Que retenir de la journée spéciale dédiée aux nouvelles pratiques du journalisme, organisée par l’Ecole de journalisme de Sciences Po et la Graduate school of Journalism de Columbia, le 10 décembre?
Voici les points clés de chaque intervention, d’Ariane Bernard, du nytimes.com, à Antoine Nazaret, de Dailymotion, en passant par Masha Rigin, du Dailybeast.com, Sarah Hinman Ryan, de Times Union, Nicolas Enault, du Monde.fr, Nicolas Kayser-Brill, d’Owni.fr, Michael Shapiro et David Klatell, de la Columbia, et Jean-François Fogel et Bruno Patino, de l’Ecole de journalisme de Sciences Po…
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[Merci à tous les éditeurs de l’Ecole de journalisme de Sciences Po qui ont produit vidéos, photos, textes, live stream et tweets pendant cette journée marathon. Cet article a été rédigé d’après leurs notes et le “live”]
Ariane Bernard, home page producer, nytimes.com
Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna
Masha Rigin, spécialiste du référencement (SEO), thedailybeast.com
Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna
Nicolas Enault, coordinateur de l’audience, lemonde.fr
Michael Shapiro, professeur de journalisme, cours de «city newsroom», Graduate School of journalism, Columbia
Crédit vidéo: Daphnée Denis
David Klatell, professeur de journalisme, responsable de l’international, Graduate School of journalism, Columbia
Crédit photo: DR/Hugo Passarello Luna
Sarah J. Hinman Ryan, directrice du pôle investigations et recherche d’informations, Times Union
Madhav Chinnappa, directeur stratégique des partenariats, Google News, ex BBC News
Nicolas Kayser Brill, journaliste de données, statisticien, Owni.fr
Crédit photo: DR/Hannah Olivennes
Crédit vidéo: Diane Jeantet
Antoine Nazaret, éditeur des contenus vidéos «news», Dailymotion
Jean-François Fogel, professeur associé à l’Ecole de journalisme de Sciences Po
Bruno Patino, directeur de l’Ecole de journalisme de Sciences Po
AA
lire le billetOwni, plate-forme de «journalisme digital», et dernier-né des pure players de l’hexagone, veut être le ProPublica (1) français. C’est-à-dire une organisation qui finance des productions journalistiques sans en tirer profit. «L’information ne vaut pas d’argent et n’en rapporte pas, m’explique Nicolas Voisin, 32 ans, à la tête d’Owni. Depuis le temps, on le sait!».
Ordinateurs customisés et appartement à moquette
Les locaux d’Owni, situés près de la place de la République à Paris, ressemblent à une ruche. Une quinzaine de personnes travaillent, dans une chaleur d’étuve due à la surchauffe des ordis, sous les toits de ce qui semble être un ancien appartement. Nicolas Voisin appelle son équipe «la rédaction», sauf qu’ici, «il y a plus de techniciens que de journalistes».
Dans l’entrée, des développeurs de sites Web. Plus loin, Jean-March Manach, journaliste spécialiste des réseaux pour le site Internet Actu, et auteur du très bon blog Bug Brother, hébergé sur lemonde.fr, et Adriano Farano, ancien directeur de la rédaction de Café Babel, qui s’occupe du développement international d’Owni. Une jeune femme ne lève pas la tête de son clavier: c’est Astrid Girardeau, ex-journaliste à ecrans.fr, qui chapeaute une nouvelle section du site, «live», dont le lancement est prévu la semaine prochaine et sera un mélange de journalisme de liens et de formats courts. Dans une autre pièce, des graphistes-designers discutent, sur des fauteuils moelleux de cuir noir, comme des producteurs de télévision, tandis qu’un nid de très jeunes éditeurs, partageant la même table – mais pas les mêmes ordis, s’activent sur les contenus du site.
De fait, comme beaucoup de journalistes Web, les éditeurs d’Owni ne font pas qu’écrire des articles, ils agrègent des contenus extérieurs, imaginent titres et intertitres, font de l’activisme sur les réseaux sociaux, parlent statistiques, trouvent des idées pour mettre en scène des données en graphiques, ou commandent des articles à des pigistes (150 euros la pige, le double s’il y a des photos et/ou vidéos avec l’article, jusqu’à 500 euros s’il s’agit d’un gros dossier). Car à Owni, il n’y a pas de rédacteur en chef. En ligne, le résultat est hétérogène: des histoires souvent inédites, des infographies bien construites, du «crowd-sourcing», une plate-forme de blogs, mais un côté labyrinthe qui peut désarçonner.
Faire du service pour faire de l’info
La spécificité affichée de ce «laboratoire on line»: publier tous ses contenus (articles, applications, graphiques, tableaux, etc.) sous licence Creative Commons depuis la date de sa création, en avril 2009. Autrement dit, les contenus peuvent être reproduits ou modifiés par d’autres, à condition de citer la source et ne pas en faire un usage commercial.
Mais la particularité d’Owni est surtout économique. Contre toute attente, ce site ne cherche pas à commercialiser ses contenus. «Nous faisons le contraire d’un Rue89, détaille l’équipe. Eux ont commencé par produire des informations en ligne, et ensuite, pour faire vivre leur modèle, ils se sont mis à vendre des services, en faisant de la formation et de la conception de sites Web. Nous avons fait l’inverse.» A savoir engranger de l’argent avec une société commerciale, du nom de 22mars, qui négocie des contrats annuels avec des institutions pour leur faire des sites Web, de la maintenance, et diverses applications. Ce n’est qu’ensuite qu’a été lancé Owni, dont les 4 salariés, les 11 associés indépendants, entrepreneurs ou auto-entrepreneurs, et les 6 contrats en alternance, vivent sur les capitaux de l’entreprise mère, 22mars (234.000 euros de chiffre d’affaires, en 2009, et un objectif d’1 million d’euros en 2012).
«Notre économie existe avant le média. Et elle existera après… A ce titre, Owni est un formidable laboratoire de R&D (recherche et développement, ndlr)», reprend Nicolas Voisin.
Non-profit
Et si, par hasard, des éditeurs publiaient sur Owni des articles pas très gentils sur les clients de 22mars? La réponse de Nicolas Voisin cingle: «Le directeur de la publication d’Owni prend la responsabilité légale des contenus publiés sur le site, pas l’initiative éditoriale.»
Pas de pression financière directe, donc, ni de quête forcenée de l’audience (100.000 VU par mois selon les chiffres donnés par la plate-forme), un rythme de publication de croisière (moins de 10 articles par jour), Owni est l’incarnation, «à petite échelle, de ce que les Anglo-saxons appellent le “non-profit” (…) qui plus est sans pub ni péage – et ceci n’est pas prêt de changer.»
(1) ProPublica a financé une production Web qui a remporté le prix Pulitzer 2010.
Alice Antheaume
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