Le New York Times est, pour moi, ce qui se fait de mieux en multimédia parmi les «mainstream media» aujourd’hui. J’expliquais la semaine dernière que c’était en partie grâce à une grosse équipe, mais je sais désormais que leur organisation pointue contribue beaucoup à ce succès.
Je rêverais d’obtenir un organigramme du journal parce qu’il a l’air d’une incroyable complexité. Il y a une équipe en charge du multimédia, une en charge des graphiques, une en charge des bases de données. La rédaction se divise ensuite naturellement en rubriques (Local, International, Sport, etc). Chaque rubrique a un rédacteur en chef papier, un «deputy web editor», chargé de faire le lien entre papier et web en faisant travailler reporters pour les blogs de sa rubrique par exemple, des reporters, et un ou plusieurs web producers (pour plus de details sur le fonctionnement des rubriques, vous pouvez lire ce post qui se concentre sur la rubrique «Local»).
En plus de cette division par rubrique, six web producers développent les projets multimédia du NYT. Deux se partagent les news, les quatre autres les rubriques comme «Style» ou «Voyage».
Amy O’Leary, la web editor pour la rubrique Sport, Business et Enquêtes, est venue parler à notre «interactive workshop» sur l’invitation de notre prof Gabriel Dance, l’un des petits génies de l’équipe multimédia du journal. Amy a commencé au journal il y a seulement trois ans, dans l’équipe multimédia, où elle se spécialisait dans le son. Et puis ses chefs se sont rendus compte qu’elle était douée pour mener des projets, et elle s’est retrouvé à son poste actuel.
Gérer des gens très différents
Amy ne sait pas programmer, ne peut pas coder sous Flash, mais après avoir travaillé dans une compagnie de logiciels pendant quelques années, elle est capable «de demander des choses à Gabriel Dance sans l’énerver!» dit-elle en riant. Plus sérieusement, «quand vous avez une deadline et qu’un rédacteur en chef qui n’a aucune idée de “comment ça marche” sort au dernier moment “Ah mais tiens, pourquoi est-ce qu’on pourrait pas permettre à tous les lecteurs de voter et d’enregistrer leur vote et…” je peux dire “Absolument pas”.»
En tant que manageuse de projets, elle essaie de devenir une chaîne de communication pour faire collaborer tous ses différents experts (en photo, en flash, en données, etc). «On a souvent tendance à penser qu’on est expert en tout, simplement parce qu’on passe notre vie sur internet à regarder des sites qui le font», explique-t-elle, «mais quand vous menez un projet, il vaut mieux prendre du recul», et faire en sorte que les graphistes designent le projet, et pas le rédac chef de la rubrique qui ne connaît rien au web. «Je ne devrais pas être en charge d’écrire le gros titre ou de prendre les photos, mais je peux utiliser mon expertise pour trouver le meilleur photographe et le meilleur titreur».
Des outils pour les «breaking news»
Quand Amy O’Leary a commencé il y a trois ans, les rédacteurs en chef voulaient absolument du multimédia pour le «breaking news», l’actu brûlante. «Il y a certaines choses qu’on pouvait faire plus ou moins rapidement, mais il est devenu évident que pour obtenir des projets multimédias vraiment bons et utiles, ils nous fallait un ou deux mois».
Une partie de son job a donc consisté à éduquer le reste de la rédaction aux contraintes du multimédia. «Des gens venaient nous voir et voulaient une vidéo pour le surlendemain, alors que c’était un mini-documentaire de 7 minutes! On se retrouvait avec une breaking news le matin, on bossait comme des fous pour avoir fini notre projet le soir même et personne n’était content: les rédacteurs en chefs étaient frustrés parce qu’à 9h du soir l’actu était quasi dépassée, et nous étions frustrés parce que notre projet n’était en une du site que pour une heure».
C’est là que les outils sont entrés en jeu.
lire le billetLe New York Times s’est installé dans son nouvel immeuble à l’été 2007. A l’époque, une des raisons données par les éditeurs était la nécessité d’intégrer les rédactions web et papier du journal, jusque-là dans deux immeubles différents. Deux ans après, à quel point la rédaction est elle devenue intégrée?
Wendell Jamieson, le rédacteur en chef de la section Metro (local) pour le web, répondait récemment aux questions des lecteurs dans la rubrique «Ask the Times» du site. Après l’avoir contacté sur Facebook pour plus de détails sur son travail, il m’a invitée à «passer au bureau».
L’intérieur du New York Times est aussi impressionnant que l’extérieur, un grand bâtiment de verre qu’Alain «Spiderman» Robert a essayé d’escalader en 2008, avant que la sécurité ne soit renforcée. En plus des ascenseurs habituels, de grands escaliers rouges relient les étages entre eux en créant des percées en plein milieu des différents niveaux. Quel rapport avec l’intégration? L’idée était de permettre aux différents reporters, rédacteurs en chef, etc, de pouvoir se parler ou se héler sans avoir à perdre le temps de prendre l’ascenseur pour changer d’étage.
Wendell Jamieson est assis entre le rédac’ chef de City Room, le blog local du NYT, et le «assignment editor» de Metro, qui dispatche les journalistes de la rubrique sur les différents événements à couvrir et se préoccupe de ce qui paraîtra sur la version papier du journal. Ce qui donne trois différents chefs qui travaillent avec les même reporters sur des délais de bouclage différents. Qui décide de qui fait quoi pour qui pour quand?
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