***Cet article a été actualisé après l’annonce officielle du double-diplôme entre l’école de journalisme et l’école de sciences de l’informatique de Columbia.***
Un récent article d’Owni se demandait si l’ère du mutant journaliste-programmeur était arrivée. Les journalistes interviewés (dont Johan Hufnagel de Slate) estimaient que l’idée d’avoir des journalistes qui savaient coder aussi bien que des programmeurs étaient la lubie du moment, mais qu’il serait bien utile d’avoir dans les rédactions des techniciens capables de comprendre les journalistes et vice-versa.
Columbia vient de confirmer la tendance américaine relevée il y a quelques mois par Gawker: l’essor du journaliste-ingénieur informaticien. L’école a en effet développé un nouveau double-diplôme (en plus de ceux qu’elle a déjà avec l’école de droit, de relations internationales, de business, ou avec Sciences Po) avec l’école de sciences de l’informatique.
La question «comment trouver et communiquer avec des développeurs web?» travaillait beaucoup l’un des élèves des leçons de Ken Lerer, le cofondateur du Huffington Post, et la réponse de Columbia semble être de former des journalistes qui parlent le programmeur et des programmeurs qui parlent le journaliste.
Un nouvelle catégorie d’emplois
D’après David Klatell, en charge des double-diplômes à l’école, le cursus durera trois ans, deux à l’école de sciences de l’informatique, une à l’école de journalisme. C’est long pour un master aux Etats-Unis, et cher (l’année à Columbia coûte plus de 40 000 dollars), donc il s’attend à une petite promo de six à huit étudiants par an. «Si on limite la taille de la promo, ça permettra aussi de mieux aider financièrement les étudiants», explique-t-il.
Le but du programme est aussi simple qu’ambitieux: créer une nouvelle catégorie d’emplois. Plusieurs médias ont dit à l’administration de l’école qu’ils «rêvent d’avoir des programmeurs qui comprennent le monde de l’information, que ça serait merveilleux d’avoir des employés qui puissent faire les deux», affirme David Klatell.
En 2004, Clay Shirky relevait déjà la tendance, soulignant que plus la programmation se démocratisait, plus elle passerait lentement de boulot à part entière à compétence parmi d’autres. Mais le double cursus ne compte pas créer des petits soldats du web qui viendraient remplacer les programmeurs. «Vous ne verrez pas apparaître des rédactions où tous les journalistes sont censés savoir coder comme ils sont aujourd’hui censés savoir prendre une photo ou enregistrer du son», estime David Klatell.
Des managers plutôt que des petits soldats
lire le billetA la suite de mon article sur les sites d’information hyperlocale qui se lancent actuellement aux Etats-Unis, PEG me reprochait de ne pas avoir parlé de startups comme Outside.in. J’avais laissé de côté ce site — et Everyblock — parce que ce sont des aggrégateurs d’infos hyperlocales, sans rédaction interne, mais les remontrances de PEG ont été entendues: le président d’Outside.in était l’invité de la cinquième leçon d’entrepreunariat des médias menée par Ken Lerer, co-fondateur du Huffington Post.
Steven Johnson a écrit cinq livres dont quatre se concentrent sur la façon dont les nouvelles technologies changent notre cerveau et nos pratiques sociales, a créé FEED et Plastic.com, et fait la une de Time magazine en juin dernier avec un article sur Twitter (il y prédisait que Twitter bouleverserait Google et la recherche en général en y ajoutant le web en temps réel).
En 2005, alors qu’il travaille de chez lui sur un livre, Johnson se rend compte qu’il obtient «beaucoup plus d’informations sur Brooklyn grâce à The Brownstoner que grâce au New York Times», explique-t-il.
Pour satisfaire son appétit, il se met à suivre dix blogs locaux, en sentant que de plus en plus de blogs naissaient, et qu’il allait devenir difficile de tous les lire. Les blogs étaient organisés chronologiquement, du plus récent billet au plus daté, «mais moi je ne voulais pas nécessairement l’article le plus récent, je voulais savoir ce qui se passait le plus près de chez moi».
Au même moment, Google publie l’API des Google Maps, permettant au grand public de créer des mashups, c’est-à-dire à utiliser Google Maps et des données extérieures pour créer de nouveaux objets (que ça soit «Les meilleures bagels de Brooklyn», «Les vols à main armée dans le Bronx», etc).
«Quelqu’un peut désormais organiser tous ces posts de blogs autour d’une application géographique» se dit-il alors. Steven Johnson, qui à l’époque aimait bien sa vie d’écrivain, ne se voyait pas lancer une boîte. Mais alors qu’il mentionne l’idée à un ami, celui-ci s’exclame: «Super! Je te donne 50 000 dollars, fonce.» (Et c’est là qu’on aimerait bien avoir les mêmes amis que Steven Johnson).
Le prototype d’Outside.in a été construit en trois mois pour 25.000 dollars. «Si on avait voulu le faire quatre ou cinq ans plus tôt, ça nous aurait coûté 50 millions de dollars à cause de toute cette application géographique à développer».
La géolocalisation
«Si vous réfléchissez au type de recherches qu’on fait constamment (où est le pressing le plus proche? Que penser des écoles du quartier? etc), on filtre notre environnement géographiquement». Il s’agissait donc de faire d’Outside.in un aggrégateur géographique intelligent.
Outside.in a commencé à l’ancienne: «une armée de hipsters» — jeunes gens branchés aux goûts vestimentaires contestables — assignait manuellement des emplacements aux billets de blogs locaux. Au bout d’un an, l’armée avait compilé une bonne base de données qui reliait des morceaux de textes à des emplacements géographiques.
La start-up s’est ensuite servie d’algorithmes de détection d’emplacements pour que les ordinateurs utilisent ces données récoltées et puissent, de là, faire le reste automatiquement. Le système est en permanence peaufiné pour éliminer les erreurs qui naissent de cet automatisme.
Quelle différence avec les alertes google, a demandé un élève?
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