Les rédactions sont truffées de journalistes qui ne se ressemblent pas. Il y a ceux qui font des captures d’écran à tout va, ceux qui traquent les nouvelles tendances, ceux qui comptent les occurrences des mots dans les discours des politiques, ceux qui vérifient chaque chiffre et ceux qui ne vivent plus que pour le journalisme de données. Leur point commun? Ne pas pouvoir travailler sans outil numérique. Passage en revue de huit profils journalistiques (1).
Profil
Utilisateur forcené des réseaux sociaux, ce journaliste ne «suit» pas l’actualité prévue dans les agendas institutionnels. Ses sujets, il les renifle en observant l’activité des internautes sur le Web. Ainsi, il a déjà écrit sur le planking, l’art de se prendre en photo en faisant la planche, le tebowing, l’histoire de cette prière faite par le quarterback américain Tim Tebow, le scarlettjohanssoning, après la publication de clichés de l’actrice nue, le noynoying pour fustiger la passivité du président philippin Benino Aquino III, surnommé «Noynoy», et… le draping, du nom de Don Draper, le héros de la série Mad Men.
Signes distinctifs
Publie des articles sur les mèmes, ces éléments (images, citations, vidéos) qui se partagent, en ligne, à la vitesse de l’éclair et entrent dans la mémoire collective, comme cela a été le cas de la jambe d’Angelina Jolie, exposée lors de la cérémonie des Césars Oscars (merci @Bere94) et devenue un élément autonome sur le Web, copiée-collée sur d’autres photos.
Outils de travail
Trendic Topics, les sujets les plus discutés sur Twitter; Google Trends sur les mots-clés les plus tapés dans Google en fonction des pays et Google Insight for Search pour repérer les tendances de volume de recherche par région, catégorie, période; Video Viral Chart qui répertorie les vidéos les plus partagées (sur Facebook, sur les blogs, etc.) et trace leur «itinéraire» via un graphique; Know your Meme, une base de données sur les mèmes.
Profil
De la «bravitude» de Ségolène Royal en 2007 à la «méprisance» de Nicolas Sarkozy en 2012, ce journaliste traque les néologismes créés par les personnalités politiques, les petites phrases échangées entre candidats à la présidentielle et leurs références littéraires (François Hollande se comparant à Sisyphe et Jean-Luc Mélenchon citant Victor Hugo). Il peut aussi analyser le vocabulaire d’un parti sur un événement, comme le PS sur l’affaire Dominique Strauss-Kahn. Pour ce faire, il aime compter les occurrences d’un mot dans les discours politiques et les pronoms personnels pour en tirer des enseignements sur le message véhiculé. Au final, ses articles flirtent avec l’exercice du commentaire composé.
Signes distinctifs
Cite souvent le blog du linguiste Jean Veronis, peut glisser dans ses articles une définition trouvée dans le Littré, voire créer un quiz à partir des figures de style utilisées par des hommes et femmes politiques.
Outils de travail
L’INA, pour revoir les archives de discours politiques et d’interventions télévisées; Wordle, pour mettre en valeur, à partir d’un discours politique, les mots qui reviennent le plus souvent.
Profil
Journaliste en reportage, pour couvrir un procès, suivre un candidat en campagne électorale, relater un événement international, il se retrouve loin de ses collègues, avec son smartphone comme seul compagnon. «Il me permet de m’informer, de photographier, de tweeter et de rester en contact avec ma rédaction», décrit Soren Seelow, journaliste du Monde, envoyé spécial à Toulouse au moment de l’opération du Raid dans l’affaire Mohamed Merah, qui raconte le marathon médiatique de l’intérieur. Ses deux soucis principaux? 1. La recharge de son téléphone, qui se vide à la vitesse que l’on sait 2. La disponibilité du réseau téléphonique ou de la connexion Internet, sans qui aucune information ne peut être publiée.
Signes distinctifs
Dans le feu de l’action, peut faire quelques coquilles et ne répond pas aussitôt aux questions de l’audience pour préserver sa batterie. Il rêve d’une application mobile comme celle de Tumblr ou de la BBC pour pouvoir intégrer ses photos, ses sons, ses vidéos et ses informations dans le système de publication de sa rédaction, sans passer par la case ordinateur.
Outils de travail
Des recharges (portables) de téléphone; l’application Ustream pour mobile, pour diffuser en ligne les vidéos filmées sur son téléphone en temps réel, ou Bambuser; l’application Photoshop Express pour recadrer ses photos en deux secondes; et l’application de montage vidéo Reeldirector (pour iPhone).
Profil
Les règles d’orthographe, de grammaire et de ponctuation, il les connaît par coeur. Le système de publication de sa rédaction (appelé aussi CMS, comme content management system) aussi. Ainsi, il sait combien de signes maximum peut contenir un titre pour rester sur une seule ligne. Il a lui-même rédigé la charte de règles typographiques de sa rédaction, et pense qu’il faudrait l’offrir comme cadeau de Noël à tous les rédacteurs de son équipe. Car il se bat pour uniformiser l’écriture des articles, par exemple en demandant à ce qu’al-Qaida soit écrit en français plutôt qu’en anglais (Al-Qaeda) et en retirant les tirets qui n’auraient pas lieu d’être à Sciences Po (et non Sciences-Po) ou Nations unies (et non Nations-Unies). Excellent titreur, il a aussi appris quelques règles de SEO et leur impact sur l’écriture journalistique. D’ailleurs, il se demande toujours si ajouter un point d’exclamation ou d’interrogation à un titre fait «davantage remonter l’article dans Google News».
Signes distinctifs
Répète sans relâche qu’une citation s’écrit avec des guillemets doubles français (« ») et qu’une expression à l’intérieur d’une citation s’écrit avec des guillemets anglais (” “). Réédite parfois en cachette les articles de ses collègues pour corriger des «coquilles» malheureuses mais s’empêche de reprendre les fautes d’orthographe repérées dans les commentaires des internautes. Sa drogue? L’espace insécable, que l’on insère pour que deux mots ne soient pas séparés par un retour à la ligne automatique (CTRL + maj + espace dans Word, Alt + espace sur MAC).
Outils de travail
Le blog Langue sauce piquante des correcteurs du Monde; les raccourcis du clavier; les chartes des différentes rédactions existantes, de Reuters à Sud Ouest en passant par Médiapart; les conseils de Google pour le référencement.
Profil
Issu de la mouvance Owni, il estime que la principale plus-value du journaliste numérique repose sur le journalisme de données. Capable de lire des chiffres et des statistiques, de jongler avec des formules dans Excel, il fait montre de compétences scientifiques indéniables. Amateur de cartes –sur la France carcérale ou la disposition des caméras de surveillance par exemple, de graphiques et d’infographies animées, il peut utiliser différents outils de visualisation pour en tirer une information. Son modèle? The Guardian et sa capacité à raconter des histoires dont on oublie qu’elles trouvent leur source dans des données indigestes, sur les gares ferroviaires les plus bondées d’Angleterre ou sur les excès des notes de frais de ses parlementaires.
Signes distinctifs
A vu au moins une fois dans sa vie à quoi ressemblent les fichiers révélés par Wikileaks, tels que les câbles diplomatiques américains ou les rapports de l’armée sur la guerre en Irak. Le journaliste de données travaille en groupe, avec un développeur et un graphiste, avec qui il parle avec des termes barbares –tableur, feuille, donnée brute, donnée pertinente, donnée non pertinente, data, valeur.
Outils de travail
Excel; Open Data, la plateforme de données publiques lancée par le gouvernement; Google Chart ou Many Eyes pour créer des graphiques, des courbes et des camemberts; Document Cloud pour transformer des documents en données; Google Fusion Table pour visualiser sur des cartes et des chronologies les données agglomérées; Google Maps; OutWit Hub, un moteur de recherche qui repère sur le Web infos et documents concernant un champ de recherche donné (le foot comme les concerts, le budget de l’Etat français comme la crise de la zone euro).
Profil
Journaliste généraliste, il a une connaissance inégalée de l’actualité. Ultra réactif, branché sur les chaînes d’informations en continu, un oeil sur les sites concurrents, l’autre sur Twitter, il sait voir la différence entre la dépêche de 12h11 et celle de 12h12 à la virgule près. Les termes «batônnage» et «enrichissement» n’ont aucun secret pour lui. Le sens du mot «old», qu’il lance à ses collègues avec dextérité, non plus. Car pour les besoins du «live» sous toutes ses formes, il filtre toute information qui daterait de plus d’une heure.
Signes distinctifs
Travaille en temps réel mais en horaires décalés, donc présent sur les réseaux sociaux aux aurores ou bien très tard. Dans la frénésie de l’actualité, peut se démener pour publier un urgent de l’AFP sur Twitter, en faisant un copié-collé de l’alerte qu’il vient de recevoir.
Outils de travail
Twitter; agences de presse; Google Reader et/ou Netvibes pour faire de la veille; Cover It Live, Scribble Live, ou P2 (pour WordPress) pour couvrir un événement en direct.
Profil
Impossible de le déceler à la lecture de ses articles, mais ce journaliste ne rencontre pas physiquement les personnes qu’il interviewe. Comment se déroulent ses interviews alors? Par email, par messagerie instantanée ou par Skype. Le journaliste de cette catégorie vit en ligne et, en toute bonne foi, ne voit pas ce que cela changerait de rencontrer les gens en vrai pour leur poser des questions, à part perdre du temps –car aller au rendez-vous, en revenir, puis retranscrire l’interview sont autant d’étapes supplémentaires.
Signes distinctifs
Capable de mener plusieurs conversations en ligne à la fois, ce journaliste jongle avec de multiples fenêtres de conversation qui s’ouvrent de façon simultanée sur son ordinateur, ainsi que sur son smartphone.
Outils de travail
Messageries instantanées de Gmail et Facebook; messageries électroniques classiques; Skype et Hang Out pour des visioconférences; applications WhatsApp pour envoyer des SMS à volonté et IMO pour «chatter» sur toutes les plates-formes.
Profil
Depuis la primaire socialiste, à l’automne dernier, ce journaliste s’est fait une spécialité: vérifier la crédibilité de la parole politique. Alors il épluche les sites des candidats à la présidentielle, leurs programmes et leurs promesses. Devenu un représentant du fact checking, il passe au crible le chiffrage –ou l’absence de chiffrage– de chaque proposition. Et oppose d’autres chiffres, d’autres promesses, retrouvés dans les limbes du Web. Trouver les métadonnées d’une affiche de campagne pour découvrir d’où provient l’arrière plan de celle-ci fait partie de ses compétences. En dehors de la présidentielle, il sait s’assurer de l’authenticité de contenus provenant du Web, comme le tweet publié par un étudiant annonçant l’arrestation de Dominique Strauss-Khan, en mai 2011, ou la photo de Mouammar Kadhafi mort, en octobre 2011.
Signes distinctifs
Son arme? La capture d’écran. Conscient de la versatilité des contenus publiés sur le Web, il mitraille tout ce qu’il voit et enregistre dans la mémoire de son ordinateur ou de son téléphone des dizaines de captures d’écran, qu’il ressort en guise de preuve dans ses articles. Autre signe notable: sur Twitter, il peut se livrer à une discussion sans fin sur les diverses interprétations possibles d’un même chiffre.
Outils de travail
Pomme + Maj + 4 pour une capture d’écran sur un MAC; bouton central et bouton du haut à droit pressés en même temps pour une capture d’écran sur iPhone; Tineye, un moteur de recherche qui retrouve l’itinéraire d’un cliché; le module Exif Viewer (pour Firefox et Chrome) pour découvrir les informations sur la prise de vue d’une image…
(1) Cette classification n’est ni exhaustive ni issue d’un travail scientifique.
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Alice Antheaume
lire le billetDans «Slang», un dictionnaire américain d’expressions populaires, l’auteur Paul Dickson consacre 11 pages au jargon journalistique des rédactions américaines. Or il y manque la substantifique moelle de ce qui constitue le quotidien des journalistes français sur le Web. Un mélange de néologismes, de franglais, de termes issus des logiciels, et d’expressions potaches. Complément de chapitre.
Actu (nom, féminin):
Abréviation du mot «actualité». Impératrice qui fait la pluie et le beau temps journalistique, la densité ou la platitude de l’activité des rédactions. Exemples: «C’est quoi, l’actu du jour?» ou «Y a zéro actu, là, qu’est-ce que l’on va pouvoir bien inventer comme sujets?»
Back office (nom, masculin):
Les coulisses d’un site Web, là où se trouve le système de publication, dont l’accès est réservé à ceux qui y produisent des contenus, comme les rédacteurs. Le «Back office» s’oppose au «Front office», la partie visible de ce même site, que les internautes voient. Là où cela se corse, c’est qu’il y a parfois une différence entre ce qu’est un article dans le «Back office» et ce à quoi ce même article ressemble sur le «Front office» (voir «Wysiwyg»).
Balises (nom, féminin pluriel):
Ce sont des éléments du code html – le tissu osseux d’un site Web – qui permettent de définir la mise en page d’un texte, par exemple en mettant des caractères gras, italiques, soulignés, en sautant une ligne, etc. Leur particularité? Elles encadrent la partie du texte qu’il faut éditer, par une balise d’ouverture introduite par le caractère inférieur (<) et une balise de fermeture introduite par le caractère supérieur (>). Souvent, lorsque la mise en page présente des incohérences, c’est parce qu’il y a un problème de balises mal ouvertes ou mal fermées dans le code.
Bâtonner (verbe):
L’une des tâches les plus ingrates d’un journaliste. Il s’agit de réécrire une dépêche fournie par une agence (AFP, Reuters ou AP) en la remaniant à la marge, en retirant les répétitions, etc. Le bâtonnage serait le symbole de la paupérisation de la profession de journaliste, et, de surcroît, le chemin de croix des «forçats de l’info», ces soi-disant OS de l’Internet qui travaillent sur des sites de presse, des pure-players, mais aussi sur des plates-formes de contenus, comme Orange, Yahoo!News ou Dailymotion, ou pour des agences. On dit «bâtonner de la dépêche» ou «batônner» tout court.
Brévouille (nom, féminin):
Terme argotique signifiant brève, un format qui, comme son nom l’indique, ne comporte que quelques lignes de texte. Exemple: «Je fais la brévouille sur le nombre de morts sur les routes»
Burner (la HP) (se prononce beurné) (verbe):
Verbe issu du nom d’un bouton intitulé «burn», présent dans l’outil de gestion de 20minutes.fr. Cela signifie générer la page d’accueil pour y faire apparaître de nouveaux éléments (photos, titre, article, vidéo, pub). Une responsabilité qui demande de la dextérité, surtout quand tombe une information urgente qu’il faut publier aussi vite que possible. Exemple: «Tu as burné? Vite, burn, burn!».
«Ça ne marche que si je rentre dans le code»:
Expression de désespoir du journaliste souhaitant intégrer une vidéo/une image/des caractères gras à son texte, tandis que le système de publication ne veut prendre en compte ses indications. Le journaliste va alors dans le code html de son article pour insérer en langage technique l’élément requis.
«Ça ne marche pas mais c’est normal»:
Expression du service technique pour (tenter de) rassurer la rédaction quand un bug apparaît.
Capture (nom, féminin):
Abréviation de capture d’écran. Réflexe d’un bon journaliste Web lorsqu’il voit quelque chose en ligne (statut Facebook, tweet, erreur sur un site, etc.) qui risque d’être supprimé dans la minute. Il fait alors une capture de son écran qui servira de photo-preuve, au cas où… Car pas de capture, pas d’article.
Citasse (nom, féminin):
Terme argotique signifiant citation, c’est-à-dire des propos d’un interlocuteur recueillis par le journaliste et cités entre guillemets dans l’article. Exemple: «Il manque une ou deux citasses à ce papier, non?».
Cliquable (se prononce clikèbeule) (adjectif):
Equivalent pour le journalisme Web du mot «bankable». «Cliquable» désigne le potentiel d’un contenu (interview, vidéo, article, diaporama) en termes de clics – plus un article fait de clics, plus il est lu.
Cliquer (verbe)
Action, de la part d’un internaute, de se rendre sur un article, souvent grâce à un titre accrocheur. Le clic sert d’indice de popularité d’un contenu. Exemple: «Ce sujet, ça va cliquer à mort»
CMS (nom, masculin):
Acronyme de Content Management System. Sous ce nom sophistiqué se cache le système de publication des contenus produits par les journalistes. Il n’est pas rare que les journalistes de différentes rédactions se demandent, au détour d’un café, «sur quel CMS vous travaillez?». La discussion qui s’ensuit prend souvent l’allure d’un débat quasi politique entre les avantages d’un CMS et les défauts d’un autre.
Croper (une image) (verbe):
Recouper/recadrer une image, via l’outil «crop» du logiciel de retouches d’images Photoshop. Exemple: «Qui a cropé cette photo comme ça? Le cadrage, c’est n’importe quoi».
Débrouilloner (verbe):
Faire passer un article de l’état de brouillon (c’est-à-dire non visible par les internautes) à l’état de contenu publié (c’est-à-dire visible).
Engagement (nom):
Terme un peu fourre-tout, répété à l’envi, qui qualifie à la fois la nouvelle relation entre journalistes et lecteurs, les types d’interactions de l’audience avec les contenus (commentaires, partages, clics, etc.), et leur mesure (taux de partage d’un article, nombre de vidéo vues).
Enquête pages jaunes (nom, féminin):
Témoignages recueillis par téléphone auprès de personnes trouvées grâce aux services des Pages jaunes. Exemple: une prise d’otages a lieu dans un supermarché de la banlieue parisienne. En attendant qu’un journaliste se rende sur place, un deuxième journaliste, à la rédaction, géolocalise l’adresse du supermarché, et cherche, sur le site Pages jaunes, tous les commerçants répertoriés aux alentours de cette adresse. Il les appelle et recueille les premiers témoignages via une interview téléphonique, qu’il retranscrit aussitôt dans un article en ligne.
Facebooker (verbe):
Publier sur Facebook une information. Exemple: «Tu l’as facebooké, ton article sur François Hollande et les vacances de ses ministres?».
Fail (nom, masculin):
Un raté. Par exemple une vidéo qui ne «clique» pas (voir plus haut) ou un article qui reste en bas des «stats» (voir plus bas), en somme un soufflé qui se dégonfle.
Fake (nom ou adjectif):
Faux. Cela peut concerner une fausse information, un faux compte Twitter, un photo montage… tout, sur le Web, peut être fabriqué. Et doit donc être pesé et vérifié avant de faire l’objet d’une information publiable. Exemple: «ça sent le fake, cette histoire».
Google friendly (adjectif):
Désigne un contenu qui a le potentiel (bon titre, mots-clés présents dans le texte, liens, etc., tout l’art du SEO) pour être référencé et visible dans le moteur de recherche américain, souvent gage d’une manne de clics.
HP (nom, féminin):
Non pas hôpital psychiatrique, mais «home page», la page d’accueil d’un site Web.
Lâcher/prendre le lock:
Puisque, dans le Back office (voir plus haut), deux rédacteurs ne peuvent pas éditer en même temps le même article – sinon le système ne saurait pas quelles modifications prendre en compte, le fait qu’un journaliste rajoute une ligne dans un article verrouille l’accès de celui-ci, toujours dans le Back office, à une autre personne susceptible de vouloir le modifier au même moment. Un cadenas indique alors que le contenu est en train d’être géré par quelqu’un d’autre. D’où cette question, récurrente dans une rédaction en ligne: «Tu lâches le lock? Je peux le prendre?»
«Laisse, le print est dessus»:
Injonction donnée à un journaliste en ligne, afin qu’il laisse tomber un sujet dont s’occupe la rédaction papier du groupe dans lequel il travaille. Cette phrase ne peut s’entendre que dans un média qui compte deux rédactions, une pour le Web, une pour l’imprimé, comme au Figaro, au Monde, à 20 Minutes, etc.
Liker (verbe):
Cliquer sur le bouton «like» de Facebook. Par extension, plébisciter un article, apprécier un lien, voire un élément de la vie quotidienne, comme un pizza partagée un dimanche entre les rédacteurs qui sont de garde. Exemple: «Tu as liké mon article sur Wikileaks?», demande un journaliste à son collègue.
Linker (verbe):
Mettre un lien hypertexte dans un article, pour conduire l’internaute vers une autre page Web offrant un supplément d’informations. Par extension, citer quelqu’un dans son article. Exemple: «Je suis linké dans Les Inrocks, la classe!»
Liver (verbe):
Couvrir en direct, sur un site Web, un événement (discours politique, cérémonie des Oscars, matchs sportifs, émission de télé, etc.). «Liver» nécessite de raconter ce qu’il se passe et de le commenter en même temps, dans un format réactualisé minute par minute. Exemple: «Qui peut liver la cérémonie des voeux de Sarkozy à la presse?»
Liveur (nom, verbe):
Le rédacteur d’un «live», ce format qui exige, minute par minute, la couverture en temps en réel d’un événement. Est en passe de devenir une spécialité du journaliste Web.
Mème (nom, masculin):
Ni «même» ni «mémé», comme dirait mon confrère Vincent Glad, le mot «mème» est un terme scientifique qui désigne une unité culturelle reconnaissable, et pouvant faire l’objet de parodies à volonté, diffusées sur le Net par viralité. Ceux-ci constituent le ciment de la culture des journalistes en ligne, lesquels passent – c’est leur métier – un nombre conséquent d’heures à repérer sur le Web les nouveaux phénomènes. Exemples de mèmes, repértoriés sur le site Knowyourmeme.com: la tête de l’acteur Keanu Reeves, insérée partout; le bébé panda qui éternue, vu des milliards de fois; la vidéo du feu d’artifice provoqué soi-disant par des mentos plongés dans du coca; ou encore l’écureuil qui s’incruste jusqu’aux photos de vacances des couples présidentiels.
Modo (nom, masculin):
Abréviation de modérateur, celui ou celle qui, dans une rédaction en ligne, est chargé(e) de veiller à la bonne tenue des conversations des internautes sur le site dont il a la charge, ainsi que d’animer le débat sur les réseaux sociaux.
Nécro (nom, féminin):
Abréviation de nécrologie, un article publié à la mort d’une célébrité – et parfois réalisé des semaines ou des années avant le décès. Vraie richesse pour une rédaction en temps réel, laquelle n’a pas toujours la possibilité de réaliser, à la fois vite et bien, un portrait résumant la vie d’un homme, surtout lorsqu’il s’agit de Claude Lévi-Strauss.
Old (adjectif, invariable):
Terme anglais employé dans les rédactions en ligne pour qualifier une information jugée trop datée pour apparaître sur un site d’informations en temps réel.
Papier (nom, masculin):
Terme hérité du journalisme traditionnel, qui dénomme un article «un papier». Même si c’est paradoxal en ligne, c’est encore ce même mot qui est utilisé.
Push vocal (nom, masculin):
Signalement donné dans une rédaction, à l’oral, par un journaliste Web à ses collègues, lorsque survient une information urgente. Façon de donner l’alerte, comme le fait le système de «push» sur smartphone.
Le print (nom, masculin):
La rédaction d’un journal papier, par opposition à la rédaction Web, qui travaille en ligne.
«Quand j’ai compris»:
Expression signifiant que, enfin, le cerveau du journaliste en ligne a percuté, découvrant le sens d’un entremêlement de faits, d’une citation, ou d’une simple blague, dont la signification lui était jusqu’alors obscure. Cette expression est devenue un hashtag très populaire sur Twitter.
Q&A (se prononce kiewané):
Format journalistique fait de questions et réponses (questions and answers, en anglais). Peut aussi se dire Q/R. Exemple: ce Q&A sur le médicament Médiator.
«Refresh» (verbe à l’impératif):
Réactualiser sa page, en cliquant sur le bouton «actualiser» de son navigateur. Correspond à la touche F5 d’un PC.
Remonter la timeline:
Action de retrouver le long d’un compte Twitter ou Facebook les statuts, images, vidéos, postées il y a quelques heures, voire quelques jours. Bref, rétro-pédaler dans le flux.
Social TV (nom, féminin):
Télévision sociale, en français, c’est-à-dire regarder un programme sur un premier écran (l’écran télé) et utiliser un deuxième écran (ordinateur, tablette, mobile) pour réagir à ce même programme en allant le commenter sur les réseaux sociaux ou en cherchant, sur le Web, des informations complémentaires à l’émission visionnée.
Les sportifs (nom, masculin pluriel):
Désigne le service de journalistes qui couvrent les actualités sportives. Qu’ils pratiquent eux-mêmes une activité sportive ou pas dans leur vie n’a pas d’impact sur cette appellation.
Les stats (nom, féminin pluriel):
Abréviation de statistiques, l’outil de mesure de l’audience en ligne. La drogue dure des journalistes Web…
La tech (nom, féminin):
Le groupe d’ingénieurs et de développeurs qui veillent aux problématiques techniques du site.
Troller (verbe):
Action de saboter la discussion qui se tient dans les commentaires sous un article, en alignant, au choix, arguments de mauvaise foi, théories du complot, et autres activités, dont j’ai déjà parlé dans ce W.I.P. Le journaliste est sensible au fait d’avoir des commentaires sous son article, signe de popularité, mais est souvent découragé d’y lire des réactions de trolls, ce qu’il prend le plus souvent personnellement. Exemple: «ça y est, je me fais troller».
Troll (nom, masculin):
Internaute qui trolle (voir ci-dessus) les discussions en ligne, vrai ennemi des modérateurs (voir «modo»).
Updater (son papier) (verbe):
Mettre à jour son article, en veillant à ce que les dernières informations y soient. Par exemple, s’il s’agit d’un article sur l’attentat du 24 janvier à l’aéroport de Moscou, le nombre de morts ou de blessés va évoluer au fil des heures, et il faut alors «updater» les chiffres.
«Vide ton cache»:
Action d’aller dans son navigateur pour aider son ordinateur à mieux «rafraîchir» ses pages, sans garder en mémoire les versions précédentes de ces pages. Utile quand on vient de changer un mot dans un article et qu’on veut voir, en ligne et dans la minute, si le changement a été pris en compte.
VU (nom, masculin):
Acronyme de Visiteur Unique. Comme expliqué précédemment, le visiteur unique (VU) n’est pas vraiment unique. Cette unité de mesure de l’audience, graal des sites Web pour le marché publicitaire, désigne un «individu qui a cliqué sur le contenu d’un site au moins une fois pendant la période mesurée (généralement un mois, ndlr)», explique Berit Block, analyste européen pour l’institut Comscore, qui évalue le trafic des sites Web.
Wysiwyg:
Acronyme de «What You See Is What You Get» (ce que tu vois est ce que tu auras, en VF). Cela signifie que l’article, le titre, l’image, tels que mis dans le Back office (voir plus haut), auront la même forme une fois publiés (même espace, même police, même mise en page).
Merci à tous ceux qui ont participé pour vos exemples, qui ont nourri cette liste. Si vous avez d’autres mots et expressions à ajouter, dites le dans les commentaires ci-dessous…
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