L’iPad est l’ennemi du mot

iPad

Pour son cours magistral sur l’avenir du journalisme en ligne en tant que «Hearst Digital Media Professional-in-Residence» à Columbia, Steven B. Johnson a décidé de se concentrer sur l’écrit.

Je vous parlais de Steven B. Johnson il y a quelque mois: auteur de cinq livres dont quatre se concentrent sur la façon dont les nouvelles technologies changent notre cerveau et nos pratiques sociales, il a créé FEED et Plastic.com, fait la une de Time magazine en juin dernier avec un article sur Twitter (il y prédisait que Twitter bouleverserait Google et la recherche en général en y ajoutant le web en temps réel), et fondé Outside.in, l’aggrégateur hyperlocal.

Mais cette année, il est donc surtout le Hearst Digital Media Professional-in-Residence, un long titre pour une fonction que je n’ai toujours pas bien comprise. En gros, la fondation Hearst nomme chaque année un journaliste à cette position a Columbia. Il participe à quelques cours et donne une conférence ouverte au public sur les médias en ligne (Kenneth Lerer du Huffington Post, Brian Storm de MediaStorm ou Adrian Holovaty de Everyblock sont quelques uns des précédents lauréats).

Le «commonplace book», ou le blog du 18ème siècle

Pour son allocution, Steven B. Johnson a décidé de parler de l’avenir de l’écrit  et du danger que pouvaient représenter des outils comme l’iPad pour les mots. Il a commencé par raconter l’origine du «commonplace book», une sorte de journal tenu par les intellectuels du 17 ème et 18 ème siècle, ou ils copiaient les passages intéressants de leurs lectures et y ajoutaient leurs commentaires. «C’est un peu la version originale de ce qu’on a appelé le “weblog” avant de passer a “blog”».

«Ces livres permettaient de recueillir une somme de connaissances que vous pouviez parcourir n’importe quand en fonction de vos besoins» a-t-il expliqué, rajoutant que le philosophe John Locke avait créé le sien pendant sa première année à Oxford. Locke a ensuite développé une méthode très précise d’indexation et d’organisation de son commonplace book. «D’une certaine manière, ce sommaire était un algorithme de recherche qui permettait à l’utilisateur d’indexer son texte de manière à le retrouver facilement». Toute la beauté de la technique de Locke, d’après Steven B. Johson, c’est qu’elle «fournissait juste assez d’ordre pour trouver ce que vous cherchiez, mais laissait en même temps le texte du commonplace book avoir ses propres méandres désordonnés et non planifiés».

Pas de commonplace book ni de remixes textuels sans la possibilité de copier et de ré-organiser des passages de livres dans de nouveaux contextes.

Google, héritier du «commonplace book»

Aujourd’hui, il voit dans les pages de résultats de Google des héritiers du «commonplace book». Une page de résultats a des milliers d’auteurs, «elle a été construite par un algorithme qui a remixé des petits bouts de textes de sources diverses avec des buts divers, et les a transformés en quelque chose d’entièrement différent et de réellement précieux». Autrement dit, un jeu textuel, qui combine et recombine des mots sous des formes jamais imaginées par leurs auteurs.

Steven B. Johnson estime que cette possibilité de remixer les mots est ce qui permet a l’information d’être un écosystème productif. En 1995, rappelle-t-il, «vous auriez trouve un article sur une conférence a Columbia, vous l’auriez poste sur votre page de liens. Ça aurait eu de la valeur pour les gens qui visitent votre page et pour les gens qui s’occupent de la page web de Columbia.»

Aujourd’hui, poursuit-il,« vous avez “check-in” sur Foursquare et vous avez tweeté sur cette conférence. L’information est partie vers vos amis, vos followers, l’index de Google, ce qui attire ensuite des publicitaires intéressés par le journalisme ou par l’endroit ou vous êtes. Pas mal [comme productivité] pour 140 signes.»

L’iPad ennemi du mot

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10 conseils de pros pour votre site d’infos

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Pas de top 50 des meilleures BD ou disques de la décennie pour le Médialab, ni de meilleurs réseaux sociaux ou tweets de l’année. Mais un résumé des sessions d’entrepreneuriat des médias à Columbia en dix conseils distillés par Ken Lerer du Huffington Post et ses invités au fil des “Lerer Lessons”. A noter que ces petites phrases et grands principes ne concernent que les start-ups en ligne, les seules à avoir été évoquées. A bon entendeur…

  1. Faites attention à votre propre consommation des médias et à son évolution. C’est en se rendant compte qu’il s’était mis à intégrer dix blogs très locaux dans sa diète médiatique journalière que Steven Johnson a eu l’idée de lancer Outside.in.
  2. Laissez-vous porter. De la même façon qu’il faut observer vos usages des médias, il faut aussi passer votre temps sur votre propre plateforme et l’analyser dans tous les sens pour comprendre ce que l’audience fait, ce qu’elle regarde sur votre site. Quand Outside.in a commencé, Steven Johnson pensait que les pages «quartier» en seraient l’attraction principale. Aujourd’hui, elles ne représentent que 10% du trafic du site.
  3. Le contenu ne suffit pas. Jonah Peretti, co-fondateur du Huffington Post, reproche à la plupart des entreprises de média de croire que si le contenu est bon, les gens le liront, sous-estimant ainsi la nature même d’Internet. «Si les entreprises technos sont plus grosses que les entreprises médias aujourd’hui, c’est parce que ces dernières n’ont pas encore trouvé la clé: comment créer un contenu qui contient sa propre viralité? Faire que quand quelqu’un voit ce contenu, il le répand?»
  4. Ne cherchez pas à contrôler votre audience. Jonah Peretti toujours, «vous ne pouvez pas dire “Voilà, il n’y a que trois chaînes de télé, ou voilà les trois journaux qui existent”. C’est le public qui a le pouvoir, tout ce que vous pouvez faire c’est essayer de l’influencer».
  5. Le futur appartient au local (à l’hyperlocal?) et aux réseaux sociaux. C’est en tout cas ce que Ken Lerer a répété dans l’introduction de chacun de ses cours… Il nous a proposé de réfléchir à des sites qui présenteraient l’info en utilisant les réseaux sociaux, comme des éditeurs de flux Twitter, Facebook, ou autre.
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Géolocalise-moi!

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A la suite de mon article sur les sites d’information hyperlocale qui se lancent actuellement aux Etats-Unis, PEG me reprochait de ne pas avoir parlé de startups comme Outside.in. J’avais laissé de côté ce site — et Everyblock — parce que ce sont des aggrégateurs d’infos hyperlocales, sans rédaction interne, mais les remontrances de PEG ont été entendues: le président d’Outside.in était l’invité de la cinquième leçon d’entrepreunariat des médias menée par Ken Lerer, co-fondateur du Huffington Post.

Steven Johnson a écrit cinq livres dont quatre se concentrent sur la façon dont les nouvelles technologies changent notre cerveau et nos pratiques sociales, a créé FEED et Plastic.com, et fait la une de Time magazine en juin dernier avec un article sur Twitter (il y prédisait que Twitter bouleverserait Google et la recherche en général en y ajoutant le web en temps réel).

En 2005, alors qu’il travaille de chez lui sur un livre, Johnson se rend compte qu’il obtient «beaucoup plus d’informations sur Brooklyn grâce à The Brownstoner que grâce au New York Times», explique-t-il.

Pour satisfaire son appétit, il se met à suivre dix blogs locaux, en sentant que de plus en plus de blogs naissaient, et qu’il allait devenir difficile de tous les lire. Les blogs étaient organisés chronologiquement, du plus récent billet au plus daté, «mais moi je ne voulais pas nécessairement l’article le plus récent, je voulais savoir ce qui se passait le plus près de chez moi».

Au même moment, Google publie l’API des Google Maps, permettant au grand public de créer des mashups, c’est-à-dire à utiliser Google Maps et des données extérieures pour créer de nouveaux objets (que ça soit «Les meilleures bagels de Brooklyn», «Les vols à main armée dans le Bronx», etc).

«Quelqu’un peut désormais organiser tous ces posts de blogs autour d’une application géographique» se dit-il alors. Steven Johnson, qui à l’époque aimait bien sa vie d’écrivain, ne se voyait pas lancer une boîte. Mais alors qu’il mentionne l’idée à un ami, celui-ci s’exclame: «Super! Je te donne 50 000 dollars, fonce.» (Et c’est là qu’on aimerait bien avoir les mêmes amis que Steven Johnson).

Le prototype d’Outside.in a été construit en trois mois pour 25.000 dollars. «Si on avait voulu le faire quatre ou cinq ans plus tôt, ça nous aurait coûté 50 millions de dollars à cause de toute cette application géographique à développer».

La géolocalisation

«Si vous réfléchissez au type de recherches qu’on fait constamment (où est le pressing le plus proche? Que penser des écoles du quartier? etc), on filtre notre environnement géographiquement». Il s’agissait donc de faire d’Outside.in un aggrégateur géographique intelligent.

Outside.in a commencé à l’ancienne: «une armée de hipsters» — jeunes gens branchés aux goûts vestimentaires contestables — assignait manuellement des emplacements aux billets de blogs locaux. Au bout d’un an, l’armée avait compilé une bonne base de données qui reliait des morceaux de textes à des emplacements géographiques.

La start-up s’est ensuite servie d’algorithmes de détection d’emplacements pour que les ordinateurs utilisent ces données récoltées et puissent, de là, faire le reste automatiquement. Le système est en permanence peaufiné pour éliminer les erreurs qui naissent de cet automatisme.

Quelle différence avec les alertes google, a demandé un élève?

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