Depuis que je suis ici j’ai l’impression d’entendre parler d’un nouveau projet médiatique toutes les semaines: Spot.us qui s’allie au New York Times pour une enquête, une coopérative locale formée par des anciens du Chicago Tribune qui produit l’édition Chicago du New York Times, la Columbia Journalism Review lance un programme pour récupérer des supers journalistes au chômage, sans parler de tous les sites hyperlocaux qui se lancent partout aux États-Unis.
Certaines de ces start-ups se lancent grâce à de riches investisseurs ou des médias déjà existants. Mais d’autres existent grâce à des fondations qui offrent des prix conséquents aux nouveaux entrepreneurs. Les États-Unis ont, en général, un rapport aux bourses très différent de la France. Dans les milieux universitaires, en plus des bourses sur critères sociaux, les facs ont toutes des dizaines de bourses octroyées par des particuliers ou des fondations sur des critères ultra précis -du style, “cette bourse ira à un étudiant dont le grand-père a combattu pendant la Seconde Guerre Mondiale et qui se destine à être grand reporter de guerre” ou “cette bourse est destinée a un individu qui respecte des valeurs spirituelles et le goût de l’enseignement”-. Sans parler des “fellowships”, qui encouragent les journalistes aguerris à revenir à l’école en leur payant les 60 000 dollars de frais de scolarité plus 50 000 dollars d’argent de poche. (Toute pointe de jalousie dans cette description serait purement imaginée par le lecteur).
J’allais me lancer dans un plaidoyer pour plus de fondations en France quand je me suis rendue compte que Frédéric Filloux expliquait en détails il y a quelques mois sur Slate pourquoi ce modèle des fondations à but non lucratif ne pourrait pas fonctionner pour les médias en France: la richesse colossale de ces mécènes américains, la rentabilité de la presse française contre la faiblesse culturelle du mécénat français et la différence de nature entre les mécènes américains et français font toutes parties des raisons qui empêchent d’importer le modèle américain dans l’hexagone (un peu comme les bourses d’études américaines sont à la hauteur des frais de scolarité américains).
Mais puisqu’il est impossible d’amener les États-Unis à la France, amenez la France aux États-Unis! Pour la quatrième année de suite, la Knight Foundation octroie 5 millions de dollars à des projets médiatiques grâce à son News Challenge. Créée en 1940, la John S. and James L. Knight Foundation a pour but de promouvoir le journalisme, particulièrement le journalisme local ou tout ce qui lie les journalistes à la communauté qui les entoure.
Depuis 2007, le News Challenge permet donc de financer des start-ups qui remplissent trois critères: utiliser des technologies digitales et open-source, distribuer de l’information d’intérêt public, tester son projet dans une communauté locale. Pas besoin d’être américain pour être éligible: en 2008, six des seize gagnants étaient internationaux. Pour plus de détails, la foire aux questions est très bien faite.
Parmi les vainqueurs, David Cohn (2008), fondateur de Spot.us, un site de “crowdfunding” qui permet à des journalistes de proposer des enquêtes et d’être ensuite financé par des contributions d’internautes, Adrian Holovaty (2009), fondateur d’Everyblock, un aggregateur hyperlocal racheté cette année par MSNBC, ou encore Tim Berners-Lee, l’inventeur du World Wide Web, pour Media Standards, une organisation qui vise à plus de transparence dans les médias.
Vous pouvez remplir votre dossier dans la catégorie “privé”, auquel cas seul le jury le verra et vous ne pourrez plus le modifier une fois envoyé, ou dans la catégorie “public“: les internautes peuvent vous donner leur avis, et vous pourrez y apporter des corrections jusqu’à la deadline, c’est à dire le mardi 15 décembre, dans moins d’une semaine. La Knight foundation a repoussé cette date limite de deux mois, pour réussir à attirer davantage de geeks, de jeunes, et d’internationaux.
Ne vous inquiétez pas, le premier dossier de candidature n’est pas long à remplir (d’ailleurs, la plupart de mes camarades de classe qui veulent participer au News Challenge n’ont pas encore envoyé le leur). Shane, qui a sept idées en tête, en a déjà pitché une. Il compte en proposer trois autres et m’a donné quelques détails: pour la première étape, il vous suffira de proposer un titre de travail et de répondre à quelques questions très générales (Définissez votre projet en un paragraphe? En quoi est-il innovant? Que va-t-il apporter a des communautés géographiques? Qui êtes vous ?). Voilà quelques conseils en plus, au boulot!
Cécile Dehesdin
Des questions, des envies, des idées? Dites-moi tout dans les commentaires, sur Twitter (@sayseal), sur la page Facebook du medialab, ou envoyez-moi un mail à cecile.dehesdin (@) slate.fr
(Photo: Money, par aresauburn via Flickr)
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Slate.fr, Cecile Dehesdin. Cecile Dehesdin a dit: [Medialab] Sinon, pendant que Johny se meurt, les Etats-Unis vous offrent 5 millions de dollars http://bit.ly/7gjoIm […]
[…] Bien sûr, il n’y a pas qu’à Columbia que l’enseignement du journalisme s’adapte en permanence aux évolutions des médias. Seth Lewis lui-même donne un cours de «journalisme en ligne». Comme Sree Sreenivasan, mon prof de médias sociaux, il met le programme de sa classe en ligne. Il poste chaque semaine sur son blog un résumé du cours, apprend à ses élèves à quoi peut servir le crowd-sourcing, ce qu’est le journalisme participatif, comment construire une communauté en ligne, etc. Le cours se termine par la présentation d’un projet au News Challenge de la Knight Foundation. […]
[…] à Chicago, a gagné 639.000 dollars – 469.000 euros – grâce au Knight News Challenge (encore le News Challenge!) pour un programme offrant des bourses à des étudiants en sciences de l’informatique qui […]