Les articles que je lis/lie via Twitter et mes flux RSS
Le Washington Post remarque que ses lecteurs adorent quand le journal change ses règles pour apporter plus de déontologie, sauf lorsqu’elles s’appliquent aux médias sociaux.
Le New York Times rapporte que le prestigieux Massachussets Institute of Technology encourage ses étudiants à bloguer -sans modération extérieure des billets ni des commentaires, et en étant payés !- dans l’espoir d’attirer davantage de candidats. (via @sreenet)
Départ du rédacteur en chef des “standards journalistiques” du New York Times, Craig Whitney, dont le dernier poste avait été créé après le scandale Jayson Blair, ce journaliste qui avait falsifié et plagié des dizaines d’articles. D’après le Nieman Lab, qui retranscrit le discours d’adieu du directeur de la rédaction, trois personnes monteront la garde à sa place.
Poynter tente de réconcilier les journalistes et les publicitaires en démontrant qu’au fond, ils partagent les mêmes problèmes: des technologies qui évoluent trop vite pour l’enseignement, des produits jamais réellement finis, et l’importance de la transparence pour se construire une crédibilité.
Une professeure de lettres histoire-géo et ECJS en lycée professionnel veut faire Tweeter ses élèves, et c’est pas facile. (via @jeanlucr)
Conseillez-moi des articles ou des sites dans les commentaires, sur Twitter (@sayseal), ou par mail à cecile.dehesdin (@) slate.fr.
lire le billetDes cinq cours que je prends chaque semaine à Columbia, le plus étrange est sans aucun doute «Social Media skills for journalists». Mon prof, Dean Sree Sreenivasan, l’a admis immédiatement en introduction: «C’est la première fois depuis longtemps qu’on donne un cours où les étudiants en savent autant sur le sujet». «Ce cours est un effort de collaboration, on va tous apprendre les uns des autres et donner forme à notre utilisation des médias sociaux.»
Au début de l’année scolaire, l’annonce que plusieurs universités américaines lançaient des «Cours de Twitter» a bien fait rire certaines rédactions. Mais après avoir vu un journaliste d’ABC annoncer sur Twitter que Barack Obama avait traité le rappeur Kanye West de «jackass», et surtout après les nouvelles règles données par le Washington Post à ses journalistes quant à l’utilisation des médias sociaux, le cours ne parait plus aussi risible.
Le programme du cours est modifié en permanence sur un google doc. Avant de commencer nos sessions, Dean Sree et son collègue Adam Glenn ont d’ailleurs envoyé le lien sur Twitter en demandant à leurs followers des commentaires, des conseils, des ajouts possibles. (Si vous avez des idées en le lisant, envoyez-les en anglais sur Twitter à @sreenet, en français ou en anglais à moi et je transmettrai).
Le but du cours est de nous apprendre à trouver des infos et identifier des sources, à entretenir une relation avec nos lecteurs, et à construire notre «marque». Pour Dean Sree, les médias sociaux changent profondément la façon d’envisager notre métier: «Les journalistes envisagent le journalisme comme un accouchement, mais ils devraient plutôt l’envisager comme un développement de logiciel».
Et de citer Brian Stelter, journaliste télé au New York Times, qui commence souvent par un tweet du genre «Je bosse sur ça, vous en pensez quoi?», avant d’en faire un post pour le blog Media Decoder, et de finir avec un article dans le journal. Et il n’est pas le seul à briser toutes les règles traditionnelles du journalisme qui encouragent à garder ses idées secrètes de peur de se les faire piquer.
Mes devoirs? Live-tweeter un événement ou trouver des fils twitter qui constituent de bonnes sources pour les sujets que je couvre en cours. Vous pouvez retrouver tout ce qu’on fait sur le groupe ning de la classe, où les élèves postent leurs réponses.
Depuis notre première session, on analyse chaque semaine le rapport des médias traditionnels avec les réseaux sociaux, en se concentrant sur les règles internes de grands groupes médias quant à l’utilisation par leurs journalistes de Facebook, Twitter, ou des blogs.
Les réactions des élèves aux règles de l’Associated Press, du Wall Street Journal ou de la BBC se ressemblent: elles sont généralement raisonnables, mais mes collègues trouvent qu’elles considèrent les médias sociaux de façon assez négative, via le prisme de «tout ce qui pourrait mal se passer».
Question de culture journalistique
Du coup, une petite équipe dans la classe a comme projet final de rédiger une base de conseils positifs sur «comment utiliser les médias sociaux en tant que journalistes».
Mais ce qui me paraît le plus fou dans cette histoire, c’est que tous ces médias ont des règles claires définissant comment leurs journalistes doivent se comporter, pour certaines publiées, pour d’autres fuitées. Je ne parle pas ici de règles sur les cadeaux à ne pas accepter ou les conflits d’intérêts, mais de la supposée impartialité / objectivité des journalistes.
La culture journalistique est difficile à comparer, bien sûr, puisqu’en France la presse écrite est traditionnellement positionnée politiquement: Libération à gauche, Le Figaro à droite, etc. Aux Etats-Unis, les journalistes ne sont jamais censés donner leur opinion, sauf s’ils sont éditorialistes, en fonction de la stricte règle de séparation entre les faits et les opinions.
lire le billetDes patrons de presse passent régulièrement à l’école pour parler de leurs débuts, de leur média, et répondre aux questions des élèves. Harvey Levin, le rédacteur en chef de TMZ.com, a rencontré une trentaine d’intéressés lors d’une session organisée par le centre de recrutement de l’école de journalisme. Pas d’amphi de 300 personnes comme pour le rédacteur en chef de Rolling Stone, plus venu pour nous parler que pour nous recruter, mais une ambiance décontractée dans le centre étudiant de l’école: ordinateurs et canapés, sandwichs puisque la rencontre était à l’heure du déjeuner, bref, une ambiance très TMZ.
Et oui, Columbia espère bien que certains de ses élèves seront embauchés par le cauchemar des stars d’Hollywood, celui qui a publié la photo de la chanteuse RnB Rihanna tuméfiée, la tirade anti-sémite de Mel Gibson, et, bien sûr, a sorti en premier l’annonce de la mort de Michael Jackson. N’allez pas croire pour autant qu’il est facile d’entrer chez TMZ.
Le centre de recrutement de l’école nous a envoyé un email après la rencontre, qui disait en gros qu’il allait falloir se bouger autant que pour un boulot au New York Times si on espérait un jour trouver des piges chez eux. “Harvey Levin rapporte votre CV à L.A, ce n’est qu’un premier pas: envoyez-lui une lettre de motivation avec des idées d’articles people, envoyez-lui vos meilleurs articles pendant l’année, envoyez-lui à l’occasion des tuyaux people qu’il pourrait utiliser sur TMZ, et si vous allez à L.A, demandez à passer le voir.
Harvey Levin ressemble exactement au cliché du vieux beau Californien: bronzé virant vers l’orange, Ray Ban, dents ultra blanches, pas un gramme de trop. En quatre ans, il a monté et transformé TMZ (pour Thirty Mile Zone, le surnom du centre d’Hollywood): son site web spécialisé dans les news people est devenu une source de plus en plus fiable et incontournable.
A propos du L.A Times le jour de la mort de Michael Jackson
lire le billet«C’était fascinant, dix minutes après qu’on a publié qu’il est mort, le LATimes a écrit qu’il était plongé dans le coma. On savait qu’ils avaient tort, mais tout le monde a repris cet article du LA Times. Je n’ai rien fait. Pas question de dire qu’on était sûr de notre papier, on a décidé d’attendre, parce que généralement quand quelqu’un meurt ça ne change pas.
Pourquoi est-ce que personne ne nous a cités? Ces médias nous avaient cités des milliers de fois ces quatre dernières années, mais je pense que c’est à ce moment là qu’ils ont compris qu’on était de véritables concurrents.
Le LA Times est allé jusqu’à écrire un papier intitulé: Et si TMZ avait eu tort? L’ironie, c’est que c’est eux qui ont eu tort!»
Modèle payant ou gratuit? Internet nous rend-il débile ou crée-t-il une autre forme d’intelligence? La presse locale est-elle vouée à l’échec? Comment est-ce qu’on peut se former à un métier en mutation constante et accélérée?
Alors que le secteur dans lequel je veux travailler cherche à inventer des réponses à des questions qui n’existent pas encore et inversement, je vous propose de vous emmener avec moi de l’autre côté de l’Atlantique voir ce qui se dit et se fait aux Etats-Unis.
J’ai été acceptée dans le programme de double-diplôme Sciences Po / Columbia en journalisme. Après Sciences Po, me voilà à New York pour dix mois, spécialisation “digital media”. Quel meilleur endroit pour devenir journaliste multimédia que l’une des meilleures écoles américaines, et qui a lancé en janvier dernier un nouveau centre de recherche et d’enseignement dédié aux nouveaux médias?
Je compte bien profiter des mes profs, des invités de l’école (le rédac chef de Rolling Stone, de TMZ, etc) et de mes cours pour rebondir sur les polémiques et les problèmes que se posent constamment les journalistes dans leurs médias ou sur leurs blogs. En vous racontant au passage à quoi ressemblent des cours de Twitter ou ce que fait réellement la social media editor du New York Times.
Le programme est intensif: les 250 élèves de la promo viennent de finir le “multimedia bootcamp”, trois semaines de mise à niveau photo/son/reportage. C’est la première fois que ce stage multimédia est obligatoire pour tous les apprentis journalistes, quelle que soit leur majeure.
Comme dans les écoles en France, les cours sont donnés par des professionnels, souvent des anciens de Columbia. C’est John Smock, photographe pour Associated Press et SIPA qui m’a donné un cours accéléré de photojournalisme: 12 heures pour savoir ce qu’une agence ou une publication attend d’un photojournaliste, comment s’organiser sur le terrain, les techniques de photo de base, et un petit coup de Photoshop.
Cyrus Farivar, reporter radio freelance, a eu à peine plus de temps pour nous apprendre à manier les enregistreurs zoom, la construction d’un sujet radio, et le montage sur le logiciel Final Cut. Objectif final: maîtriser suffisamment chacun de ces médias pour être capable de créer un portfolio sonore à peu près regardable. Contrainte: photographier et enregistrer un procédé, avec un début, un milieu, et une fin, avoir beaucoup de sons d’ambiances, et une réflexion sur le rapport entre son et image.
D’où la première nuit blanche de l’année passée devant nos ordinateurs (l’école est ouverte 24h sur 24) et des sujets sur la fête d’anniversaire posthume organisée par Spike Lee pour Michael Jackson ou le toilettage pour chien.
Les profs ici donnent tous leur numéro de téléphone et nous encouragent à les appeler en cas de problème. Pris au mot, Rob Bennet a dû décrocher son téléphone à 23 heures mardi, quand Nate et Ashley l’ont appelé d’un bar sombre, sans savoir quoi faire de leur appareil photo avec une lumière quasi inexistante.
“C’est très bien de m’avoir appelé” a-t-il affirmé le lendemain. “S’il y a jamais un moment dans votre vie où vous pouvez demander de l’aide au milieu de la nuit, c’est bien quand vous payez 40 000 dollars pour votre année”.
Et oui, les frais de scolarité de Columbia s’élèvent à la hauteur de nos clichés les plus fous sur les études supérieures aux Etats-Unis. Petits chanceux, vous n’aurez pas à payer 40 000 dollars pour savoir ce qui se passe à l’école cette année -mais si vous cherchez à faire votre B.A du jour j’accepte bien sûr avec grand plaisir toutes les donations pour mon éducation…
Cécile Dehesdin
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(Photo: Cécile Dehesdin)
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