Des patrons de presse passent régulièrement à l’école pour parler de leurs débuts, de leur média, et répondre aux questions des élèves. Harvey Levin, le rédacteur en chef de TMZ.com, a rencontré une trentaine d’intéressés lors d’une session organisée par le centre de recrutement de l’école de journalisme. Pas d’amphi de 300 personnes comme pour le rédacteur en chef de Rolling Stone, plus venu pour nous parler que pour nous recruter, mais une ambiance décontractée dans le centre étudiant de l’école: ordinateurs et canapés, sandwichs puisque la rencontre était à l’heure du déjeuner, bref, une ambiance très TMZ.
Et oui, Columbia espère bien que certains de ses élèves seront embauchés par le cauchemar des stars d’Hollywood, celui qui a publié la photo de la chanteuse RnB Rihanna tuméfiée, la tirade anti-sémite de Mel Gibson, et, bien sûr, a sorti en premier l’annonce de la mort de Michael Jackson. N’allez pas croire pour autant qu’il est facile d’entrer chez TMZ.
Le centre de recrutement de l’école nous a envoyé un email après la rencontre, qui disait en gros qu’il allait falloir se bouger autant que pour un boulot au New York Times si on espérait un jour trouver des piges chez eux. “Harvey Levin rapporte votre CV à L.A, ce n’est qu’un premier pas: envoyez-lui une lettre de motivation avec des idées d’articles people, envoyez-lui vos meilleurs articles pendant l’année, envoyez-lui à l’occasion des tuyaux people qu’il pourrait utiliser sur TMZ, et si vous allez à L.A, demandez à passer le voir.
Harvey Levin ressemble exactement au cliché du vieux beau Californien: bronzé virant vers l’orange, Ray Ban, dents ultra blanches, pas un gramme de trop. En quatre ans, il a monté et transformé TMZ (pour Thirty Mile Zone, le surnom du centre d’Hollywood): son site web spécialisé dans les news people est devenu une source de plus en plus fiable et incontournable.
A propos du L.A Times le jour de la mort de Michael Jackson
lire le billet«C’était fascinant, dix minutes après qu’on a publié qu’il est mort, le LATimes a écrit qu’il était plongé dans le coma. On savait qu’ils avaient tort, mais tout le monde a repris cet article du LA Times. Je n’ai rien fait. Pas question de dire qu’on était sûr de notre papier, on a décidé d’attendre, parce que généralement quand quelqu’un meurt ça ne change pas.
Pourquoi est-ce que personne ne nous a cités? Ces médias nous avaient cités des milliers de fois ces quatre dernières années, mais je pense que c’est à ce moment là qu’ils ont compris qu’on était de véritables concurrents.
Le LA Times est allé jusqu’à écrire un papier intitulé: Et si TMZ avait eu tort? L’ironie, c’est que c’est eux qui ont eu tort!»
Modèle payant ou gratuit? Internet nous rend-il débile ou crée-t-il une autre forme d’intelligence? La presse locale est-elle vouée à l’échec? Comment est-ce qu’on peut se former à un métier en mutation constante et accélérée?
Alors que le secteur dans lequel je veux travailler cherche à inventer des réponses à des questions qui n’existent pas encore et inversement, je vous propose de vous emmener avec moi de l’autre côté de l’Atlantique voir ce qui se dit et se fait aux Etats-Unis.
J’ai été acceptée dans le programme de double-diplôme Sciences Po / Columbia en journalisme. Après Sciences Po, me voilà à New York pour dix mois, spécialisation “digital media”. Quel meilleur endroit pour devenir journaliste multimédia que l’une des meilleures écoles américaines, et qui a lancé en janvier dernier un nouveau centre de recherche et d’enseignement dédié aux nouveaux médias?
Je compte bien profiter des mes profs, des invités de l’école (le rédac chef de Rolling Stone, de TMZ, etc) et de mes cours pour rebondir sur les polémiques et les problèmes que se posent constamment les journalistes dans leurs médias ou sur leurs blogs. En vous racontant au passage à quoi ressemblent des cours de Twitter ou ce que fait réellement la social media editor du New York Times.
Le programme est intensif: les 250 élèves de la promo viennent de finir le “multimedia bootcamp”, trois semaines de mise à niveau photo/son/reportage. C’est la première fois que ce stage multimédia est obligatoire pour tous les apprentis journalistes, quelle que soit leur majeure.
Comme dans les écoles en France, les cours sont donnés par des professionnels, souvent des anciens de Columbia. C’est John Smock, photographe pour Associated Press et SIPA qui m’a donné un cours accéléré de photojournalisme: 12 heures pour savoir ce qu’une agence ou une publication attend d’un photojournaliste, comment s’organiser sur le terrain, les techniques de photo de base, et un petit coup de Photoshop.
Cyrus Farivar, reporter radio freelance, a eu à peine plus de temps pour nous apprendre à manier les enregistreurs zoom, la construction d’un sujet radio, et le montage sur le logiciel Final Cut. Objectif final: maîtriser suffisamment chacun de ces médias pour être capable de créer un portfolio sonore à peu près regardable. Contrainte: photographier et enregistrer un procédé, avec un début, un milieu, et une fin, avoir beaucoup de sons d’ambiances, et une réflexion sur le rapport entre son et image.
D’où la première nuit blanche de l’année passée devant nos ordinateurs (l’école est ouverte 24h sur 24) et des sujets sur la fête d’anniversaire posthume organisée par Spike Lee pour Michael Jackson ou le toilettage pour chien.
Les profs ici donnent tous leur numéro de téléphone et nous encouragent à les appeler en cas de problème. Pris au mot, Rob Bennet a dû décrocher son téléphone à 23 heures mardi, quand Nate et Ashley l’ont appelé d’un bar sombre, sans savoir quoi faire de leur appareil photo avec une lumière quasi inexistante.
“C’est très bien de m’avoir appelé” a-t-il affirmé le lendemain. “S’il y a jamais un moment dans votre vie où vous pouvez demander de l’aide au milieu de la nuit, c’est bien quand vous payez 40 000 dollars pour votre année”.
Et oui, les frais de scolarité de Columbia s’élèvent à la hauteur de nos clichés les plus fous sur les études supérieures aux Etats-Unis. Petits chanceux, vous n’aurez pas à payer 40 000 dollars pour savoir ce qui se passe à l’école cette année -mais si vous cherchez à faire votre B.A du jour j’accepte bien sûr avec grand plaisir toutes les donations pour mon éducation…
Cécile Dehesdin
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(Photo: Cécile Dehesdin)
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