Au New York Times, une rédaction, 3 systèmes de publication

nytimes_hq_test

Le New York Times s’est installé dans son nouvel immeuble à l’été 2007. A l’époque, une des raisons données par les éditeurs était la nécessité d’intégrer les rédactions web et papier du journal, jusque-là dans deux immeubles différents. Deux ans après, à quel point la rédaction est elle devenue intégrée?

Wendell Jamieson, le rédacteur en chef de la section Metro (local) pour le web, répondait récemment aux questions des lecteurs dans la rubrique «Ask the Times» du site. Après l’avoir contacté sur Facebook pour plus de détails sur son travail, il m’a invitée à «passer au bureau».

L’intérieur du New York Times est aussi impressionnant que l’extérieur, un grand bâtiment de verre qu’Alain «Spiderman» Robert a essayé d’escalader en 2008, avant que la sécurité ne soit renforcée. En plus des ascenseurs habituels, de grands escaliers rouges relient les étages entre eux en créant des percées en plein milieu des différents niveaux. Quel rapport avec l’intégration? L’idée était de permettre aux différents reporters, rédacteurs en chef, etc, de pouvoir se parler ou se héler sans avoir à perdre le temps de prendre l’ascenseur pour changer d’étage.

Wendell Jamieson est assis entre le rédac’ chef de City Room, le blog local du NYT, et le «assignment editor» de Metro, qui dispatche les journalistes de la rubrique sur les différents événements à couvrir et se préoccupe de ce qui paraîtra sur la version papier du journal. Ce qui donne trois différents chefs qui travaillent avec les même reporters sur des délais de bouclage différents. Qui décide de qui fait quoi pour qui pour quand?

Lire la suite…

lire le billet

C’est pas moi c’est Internet!

ordinateur_poubelle

Mon cours sur Twitter et Facebook est terminé, mais son projet final est toujours d’actualité: les quatre classes qui le suivent ce semestre écrivent chacune une partie des règles internes de Columbia quant à l’utilisation des médias sociaux. (Le code devrait être au point d’ici un mois, je vous tiens au courant!)

En nous demandant de réfléchir à ces règles, notre professeur nous a en quelque sorte demandé si sur Internet les valeurs et la déontologie journalistiques changeaient. Notre première réaction a été de dire «bien sûr que non», mais si c’était si évident que ça, est-ce qu’un journaliste d’ABC twitterait le les propos «off the record» d’un président américain traitant un rappeur de crétin?

La journaliste Gina Chen affirme la même chose sur son blog «Save the media», en mettant au point son «Guide de déontologie des médias sociaux pour journalistes». Ses règles sont moins brutales que celles du Washington Post, publiées parce qu’un des rédacs chefs donnait trop son opinion sur son compte Twitter. Mais elles ne répondent quand même pas à mon plus gros problème. Si je ne dois rien publier sur Facebook ou Twitter que je ne serais pas fière de voir en une du New York Times, est-ce la fin de l’humour, de la personnalité, et de notre nouveau rapport — moins guindé — avec le lecteur?

Si on écarte ce problème, je suis d’accord avec les règles de Gina Chen. La déontologie en ligne est la même que la déontologie dans un journal. Pourquoi est-ce que des internautes ne mériteraient pas autant d’éthique de notre part que des lecteurs? Ce n’est pas parce que la publicité les considère moins importants que les journalistes doivent s’y mettre…

Au cours d’une étude de cas du site Politico, en cours de business, notre prof Bill Grueskin a fait un aparté pour parler de Polanski. Le 7 octobre, un journaliste du site d’infos politiques a écrit un court article au titre évocateur: «Les supporters de Roman Polanski ont donné 34,000 dollars à Barack Obama et au Parti Démocrate». Ou comment faire de la complète désinformation: le journaliste a trouvé les noms américains dans une pétition soutenant le cinéaste, et cherché leur participation financière à la campagne d’Obama il y a un an!

Bill Grueskin a écrit un mail rageur au journaliste, qui lui a en gros répondu: «c’est pas moi, c’est Internet et mon rédac chef».

Lire la suite…

lire le billet

Je peux pas là, j’ai cours de Twitter

twitclash

Des cinq cours que je prends chaque semaine à Columbia, le plus étrange est sans aucun doute «Social Media skills for journalists». Mon prof, Dean Sree Sreenivasan, l’a admis immédiatement en introduction: «C’est la première fois depuis longtemps qu’on donne un cours où les étudiants en savent autant sur le sujet». «Ce cours est un effort de collaboration, on va tous apprendre les uns des autres et donner forme à notre utilisation des médias sociaux.»

Au début de l’année scolaire, l’annonce que plusieurs universités américaines lançaient des «Cours de Twitter» a bien fait rire certaines rédactions. Mais après avoir vu un journaliste d’ABC annoncer sur Twitter que Barack Obama avait traité le rappeur Kanye West de «jackass», et surtout après les nouvelles règles données par le Washington Post à ses journalistes quant à l’utilisation des médias sociaux, le cours ne parait plus aussi risible.

Le programme du cours est modifié en permanence sur un google doc. Avant de commencer nos sessions, Dean Sree et son collègue Adam Glenn ont d’ailleurs envoyé le lien sur Twitter en demandant à leurs followers des commentaires, des conseils, des ajouts possibles. (Si vous avez des idées en le lisant, envoyez-les en anglais sur Twitter à @sreenet, en français ou en anglais à moi et je transmettrai).

Le but du cours est de nous apprendre à trouver des infos et identifier des sources, à entretenir une relation avec nos lecteurs, et à construire notre «marque». Pour Dean Sree, les médias sociaux changent profondément la façon d’envisager notre métier: «Les journalistes envisagent le journalisme comme un accouchement, mais ils devraient plutôt l’envisager comme un développement de logiciel».

Et de citer Brian Stelter, journaliste télé au New York Times, qui commence souvent par un tweet du genre «Je bosse sur ça, vous en pensez quoi?», avant d’en faire un post pour le blog Media Decoder, et de finir avec un article dans le journal. Et il n’est pas le seul à briser toutes les règles traditionnelles du journalisme qui encouragent à garder ses idées secrètes de peur de se les faire piquer.

Mes devoirs? Live-tweeter un événement ou trouver des fils twitter qui constituent de bonnes sources pour les sujets que je couvre en cours. Vous pouvez retrouver tout ce qu’on fait sur le groupe ning de la classe, où les élèves postent leurs réponses.

Depuis notre première session, on analyse chaque semaine le rapport des médias traditionnels avec les réseaux sociaux, en se concentrant sur les règles internes de grands groupes médias quant à l’utilisation par leurs journalistes de Facebook, Twitter, ou des blogs.

Les réactions des élèves aux règles de l’Associated Press, du Wall Street Journal ou de la BBC se ressemblent: elles sont généralement raisonnables, mais mes collègues trouvent qu’elles considèrent les médias sociaux de façon assez négative, via le prisme de «tout ce qui pourrait mal se passer».

Question de culture journalistique

Du coup, une petite équipe dans la classe a comme projet final de rédiger une base de conseils positifs sur «comment utiliser les médias sociaux en tant que journalistes».

Mais ce qui me paraît le plus fou dans cette histoire, c’est que tous ces médias ont des règles claires définissant comment leurs journalistes doivent se comporter, pour certaines publiées, pour d’autres fuitées. Je ne parle pas ici de règles sur les cadeaux à ne pas accepter ou les conflits d’intérêts, mais de la supposée impartialité / objectivité des journalistes.

La culture journalistique est difficile à comparer, bien sûr, puisqu’en France la presse écrite est traditionnellement positionnée politiquement: Libération à gauche, Le Figaro à droite, etc. Aux Etats-Unis, les journalistes ne sont jamais censés donner leur opinion, sauf s’ils sont éditorialistes, en fonction de la stricte règle de séparation entre les faits et les opinions.

Lire la suite…

lire le billet

Bienvenue à Columbia

Columbia

Modèle payant ou gratuit? Internet nous rend-il débile ou crée-t-il une autre forme d’intelligence? La presse locale est-elle vouée à l’échec? Comment est-ce qu’on peut se former à un métier en mutation constante et accélérée?

Alors que le secteur dans lequel je veux travailler cherche à inventer des réponses à des questions qui n’existent pas encore et inversement, je vous propose de vous emmener avec moi de l’autre côté de l’Atlantique voir ce qui se dit et se fait aux Etats-Unis.

J’ai été acceptée dans le programme de double-diplôme Sciences Po / Columbia en journalisme. Après Sciences Po, me voilà à New York pour dix mois, spécialisation “digital media”. Quel meilleur endroit pour devenir journaliste multimédia que l’une des meilleures écoles américaines, et qui a lancé en janvier dernier un nouveau centre de recherche et d’enseignement dédié aux nouveaux médias?

Je compte bien profiter des mes profs, des invités de l’école (le rédac chef de Rolling Stone, de TMZ, etc) et de mes cours pour rebondir sur les polémiques et les problèmes que se posent constamment les journalistes dans leurs médias ou sur leurs blogs. En vous racontant au passage à quoi ressemblent des cours de Twitter ou ce que fait réellement la social media editor du New York  Times.

Le programme est intensif: les 250 élèves de la promo viennent de finir le “multimedia bootcamp”, trois semaines de mise à niveau photo/son/reportage. C’est la première fois que ce stage multimédia est obligatoire pour tous les apprentis journalistes, quelle que soit leur majeure.

Comme dans les écoles en France, les cours sont donnés par des professionnels, souvent des anciens de Columbia. C’est John Smock, photographe pour Associated Press et SIPA qui m’a donné un cours accéléré de photojournalisme: 12 heures pour savoir ce qu’une agence ou une publication attend d’un photojournaliste, comment s’organiser sur le terrain, les techniques de photo de base, et un petit coup de Photoshop.

Cyrus Farivar, reporter radio freelance, a eu à peine plus de temps pour nous apprendre à manier les enregistreurs zoom, la construction d’un sujet radio, et le montage sur le logiciel Final Cut. Objectif final: maîtriser suffisamment chacun de ces médias pour être capable de créer un portfolio sonore à peu près regardable. Contrainte: photographier et enregistrer un procédé, avec un début, un milieu, et une fin, avoir beaucoup de sons d’ambiances, et une réflexion sur le rapport entre son et image.

D’où la première nuit blanche de l’année passée devant nos ordinateurs (l’école est ouverte 24h sur 24) et des sujets sur la fête d’anniversaire posthume organisée par Spike Lee pour Michael Jackson ou le toilettage pour chien.

Les profs ici donnent tous leur numéro de téléphone et nous encouragent à les appeler en cas de problème. Pris au mot, Rob Bennet a dû décrocher son téléphone à 23 heures mardi, quand Nate et Ashley l’ont appelé d’un bar sombre, sans savoir quoi faire de leur appareil photo avec une lumière quasi inexistante.

“C’est très bien de m’avoir appelé” a-t-il affirmé le lendemain. “S’il y a jamais un moment dans votre vie où vous pouvez demander de l’aide au milieu de la nuit, c’est bien quand vous payez 40 000 dollars pour votre année”.

Et oui, les frais de scolarité de Columbia s’élèvent à la hauteur de nos clichés les plus fous sur les études supérieures aux Etats-Unis. Petits chanceux, vous n’aurez pas à payer 40 000 dollars pour savoir ce qui se passe à l’école cette année -mais si vous cherchez à faire votre B.A du jour j’accepte bien sûr avec grand plaisir toutes les donations pour mon éducation…
Cécile Dehesdin

Des questions, des envies, des idées? Dites-moi tout dans les commentaires, sur Twitter (@sayseal), ou envoyez-moi un mail à cecile.dehesdin (@) slate.fr

(Photo: Cécile Dehesdin)

lire le billet