Le Nieman Lab – blog media de la Nieman Foundation d’Harvard -, a expliqué que le Huffington Post monitorait l’effet de ses titres sur ses lecteurs en temps réel. Coup de chance, mardi, deux des fondateurs étaient à l’école…
«Vous ne pouvez pas contrôler le public», a asséné Jonah Peretti, co-fondateur du site et créateur de Buzzfeed. «Vous ne pouvez pas dire “Voilà, il n’y a que trois chaînes de télé, ou voilà les trois journaux qui existent”. C’est le public qui a le pouvoir, tout ce que vous pouvez faire c’est essayer de l’influencer».
A/B Testing
Pour influencer les lecteurs, il faut commencer par savoir ce qu’ils aiment. C’est pour ça que BuzzFeed a développé une technologie permettant de voir en temps réel sur quoi ses internautes cliquent; et sur quoi ils ne cliquent pas. Ce qui permet ensuite de faire du A/B testing, c’est à dire de tester deux titres différents pour un même article sur deux panels d’internautes et de voir le titre qui attire le plus de clics. Et en direct, s’il vous plaît.
Comment faire décoller un papier dans la liste des articles les plus lus, plus emailés ou plus commentés? Le système est utilisé par BuzzFeed, le Huffington Post, et vendu à d’autres compagnies (dont Peretti n’a, bien sûr, pas voulu révéler le nom…).
BuzzFeed a en fait été créé comme un projet parallèle au Huffington Post, un laboratoire, a raconté Jonah Peretti. Publier du contenu et voir comment les gens réagissent a permis de développer des stratégies virales et de vendre ces stratégies à d’autres compagnies.
La fin des sujets pas sexys mais importants?
L’annonce de ces possibilités n’a pas ravi tous les étudiants qui assistaient à la démonstration. Avec cette technologie, les médias relégueront vite en bas de page les infos sur lesquelles les gens ne cliquent pas, se sont inquiétés certains d’entre nous. En gros, on va de moins en moins parler de sujets importants, les «pas sexys» parce que personne ne clique sur ces papiers.
Qu’a répondu Jonah Peretti? Je donne la technologie, et c’est aux médias d’en faire ce qu’ils veulent: «Les news, c’est ce qui se passe dans le monde ou c’est ce qui intéresse les gens? C’est les deux, non? Toutes sortes de choses se passent dans le monde qui ne sont pas forcément des news, vous décidez que c’est de l’info parce que vous pensez que les gens vont s’y intéresser. Maintenant vous pouvez savoir en temps réel ce qui intéresse les lecteurs». Et jouer avec les titres, les placements ou les images d’appel pour les attirer vers ces sujets moins sexys?
Bien sûr, il peut y avoir des dérives au A/B testing. Google, grand fan de ce système, a vu partir un de ses designers les plus seniors parce qu’il n’en pouvait plus de devoir justifier l’épaisseur de la moindre bordure. Et prendre l’exemple de Buzzfeed — où se bousculent «Halloween: les costumes sexy pour chiens» et «Les jeans porte-jarretelles» — n’est pas la meilleure façon de convaincre que le testing va être bon pour la qualité du journalisme.
Buzz et journalisme
«Buzzfeed est très bon pour faire du buzz, ce n’est pas du journalisme», s’est empressé d’ajouter Ken Lerer, co-fondateur du Huffington Post qui dirige les «Lerer lessons» à Columbia (six sessions pour apprendre à monter son site de news). Mais il n’y a rien de mal dans le fait de parler de rendre un contenu viral. Viral n’est pas synonyme de mauvais journalisme».
«Les entreprises de média avaient tendance à penser que la seule chose qui importait, c’était le contenu, a renchéri Jonah. Dire que s’il existe du bon contenu, ça suffit pour que les gens viennent le lire, c’est dire que le réseau n’importe pas, qu’Internet n’importe pas. Si les entreprises technos sont plus grosses que les entreprises médias aujourd’hui, c’est parce que ces dernières n’ont pas encore trouvé la clé: comment créer un contenu qui contient sa propre viralité? Faire que quand quelqu’un voit ce contenu, il le répand?»
«Si vous vous dites juste “Je vais écrire quelque chose qui va devenir viral”, ça ne vous fait pas un business», rassure Ken Lerer. «Vous écrivez votre article parce que vous l’aimez et le trouvez important, et ensuite vous vous devez vous dire: comment est-ce que je peux le faire voyager?»
S’en suivit une rapide conversation sur l’importance des titres (et donc du A/B Testing), de l’optimisation pour moteurs de recherches («La pire chose inventée pour les médias», d’après un étudiant…), et les différents types de lecteurs sur un site: Jonah Peretti conseille d’analyser un site web en se mettant à la place d’un «cliqueur», d’un «partageur» et d’un «lecteur». Comment construire son site pour ces différents types? Qu’est ce qui fait qu’un cliqueur devient un partageur ou vice-versa?
Une heure et demie pour survoler comment se construire une audience, comment, au final, utiliser les nouvelles technologies pour amener le plus de gens à lire ce qu’on écrit. En plus de ce cours, et de la leçon inaugurale, les quatre prochains cours accélérés porteront sur la publicité, l’hyperlocal, la levée de fonds, et la «social distribution in real time» (aucune idée de ce que ça veut dire, mais je vous tiens au courant!)
Cécile Dehesdin
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(Photo par Torley, via Flickr)
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c’est marrant ce que tu nous écris là, j’en ai fait l’expérience pas plus tard qu’aujourd’hui sur le nytimes.com. Un même article sur cette députée républicaine du minnesota et deux titres en moins d’une heure! Tout s’explique désormais… Il faut dire qu’entre temps elle était passée en une du jour. Et bravo pour ton blog!
super bien l’article
cdt
[…] ce qui est du real time web, c’est tout bénef pour les journalistes: je vous avais raconté comment on pouvait savoir en temps réel sur quoi des internautes cliquaient, et donc tester des titres pour voir leur effet sur le lecteur. Chartbeat (une des compagnies de […]
[…] avoir notamment discuté de l’importance de la viralité, du web en temps réel, et de la géolocalisation, Fred Wilson, star new yorkaise des venture […]