W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Alexandre Sulzer, journaliste à 20 Minutes, passé du Web au print. Ne pouvant répondre au questionnaire des travailleurs du Web, réservé à ceux-ci, il explique ses conditions de travail, et les différences entre ce qu’il a vécu en ligne et ce qu’il vit sur l’imprimé.
Pas mal de journalistes print ont abandonné leur ancien support au profit d’Internet, média plus moderne, Terre promise d’un avenir radieux où il n’est plus question de ringards coûts d’impression ou de distribution, où l’info est vécue vraiment live et où les contraintes de taille et de bouclage ont (presque) disparu. Peu de journalistes ont fait le chemin inverse. J’en fais partie.
Rédacteur généraliste sur le site 20minutes.fr, je travaille aujourd’hui pour la locale Grand Paris du journal papier 20 Minutes. Vétéran du Web, je peux donc comparer les conditions de travail entre les deux médias sur la base notamment des principaux points soulevés dans le fondateur article «Les forçats de l’info» du Monde. L’exercice est un poil périlleux dans la mesure où il risque d’être interprété comme un match de boxe entre deux médias rivaux, comme une compétition victimaire où celui qui sera le plus «Pakistanais de l’info» aura le dernier mot. Ce n’est évidemment pas le but. L’ambition ne va pas au-delà de la description de mon simple cas.
>> Lire le décryptage des résultats du questionnaire sur les travailleurs du Web >>
Le type de contrat: il n’a pas changé. Au Web comme au print, j’ai bénéficié d’un CDI.
Le salaire: il est supérieur depuis que je suis passé sur le papier. Mais l’ancienneté dans la boîte et le cap des 5 ans de carte de presse l’expliquent pour beaucoup. Les derniers «juniors» embauchés au print ne sont pas mieux rémunérés que sur le Web.
Les horaires et le rythme: au Web, différentes tranches horaires de travail dans une fourchette comprise entre 7h et 21h. Plus je travaillais tôt, plus j’avais tendance à faire des heures parce que j’avais du mal à décrocher. Mais je finissais rarement après 20h, sauf si je commençais à 13h. Comme il s’agit de couvrir en temps réel des évènements compris sur une plage horaire définie par avance, le rythme de travail est à la fois soutenu et régulier. Le work in progress, les infos qui se succèdent les unes aux autres indéfiniment sont abrutissants. Mais le fait d’avoir des horaires permet de laisser la main à des collègues sans souci. Sauf dans les cas, assez rares, où l’on est en reportage sur le terrain.
Sur le papier, la journée ne peut s’arrêter avant le bouclage. Aucun espoir de finir avant 20h-21h donc. Et ce, quelle que soit l’heure à laquelle on a commencé le matin. Paradoxalement, le fait d’avoir une heure de bouclage, et donc une heure de «fin» de travail, impose de travailler au moins jusqu’à cette heure en question. Et s’il est vraiment rare de commencer aussi tôt que sur le Web, la journée débute fréquemment par un rendez-vous (reportage, conférence de presse, petit-déjeuner…) en début de matinée.
Bref, sur le plan des horaires, le papier n’est absolument pas en peine. Quant au rythme, il est beaucoup plus irrégulier que sur le Web où la rédaction d’articles et leur réactualisation rapide occupe une grande partie du travail. Sur le papier, le temps de rédaction à proprement parler est assez réduit (surtout vu les formats de 20 Minutes). Les reportages quotidiens sur le terrain, les déplacements qu’ils occasionnent, la recherche de sujets locaux avec ce que cela suppose de contacts, d’entretiens de contacts, de diversification des sources sont une grosse partie du job. Là encore, la quantité de travail sur le print n’a rien à envier à son petit frère digital.
Les veilles et le week-end: je n’ai pas été affecté à des périodes de veille, ni au Web ni au print. Ce qui n’empêche pas de devoir parfois travailler les jours de repos lorsque l’actu l’impose. Je travaille plus souvent le dimanche depuis que je suis passé au papier.
La dépendance à un média: elle est plus forte en ligne où l’on est tenté de suivre le développement live de tel ou tel événement, de voir comment buzze tel ou tel article ou de lire les commentaires des internautes et d’y répondre. Sur le papier, une fois le journal achevé, on retourne plus facilement à la vraie vie. On a aussi moins l’impression de vivre en vase-clos dans le microcosme de ses friends-followers.
La maîtrise des outils: au Web, on me demandait d’écrire un article, de l’éditer (notamment faire des liens), de le mettre en ligne dans le backoffice, de choisir une photo et d’y associer des mots-clés. On m’a demandé, très rarement, de faire de la vidéo et du son. Sur le papier, depuis plusieurs mois, on me demande d’écrire bien sûr, d’éditer les articles mais aussi de penser aux maquettes les plus appropriées aux sujets et de les concevoir. Le choix de la photo revient à un iconographe mais le mieux est de s’y associer pour préciser l’angle, ce que l’on souhaite mettre en valeur dans la page. De façon exceptionnelle, je réalise les photos moi-même.
Quant à la question du mépris des journalistes print à l’égard des Web-rédacteurs, il n’existe que marginalement à 20 Minutes. Et en sens inverse, les vannes sur les dinosaures que seraient les salariés du papier, jamais très à la pointe sur Twitpic il faut bien le dire, existent également….
Alexandre Sulzer
lire le billetDimanche 22 août, 11h. Les journalistes Web «de garde» pour le week-end se tournent les pouces: aucune grosse information à se mettre sous la dent. Aude Courtin, journaliste à lepost.fr, soupire sur Twitter «qu’est-ce que je m’ennuie!». Et Vincent Glad, son homologue à Slate.fr, de l’apostropher: «Si tu vois de l’actu, fais tourner. Du haut de ma tour, je ne vois rien venir et je désespère.»
Cet échange est l’une des émanations de la «supra rédaction» qui s’est formée sur le Web français. J’emploie le mot «supra» à dessein. Car c’est un corps de journalistes et experts du Web qui, au delà du titre qui les emploie – ou du site pour lequel ils produisent des contenus –, travaillent parfois de concert sur le même sujet. Et communiquent les uns avec les autres. Comme s’ils étaient dans la même rédaction.
De l’extérieur, le processus est quasi invisible. Cette construction de l’information en temps réel, en ligne, et en commun, s’est installée sans avoir été ni planifiée ni orchestrée. En commun? Mais à combien? Difficile de déterminer le nombre exact de membres de cette salle de rédaction virtuelle, disons une petite cinquantaine, travaillant ou sur des sites d’informations généralistes, ou des blogs, ou des sites locaux et régionaux, ou spécialisés.
Crédit:Flickr/CC//lori_greig
Premiers faits d’armes
La première fois que cette «supra rédac» émerge, en France, c’est, me semble-t-il, en novembre 2009, lors de la polémique autour de l’exacte date à laquelle la photo de Nicolas Sarkozy donnant des coups de pioche sur le mur de Berlin a été prise. En 1989, certes, mais était-ce bien le 9 novembre 1989, comme l’assure le chef de l’Etat sur sa page Facebook?
Toute la journée du 9 novembre 2009 – la photo avait été publiée la veille sur le profil Facebook de Nicolas Sarkozy -, les rédactions françaises s’emparent de l’histoire. Lemonde.fr retrouve une dépêche de l’AFP datant du 17 novembre 1989 qui évoque un voyage à Berlin le… 16 novembre 1989. 20minutes.fr apprend, via un conseiller de l’Elysée, qu’il y aurait eu en fait deux voyages à Berlin lors de ce mois de novembre 1989. A son tour, lefigaro.fr ressuscite des archives de l’époque qui montrent qu’Alain Juppé a bien été deux fois à Berlin. Mais pour Nicolas Sarkozy, c’est moins sûr. Enfin Liberation.fr, sur le blog d’un de ses journalistes, assure que la version des faits racontés par Nicolas Sarkozy sur son profil Facebook ne colle pas avec la réalité historique.
Bilan: en quelques heures, plusieurs personnes, issues de rédactions différentes, ont ainsi construit ensemble une enquête à plusieurs mains, en se citant réciproquement. Et cette collaboration, non préméditée, a permis à l’enquête d’avancer en temps réel, chaque site publiant au fur et à mesure ses infos, sans attendre d’avoir le fin mot de l’affaire.
Adrénaline en commun
«Il arrive que la “supra rédac” se mette à bosser “ensemble”, généralement sur un gros événement ou une actu “chaude”, m’explique Samuel Laurent, journaliste politique au Monde.fr, ex-lefigaro.fr. Disons surtout qu’on partage des choses que l’on voit en enquêtant». «Partager des choses», en langage Web, cela veut dire s’envoyer/poster des liens url. Sans «bonjour» ni aucun autre mot servant la fonction phatique du langage, circulent ainsi des liens vers un document, vers une vidéo, vers un article paru sur un site étranger… qu’importe le contenu du moment qu’il apporte un élément d’information inédit. Le lien, c’est la monnaie d’échange des travailleurs du Web. Or qui dit lien pertinent vers une information encore inexploitée journalistiquement dit idée de sujet potentielle «à vendre» lors de la conférence de rédaction.
La collaboration entre journalistes n’est pas nouvelle. Ce qui change, c’est l’intensité de cette collaboration et la technologie employée pour ce faire. Sans surprise, les passerelles entre les membres de cette «supra rédac» passent avant tout par les outils du Web. Messagerie instantanée, Skype, direct message sur Twitter, message via Facebook, ou simple email: la plupart des journalistes Web ont des dizaines de fenêtres ouvertes sur leur écran. De quoi tisser des liens en permanence, bien plus qu’entre journalistes d’antan.
«Même si je ne chatte pas avec mes confrères, je vois ce qu’ils font, car ils changent leur statut en fonction du sujet qui les préoccupe», me raconte l’un d’eux. Paradoxal? Entre un journaliste travaillant sur un site de presse et son homologue bossant sur le journal imprimé du même groupe, la distance professionnelle, psychologique et même humaine, est peut-être plus grande qu’entre deux journalistes Web, même issus de sites concurrents.
Technologie au quotidien
L’esprit de corps règnerait donc davantage au sein des travailleurs du Web que dans les autres supports (télé, radio, presse écrite)? Le Web serait-il le monde des gentils bisounours qui s’entraident? Et si, à force d’échange et de mise en commun, ces pratiques empêchaient les sites de sortir des informations exclusives? «Je tweete souvent ce sur quoi je bosse, reprend Samuel Laurent. Ce qui me permet parfois d’avoir de l’aide, de trouver des interlocuteurs, etc. Je ne donne pas le détail de mes angles, en tous cas plus maintenant. Il m’est arrivé de me faire “piquer” une idée par quelqu’un d’autre, depuis j’ai tendance à tweeter des angles que je ne vais pas faire plutôt que ceux que j’ai en tête.»
D’autant que, sur le Web, nombre de rédacteurs travaillent, au même moment de la journée, sur les mêmes informations, chacun cherchant à la traiter à sa façon (ici, une interview, là, un décryptage, ici encore, un diaporama, là, une vidéo, etc.) et, si possible, avant les autres. Du coup, en plus d’écrire leurs papiers, les rédacteurs suivent leurs confrères sur les réseaux sociaux, voient ce qu’ils publient, commentent leurs articles, et partagent des infos. «Si je tombe sur un document important pour le sujet que je traite, je ne vais pas le balancer directement, surtout si je sais que d’autres bossent sur la même chose.» En revanche, donner des liens vers des vidéos qui ne serviront pas pour son sujet, «pas de problème», elles pourront servir à d’autres.
Synchronisation des flux, des infos, des contacts
La «supra rédac», c’est donc un échange d’intérêts bien compris: à la fois système de veille et d’aide collective, outil d’espionnage industriel, et… carnet d’adresses commun. En effet, et contrairement à ce qui se pratique dans les autres médias, il arrive qu’un journaliste Web demande un contact ou un numéro de téléphone à un autre journaliste Web, même si celui-ci travaille pour un site concurrent. Lequel va le plus souvent lui répondre en quelques minutes, avec le numéro de téléphone demandé, ou, a minima, un «désolé, je n’ai pas cela dans mes tablettes».
«J’ai tendance à donner un numéro si on me le demande, ce qui n’arrive pas non plus tous les jours, m’assure l’un des journalistes concernés. Mais je fais attention, par exemple pour un portable perso, ou si le contact m’a donné son numéro à titre exceptionnel… Un contact “général”, genre attaché de presse de politique, se partage sans souci. Le numéro “exclusif” que tu as eu un mal fou à dégotter, moins».
Confrères ET concurrents
Solidarité entre travailleurs rompus au temps réel et habitués à ce que, dans le flux de l’information en continu, un message ne puisse rester plus de quelques minutes sans réponse? Très certainement. Mais aussi réseau entre journalistes qui, «turn over» des rédactions Web oblige, ont déjà travaillé ensemble et/ou savent qu’ils seront amenés un jour ou l’autre à se croiser dans une rédaction. «Disons que ça nous place dans une situation de “confrères-concurrents” qui n’est finalement pas très différente de situations de reportage ou d’événements où des dizaines de journalistes couvrent la même chose… Au congrès du PS à Reims, ou à La Rochelle, par exemple, il y a aussi une forme d’entraide entre journalistes de médias concurrents», dit Samuel Laurent.
En dehors de l’hexagone, ce phénomène de «mutualisation/collaboration de forces journalistiques», comme l’écrit Jeff Jarvis, est un peu différent. Il est affiché. Et passe par des titres de rédactions plutôt que par des individus membres d’une rédaction. Ce qui a été manifeste en juillet, lorsque le site Wikileaks, diffusant 77.000 documents provenant des services de renseignements américains sur la guerre en Afghanistan, s’est allié avec trois noms de la presse mondiale, le New York Times, le Guardian et le Spiegel. Wikileaks a collecté les informations, les trois autres y ont apporté, en ligne, de la valeur ajoutée, en commentant, mettant en perspective, croisant des données, recueillant des réactions, et attirant «l’audience et son attention».
«Grâce au Net, le coût marginal du partage d’informations est égal à zéro, analyse Jarvis sur son blog. Donc la valeur du journaliste dans la diffusion des informations est proche de zéro (…) Cette mutation du marché nous force à regarder ce qu’est la vraie valeur du journalisme (…)». Le salut dépend de «la valeur ajoutée» que peuvent apporter les journalistes. Ceux-ci ne peuvent et ne doivent pas seulement «mettre en scène l’information» mais y «ajouter de la perspective (ce qui, horreur, pourrait vouloir dire avoir une opinion)», ironise Jarvis, avant de conclure: «Si vous n’apportez aucune valeur ajoutée, alors on n’a plus besoin de vous.» Compris, «supra rédac»?
Et vous, avez-vous construit des sujets de façon transversale avec des confrères? Avez-vous demandé de l’aide pour trouver un interlocuteur à un membre d’une rédaction concurrente?
Alice Antheaume
lire le billetW.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Jean-François Fogel, consultant et Professeur associé à Sciences Po, en charge de l’enseignement du numérique à l’école de journalisme.
Le site péruvien d’El Comercio propose depuis un semestre une formule dégagée de toute référence au quotidien imprimé. Une architecture de tags à l’état pur, sans artifices de présentation. Un succès à méditer.
Réussir un site d’information, c’est facile quand on a les idées claires. Un coup d’oeil sur celui du quotidien péruvien El Comercio suffit pour le vérifier. Le succès de sa nouvelle formule est stupéfiant. Il est passé de 2,8 millions de visiteurs uniques, l’été dernier, à 4,3 millions en mars 2010. Son plus plus proche concurrent le talonnait à guère plus de 100.000 visiteurs uniques; cet écart a été multiplié par onze! Et, plus significatif, la durée moyenne des visites a explosé, passant de 3mn 17s à 19mn 49s.
La semaine dernière à Mexico, les responsables du site, Pablo Mancini, son gérant, et Fabricio Torres, son rédacteur en chef, expliquaient leur recette devant les représentants des quotidiens leaders de onze pays d’Amérique Latine rassemblés dans le “Grupo de Diarios de América” (GDA), une association favorisant l’échange des contenus rédactionnels et des expériences. Les réunions du GDA sont des séances compactes mais, pour une fois, tout a failli traîner tant il y avait à décortiquer sur ce site qui ne rappelle en rien le journal imprimé qui lui a donné sa marque (El Comercio est une sorte de “Figaro” du Pérou, avec des cahiers multiples et une quadrichromie abondante proposés à un lectorat aisé).
Crédit: DR
L’architecture de la page d’accueil procède d’une innovation sans réserve avec l’empilage de “solutions” superposées. Aucune logique journalistique, aucun souci de présentation et pas davantage de volonté de construire une hiérarchie journalistique dans cette page; il s’agit d’une boîte d’outils qui servent à empoigner l’information avec de haut en bas:
– un header sur fond jaune invitant à s’inscrire dans la communauté des internautes d’El Comercio, ou à entrer en relation avec le site par téléphone mobile ou RSS.
– une première barre de navigation traitant seulement des principaux thèmes choisis par la rédaction (les prochaines élections, la coupe du monde de football, la gastronomie, etc.).
– un bloc graphique de neuf images qui occupe tout un écran. Chaque image correspond à ce que la rédaction nomme un “canal”, en fait à une page de tag qui l’alimente. Une des neufs images est utilisée pour la publicité ou la promotion.
– une barre de navigation vert pâle consacrée uniquement au football (au Pérou, en Italie, en Espagne, etc.)
– une barre de navigation rouge permettant de naviguer parmi des tags groupés selon des catégories classiques (économie, technologie, spectacles, etc.) avec au total une formidable offre d’environ 230 tags.
– Et enfin, un flux de contenus rangés de la façon la plus simple du monde, dans l’ordre anté-chronologique, le dernier publié ou mis à jour venant en tête.
Le site d’El Comercio ne fait pas mine d’avoir des rubriques ou d’afficher des titres à la façon d’un média imprimé. Hormis les neuf images de son premier écran sur la page d’accueil et ses barres de navigation, il ne connaît que le tag et le flux. Pas de sujets “magazine”, pas de pseudo processus d’édition, seule la mécanique des tags est à l’ouvrage pour servir l’information et la ranger de façon dynamique. Les quelques thèmes sur lesquels la rédaction a décidé de s’investir se trouvent dans la barre de navigation la plus haute, ce sont donc des paris joués de façon durable. Il suffit de cliquer sur l’un des onglets de cette barre pour voir que toute la page d’accueil change avec le même déferlement automatisé de tags, de barres de navigation et de flux traitant d’un seul thème. Chaque page de tag se plie à la même logique: offre de flux puis offre de tags. La page de contenu propose de même un article au-dessus de listes de tags avec pour seule frontière l’empilement des commentaires.
Interrogé sur l’explication de la croissance de leur machine à taguer, les deux responsables répondent en citant les trois seules obligations de leur politique rédactionnelle: tout contenu doit inclure au moins un lien; tous les titres doivent être écrits en utilisant des mots-clés ; tout ce qui existe d’intéressant dans les autres médias péruviens doit être repris au moins dans un lien. Réseau, référencement, agrégation: c’est simple comme le web.
Le plus étonnant est que le site fonctionne sans moteur sémantique pour générer les tags. A chaque production d’un contenu, les journalistes doivent ajouter des tags qui appartiennent à trois catégories: évènement, thème, personnalité. “Je travaille avec eux pour éviter que la rédaction des tags ne soit trop dispersée, dit Fabricio Torres. Ecrire un tag est encore plus important qu’écrire un article car si on le fait mal, l’audience ne verra jamais ce qui a été produit.” Grâce à ce souci rédactionnel de bien étiqueter les contenus, il n’existe que 32.000 tags après six mois de fonctionnement, un petit chiffre quand on connaît la dynamique explosive de cette génération d’étiquettes.
Last but not least, le site propose aux internautes l’accès à tous les codes et toutes les applications qu’il a développés. A la question: à quoi ressemble un site d’information bâti comme si la presse n’avait jamais existé auparavant?, on peut répondre El Comercio.
lire le billet«Mobilité et ubiquité: qui fait l’info à l’heure des réseaux sociaux?». Pour (tenter de) répondre à cette question, un colloque, organisé par MSN – en partenariat avec l’école de journalisme de Sciences Po, s’est tenu ce mardi 13 avril dans les locaux de Microsoft, à Issy-les-Moulineaux. En toute subjectivité, voici ma sélection de citations à retenir parmi les interventions.
«Il y a plus d’informations parce qu’il y a plus d’émetteurs. Tout le monde est un média. La Maison Blanche, l’Elysée, BMW, etc. (…) La mission du journaliste, c’est de trouver le signal dans le bruit» Eric Scherer, directeur de la stratégie de l’AFP
«Même en 140 signes, sur Twitter, oui, on peut faire du journalisme» Célia Meriguet, rédactrice en chef du Monde.fr, en réponse à Jérôme Bureau, directeur de l’information de M6
«Les journalistes de la rédaction Web d’Europe1.fr sont de plus en plus des prescripteurs et “valideurs” d’infos pour la rédaction d’ Europe 1» Laurent Guimier, directeur de la rédaction d’Europe 1
«Les journalistes Web vivent dans l’immédiateté, leurs lecteurs pas forcément (…) C’est là toute la difficulté, conjuguer les différents temps de l’information. Est-ce que le temps immédiat modifie en profondeur la nature de l’information? Je ne crois pas…» Bruno Patino, directeur de France Culture et de l’école de journalisme de Sciences Po
«Nous vivons une période de copié-collé» Jean-François Fogel, consultant, professeur associé à l’école de journalisme de Sciences Po
«Axés sur l’information chaude, les sites d’infos se ressemblent un peu tous aujourd’hui» Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr
«L’iPad a un formidable pouvoir d’attraction. Nous nous jetons tous dans la piscine, sans savoir s’il y a de l’eau à l’intérieur (…) Il n’y a pas d’immédiateté du drame, nous avons le temps de nous adapter» Pierre Conte, président de la régie publicitaire du Figaro
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lire le billetA New York, les grands médias sont des attractions touristiques. L’exemple le plus abouti en la matière concerne le groupe audiovisuel NBC. En plein centre de New York, à quelques mètres de la célèbre patinoire de la place Rockfeller, se trouve une boutique appelée «NBC Experience Store». A l’intérieur, c’est un supermarché d’objets à la gloire des héros des séries qui font ou ont fait le succès de la chaîne américaine NBC. Tasses à l’effigie du Dr House, des tee-shirts aux couleurs des personnages de Friends, cirés jaunes avec le logo de The Weather Channel, autre chaîne du groupe, ou encore le café MSNBC, la chaîne câblée de NBC.
Clubs de foot et médias, même combat
En clair, NBC a la même stratégie commerciale que les clubs de foot français du PSG et de l’OM, lesquels ont, pour rappel, ouvert des magasins à la façade clinquante sur les Champs-Elysées, à Paris.
Mais ce n’est pas tout. NBC propose aussi aux touristes une visite de ses studios. Notamment ceux qui servent à tourner les émissions Saturday Night Live et The Today show. A condition que les visiteurs ne décident pas d’y aller aux heures où les dites émissions sont tournées. «N’oubliez pas que la visibilité des studios n’est pas garantie, indique la brochure. Vous ne pourrez voir que les studios qui ne sont pas utilisés au moment où vous ferez le NBC studio tour».
Coût de la visite: 19,25 dollars (14,25 euros). Pour ce prix, NBC a aussi pensé à mettre en place des activités incroyablement profitables. Par exemple, donner aux visiteurs la possibilité d’être les M. ou Mme Météo pendant quelques secondes, ou de lire les titres pour les infos devant une caméra. Les séquences ne sont évidemment pas diffusées. Plus gadget encore, les touristes peuvent se faire photographier en glissant leur tête à la place de celle des personnages de la série Heroes.
Que penser de cette stratégie de produits dérivés? Est-ce inquiétant? Certainement pas pour NBC, qui organise son «NBC studio tour» depuis… 1933. Ni pour les autres médias américains. «L’année dernière (pire moment de la crise pour les journaux américains, ndlr), on a réfléchi à de nouvelles idées, m’a confié un journaliste du New York Times. J’ai proposé qu’on fasse payer la visite de la rédaction. Mais l’idée n’a pas été retenue…» De fait, si les étages de la rédaction ne sont accessibles qu’aux salariés du quotidien ou aux invités, le hall de l’immeuble du New York Times est, lui, visible gratuitement.
S’y trouve d’ailleurs une installation artistique, «Moveable type», créée en 2007 par Ben Rubin et Mark Hansen, qui indexe des «dizaines de millions de mots qui ont été publiées dans le quotidien depuis sa création, en 1851, et qui continuent d’apparaître sur le site Web». Sur les dizaines d’écrans accrochés au mur défilent ainsi des citations, des commentaires d’internautes, des chiffres, des nécrologies, des extraits de lettres envoyées aux éditeurs, etc. En outre, les visiteurs de l’entrée trouveront un livret en beau papier cartonné sur l’architecture du New York Times building, élaborée par Renzo Piano.
Le cas Bloomberg, à part
Pour faire sa promotion, Bloomberg fait plus simple. Pas de visite organisée pour le grand public, mais des cartes postales imprimées à la gloire de leur savoir-faire. «Fast is as slow as we go», est-il écrit sur celle-ci. Ou «we’re not some start-up with exciting ideas, we’re Bloomberg with exciting ideas», sur celle-là. Des slogans sans fioriture qui martèlent l’idée que Bloomberg ne joue pas dans la même cour que les autres médias. Les cartes postales, elles, sont gratuites.
Aimeriez-vous visiter les rédactions françaises au cours d’un voyage touristique? Qu’en pensez-vous?
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lire le billetGawker, c’est le petit site Web d’infos qui fait peur aux grands. Lancé en 2003, il s’est fait connaître en publiant des articles sur les coulisses des médias new-yorkais et des potins sur les stars de Manhattan. «A chaque fois que le New York Times produit un document usage interne, celui-si se retrouve une heure plus tard en ligne sur Gawker», soupirent les journalistes du quotidien américain. Réponse de Gawker: «Les salariés qui en ont marre de leur boîte nous envoient les notes faites sur et par leur société. Chaque jour, on en reçoit des centaines, on trie puis on publie celles qui nous intéressent.»
Gawker.com n’a rien d’un site d’infos généralistes. On y trouve de «l’infotainment», avec des sujets peopolitique, people tout court, des sujets culturels, tournés vers les usages des Web et/ou les jeux vidéos, et des sujets sur les médias. En particulier la télé, «l’occupation préférée de 90% d’Américains», sourit l’équipe. Bref, des sujets très populaires voire potaches, dont le ton détonne. Chaque jour, une soixantaine d’articles sont publiés sur Gawker, sans compter les billets des blogs que le site agrège, comme Valleywag, spécialisé dans les nouvelles technologies, Citylife, qui zoome sur le quotidien des New-Yorkais. Le tout, financé par la pub, est gratuit et compte le rester.
Rotation permanente
Moyenne d’âge des journalistes de Gawker: 30 ans. A la rédaction, qui compte une cinquantaine de personnes — la «moitié sont des contributeurs extérieurs», l’emplacement des bureaux change tout le temps, et les chefs tournent tout autant. «On n’a pas encore trouvé la meilleure configuration possible», me confie Remy Stern, le nouveau rédacteur en chef.
Chaque rédacteur peut voir, sur un outil interne, le nombre de clics que ses articles génèrent. Et ce, en temps réel. Avec ses 4, 2 millions de visiteurs uniques par mois (chiffres Quantcast), Gawker reste petit — People.com fait, lui, 15,7 millions de visiteurs uniques par mois, et Slate.com 8,1. Le trafic, Gawker regarde ça de près, et publie même des articles sur son cas.
Pourtant, question notoriété, Gawker s’est fait sa place au soleil. Et pas qu’au figuré. Le rédacteur en chef m’emmène visiter la partie, dit-il, «la plus importante du site»: une terrasse sur le toit de plusieurs centaines de mètres carrés avec vue sur l’un des quartiers les plus branchés de New York. «On y organise des soirées une fois par semaine. Le service marketing invite ses clients à venir siroter des bières. Une fois qu’ils ont bu quelques verres, ils achètent des publicités.» La bonne vieille technique.
Pas de conférence de rédaction
A Gawker, malgré l’apparente ambiance décontractée, le superflu n’existe pas. Aucun chargé d’édition ni secrétaire de rédaction pour relire les articles — «il y a très peu de différences entre la version écrite par le rédacteur et celle que l’internaute lit en ligne». Pas non plus de «front page editor» devant alimenter et animer la page d’accueil — «tout ce qui est mis en ligne est automatiquement sur la “une”». Et les titres? Et les photos? Et le circuit de la copie? «La journée, je passe derrière les rédacteurs pour changer ici un titre, pour mettre l’accent là sur un sujet, mais la nuit, ce sont eux qui s’en chargent.»
Pas non plus de conférence de rédaction tous les matins. «Toute la rédaction est connectée via Campfire (un outil qui permet de chatter à plusieurs, et échanger des fichiers de façon instantanée, ndlr), m’explique Remy Stern. C’est ici que l’on se demande “est-ce qu’on fait ce sujet?”, “qui le fait?”, “tu as vu cette vidéo? est-ce qu’on la publie?”, etc. Au lieu de prendre des décisions une fois par jour en conférence de rédaction, on en prend toutes les deux minutes par ce biais. De toute façon, on n’a pas mille ans pour décider.»
Surtout ne pas ressembler aux rédactions traditionnelles
La seule peur de Gawker, c’est de faire les mêmes choses – c’est-à-dire, pour eux, les mêmes erreurs – que les rédactions traditionnelles. «Les vieux journaux ont installé des circuits de la copie très établis, des processus de production sophistiqués, or on voit bien que ces mécanismes ne fonctionnent pas, tranche le rédacteur en chef. Si on met des avocats/relecteurs partout, on n’avance pas.» La théorie a du bon. Mais en pratique, cela met une sacrée pression sur les rédacteurs, qui n’ont pas de filet de sécurité. Et à qui il arrive de se tromper. «Notre communauté nous force à être vigilants. Les internautes nous signalent les fautes dès qu’ils en voient une, que les rédacteurs corrigent alors en indiquant qu’ils se sont trompés.» Un mode de production «work in progress» allègrement pratiqué ailleurs…
Des sujets sur la télé vitesse grand V
Autre point commun avec les jeunes rédactions en ligne françaises: la pratique du «breaking news» permanent et du «live». «C’est très important, souligne le rédacteur en chef. On est dans une monde ultra compétitif. Cela ne sert à rien d’être le troisième site à publier l’info, il faut être le premier.» Car c’est rentable, en terme de trafic. Quand Gawker a fait des «lives» en janvier pour raconter, à la minute près, les piques que s’envoyaient les animateurs de show télévisuels américains comme Jay Leno, Connan O’ Brien ou David Letterman, par émissions interposées, cela lui a rapporté des millions d’internautes, assure-t-il. «Tous les Américains parlaient de ce scandale, qui a même fini par faire trois fois la “home” du nytimes.com». Gawker a alors sorti l’artillerie lourde. Une vingtaine de boîtiers pour enregistrer tous les shows du soir, y compris quand ils se tenaient au même moment mais sur des chaînes différentes, et pas moins de 10 personnes pour veiller au grain. «Si un animateur en insultait un autre, on était ainsi sûr d’avoir le passage en stock. On pouvait le numériser et le mettre en ligne en quelques minutes».
La main à la pâte
De règles, Gawker n’en a guère. Y compris sur l’usage des réseaux sociaux. «Les rédacteurs savent ce qu’il est pertinent d’y publier ou pas», reprend Remy Stern. Même si Gawker ne règlemente pas l’utilisation de Twitter ou Facebook par ses journalistes — contrairement au New York Times et à Reuters, qui ont édicté des chartes, Christoper Marscari, le responsable du marketing, fait une différence entre les contenus mis sur l’un ou l’autre réseau. «Sur Facebook, on publie les articles qui vont susciter le plus d’interaction entre la rédaction et les lecteurs. Sur Twitter, on met avant tout les contenus les plus informatifs». Là non plus, pas de superflu.
Que pensez-vous de Gawker? Donnez vos avis dans les commentaires ci-dessous…
Alice Antheaume
lire le billet«Dans une rédaction, le problème le plus fréquent n’est pas de vérifier des faits, mais d’avoir les faits. Et… le plus vite possible.» Sarah J. Hinman est directrice du pôle «recherche d’infos» à Times Union, un quotidien crée en 1837 et édité à plus de 90.000 exemplaires, qui couvre l’actualité de la ville d’Albany et sa périphérie, au Nord de l’Etat de New York.
Le métier de Sarah J. Hinman? «News researcher». Chercheuse d’infos, donc. Spécificité: elle n’écrit pas d’articles, elle prend des notes qu’elle donne aux journalistes. «Je n’effectue qu’une partie de l’enquête», confie-t-elle lors d’un cours donné à l’école de journalisme de la Columbia. Son job consiste à travailler en amont, c’est-à-dire avant l’enquête ou le reportage des journalistes sur le terrain. Quelque soit l’histoire qui sera publiée (fait divers, politique, société, etc.), elle fournit aux reporters toutes les infos dont ils ont besoin. Les numéros de téléphone des personnes concernées, leurs adresses postales, la liste des gens dont ces personnes sont proches, ainsi que leurs coordonnées.
Bases de données à volonté
Comment savoir où se trouve en ce moment un SDF que la rédaction veut interviewer? Comment trouver le numéro de téléphone portable de cette femme accusée de meurtre? Comment savoir ce que cette ONG gagne grâce à ses soirées caritatives? Pour Sarah J. Hinman, pas de problème, elle connaît le Net – et les bases de données – comme sa poche. A la voir chercher en un temps record les réponses aux questions précédentes, je me dis que, pas possible, je suis tombée sur la Lisbeth Salander américaine – l’héroïne de Millénium, geekette ébouriffante, qui farfouille sur le réseau en quête d’infos pour une enquête du journaliste Michael Blomkvist.
Aucune question n’est insoluble
«J’adore qu’on me pose des questions», reprend Sarah J. Hinman, qui scrute frénétiquement son écran. «En fait, j’adore trouver les réponses… Et j’adore les chiffres aussi. Plus que les lettres, ils veulent toujours dire quelque chose. Il suffit de les faire parler». Et la voici qui trouve l’équivalent du numéro de sécurité sociale d’un célèbre homme politique américain… «Les femmes sont plus difficiles à traquer», tempère Sarah J. Hinman, «car, mariées, elles changent de noms.»
Ancienne documentaliste, elle a à son disposition des bases de données payantes, dont Nexis, qui répertorie notamment des détails très précis sur les entreprises et leurs salariés (environ 10.000 dollars l’abonnement à l’année pour une rédaction américaine), mais aussi les réseaux sociaux, et des bases de données gratuites, accessibles en ligne, dont l’une liste tous les professeurs américains, et une autre les magistrats du pays. «Un jour, on cherchait des informations sur une avocate endettée jusqu’au cou, qui avait disparu de la circulation, se souvient Sarah J. Hinman. En faisant une requête sur son nom dans l’annuaire des magistrats, j’ai vu qu’elle avait été radiée de l’ordre des avocats. C’était peut-être insignifiant, mais j’ai donné l’élément au journaliste. Or il se trouve que la date de sa radiation correspondait peu ou prou à la date à laquelle elle avait commencé à ne plus payer ses emprunts bancaires.»
Coup gagnant
Times Union, le Times, et d’autres rédactions américaines, y compris des télévisions, ont recours aux services des «news researchers». Une tactique payante, me raconte un professeur de la Columbia. «Un “news researcher” représente une double économie pour une rédaction. 1. Il coûte moins cher en salaire qu’un journaliste 2. Il permet aux journalistes de faire deux fois plus de terrain», et produire de la valeur ajoutée «visible» grâce à des reportages, au lieu de passer du temps, moins «visible» pour le lecteur, coincés derrière un écran à chercher les infos du «news researcher». «C’est un économiseur de temps», plaidait déjà il y a quelques années Theresa Collington Moore, qui faisait ce métier dans une chaîne de télé en Floride. Pour celle-ci, «ne pas avoir cette fonction dans une rédaction, c’est comme jouer au foot sans gardien de but».
Qu’en pensez-vous? Faut-il que la fonction de «news researcher» s’implante dans les rédactions françaises?
Alice Antheaume
lire le billetCrédit: New York Times
C’est l’attraction de ce début de semaine à New York. Les «TimesCast», des vidéos de 6-8 minutes dans lesquelles on voit les débats internes autour des sujets couverts par le New York Times, sont depuis lundi mises en ligne tous les jours, du lundi au vendredi, entre 13 heures et 14 heures, heure locale (entre 18 et 19 heures en France, où ils cartonnent, m’a confié le responsable du projet). «On a testé le format pendant des mois avant de le lancer, me raconte Jigar Mehta, journaliste au pôle vidéo du New York Times. Le but est de montrer le fond de la boîte noire aux internautes, car s’ils voient ce qu’il se passe, ils comprendront mieux qui nous sommes et ce que nous faisons.» Une façon de maintenir – ou créer? – le lien entre les internautes et la marque du quotidien américain. «Cela montre quels sujets nous décidons de couvrir, et comment on décide de les raconter, avait dit Ann Derry, directrice éditoriale, dans un communiqué. Nous donnons à nos internautes un accès inédit à nos coulisses.»
Transparent
La tentative est louable: viser la transparence. Une valeur clé et un peu fantasmatique du Web. Sauf que, à y regarder de plus près, la spontanéité n’y est pas. Le «TimesCast» fait l’objet d’un savant agencement, en quatre séquences, dont la première est la plus percutante, car elle montre une partie de la réunion dédiée à la première page («page one meeting»). Dans les séquences qui suivent, plusieurs conversations entre journalistes et rédacteurs en chef, mais qui paraissent peu naturelles à l’écran. A tel point que le site Gawker a ironisé sur le format, en évoquant une saga télévisuelle rebaptisée «you-are-there newsroom web show».
Ce qui fait sourire le service vidéo du New York Times, parmi lesquelles quatre personnes (!) travaillent sur les «TimesCast». «C’est vrai que que c’est un show», dit le responsable de la séquence vidéo. «Mais on ne force personne de la rédaction à parler devant la caméra, seuls sont filmés ceux qui le souhaitent».
Pas de script, mais un conducteur
A la question «les discussions des “TimesCast” sont-elles scénarisées?», Jigar Mehta répond «non, il n’y a pas de script». En revanche, il y a bel et bien un conducteur qui établit, avant le tournage des séquences, les deux ou trois points principaux qui doivent être cités pour expliquer un sujet. «Quand le sujet le plus chaud du jour est le retrait de Google de Chine, comme c’était le cas ce mardi, nous n’allons pas ré-expliquer ce qu’est Google, mais nous allons donner des éléments de contexte, de diplomatie, d’économie, mais aussi revenir sur les usages des internautes en Chine.»
Une case monétisable
Impossible de connaître pour l’instant le nombre de personnes qui ont cliqué sur le bouton lecture des premiers «TimesCast»; les chiffres ne sortiront pas de l’enceinte du New York Times.
Parmi les réactions relevées sur Twitter à la sortie du premier numéro, certains se sont étonnés du costume-cravate que portent tous les participants de la conférence de rédaction. Remarque anecdotique, mais qui n’est pas infondée. «Les journalistes du New York Times ne vont pas à la “page one meeting”, ce sont leurs chefs qui s’y rendent, m’explique un journaliste du pôle multimédia. Lorsqu’ils en ont besoin, les chefs de service appellent leurs reporters (via un système qui permet à la table d’entendre la conversation, ndlr) pendant la conférence pour avoir des explications sur tel ou tel sujet. Ces chefs ont des responsabilités, ce qui les oblige à rencontrer beaucoup de monde toute la journée et assurer la visibilité du titre», d’où leur mise moins décontractée que ceux qui restent derrière l’écran du site Web toute la journée.
Au New York Times, le «TimesCast» mobilise. Jamais deux ou trois caméras n’avaient obtenu chaque jour leur entrée dans la réunion de la première page. Mais si le format intéresse, c’est aussi parce qu’il est pourvoyeur de publicités. Le transporteur FedEx le parraine, et les éditeurs du programme réfléchissent à insérer, au milieu de la vidéo, une autre «page» de pub. «C’est un rendez-vous quotidien, qui peut fidéliser», argue l’équipe chargée de monétiser le contenu. Des arguments qui devraient parler aux annonceurs.
Alice Antheaume
La service vidéo du New York Times a noté un pic de connections depuis la France sur les «TimesCast». Ils m’ont demandé pourquoi ça intéressait tant les Français. A votre avis, pourquoi?
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