Veni, Vidi, VC

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Petit manuel du Venture Capitalist à l’usage des journalistes entrepreneurs

Depuis plusieurs leçons de Ken Lerer, le cofondateur du Huffington Post, un élève pose la même question aux invités: comment trouver et communiquer avec des développeurs web? Ça donne lieu à des conversations assez cocasses à base de «le geek est un animal comme les autres», «allez les trouver sur les forums internet», et «n’ayez pas peur, eux aussi ont besoin de vous». Si Ken Lerer n’a pas invité un de ces specimen pour sa dernière session, il a choisi un sujet tout aussi mystérieux: le venture capitalist.

Après avoir notamment discuté de l’importance de la viralité, du web en temps réel, et de la géolocalisation, Fred Wilson, star new yorkaise des venture capitalists, est venu nous parler de son métier et de comment les journalistes pouvaient se servir de gens comme lui.

Fred Wilson est un VC (à prononcer «vici»), un investisseur en capital risque, depuis 24 ans. En gros, son boulot consiste à investir beaucoup d’argent dans des start-ups et à recevoir en échange une part de ces entreprises. Il a investi dans des dizaines de start-ups dont Twitter, Tumblr, Outside.in, et Foursquare, le petit dernier des réseaux sociaux qui enthousiasme les Américains.

Quand aller voir le Venture Capitalist

Fred Wilson a commencé par une clarification: «Toutes les entreprises n’ont pas besoin de capital risque», avant de préciser, «vous pouvez avoir un très bon business sans que ce soit un business qui intéresserait un Venture Capitalist».

Lors d’un récent panel tenu par Jeff Jarvis dans le cadre de son projet «New Business Models for News», un membre du public a demandé si l’hyperlocal intéresserait les venture capitalists. Fred Wilson a répondu que non, «mais que l’hyperlocal pouvait être un super business pour la personne ou les trois ou quatre personnes qui vont gérer un site hyperlocal».

Les investisseurs en capital risque ne s’intéressent qu’aux entreprises qui peuvent gagner beaucoup d’argent. Il s’agit ensuite de ne pas aller voir Fred Wilson trop tôt. Commencer avec l’aide de famille et d’amis (et là encore, je me dis qu’il faut que je change d’amis et de famille), de prêts bancaires, puis de business angels, ces investisseurs professionnels qui investissent leur propre argent (généralement entre 10.000 et 100.000 dollars) dans des start-ups. Son conseil: lever les fonds comme de la dette, pas des actions, afin de garder un contrôle total sur votre entreprise, et leur donner une ristourne sur la prochaine levée de fonds. Ensuite, seulement, il est temps de se tourner vers les VC.

Comment intéresser le Venture Capitalist

Premier pas: lancer sa start-up. «On ne donne pas de l’argent aux gens pour qu’ils quittent leur job et s’y mettent, on investit dans des gens qui ont tout risqué, quitté leur job, trouvé des premiers fonds et lancé leur entreprise», a expliqué Fred Wilson, admettant tout de même quelques exceptions comme Joshua Schachter, qui a pu développer Delicious pendant deux ans le soir et le week-end avant de finir par quitter son job.

Quant à la start-up elle même, pas la peine d’aller voir un venture capitalist si elle n’a pas un aspect technologique. «La plupart des gens pensent au Huffington Post comme à une entreprise de média, mais pour moi, beaucoup de ce qu’ils ont fait de mieux, c’est la technologie, et ce qu’ils arrivent à faire de leur produit. L’éditorial ne constitue pas à lui tout seul le plus important aspect du Huffington Post».

Pour intéresser un venture capitalist, il faut avoir quelque chose à lui montrer, donc une audience qui se développe et qui revient. Fred Wilson a réitéré une affirmation répétée plusieurs fois par Ken Lerer au cours de ses leçons: «Si vous avez un bon produit, une audience, on trouvera un modèle économique plus tard».

Qu’est ce qu’une audience assez importante pour un VC? «C’est difficile à dire…», a hésité Fred Wilson. Avant de rassurer les futurs journalistes et quelques élèves de l’école de business de Columbia présents dans l’assemblée: «Mais regardez Foursquare. Ils n’ont que 100.000 utilisateurs mais ce sont des enragés, et leur audience augmente de 40% par mois. Donc cette combinaison d’implication, d’addiction au produit et de croissance nous dit que l’entreprise a le potentiel d’avoir des millions d’utilisateurs».

Comment négocier avec le Venture Capitalist

L’erreur de débutant, c’est de chercher à lever trop de fonds. Il s’agit de lever le moins d’argent possible au début, quand le business est à son stade le plus incertain. La quantité de fonds à lever augmente au fur et à mesure que l’entreprise se développe, et sa valorisation en même temps.

Son slogan: «Amener votre entreprise le plus loin possible avec le moins d’argent possible en gardant le plus de contrôle possible». Il conseille de ne pas se préoccuper de la valorisation de votre start-up, sinon «vous allez vous retrouver à travailler pour les venture capitalists, pas pour vous».

Reprenant l’exemple de Foursquare, Fred Wilson a noté que son plus direct compétiteur, Gowalla, vient de lever 8 millions de dollars, tandis que Foursquare a 1 million. «C’est certes un peu préoccupant, mais si les gars de Foursquare continuent comme ils ont commencé, ils les battront, parce qu’ils étaient là en premier».

Le but des «Kerer Lessons» était de transformer des journalistes en potentiels entrepreneurs. Je suis sortie de ces six sessions en me disant qu’il me faudrait beaucoup de cours de business avant de pouvoir lancer ma boîte, mais j’ai aujourd’hui (et vous aussi j’espère!) une vision bien plus large de ce qu’il faut pour qu’une entreprise de médias fonctionne.

Cécile Dehesdin

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(Photo: L’argent vu de près, par 1suisse via Flickr)

6 commentaires pour “Veni, Vidi, VC”

  1. Bonjour,

    L’aspect évoqué en début d’article du dialogue entre journalistes et développeurs m’intéresse beaucoup. Comment est-ce abordé dans la formation?

    J’avais initié des échanges sur le thème “journalistes vs développeurs: 2 métiers, 2 cultures , 2 langages” dans un cursus de formation multimédia il y a quelques années mais sans parvenir à véritablement faire comprendre aux jeunes journalistes l’importance de l’enjeu. Importance que confirme d’une certaine manière le VC dont vous citez les propos en affirmant qu’il ne financera que des entreprises “technologiques”.

    C’est une suggestion pour un prochain billet.

    Merci d’avance.

  2. Bonjour,

    Merci pour ce commentaire, pour l’instant la relation entre journalistes et développeurs n’a pas été réellement abordée dans la formation, à part au travers de ces quelques phrases échangées dans les Lerer Lessons.
    Mais je vais me renseigner pour savoir quels sont les plans de Columbia à ce sujet.

  3. L’article est incomplet. Il fait apparaître les VC comme des presque philanthropes dont le seul objectif serait d’aider les entrepreneurs à réaliser leur business. La réalité est tout autre.

    1. Les VC mutualisent leurs risques en investissant sur 10 à 50 projets en mêmes temps. Statistiquement si un seul de ces projets fait x200 ou x400 en terme de valorisation, ils peuvent se débarrasser sans complexe des 9 à 49 autres projets, quitte même à couler définitivement des bonnes idées.

    2. les VC sont de véritables rapaces, avides de profits. Là où une juste valorisation pré-money (avant de lever des fonds) serait de 100, le VC va TOUJOURS demander de baisser cette valorisation à 20 ou dans le meilleur des cas à 30 : le VC veut une énorme part du capital.

    3. Le VC veut une part importante du capital mais pourquoi faire ? Parce que le VC possède un réseau “d’amis”, souvent plus riches que lui, à qui il faut parfois donner des gages de réciprocité (pour services rendus). Or avec une part importante du capital, le VC peut contrôler la boîte ou s’il ne peut pas, mettre tellement de bâtons dans les roues de l’entrepreneur, qu’il va le faire trébucher. Il pourra alors proposer qui un poste d’administrateur, qui un poste de président à ses amis.

    4. Enfin, n’oubliez jamais, amis entrepreneurs, vous qui risquez votre vie financière et souvent votre vie affective pour ne pas dire votre santé tout court, n’oubliez jamais que le VC n’a qu’un seul objectif : la revente. Les entrepreneurs qui possèdent la volonté du long terme seront donc laminés avec un VC.

    5. Dernier conseil (pour la France) : de nombreux intermédiaires se proposent de vous trouver des fonds lorsque vous cherchez …des fonds :. Ils demandent généralement 5 % HT du montant levé : ne leur confiez JAMAIS l’exclusivité de la recherche; payez-les UNIQUEMENT APRES qu’ils aient trouvé les fonds et que vous les ayez reçus; ne payez JAMAIS de frais de prise en charge du dossier (de 15000 à 100000 € HT en fonction des dossiers).

    Enfin, on pourrait aussi parler des banques et du métier de prêteur des banques, métier abandonnés depuis longtemps, mais ce sera un autre jour.

  4. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par Mehdi Lamloum, Cecile Dehesdin. Cecile Dehesdin a dit: [Medialab] Veni, Vedi, VC: Journaliste entrepreneur, apprends à parler au Venture Capitalist http://bit.ly/8XMDPE […]

  5. Merci pour ce compte-rendu !

  6. […] La question «comment trouver et communiquer avec des développeurs web?» travaillait beaucoup l’un des élèves des leçons de Ken Lerer, le cofondateur du Huffington Post, et la réponse de Columbia semble être de former des […]

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