Le New York Times s’est installé dans son nouvel immeuble à l’été 2007. A l’époque, une des raisons données par les éditeurs était la nécessité d’intégrer les rédactions web et papier du journal, jusque-là dans deux immeubles différents. Deux ans après, à quel point la rédaction est elle devenue intégrée?
Wendell Jamieson, le rédacteur en chef de la section Metro (local) pour le web, répondait récemment aux questions des lecteurs dans la rubrique «Ask the Times» du site. Après l’avoir contacté sur Facebook pour plus de détails sur son travail, il m’a invitée à «passer au bureau».
L’intérieur du New York Times est aussi impressionnant que l’extérieur, un grand bâtiment de verre qu’Alain «Spiderman» Robert a essayé d’escalader en 2008, avant que la sécurité ne soit renforcée. En plus des ascenseurs habituels, de grands escaliers rouges relient les étages entre eux en créant des percées en plein milieu des différents niveaux. Quel rapport avec l’intégration? L’idée était de permettre aux différents reporters, rédacteurs en chef, etc, de pouvoir se parler ou se héler sans avoir à perdre le temps de prendre l’ascenseur pour changer d’étage.
Wendell Jamieson est assis entre le rédac’ chef de City Room, le blog local du NYT, et le «assignment editor» de Metro, qui dispatche les journalistes de la rubrique sur les différents événements à couvrir et se préoccupe de ce qui paraîtra sur la version papier du journal. Ce qui donne trois différents chefs qui travaillent avec les même reporters sur des délais de bouclage différents. Qui décide de qui fait quoi pour qui pour quand?
«On décide tous», assure Wendell Jamieson. «On a trois réunions dans la journée où on discute de ce qui va dans le site et le journal du lendemain». Si on a un gros désaccord, on va voir le rédac chef de toute la section Metro, Joe Sexton, mais ça n’arrive pas. Prenant l’exemple d’un vote de la MTA (l’équivalent de la RATP à Paris) sur son budget qui avait lieu mercredi 16, Jamieson a expliqué que «pour un article simple comme celui-là, un reporter va faire un court article sur City Room, et ensuite il le transformera et le rallongera pour le web et le papier».
Le Times fonctionne encore avec trois systèmes informatiques différents: un pour le papier, un pour le web, et un (WordPress) pour les blogs. «Et la plupart des reporters écrivent leurs articles sur Word!», souligne Jamieson. L’article standard est d’abord envoyé à un «news clerk» (en charge de répondre au téléphone, rentrer les articles dans les systèmes, et autres petits boulots), qui le poste dans les deux systèmes informatiques, un des chefs de rubrique le relit pour la première fois, puis le fait passer aux correcteurs qui l’étudient de fond en comble, avant une dernière relecture par un autre correcteur, le «slot». Si l’article va aussi dans le New York Times papier, il est relu par un autre rédac chef et rerelu par d’autres correcteurs… même si la plupart du temps l’article qui paraît dans le papier est le même que celui en ligne!
«Il faut que ça soit vraiment énorme comme sujet pour qu’on change l’article», explique Jamieson. «Nos chiffres montrent que seule une toute petite partie de notre audience papier est la même que notre audience web», dit Jamieson, ce n’est donc pas un problème de passer exactement le même article dans le journal que sur le site. «On veut mettre le meilleur article dans l’édition papier». Si ce meilleur article est paru plus tôt sur le web, «on ne va pas trafiquer un nouveau début juste pour donner l’impression que c’est plus frais».
Seuls les grands évènements — «quand on sait que nos lecteurs papiers vont aussi aller sur le web» — méritent un traitement différent, comme le crash de l’A320 dans l’Hudson début 2009. Jamieson n’était pas encore à son poste, mais il sait comment tout s’est déroulé dans la «newsroom». L’assignment editor a reçu une info du reporter détaché auprès de la police, disant qu’un avion était en train de tomber dans le Hudson. En même temps, ça a été annoncé sur Twitter. «Donc City Room a publié un premier post, et ensuite l’assignment editor a envoyé des journalistes sur le terrain, qui appelaient ou emailaient pour un live-blogging sur City Room. En même temps, un autre rédacteur, au QG, écrivait un papier classique pour le site web, pendant que Bob McFadden, qui écrit superbement, s’est mis à compiler tout ça pour réécrire un long article à paraître le lendemain».
Jamieson est persuadé qu’à long terme, le but de son boulot est de supprimer son propre poste, et d’avoir un seul éditeur qui fera tout. Pour l’instant, explique-t-il, même si les journalistes travaillent pour le papier et pour le web, c’est toujours plus la classe de se retrouver dans la version papier du journal, surtout en première page. «Mais ça finira par changer, tout tournera autour du web et on n’aura plus que quelques personnes qui viendront la nuit mettre en forme le journal à partir de ce qu’on a sur notre site». Le raisonnement sous-entend que cette différenciation entre le lecteur papier et le lecteur web continue d’exister, mais il croit que c’est ce qui se passera.
Le New York Times n’en est pas encore là, et pour le moment, Wendell Jamieson ne demande qu’une amélioration à sa rédaction: «J’aimerais bien qu’on ait un seul système informatique…»
Cécile Dehesdin
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(Photo: l’immeuble du New York Times, par Haxorjoe, via Wikipedia)
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Clementine Gallot et AnneJocteurMonrozier, Cecile Dehesdin. Cecile Dehesdin a dit: [Medialab] Visite de la rédac intégrée du NY Times: 1 rédaction, 3 systèmes de publication http://bit.ly/6g5ALp […]
Une évolution à laquelle se soumet de plus en plus de rédaction à travers le monde et même à… l’île Maurice. Les journalistes collaborent de plus en plus aux différents supports de diffusion: le journal papier; le site web et la radio….
Un blog franchement intéressant par ailleurs…
Cordialement
Guillaume
[…] dit-elle. Personne n’arrive au New York Times en comprenant son système de publication, très complexe, assure-t-elle. Mais on peut y apporter d’autres compétences: techniques, comme le montage […]
[…] Je rêverais d’obtenir un organigramme du journal parce qu’il a l’air d’une incroyable complexité. Il y a une équipe en charge du multimédia, une en charge des graphiques, une en charge des bases de données. La rédaction se divise ensuite naturellement en rubriques (Local, International, Sport, etc). Chaque rubrique a un rédacteur en chef papier, un «deputy web editor», chargé de faire le lien entre papier et web en faisant travailler reporters pour les blogs de sa rubrique par exemple, des reporters, et un ou plusieurs web producers (pour plus de details sur le fonctionnement des rubriques, vous pouvez lire ce post qui se concentre sur la rubrique «Local»). […]