammes. Si la compagnie est très impliquée dans les médias sociaux, on pourrait y trouver des «community managers», des «engagement managers» et un «social media editor» en charge de la stratégie à plus long terme par exemple. Mais si le média commence tout juste à s’intéresser officiellement aux médias sociaux, il peut n’y avoir qu’un seule «social media manager».
L’exemple PBS
Prenez PBS, le réseau de télévisions public à but non lucratif. La chaîne a une quarantaine d’émissions syndiquées et plus de 350 stations locales dans tous les Etats-Unis, mais Kate Gardiner est la première, et pour l’instant la seule, journaliste à s’occuper uniquement des médias sociaux pour une émission. Depuis février 2010, elle est «social media desk assistant» pour PBS Newshour, un magazine d’actualité qui existe depuis 1975.
En décembre 2009, le show a décidé de former une rédaction intégrée, fusionnant son équipe digitale et son équipe télé. «L’équipe télé n’avait pas le temps de s’occuper des médias sociaux, et l’équipe qui s’occupait des partenariats en ligne n’avait pas le temps de réfléchir à des façons d’amener le public à regarder ce qu’on faisait sur notre site», explique Kate Gardiner.
Quand le management s’est mis à regarder de plus près les chiffres d’audience en ligne et s’est aperçu que celle-ci était bien plus réduite que ce qui pouvait être espéré vus les chiffres d’audience télévisuelle, Kate Gardiner s’est retrouvée à son nouveau boulot.
Elle passe la journée sur Facebook et Twitter à chercher à attirer les spectateurs télé en ligne et à atteindre une nouvelle audience, plus jeune que la cible actuelle de l’émission. «Le truc qui est bien dans ce boulot, c’est qu’à chaque fois que je pense à quelque chose, je peux au moins l’essayer». Elle liste ses exemples: des alertes Google sur tous les présentateurs et les segments de NewsHour, des demandes de «feedback» aux fans Facebook sur ce qu’ils voudraient voir couvert, ou un récent partenariat avec le site geek populaire Gizmodo pour atteindre un public plus scientifique.
«Pas besoin qu’ils deviennent le Ashton Kutcher de NewsHour»
lire le billetMardi 9 mars, mon prof de réseaux sociaux Dean Sree Sreenivasan a invité Janis Krums à l’école. Janis Krums vous le connaissez tous, c’est l’auteur de la première photo du crash sur la rivière Hudson.
Prise sur son iPhone, et déposé sur Twitter via TwitPic, la photo vient de remporter le prix de «Photo en temps réel de l’année» aux Shorty Awards, une cérémonie entièrement dédiée à Twitter pour honorer «les meilleurs producteurs de court contenu en temps réel». Janis Krums a gagné son prix le trois mars, le même jour où le capitaine Sully, qui avait réussi à amerrir l’avion sans aucun mort, annonçait sa retraite.
Janis Krums était sur un ferry qui relie New York au New Jersey le 15 janvier 2009, en train de jouer avec son téléphone, quand il a entendu le capitaine dire «il y a un avion devant nous, on part à leur secours».
«Je pensais que c’était un petit avion», se souvient-il, «on ne s’attendait pas à un Airbus!» Il a pris la photo de l’intérieur du ferry (d’où les traces de saleté sur la photo) quelques secondes avant que le bâteau ne s’arrête près de l’avion pour embarquer les passagers.
«Je me suis dit “C’est un évènement assez unique, ça se tweete”, et puis ensuite je n’y ai plus pensé. J’ai donné mon téléphone à un des passagers pour qu’il puisse appeler sa famille, et quand je l’ai récupéré, j’ai reçu un appel de MSNBC qui me disait “Est-ce que vous pouvez être live dans 25 secondes?”»
«Je ne sais pas comment mais ils me suivaient déjà sur Twitter et ils me voulaient dans leur émission». Le soir-même, il participait au Rachel Maddow Show, un talk populaire aux Etats-Unis.
Janis Krums était alors inscrit sur Twitter depuis six ou sept mois. Après avoir laissé son compte dépérir, il s’était finalement mis à utiliser le service deux ou trois mois avant l’accident pour se tenir au courant de l’actualité, en particulier technologique, et postait tous les jours.
Sa Twitpic a été rapidement retweetée, quelqu’un l’a postée sur Flickr (ce qui s’est avéré utile puisque Twitpic a crashé), et les sites d’infos, chaînes de télévision, et journaux papiers l’ont reproduite, sans le payer.
«A partir du moment où je l’ai tweetée, elle est devenue de domaine public», explique-t-il, «TwitPic n’a pas de règles par rapport à ça». Il est allé enregistré son copyright le lendemain, effectif quelques jours plus tard, ce qui lui a permis de faire de l’argent quand Oprah Winfrey ou Apple l’ont contacté.
Il garde plutôt un bon souvenir du cirque médiatique qui a suivi sa photo, notant que les journalistes commençaient toujours par lui parler du sauvetage avant de passer à Twitter. Même s’il considère qu’il a été «journaliste-citoyen d’un jour», l’expérience ne lui a pas pour autant donné envie de devenir journaliste plutôt qu’entrepreneur.
Des étudiants pas convaincus
lire le billetUn des thèmes les plus abordés dans mes cours d’entrepreunariat, de réseaux sociaux, et par les nombreux invités qui passent à l’école, c’est l’idée qu’on a envie de lire ce que nos amis nous suggèrent.
Peut-être que vous avez fait (ou faîtes encore?) partie des lecteurs qui aiment découper leurs articles préférés pour les ramener chez eux et les afficher dans leur chambre ou les faire lire à leur famille, ou peut-être abusez-vous du bouton «envoyer cet article par email» sur tous les sites d’infos.
Personnellement, je me suis aperçue que j’avais arrêté de lire mes flux RSS pour ne plus me satisfaire que de Twitter, Facebook, et de mes sites préférés pour me tenir au courant de l’actualité. (Depuis que j’ai commencé ce blog, je me suis remise aux liens RSS. Twitter me sert d’entrée dans l’info du jour mais je l’utilise aussi pour suivre des amis, Facebook m’offre des trouvailles d’actu mais je m’en sers plutôt pour un usage personnel, tandis que mes liens RSS forment une page entièrement dédiée à ce qui se passe dans les nouveaux médias.)
Recherche sociale
On a beaucoup parlé de Google Buzz ces dernières semaines, mais la version publique de Google Social Search, lancée un peu plus tôt sans trop de fanfare, est beaucoup plus impressionnante: quand vous avez besoin d’information, vous tapez quelques mots clés dans le moteur de recherche; sauf qu’en plus des résultats habituels (news, photos, pages webs et — depuis peu — derniers tweets), Google propose également des résultats tirés de votre réseau, affichés en bas de la première page. Votre réseau est automatiquement défini par vos contacts gmail, comme Buzz, et vous pouvez y ajouter votre compte Twitter ou Friendfeed.
Il s’agit carrément de considérer vos connaissances comme vos sources d’informations: si j’hésite à louer un film, en plus des critiques et de la page Wikipédia qui lui est dédiée, je verrai le post de Charlotte qui l’a démonté méthodiquement sur son blog, et celui de Luisa qui l’a défendu. «Ce n’est que la première étape d’un effort continu pour que la recherche web Google soit toujours aussi sociale que le web lui-même», expliquait l’entreprise sur son blog. Tout est dit. Google n’est pas en compétition avec Twitter, mais en compétition avec le web même. Et Facebook l’est tout autant.
Facebook comme source de trafic pour les sites d’infos
lire le billetAprès les dix commandements des pros pour lancer votre site d’infos, je voulais partager avec vous les conseils de Sree Sreenivasan, mon prof de réseaux sociaux, sur la meilleure façon d’utiliser Twitter en tant que journaliste. Sauf que voilà, je ne suis pas sûr que ces conseils s’exportent de votre côté de l’Atlantique. Twitter aux Etats-Unis et Twitter en France, c’est à peu près aussi différent que le journalisme aux Etats-Unis et le journalisme en France.
D’abord pour des questions d’audience. D’après un récent rapport de Sysomos, qui a analysé 13 millions de comptes Twitter en activité entre le 16 octobre et le 16 décembre 2009, plus de la moitié de ces comptes (50,8%) appartiennent à des Américains. Avec 0.98% de comptes, la France se classe 13e pays utilisateur de Twitter. (Derrière les Philippines, le Mexique, l’Indonésie…)
Pour leur étude, les chercheurs de Sysomos ont intégré tous les comptes Twitters qui avaient émis des messages au moins deux fois pendant ces deux mois. Les dirigeants de Twitter refusent de donner leurs chiffres, mais d’après Sysomos, il y avait donc 13 millions de comptes Twitter actifs à la fin de l’année dernière.
Ce n’est pas parce que 50% des comptes Twitters appartiennent à des Américains que 50% des Américains ont un compte Twitter, ou même savent ce qu’est Twitter — à part un truc sur lesquels les journalistes s’excitent.
En octobre 2009, le Pew Internet Project actualisait son étude sur Twitter en annonçant que 19% des internautes américains utilisaient Twitter ou un autre outil en ligne pour actualiser leur statut (en décembre 2008, ils étaient 11%). L’étude a ses limites, reconnues par les chercheurs de l’institut, puisque la question posée est «Avez-vous utilisé hier Twitter ou un autre service pour actualiser votre statut ou regarder le statut d’autres personnes?» Même si Facebook fait l’objet d’une question différente, les personnes interrogées peuvent très bien répondre «oui» s’ils ont actualisé leur statut Facebook, Yammer ou même Gchat.
Même si l’on ne peut pas considérer Twitter comme «mainstream» aux Etats-Unis — où le réseau bénéficie tout autant qu’en France d’un effet de chambre d’écho médiatique — l’outil est davantage rentré dans les moeurs américaines que françaises. Présentateurs vedettes de talk shows et autres stars ont tous leur compte, alors qu’en France…
Sans importance? Mais l’une des principales critiques françaises contre Twitter est que ce n’est qu’un outil utilisé par les journalistes et les geeks, et que le grand public s’en fout totalement. Mais prenez un passionné américain de la série Glee. Tout ce qu’il veut, c’est connaître l’actualité sur sa série préférée, peu importe l’outil: fan page Facebook, blogs, sites… ou Twitter, où il pourra suivre le compte officiel de la série, celui de tous les acteurs, et des critiques TV qui lui révèleront régulièrement les derniers potins.
Dans son coming-out anti-Twitter, Titiou soulevait (entre autres) le problème d’un service d’information en temps réel qui serait surtout utile aux utilisateurs si l’info était locale. «Par exemple, si toutes les écoles avaient un compte twitter, elles pourraient tenir informés les parents d’élèves de l’absence des professeurs au jour le jour. De même, le twitter de la ligne de métro 7 aurait pu me prévenir que les trains ne s’arrêtaient pas à la station Opéra jeudi matin.»
Mais aux Etats-Unis, c’est exactement ce que Twitter fait.
lire le billetA la suite de mon article sur les sites d’information hyperlocale qui se lancent actuellement aux Etats-Unis, PEG me reprochait de ne pas avoir parlé de startups comme Outside.in. J’avais laissé de côté ce site — et Everyblock — parce que ce sont des aggrégateurs d’infos hyperlocales, sans rédaction interne, mais les remontrances de PEG ont été entendues: le président d’Outside.in était l’invité de la cinquième leçon d’entrepreunariat des médias menée par Ken Lerer, co-fondateur du Huffington Post.
Steven Johnson a écrit cinq livres dont quatre se concentrent sur la façon dont les nouvelles technologies changent notre cerveau et nos pratiques sociales, a créé FEED et Plastic.com, et fait la une de Time magazine en juin dernier avec un article sur Twitter (il y prédisait que Twitter bouleverserait Google et la recherche en général en y ajoutant le web en temps réel).
En 2005, alors qu’il travaille de chez lui sur un livre, Johnson se rend compte qu’il obtient «beaucoup plus d’informations sur Brooklyn grâce à The Brownstoner que grâce au New York Times», explique-t-il.
Pour satisfaire son appétit, il se met à suivre dix blogs locaux, en sentant que de plus en plus de blogs naissaient, et qu’il allait devenir difficile de tous les lire. Les blogs étaient organisés chronologiquement, du plus récent billet au plus daté, «mais moi je ne voulais pas nécessairement l’article le plus récent, je voulais savoir ce qui se passait le plus près de chez moi».
Au même moment, Google publie l’API des Google Maps, permettant au grand public de créer des mashups, c’est-à-dire à utiliser Google Maps et des données extérieures pour créer de nouveaux objets (que ça soit «Les meilleures bagels de Brooklyn», «Les vols à main armée dans le Bronx», etc).
«Quelqu’un peut désormais organiser tous ces posts de blogs autour d’une application géographique» se dit-il alors. Steven Johnson, qui à l’époque aimait bien sa vie d’écrivain, ne se voyait pas lancer une boîte. Mais alors qu’il mentionne l’idée à un ami, celui-ci s’exclame: «Super! Je te donne 50 000 dollars, fonce.» (Et c’est là qu’on aimerait bien avoir les mêmes amis que Steven Johnson).
Le prototype d’Outside.in a été construit en trois mois pour 25.000 dollars. «Si on avait voulu le faire quatre ou cinq ans plus tôt, ça nous aurait coûté 50 millions de dollars à cause de toute cette application géographique à développer».
La géolocalisation
«Si vous réfléchissez au type de recherches qu’on fait constamment (où est le pressing le plus proche? Que penser des écoles du quartier? etc), on filtre notre environnement géographiquement». Il s’agissait donc de faire d’Outside.in un aggrégateur géographique intelligent.
Outside.in a commencé à l’ancienne: «une armée de hipsters» — jeunes gens branchés aux goûts vestimentaires contestables — assignait manuellement des emplacements aux billets de blogs locaux. Au bout d’un an, l’armée avait compilé une bonne base de données qui reliait des morceaux de textes à des emplacements géographiques.
La start-up s’est ensuite servie d’algorithmes de détection d’emplacements pour que les ordinateurs utilisent ces données récoltées et puissent, de là, faire le reste automatiquement. Le système est en permanence peaufiné pour éliminer les erreurs qui naissent de cet automatisme.
Quelle différence avec les alertes google, a demandé un élève?
lire le billetAu début de la semaine, les blogueurs américains se sont beaucoup moqués de Rupert Murdoch lorsqu’il a annoncé dans une interview à Sky News qu’il comptait ne plus faire référencer ses sites par Google. Mais un blogueur soutient au contraire que Murdoch a tout compris: il affirme que Twitter dépasse Google dans les endroits où trouver des infos qui viennent de sortir, que Twitter, avec ses 140 caractères, ne représente aucune menace pour les sites d’information, et permet en plus à ces sites de faire parvenir les news directement à ses lecteurs. «Devoir chercher et trouver ses news via des moteurs de recherches, c’est tellement 2008».
Cet épisode était l’introduction parfaite à la quatrième leçon d’entrepreunariat de Ken Lerer du Huffington Post, sur la «social distribution in real time». Il a invité John Borthwick, le PDG de Betaworks, une entreprise qui investit dans des start up de médias sociaux (Twitter, Bit.ly, Tweetdeck, Outside.in, Tumblr), à venir nous parler du «Web en temps réel» et des médias sociaux.
«Nous sommes dans une étape similaire à 1995», affirme John Borthwick, «nous sommes en train de repenser le web». Après les portails puis les moteurs de recherches, il estime que les médias sociaux en temps réel sont les prochains outils dominants du web. «Je ne dis pas que la recherche va disparaître, mais que les médias sociaux viennent s’y ajouter».
Rien de révolutionnaire dans le fait de souligner l’importance de Twitter et Facebook? Pour Borthwick, la page web telle qu’on la connaît est en train de disparaître. «Elle est atomisée et l’info va être représentée à la place par des flots de données». Rappelant les nombreuses métaphores qui peuplent notre utilisation du web («page», «marque-page», «architecture», «navigation»), il estime que «la métaphore de la page nous a amené jusqu’à un certain stade, et maintenant elle se dissout», pour laisser place aux flots.
La lenteur de Google
«Google parcourt les plus gros sites d’infos toutes les trente secondes, les blogs tous les deux ou trois jours, le web toute les trois semaines. Donc vous pouvez trouver un lien super sur Twitter qui vous pointe vers une page quelconque. Si vous faites une recherche, la page n’est pas encore en haut des résultats Google parce que Google ne promet pas l’immédiat mais le long terme, la croissance organique», explique John Borthwick.
Avec l’arrivée de Facebook et surtout de Twitter, qui permettent de répandre l’information immédiatement, la donne change. «On pensait qu’on pouvait tout trouver avec Google, mais depuis que les gens veulent trouver “là, tout de suite”, on se rend compte que ce n’est pas le cas».
Même si John Borthwick ne voit pas les moteurs de recherche disparaître, il croit résolument que les médias sociaux qui distribuent l’info en temps réel vont prendre de plus en plus d’importance.
Et les médias dans tout ça?
lire le billetJennifer Preston est professeure à mi-temps à Columbia quand elle n’est pas occupée au New York Times par ses fonctions de social media editor. Cette semaine, elle est venue rencontrer les étudiants qu’elle n’a pas en cours pour une session de questions-réponses.
Avant de devenir «social media editor», Jennifer Preston a travaillé à Newsday, puis au New York Times où elle a été journaliste et chef des éditions hebdomadaires régionales du journal. Elle a pris son poste fin mai 2009 (quelques semaines après une réunion censée être privée et interne a été copieusement live-tweetée par plusieurs journalistes).
Sur son boulot au New York Times
«Je suis la première social media editor du journal, mais ça ne veut pas dire que le New York Times n’a pas été actif dans ce domaine depuis quelques années. Avant que je ne prenne mon poste, on avait déjà un demi-million de fans sur Facebook, et plus de 200 reporters, chefs de rubriques, blogueurs, techos, etc… Et la semaine dernière, on a dépassé les 2 millions de followers sur Twitter.
On m’a proposé ce poste parce que j’ai travaillé longtemps dans la rédaction, je connais beaucoup de gens. Une de mes responsabilités est de persuader les autres journalistes de tester les outils sociaux. Ça a été très facile d’ailleurs, parce que tout le monde se rend compte du pouvoir de ces outils.
Les journalistes peuvent venir me voir quand ils ont des problèmes ou des questions concernant les médias sociaux, mais mon job ce n’est pas de faire la police. On s’attend à ce que les journalistes suivent la charte du New York Times, peu importe le média. [Note de la blogueuse: Le New York Times a aussi une charte interne dédiée aux médias sociaux]. C’est du bon sens: on ne veut pas que nos journalistes aient un autocollant McCain ou Obama sur leur voiture, ni qu’ils joignent le groupe «Je t’aime Michelle Obama» sur Facebook! Le but est le même, construire une relation de confiance entre les journalistes et le public.
J’apprends mon boulot en direct et publiquement. Au début, je me suis dit il faut que je prenne un peu de recul et que je réfléchisse à la façon dont je veux utiliser les médias sociaux, parce que je suis la “social media editor”! Les gens me disaient “ça fait longtemps que je ne t’ai pas vue twitter” et je répondais “je suis là, j’écoute”, et puis il y a eu un gros scandale sur le fait que je n’étais plus sur Twitter, alors je me suis remise à poster.»
Sur l’importance des médias sociaux pour les journalistes
lire le billetLe Huffington Post se lance dans l’humanitaire avec sa nouvelle page Impact. A la fin de chaque article, un widget offre au lecteur la possibilité de faire un don, de soutenir une association ou de devenir bénévole. (Poynter via @sreenet)
Alcool, jeu, luxure, la chroniqueuse du New York Times Maureen Dowd propose aux médias d’investir dans le commerce du vice pour sortir de la crise. (NYT)
Nick Bilton du laboratoire de recherches sur les médias du New York Times parle «multi-tasking», réseaux sociaux comme source première d’information et place du journaliste et du journaliste-citoyen. (Pop Tech)
Besoin d’une raison de plus pour faire attention à ce que vous postez sur Facebook ou Twitter? Google dévoile «Google Social Search». (Mashable, via @lavrusik)
Conseillez-moi des articles ou des sites dans les commentaires, sur Twitter (@sayseal), ou par mail à cecile.dehesdin (@) slate.fr.
lire le billetMon cours sur Twitter et Facebook est terminé, mais son projet final est toujours d’actualité: les quatre classes qui le suivent ce semestre écrivent chacune une partie des règles internes de Columbia quant à l’utilisation des médias sociaux. (Le code devrait être au point d’ici un mois, je vous tiens au courant!)
En nous demandant de réfléchir à ces règles, notre professeur nous a en quelque sorte demandé si sur Internet les valeurs et la déontologie journalistiques changeaient. Notre première réaction a été de dire «bien sûr que non», mais si c’était si évident que ça, est-ce qu’un journaliste d’ABC twitterait le les propos «off the record» d’un président américain traitant un rappeur de crétin?
La journaliste Gina Chen affirme la même chose sur son blog «Save the media», en mettant au point son «Guide de déontologie des médias sociaux pour journalistes». Ses règles sont moins brutales que celles du Washington Post, publiées parce qu’un des rédacs chefs donnait trop son opinion sur son compte Twitter. Mais elles ne répondent quand même pas à mon plus gros problème. Si je ne dois rien publier sur Facebook ou Twitter que je ne serais pas fière de voir en une du New York Times, est-ce la fin de l’humour, de la personnalité, et de notre nouveau rapport — moins guindé — avec le lecteur?
Si on écarte ce problème, je suis d’accord avec les règles de Gina Chen. La déontologie en ligne est la même que la déontologie dans un journal. Pourquoi est-ce que des internautes ne mériteraient pas autant d’éthique de notre part que des lecteurs? Ce n’est pas parce que la publicité les considère moins importants que les journalistes doivent s’y mettre…
Au cours d’une étude de cas du site Politico, en cours de business, notre prof Bill Grueskin a fait un aparté pour parler de Polanski. Le 7 octobre, un journaliste du site d’infos politiques a écrit un court article au titre évocateur: «Les supporters de Roman Polanski ont donné 34,000 dollars à Barack Obama et au Parti Démocrate». Ou comment faire de la complète désinformation: le journaliste a trouvé les noms américains dans une pétition soutenant le cinéaste, et cherché leur participation financière à la campagne d’Obama il y a un an!
Bill Grueskin a écrit un mail rageur au journaliste, qui lui a en gros répondu: «c’est pas moi, c’est Internet et mon rédac chef».
lire le billetAprès les cours de Twitter, j’ai eu droit ces deux dernières semaines à des cours de «personal branding». Le personal branding? Un concept — les journalistes devraient se créer/avoir leur marque — qui fâche les blogueurs et certains journalistes. «Les journaliste n’aiment pas en parler parce qu’on dirait un concept de Business school», sourit Dean Sree, mon prof de «Social media skills for journalists». Mais pour Noam Cohen du New York Times, venu assister à un de nos cours, notre marque, c’est tout simplement notre réputation. «Une interprétation active de votre réputation», ajoute Betsy West, ancienne rédactrice chef de CBS. «Avant, j’avais l’impression que CBS, c’était moi. Mais ce n’est pas le cas! Il faut séparer sa marque de son entreprise, parce que sinon quand vous changez de travail il faut que vous établissiez une nouvelle marque».
Fin septembre, Xavier Ternisien se demandait dans le Monde si Les journalistes allaient devenir des marques grâce à Internet. Les journalistes dont la signature est connue du grand public existaient depuis longtemps, rappelait-il. Pour lui, la nouveauté se trouve dans l’utilisation d’Internet pour se construire sa marque. Il se demandait si un personal branding réussi pouvait se passer d’un support prestigieux et trouver un public équivalent sur un média en ligne, arguant que pour une grande signature, «le passage au Web only apparaît comme un pari risqué».
Mais la question n’est en fait pas là. Le personal branding actuel ne cherche pas à faire passer petites ou grandes signatures au «Web only», simplement à se construire une réputation qui permettra de (re)trouver du travail. Ce n’est pas tant qu’un journaliste peut ou pas se passer d’un support prestigieux, c’est qu’il ne va pas avoir le choix.
«Votre marque est importante parce que le monde du journalisme a changé», explique Dean Sree. Avant, votre travail parlait de lui-même au travers de grandes institutions (que ce soit le New York Times ou le Minneapolis Star Tribune), mais vous ne pouvez plus vous reposer sur votre entreprise: elle change, se métamorphose, meurt parfois».
«Votre marque, c’est tout ce que vous avez», continue-t-il. «Il fut un temps où quand vous étiez jeune journaliste pour Katie Couric, vous pouviez être sûr d’avoir un plan de carrière pour les vingt années à venir. Aujourd’hui, qui sait si Katie Couric aura un boulot dans deux ans?»