(La promo 2010 de l’école de journalisme de Columbia attend le début de la cérémonie. Photo: Sébastien Dehesdin)
Je n’ai jamais fermé un blog. J’en ai déjà ouvert certains pour les abandonner lâchement en cours de route, petit à petit, sans vraiment m’en rendre compte. Mais pas de ça pour le Medialab.
En écrivant ce dernier billet, je clos aussi mon année à Columbia. C’est dur de dire au revoir à dix mois de vie à New York. Quand j’ai commencé, j’avais l’impression que l’année ne se finirait jamais et, pour être honnête, je me suis parfois demandée si j’allais être capable de supporter le rythme intensif de l’école. Alors tenir un blog régulier en plus de cette pression quotidienne, avec un stage à Slate.com à mi-temps pendant mon deuxième semestre, j’avais des doutes!
Mais nous voilà aujourd’hui avec 36 billets (un par semaine en moyenne, même s’il y a eu des pauses «vacances» et des pauses «je-vais-jamais-avoir-mon-diplôme-si-j’écris-cette-semaine»), et 182 commentaires. J’ai écrit (un peu) sur l’iPad, sur l’hyperlocal, et sur les écoles de journalisme, beaucoup sur Twitter, Facebook, et les médias sociaux en général, sans oublier mes odes au New York Times (ses nécrologues, sa rédaction web, son équipe multimédia, sa “social media editor“).
La vie de campus américaine peut vite se transformer en vase clos, et si l’école de journalisme est en effet devenue un petit univers à part entière, la nature des cours m’a fait parcourir le nord de Manhattan quotidiennement, et m’a fait littéralement traverser bloc par bloc tout East Harlem et le Upper East Side (Où je me suis aperçue un peu tard que New York est BEAUCOUP plus grand que Paris).
Mais c’est surtout vous qui m’avez aidée à me rappeler qu’il y a une vie en dehors de Columbia, et ce alors même que je vous parlais principalement de l’école! Merci pour vos commentaires, merci pour vos emails, merci pour vos «RT» sur Twitter et vos «Like» sur Facebook. Merci au passage de m’avoir fait pratiquer mon français semaine après semaine (et merci, rédac chef, de n’avoir pas perdu espoir même en recevant certains billets dans franglais parfois violent…).
Ma cérémonie de remise de diplômes était juste comme dans les teen-movies américains que je regarde depuis des années, la pluie et le vent en plus. Des milliers d’étudiants avec leur cape et leur petit chapeau ridicule bleu ciel et noir (les couleurs de Columbia), des milliers de parents et d’amis, l’hymne américain avec la main sur le coeur, une prière par l’aumônière de l’université pour ouvrir et fermer la cérémonie…
L’après-midi, la chef des pages op-ed du New York Times Gail Collins a donné un discours aux nouveaux diplômés en journalisme et à leurs parents.
(Gail Collins s’addresse aux élèves de l’école de journalisme et à leurs parents. Photo: Sébastien Dehesdin)
«Vous allez inventer une nouvelle façon de communiquer», a-t-elle assuré après nous avoir donné quelques conseils pour commencer notre vie professionnelle. «De la même manière que de mon temps, on est passé de la machine à écrire à l’ordinateur et que la télévision a débarqué. C’est alors devenu plus facile d’écrire plus court, d’écrire mieux et d’être plus drôle. Et parce que la télévision devenait si populaire, on a dû adapter notre écriture pour garder l’attention du public».
«Pour l’instant, le journalisme en ligne ressemble à du journalisme papier avec des paragraphes plus courts», a-t-elle ajouté. «Mais ça va changer, parce que la capacité d’attention du public va être différente avec internet. Ça ne veut pas dire qu’il y aura moins de curiosité, ça veut juste dire que vous devez trouver un moyen de réussir à atteindre ces lecteurs et à garder leur attention et leur intérêt».
«Je ne ferai pas partie de ce mouvement», a-t-elle conclu, «mais vous si. Vous allez changer l’univers! Alors au boulot!»
J’ai la chance de me mettre au boulot en rejoignant l’équipe de Slate.fr dès cet été. C’est la fin du Medialab, mais si l’occasion s’y prête, je réécrirai sûrement sur les médias américains pour Slate ou en m’incrustant sur le blog d’Alice Antheaume, Work In Progress.
A très bientôt,
Cécile Dehesdin
Des adieux éplorés, des «bon débarras»? Dites-moi tout dans les commentaires, sur Twitter (@sayseal), sur la page Facebook du medialab, ou envoyez-moi un mail à cecile.medialab (@) gmail.com
(Etudiants en liesse à l’idée d’être diplômés et du buffet alcoolisé et gratuit qui les attend. Photo: Sébastien Dehesdin)
Disclaimer: l’auteure de ce billet de blog n’a pas fait une, mais deux écoles de journalisme. Deux. Ecoles. De. Journalisme.
Une en France, à Sciences Po Paris, et l’autre, que finalement vous suivez avec moi depuis septembre dernier, à Columbia, New York. Columbia, qui, ça fait toujours du bien de se le rappeler, coûte 43.527 dollars (31.697 euros) de frais d’inscription. Pour dix mois.
Dans mes expériences professionnelles françaises, faire des études de journalisme a toujours été un point positif auprès de mes employeurs. Mais je me souviens encore de ma discussion avec mon rédacteur en chef à Politico il y a un an: dix minutes passées à le convaincre — lui même avait pourtant un diplôme de journalisme! — que postuler à Columbia était une bonne idée pour la suite de ma carrière.
«Mais pourquoi faire?», m’avait-il alors demandé, persuadé que des expériences professionnelles suffiraient amplement, selon le mythe du petit jeune qui commence par la rubrique chiens écrasés avant de progresser sous la houlette de ses aînés pour devenir grand reporter/ photojournaliste de génie/ rédacteur en chef impressionnant.
Les journaux meurent et les écoles se remplissent
En janvier 2010, le site Paper Cuts, créé pour chroniquer la mort des journaux américains, affirme que six publications ont fermé et au moins 813 personnes licenciées pour des raisons économiques. En 2009, 584 journaux ont procédé à des licenciements ou des plans de départ, pour un total de 14.845 journalistes remerciés. Et ces chiffres ne concernent que les journaux papiers, pas les chaînes télévisées ou les radios. En France aussi les plans de départ se succèdent dans les médias.
Face au triste état du marché de l’emploi, les 13 écoles de journalisme reconnues par la profession qui existent en France et des centaines d’écoles qui enseignent le métier aux Etats-Unis (difficile d’en donner un nombre exact, puisque le journalisme s’y enseigne en licence ou en master à l’université) continuent à diplômer des centaines (de futurs?) journalistes, et ne désemplissent pas.
Dans ces conditons, «mais pourquoi faire une école de journalisme?» reprend Seth Lewis, nouvellement engagé par le NiemanLab, l’excellent blog sur les médias d’Harvard, pour discuter éducation et formation. Comment aller à l’école pourrait aider à se préparer à un métier qui va changer mille fois entre le jour où je suis arrivée à New York en septembre et le jour où j’en repartirai en mai? Pourquoi faire confiance à des profs qui sont eux-mêmes en train de réapprendre leur métier?
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