Cahier de vacances 2013 pour étudiants en journalisme

Crédit: Flickr/CC/quinn.anya

Les étudiants de la promotion 2013 de l’Ecole de journalisme de Sciences Po sont désormais diplômés – et ils l’ont bien mérité. Ceux de la prochaine promotion viennent d’être recrutés. Que faire de l’été en attendant la rentrée? Voici, pour ceux qui s’impatientent, sept exercices en guise de cahier de vacances. Il y a aussi, pour ceux qui souhaitent, le cahier de vacances de l’été dernier, toujours d’actualité.

1. Diversifier ses sources d’informations

Connaître l’actualité et avoir plaisir à consommer des informations chaque jour, c’est bien, mais cela ne suffit pas. Il faut en plus diversifier ses sources d’informations pour ne pas se contenter du traditionnel triptyque des apprentis journalistes, à savoir France Inter/Rue89/France 2.

Exercice

Plutôt que d’écouter la même radio tous les matins sous la douche, changez de station chaque jour de l’été, et profitez-en pour tester des radios thématiques méconnues – mais offrant des bulletins d’informations. Idem en ligne: allez voir chaque jour en ligne un média (site d’informations, application, newsletter) que vous ne connaissez pas.

Résultat attendu

Elargir son spectre, aborder l’actualité sous des angles différents, mieux connaître le paysage médiatique, être ainsi en mesure de dire quelles sont les lignes éditoriales de chacun de ces médias.

2. Apprendre à lire comme des professionnels de l’info

Rien ne vaut la lecture des productions journalistiques des autres pour commencer son apprentissage, l’idée étant de décortiquer la structure d’un article comme s’il s’agissait de faire le commentaire composé d’un texte littéraire.

Exercice

Lisez un article dans un journal ou un site d’infos et essayez de répondre aux questions suivantes: quelle est l’information principale de l’article? L’avez-vous lue ailleurs? Combien de sources sont citées? Certaines d’entre elles sont-elles anonymes? Pourquoi? Y a-t-il des éléments d’ambiance? Comment le journaliste s’y prend-t-il pour donner l’impression au lecteur d’être sur les lieux – ce reportage sur le déraillement du train à Brétigny-sur-Orge commence par “il y a d’abord l’odeur entêtante…”? Quels mots reviennent souvent?

Résultat attendu

Etre capable de repérer les “tics” d’écriture de ses journalistes préférés, s’en inspirer, et savoir résumer, en une seule phrase, l’information contenue dans un article.

3. Eduquer son oeil

Qu’est-ce qu’une photo d’actualité ratée? Et une illustration réussie? Savoir les détecter évitera les faux pas lorsque viendra le moment de choisir la meilleure photo/illustration possible pour accompagner l’information que l’on s’apprête à publier.

Exercice

Regardez chaque image postée sur le délicieux Tumblr intitulé “Malaise en iconographie” et demandez-vous pourquoi elle pose problème. Exemple avec la photo de l’accordéoniste André Verchuren, mal cadrée, ou avec cette photo d’éléphanteau douché par la trompe de sa mère, servant à illustrer un article sur la fréquence des douches prises par les Français.

Résultat attendu

Comprendre que l’iconographie nécessite autant d’attention que la rédaction d’une phrase, et éviter de retrouver l’une de ses futures productions épinglée sur ce Tumblr.

4. Faire connaissance avec l’audience

Avant même de penser à produire des contenus, il faut s’attacher à comprendre à qui l’on s’adresse. C’est devenu un préalable nécessaire pour faire du bon journalisme, disait déjà Emily Bell, de l’Ecole de journalisme de Columbia, en décembre 2011. Qui sont les Français qui s’informent? Comment utilisent-ils les médias? A quel moment de la journée sont-ils sur leur téléphone ou sur leur ordinateur? Que cherchent-ils, en ligne, comme type d’informations?

Exercice

Regardez en détails ce portrait des Français consommateurs d’informations, réalisé par le Reuters Institute for the Study of Journalism en 2013, comparez les usages décrits avec les vôtres pour déterminer s’il y a des différences et, si oui, lesquelles.

Résultat attendu

Pouvoir proposer des sujets journalistiques susceptibles d’intéresser le plus grand nombre.

5. S’initier au code

Le futur du journalisme passe par la compréhension du code, on l’a déjà dit ici. Non contents de produire des contenus, les journalistes de demain devront savoir imaginer des formats éditoriaux innovants, et pour cela, parler à des développeurs, donc comprendre leur langage. Or la plupart des étudiants en journalisme ayant souvent fait des études littéraires, ils ont rarement eu l’occasion de toucher à la programmation informatique. Heureusement, rien n’est irréversible. Il existe en effet en ligne des dizaines de tutoriaux pour s’initier aux différents langages informatiques.

Exercice

Sur Code Academy, la Star Academy du code, choisissez l’onglet “Web fundamentals”, et tentez de passer, une à une, les étapes pour apprendre les rudiments de l’HTML et du CSS, jusqu’à construire votre propre site Web.

Résultat attendu

Y prendre goût et se lancer dans l’apprentissage d’autres langages (PHP ou Javascript) et pouvoir afficher, sur son CV, son niveau à Code Academy.

6. Apprendre le vocabulaire journalistique

Chaque métier a son jargon, et le journalisme, notamment en ligne, n’y échappe pas. Les journalistes parlent une novlangue faite d’un mélange de néologismes, de franglais, de termes issus des logiciels, et d’expressions potaches.

Exercice

Parcourez ce lexique et tentez de trouver, grâce à vos stages et expériences professionnelles estivales, les mots – et leurs définitions – qui y manquent et gagneraient à compléter le tout.

Résultat attendu

Comprendre que, derrière chacun de ces néologismes, figure une tâche journalistique.

7. Faire un reportage vidéo sur son mobile

Nul besoin d’attendre d’avoir une caméra sophistiquée en mains pour commencer à filmer. Un smartphone est un outil de choix pour enregistrer des séquences en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Autant s’échauffer dès maintenant…

Exercice

Bardez votre smartphone d’applications pour capturer des séquences et procéder à un montage rapide (Vine, Vizibee, Tout.com, Capture, GIF Boom), observez ce qu’il se passe autour de vous, et tentez de saisir un extrait signifiant (avec un début qui ne soit pas semblable à la fin, et le plus d’informations possible dans la séquence). L’idée est de tout réaliser avec un smartphone, du tournage jusqu’à la mise en ligne en passant par l’insertion de titres, de sous-titres, de transitions, sans passer par la case ordinateur.

Résultat attendu

Commencer sans attendre à expérimenter des outils, des formats, des petits sujets sans prétention, le tout en situation de mobilité et en vidéo. Attention néanmoins à ne pas publier en ligne n’importe quoi. Si la séquence est ratée, si elle risque de diffamer quelqu’un, si elle est à charge, mieux vaut passer son tour.

Si cet article vous a plu, merci de le partager sur les réseaux sociaux. Enfin, n’oubliez pas de vous reposer et de profiter de l’été !

Alice Antheaume

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Les attentats de Boston, une nouvelle étape dans l’histoire de l’info en ligne

Crédit: Flickr/CC/thebudman623

Des centaines de milliers de photos et vidéos mis en ligne, une enquête géante menée par les internautes en même temps que celle de la police, qui par ailleurs tweete en temps réel, des erreurs et des rectificatifs, des tueurs dont l’empreinte numérique sert de premier élément pour écrire leurs portraits… Les explosions de Boston, survenues à l’arrivée du marathon le lundi 15 avril 2013, ont constitué un moment historique dans l’histoire dans l’information en ligne. L’audience s’est trouvée baignée, comme les journalistes, dans la grande marmite des informations contradictoires et a peiné à savoir ce qui était vrai ou faux. Il est temps désormais d’oeuvrer à la traçabilité des erreurs.

>> Si vous êtes partis au pôle Nord depuis huit jours, commencez par les numéros 1 et 2 >>

>> Si vous êtes restés toute la semaine dernière scotchés devant l’écran, passez directement aux numéros 3, 4 et 5 >>

1. Des yeux et des oreilles en série

Tout a commencé le jour-même des explosions, lorsque le FBI et la police de Boston ont demandé à quiconque avait photographié ou filmé le marathon de lui envoyer ses fichiers, qu’ils aient été stockés sur un téléphone, ou posté sur Instagram, Facebook, Vine, YouTube. Il y aurait eu, selon NPR, plus d’un million d’images ainsi récoltées, ainsi que plus de 1.000 heures de rushs en vidéo.

Que motive les internautes à s’investir de la sorte? Simple volonté d’aider? Envie d’aller plus vite que la police? Désir de vengeance? Psychothérapie collective en ligne? Un peu de tout cela sans doute.

Parmi les fichiers récupérés par la police, cette photo panoramique prise par Lauren Crabbe avec son iPhone, à l’exact endroit où les bombes ont explosé, 90 minutes avant le drame. Lauren Crabbe n’est pas vraiment une amateure: elle est photographe freelance et écrit de temps à autre sur les nouvelles technologies. Elle était déjà à l’aéroport pour repartir de Boston quand l’attentat est survenu. Elle a hésité à publier en ligne son cliché, détestant l’idée que cela puisse être la dernière photo des victimes, mais l’a envoyé au FBI, rassurée qu’ils sachent, eux, l’interpréter. Jour et nuit, des centaines d’enquêteurs professionnels ont travaillé pour faire parler les images recueillies – ainsi que les vidéos de surveillance – avec l’aide de logiciels de reconnaissance, qui peuvent par exemple traquer en quelques secondes toutes les tâches noires d’un paquet de photos – ici pour chercher la trace d’un sac à dos – ou la couleur du visage, claire ou foncée, d’un suspect.

2. Une enquête participative à grande échelle

Très vite, en ligne, les internautes se sont improvisés détectives et ont passé au crible chaque image du marathon de Boston pour tenter de trouver les auteurs des explosions et des informations sur les explosifs utilisés. Pour ce faire, ils ont listé toutes les pistes et hypothèses possibles, en public, sur les réseaux sociaux, sur les forums 4chan et Reddit notamment, et sur ce Google doc accessible à tous. Le travail ici réalisé est stupéfiant. Le tableur comporte comporte plusieurs feuillets, classés par sujets (informations sur les bombes, photos des scènes, revue des suspects, suspect à casquette blanche, suspect à casquette noire). Chaque feuillet fait l’objet d’une liste d’une trentaine d’items, autant de théories et déductions alimentées par des documents trouvés en ligne et sourcés. Cela «semble être la plus grande enquête participative en ligne jamais réalisée pour trouver le ou les auteurs de l’attentat du marathon de Boston», écrit lemonde.fr.

Avant cela, en France, les internautes avaient aussi, mais à moindre échelle, uni leurs forces pour enquêter sur le drame Dupont de Ligonnès, l’histoire de cette mère, Agnès, et ses quatre enfants tués et ensevelis sous la terrasse de la maison familiale en avril 2011. Le père a, lui, pris la fuite et demeure, à ce jour, introuvable. Des utilisateurs anonymes avaient alors retrouvé la trace de messages postés par Agnès qui racontait, sous pseudonyme, son mal-être en couple sur des forums.

3. Des faux suspects et un marathon d’erreurs

Problème, dans le cas de Boston, ces détectives amateurs ont accusé à tort des individus d’être les auteurs des attentats après s’être emballé sur une silhouette jugée en haut d’un immeuble qui n’était… qu’un policier. «Il y a des limites au crowdsourcing», juge Wired, qui rappelle que seules les données utilisées pour l’enquête proviennent de la foule, pas les résultats de l’investigation. «Nous sommes très doués pour mettre en ligne des images et provoquer l’emballement des amateurs, mais nous ne sommes pas doués pour respecter les règles qui protègent des innocents», regrette cette professeur de l’Université de Virginie, interrogée par le Los Angeles Times.

Or les amateurs ne sont pas soumis aux règles qui incombent aux journalistes professionnels. Lesquels, même avec des règles ad hoc et l’expérience, se trompent aussi. CNN a annoncé mercredi qu’un suspect avait été arrêté. C’était faux. De même, le New York Post a mis en couverture la photo de deux adolescents innocents, en les faisant passer pour les responsables des explosions. Là encore, c’était faux.  Résultat, cela a été l’humiliation internationale, décuplée par la vitesse de diffusion sur les réseaux sociaux, «devenus les chiens de garde du quatrième pouvoir», peut-on lire sur Mediabistro. Après cette erreur, CNN a mis les deux pieds sur le frein, et le vendredi, quand le frère cadet a finalement été interpellé, c’est la chaîne NBC qui l’a annoncé la première, avant CNN, donc.

4. La traçabilité des corrections au centre du débat

Quand on se trompe, il faut le dire, et vite. C’est ce qu’ont fait quelques uns des investigateurs en herbe sur les événements de Boston. Après avoir accusé par erreur Sunil Tripathi, un étudiant américain de 22 ans, d’être à l’origine du drame, un utilisateur de Reddit prénommé Rather-Confused a ainsi présenté sans attendre ses excuses à la famille de ce faux suspect.

Toutefois les médias professionnels ont parfois du mal à faire amende honorable. Et ne mettent pas toujours au grand jour les corrections qu’ils font en ligne, quand ils les font. Pourtant, «à l’ère du reportage en temps réel et de l’information numérique, il est rare qu’il n’y ait qu’une seule et définitive version d’un article», rappellent Eric Price et son frère Greg, qui ont étudié la programmation au MIT, et ont créé Newsdiffs.org, un algorithme qui repère les changements faits, seconde après seconde, dans quelques articles de CNN.com, du New York Times, Politico et de la BBC. Tout est passé en revue: la correction d’une simple coquille comme la réécriture de pans entiers d’un article, de la même façon que ce l’on voit dans l’historique des articles de Wikipédia.

Je suis bien sûr allée voir comment CNN avait corrigé, en ligne, sa fausse information, publiée le mercredi 17 avril, selon laquelle un suspect aurait été arrêté, ce qui a été démenti ensuite. Newsdiffs.org indique que l’article qui fait le récapitulatif du 17 avril “what we know about the Boston Marathon bombing and its aftermath” (ce que l’on sait des explosions au marathon de Boston et ses conséquences”) a été repris à 14 reprises dans la même journée. Voici les changements les plus révélateurs – en rose, ce qui a été effacé, et en vert, ce qui est resté ou a été ajouté.

  • 14h13 (cliquez sur le texte pour l’agrandir)
  • 14h58 (cliquez sur le texte pour l’agrandir)
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  • 15h (cliquez sur le texte pour l’agrandir)
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En trois corrections, le cours de l’histoire a complètement changé.

Est-on entré dans l’âge de la rétractation? Pas si sûr, car les médias sont en général concentrés sur le fait de «tenir une info et de la développer, plutôt que de regarder dans le rétroviseur», a reconnu Margaret Sullivan, lors d’une conférence à South by South West 2013. Cette journaliste du New York Times n’a pas oublié que, lors de la tuerie à l’école primaire de Newtown, dans le Connecticut, le 15 décembre 2012, son journal a attribué la fusillade à la mauvaise personne, en l’occurrence un dénommé Ryan Lanza – qui a répondu sur les réseaux sociaux «ce n’est pas moi» – avant de rectifier: il s’agissait en fait d’Adam Lanza.

4. Le nouveau rôle des médias

Moralité, les utilisateurs de Reddit comme les journalistes de CNN ont échoué à comprendre leur mission à l’ère numérique. Les premiers ont cru qu’ils jouaient à faire une enquête entre eux sur un forum et que personne ne s’y intéresserait alors que c’était publié et lisible par n’importe qui, et les seconds ont oublié qu’ils devaient guider leur audience, exposée à un flot inouï de fausses informations sur le réseau. «Le nouveau rôle des médias est de fournir un grille de lecture et un contexte pour comprendre les spéculations auxquelles son audience est inévitablement exposée en ligne – pas de les ignorer», tranche Buzzfeed.

Car les internautes sont autant exposés aux informations venues des médias traditionnels que celles déversées sur les réseaux sociaux, et se déconnecter pendant deux jours, le temps que les erreurs soient commises et réparées, n’est pas une solution viable. «Si seulement je pouvais installer un filtre de vérité sur Twitter», rêve de son côté Lance Ulanoff, rédacteur en chef du site Mashable…

Alice Antheaume

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Quelles tendances pour 2013?

Crédit: Flickr/CC/jacilluch

Au rayon journalistico-numérique, les paris sont ouverts sur les mutations qui vont marquer l’année à venir. Outre le mot “moment”, en passe de devenir le terme-valise pour qualifier une actualité/un partage/une expérience médiatique, sur quoi miser?

#STRATEGIE

  • Crise en ligne

L’année dernière, à la même date, j’avais parié – bien sûr sans le souhaiter – sur des disparitions parmi les médias du Web. La faute à un nombre exceptionnel d’initiatives en ligne, lancées en France, qui se cannibalisent sans doute les unes et les autres et n’ont que le marché francophone comme terrain de jeu. On ne va pas faire semblant de vivre au pays des Bisounours alors que nombreux sont les médias qui, dans l’hexagone, serrent les dents. Citizenside, l’agence de photos communautaires, est en cessation de paiement. Le Monde prétend que le site Rue89 serait en «crise d’identité» un an après son rachat par Le Nouvel Observateur, en décembre 2011, alors que tout va bien, merci, rassurent les équipes. Bref, chacun attaque son concurrent, sa stratégie et ses ressources. Et cela n’est pas prêt de s’arrêter.

  • Le retour du paywall

Ce serpent de mer n’a jamais vraiment disparu, mais en 2013, «on verra une grande quantité de producteurs de contenus passer d’un modèle économique basé sur la publicité à un modèle d’abonnements ou de paiement à la consultation», annonce le rapport «Digital and Media predictions 2013» publié par l’agence Millward Brown.

«Il ne s’agit pas tant de faire en sorte que les gens paient pour consulter des contenus. Il s’agit de faire en sorte que les plus actifs de ces gens paient», me précise Andrew Gruen, chercheur à l’Université de Cambridge, ancien journaliste pour CNet et la BBC. «Cela peut se traduire par des paywalls qui marcheraient comme des compteurs ou par des publications additionnelles calibrées pour une audience de niche comme Politico Pro».

  • Qui n’a pas sa conférence?

Le Guardian a sa conférence, «The Changing Media Summit». Mashable a la sienne, intitulée «Mashable Media Summit». All Things Digital en a une série également. En France, Les Echos en organisent, et Libération, dont les ventes en kiosque ont baissé, annonce vouloir miser en 2013 sur le numérique et sur l’organisation de… 23 conférences.

A quoi cela sert-il, pour un média, d’organiser des événéments? A s’offrir, si le programme de la conférence s’avère bien conçu, une campagne d’image pour sa marque. A faire venir des interlocuteurs de renom et à avoir de quoi alimenter des articles en restant à demeure. Et à inviter d’éventuels annonceurs à l’événement.

#FORMAT

  • Vidéo instantanée

J’en ai déjà parlé beaucoup ici. La vidéo en live et/ou découpée en petite séquence pourrait devenir la nouvelle façon de raconter l’information pour l’année à venir. En témoigne la technologie Tout.com, qui permet de publier des vidéos de moins de 15 secondes de façon instantanée, et avec laquelle le Wall Street Journal s’est allié pour lancer sa plate-forme, WorldStream.

  • Des histoires sponsorisées

Le saut supersonique de Felix Baumgartner, le 14 octobre dernier, à 39 kilomètres de la Terre, a été vu en direct par des millions de personnes – avec un pic de 8 millions de personnes en simultané sur YouTube et une vague d’enthousiasme sur les réseaux sociaux. Derrière cet exploit, une marque de boissons énergisante, Red Bull, qui s’est offert une publicité à vie.

Quant au site américain Buzzfeed, il mélange publicité et rédactionnel – ce que les Américains surnomment «advertorial». Il s’agit de contenus créés par des marques, signalées par la mention «proposé par (nom de l’annonceur)», mais en réalité assez proches des autres productions de Buzzfeed, dont ces listes de Virgin Mobile. Des contenus qui bénéficient parfois du même taux de partage que des contenus journalistiquement “purs”.

  • Contenus «évolutifs»

C’est Joshua Benton, le directeur du Nieman Lab, qui a insisté sur ce point lors de la conférence sur les nouvelles pratiques du journalisme organisée à Sciences Po le 10 décembre. Fleurissent des applications qui permettent de calibrer les contenus en fonction du support depuis lesquels on les lit. Ainsi, l’application Circa pioche à droite et à gauche les informations les plus importantes du jour et les ré-édite afin qu’elles soient lisibles sur un petit écran de smartphones, avec les faits d’un côté, les photos de l’autre, les citations. Pour ne plus avoir besoin de zoomer, de dézoomer et de scroller sur son téléphone pour espérer lire une histoire. Summly, une autre application mobile, fait des résumés des sources que l’utilisateur sélectionne, en les formatant pour une lecture mobile.

Les contenus «évolutifs» ne sont pas qu’une question de supports. Il s’agit aussi des temps de lecture: si un lecteur vient pour la première fois sur un site, il ne verra pas la même chose que celui qui est déjà venu plusieurs fois, et qui veut donc repérer d’un coup d’œil ce qui est nouveau depuis sa dernière venue, ainsi que le théorise cette start-up appelée Aware.js «Et si on pouvait proposer différents éléments d’un même contenu en fonction de ce que le lecteur sait ou ne sait pas?».

  • Mobile toute!

Impossible d’y échapper. Lemonde.fr fait davantage de pages vues depuis son application mobile que depuis son site Web. Le Guardian estime, de son côté, que cette mutation aura lieu à l’horizon de deux ans, même si, à certains moments de la journée, notamment entre 6h et 7h le matin, l’audience mobile du titre britannique a déjà dépassé celle du site Web. L’ordinateur devenu brontosaure face au mobile superstar n’est plus une projection lointaine. Le changement arrive à la vitesse de la lumière, et notamment en France, où 23,8 millions de personnes – 46,6% des Français – sont équipées d’un smartphone, selon Médiamétrie.

#UTILISATEURS

  • Plus de bruit

De plus en plus de monde sur les réseaux sociaux (25,6 millions de Français inscrits sur Facebook selon Social Bakers, et plus de 7 millions sur Twitter selon Semiocast), cela finit par faire beaucoup de bruit. Le rôle de filtre du journalisme, qui fait le ménage dans ce gigantesque flux, devient crucial. Problème: les erreurs commises lorsque se déroule un événement en temps réel, comme cela a été le cas avec la publication sur les réseaux sociaux de photomontages clownesques lors de l’ouragan Sandy sur la côte Est des Etats-Unis ou avec la désignation erronée du tueur de Sandy Hook, dans le Connecticut. Des erreurs qui entachent la crédibilité des réseaux sociaux, jugent leurs détracteurs, et soulèvent des questions d’éthique journalistique.

Qu’importe, c’est ainsi que se déroule l’actualité désormais, écrit Mathew Ingram, sur le site GigaOM. «Autrefois, la fabrication de la matière journalistique faisait déjà l’objet d’un processus chaotique mais il ne se déroulait pas sous les yeux du public. Au sein des rédactions, les journalistes et rédacteurs en chef se démenaient pourtant désespérément pour recueillir des informations auprès des agences de presse et d’autres sources, pour les vérifier tant bien que mal, avant de les raconter. L’avènement de l’information en continu, par exemple sur CNN, a levé une partie du voile sur ce processus, mais les médias sociaux ont retiré tout le voile – maintenant, la publication des nouvelles se passe en temps réel, au vu et au su de l’audience.»

  • Batterie en survie

Le problème numéro 1 des utilisateurs de smartphones – et surtout d’iPhones: recharger leur batterie de téléphone, à plat après quelques heures d’utilisation. Les prises d’électricité, promesses d’une recharge salutaire, n’ont jamais été aussi séduisantes et les chargeurs aussi sexys. «Bientôt, on posera nos smartphones sur une table et cela les rechargera sans que l’on ait besoin de les raccorder à une prise», espèrent les optimistes. Fourmillent déjà quelques bonnes idées d’accessoires pour accompagner l’utilisation du mobile en déplacement, comme cette coque ou cette trousse dans lesquelles il suffit de glisser son téléphone pour que celui-ci se recharge.

  • Télécommande mobile, dis moi ce qu’il me faut

L’idée est évoquée dans le rapport «Digital and Media predictions 2013» de l’agence Millward Brown: le mobile, avec ses capacités de stockage exceptionnelles, «devient la télécommande qui contrôle nos vies (…). Imaginez que vous entriez dans une pièce et que l’ambiance s’adapte soudain à vos préférences personnelles – lumière tamisée, musique jazz qui s’enclenche, et photos de votre plage favorite qui s’affichent sur les murs».

Bref, tout est là, à portée de doigt. Et au fond, votre mobile sait mieux que vous ce qui vous convient puisqu’il connaît tout de vous: qui vous appelez, à qui vous écrivez, quels mots vous employez, quelle musique vous écoutez, à quelle heure vous vous réveillez, quelles photos vous regardez, quels sites vous consultez…

Sur quoi misez-vous pour 2013? Dites-le dans les commentaires et sur les réseaux sociaux. En attendant, très bonnes fêtes à tous !

Alice Antheaume

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Obama ben Laden, lapsus universel

Crédit: Flickr/CC/Official White House Photo by Pete Souza

A la suite de l’annonce de la mort de Ben Laden, une étrange maladie a contaminé les médias: le lapsus entre les noms de Barack Obama, le président des Etats-Unis, et Oussama ben Laden (Osama bin Laden, en anglais), l’ennemi public numéro 1 des Etats-Unis, tué dans la nuit du 1er au 2 mai.

De Fox News au site de NPR, en passant par la BBC, Le Parisien et Slate, tous ont inversé les deux patronymes. Qui ne s’est pas trompé? Les candidats à l’Ecole de journalisme de Sciences Po ont, pendant les oraux d’admission, confondu les deux, et moi-même, en posant une question sur le photomontage de la tête de Obama ben Laden à un étudiant, en jury, n’y ai pas coupé.

Le Huffington Post a compilé les confusions Osama/Obama des télévisions américaines cette semaine, mais cette erreur est, selon la Columbia Journalism Review, un «phénomène international» qui ne date pas d’hier. Déjà, en 2005, alors que Barack Obama n’est pas encore président, le sénateur démocrate Ted Kennedy mélange les deux. En 2007, CNN commet la même faute. En 2008, un bulletin de vote pour l’élection présidentielle du comté de New York comporte cette faute typographique malheureuse: «Barack Osama» au lieu de «Barack Obama».

Que se passe-t-il, aux Etats-Unis comme en Europe, pour que cette confusion soit si souvent répétée? Est-ce un lapsus révélateur, interroge 20minutes.fr?

Le discourstrès regardé à la télévision et sur le Web – dans lequel le président des Etats-Unis annonce que Ben Laden, «le terroriste responsable de la mort de milliers de personnes», a été tué, met côte à côte le sujet et l’objet de l’action.

Court-circuit

«Dans ce cas précis, l’orateur ancitipe les “b” de Ben Laden et il remplace le “s” dans Osama», explique à la Columbia Journalism Review Michael Erard, journaliste américain spécialiste du langage. «C’est une erreur d’anticipation». Ce qu’il faut comprendre, c’est que, pour Erard, la phrase constitue une chaîne de sons à prononcer. L’auteur du lapsus fait un saut en avant dans la chaîne et prononce trop tôt le son qui n’aurait dû venir qu’après. C’est ainsi que le «b» vient à la place du «s» dans la locution Osama ben Laden», un nom qui, de plus, est «stocké dans notre cerveau comme un bloc, plutôt que comme trois éléments divisibles.»

En France, on dit «Ben Laden» plutôt qu’«Oussama ben Laden», ce qui ajoute encore de la confusion. Un patronyme constitué de deux éléments (Ben Laden) commençant par la lettre «b» est en effet d’autant plus proche du nom – également en deux morceaux et commençant aussi par un «b» – de Barack Obama.

Or, la plupart du temps, le locuteur ne se rend même pas compte de sa méprise. «Qu’est-ce que j’ai dit?», demande à l’antenne Geraldo Rivera, ce présentateur de Fox News.

Lapsus sous le nez de Barack Obama

En faisant des recherches, j’ai trouvé cette vidéo, datant d’avril 2008, où l’on voit le patron d’Associated Press, William Dan Singleton, commettre l’impair en présence de… Barack Obama, alors sénateur. Evoquant les troupes américaines en Iran et l’Afghanistan, William Dan Singleton prononce «Obama bin Laden» pour désigner le leader d’Al-Qaida. Sans se rendre compte de sa bévue. Silence. Le futur président des Etats-Unis fronce les sourcils: «Je crois que c’est Osama ben Laden». Aussitôt, le journaliste déclare «si j’ai dit cela, je suis navré». Barack Obama, lui, boit une gorgée d’eau, avant d’ajouter, en souriant: «Cela fait partie de l’exercice auquel je me soumets depuis 15 mois. Mais c’est quand même significatif que je sois toujours là devant vous» (MISE A JOUR à la suite de vos commentaires, merci).


Cette archive fait en partie mentir Daniel Schneidermann, d’Arrêt sur Images, qui assure dans un récent billet qu’«aucun journaliste n’a parlé “du président Oussama”, encore moins du président Ben Laden. Ce n’est jamais le reclus, le traqué, que l’on place en majesté».

Pour l’éditorialiste d’Arrêt sur Images, c’est son acolyte Guy Birenbaum, chroniqueur à Europe 1, et présentateur de l’émission Ligne Jaune, qui a vu juste pour expliquer cette pléthore de confusions. «C’est parce que tout le monde, au fond, est certain qu’Obama finira assassiné.»

Guerre contre le terrorisme devient guerre contre le racisme

Or ces lapsus n’ont pas été commis qu’à l’oral, mais aussi à l’écrit. On a ainsi vu Obama à la place d’Osama, en toutes lettres, dans des titres et dans des légendes de photos, et y compris dans des tweets. Notamment ceux de journalistes reconnus, comme Norah O’Donnell (MSNBC), Mark Knoller (CBS) et Peter Sagal (NPR).

L’éditorialiste du journal The Baptist Standart, Marv Knox, n’y a pas échappé, et en tire les leçons dans un billet, publié le 8 mai. «Oui, j’ai écrit la mort d’Obama et aurais dû écrire la mort d’Osama. Non, ce n’était pas un scoop. Qu’importe que j’ai relu cet éditorial plusieurs fois sur mon écran d’ordinateur puis sur les épreuves avant de les envoyer à l’imprimerie, on a quand même publié cette erreur, à la fois en ligne et en imprimé.»

Si les linguistes estiment que les lapsus se décryptent de façon sémantique, sans arrière pensée systématique, le site NewsOne.com, à destination d’un public noir américain, estime qu’il y a «une explication plus profonde. Quelque chose de douloureusement familier. La majorité des journalistes sont blancs et confondent Obama et Osama parce que, pour eux, inconsciemment, tous les gens basanés se ressemblent». Et si Osama ben Laden servait finalement la cause des Américains?

Et vous, faites-vous la même faute? Avez-vous vu d’autres médias faire la confusion? Si oui, dites-le dans les commentaires. Et partagez ce contenu sur Twitter et Facebook…

Alice Antheaume

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De l’usage journalistique des sondages

«A la radio, faire de l’analyse de chiffres (issus de sondages, ndlr), à l’oral, c’est quasi impossible. A la télévision, l’exercice se résume à une infographie dotée d’une flèche qui monte et une autre qui descend», lance Gérard Courtois, directeur éditorial du Monde, lors d’une conférence organisée par l’Ecole de journalisme de Sciences Po et le Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po. Pour lui, «les sondages relèvent d’un usage étriqué et pauvre des médias».

Alors comment utiliser les sondages journalistiquement – et correctement? Combien cela coûte-t-il? Comment lire les chiffres? Petite revue de conseils, issus de la table ronde intitulée «de l’usage journalistique des sondages».

Crédit: Flickr/CC/Steve Mac

Crédit: Flickr/CC/Steve Mac

Savoir combien coûte un sondage

Une question, dans le cadre d’une enquête nationale sur un échantillon représentatif de 1.000 personnes, vaut 1.000 euros, détaille Brice Teinturier, directeur général délégué d’IPSOS, qui confie passer 20% de son temps professionnel à trouver des financements. Donc un sondage de cinq questions se facture 5.000 euros. Une somme pour les rédactions. «Je peux entendre que c’est beaucoup d’argent, répond Brice Teinturier, mais pas que c’est trop cher.»

Douter

Le journaliste doit vivre dans le doute. Comme le sondeur, signale Bruno Cautres, chercheur au Cevipof. Et l’un et l’autre sont supposés «s’interroger sur ce qu’ils auraient pu trouver si le temps de l’enquête avait été plus long, si l’échantillon avait été plus large.» Bref, la photographie exposée par le sondage est-elle bien révélatrice de ce que vit la population dans son ensemble? Une question fondamentale, et que le journaliste doit garder en tête avant de publier son article. Pour mieux décrypter les statistiques issues des sondages, Tom Siegried, rédacteur en chef de Science News, conseille aux journalistes de se poser deux questions – et de savoir y répondre, lors d’une autre conférence organisée en novembre à l’Université de Yale:

1. Est-ce la première fois que ce chiffre ou ce sujet fait l’objet d’un sondage/enquête?

2. Ce que les chiffres révèlent est-il contraire à une croyance commune?

Lire la méthodologie

Avant même de s’attaquer aux chiffres, le journaliste doit lire la méthode employée pour faire le sondage. Savoir combien de personnes, de quel âge, y ont répondu, selon quelle procédure (téléphonique, email, etc.), sur combien de temps, et depuis quelle partie du monde.

Faire attention à la lecture des chiffres

Comment peut-on savoir que 9/10 ne veut pas vraiment dire 9/10?, sourit Bruno Cautres. Sans surprise, décrypter les données d’un sondage n’est pas simple. «Par exemple, lors des sondages sur les intentions de vote avant les élections présidentielles de 2007, quand Nicolas Sarkozy affichait +2 et Ségolène Royal – 2, cela ne veut pas dire que les +2 du premier sont retirés du second», met en garde Gérard Courtois.

Moralité: il n’y a pas de circulation exacte entre une colonne et l’autre, les chiffres sont plus complexes que cela. Bruno Cautres invoque à ce propos l’ouvrage De la formation de l’esprit scientifique, dans lequel Bachelard dit qu’on est souvent plus sûrs des chiffres après la virgule que des chiffres avant la virgule. Façon d’insister sur le fait de manipuler les données avec des gants. «Le journaliste doit traduire les statistiques dans un langage accessible à tous, mais attention à ne pas sur simplifier les données ni en tirer des conclusions inexactes», reprend Tim Siegried.

Connaître le financeur de l’enquête

Pas trop difficile a priori, car les instituts de sondage veillent à l’indiquer, qu’il s’agisse de l’Unicef sur les droits des ados et enfants, ou du magazine Le Point pour ce baromètre politique. «Il faut introduire le plus de clarté possible», dit Brice Teinturier. Car l’interrogation «quel institut de sondage roule pour qui?» surgit toujours dans l’esprit collectif. Cependant, jure Brice Teinturier, «nous n’avons vraiment pas intérêt à faire des questions orientées en faveur de tel ou tel homme politique. Tout simplement parce que cela se voit. Et que cela atteint le capital marque de l’institut de sondage.»

Lutter contre la tentation du baromètre

«La trop grande majorité des sondages se résume désormais à la popularité des membres d’un gouvernement et aux intentions de vote», regrette Gérard Courtois. Cela sert de baromètre pour définir si l’action/la parole d’un gouvernement est «une bonne ou une mauvaise opération, si c’est Sarko +2 ou Sarko -3». Or il existe beaucoup d’autres sondages qui permettent d’en savoir plus sur la population française, par exemple en observant la répartition géographique et sociale des votes aux élections, les mutations de la consommation culturelle, ou le rapport des Français avec les écrans.

Ne pas servir la soupe au gouvernement

Certains sondages, plutôt baromètres que vraies enquêtes, «deviennent des outils de mise en scène extraordinaire de la puissance d’un gouvernement», prévient Gérard Courtois, qui ne mâche pas ses mots: «le président de la République actuel a une conception exclusive voire narcissique des sondages». Conséquence: «tout sondage concernant Nicolas Sarkozy prend d’autant plus de relief que celui-ci s’est mis en première ligne par rapport à ses prédécesseurs.» Sur ce point, Brice Teinturier est plus prudent: «il n’y a pas de manipulateur». Au journaliste de mettre de tels sondages en parallèle avec d’autres études, d’autres baromètres, de déjouer les pièges et de mettre le tout en perspective, sans oublier d’interroger un chargé d’études spécialisé ou un statisticien.

Ne pas confondre sondage et questionnaire

Un sondage, auquel répond un échantillon représentatif de la population française, ne saurait être confondu avec un questionnaire, comme le pratiquent les sites d’infos généralistes et les chaînes de télévision nationales, en s’adressant à leur communauté d’utilisateurs. «Les questionnaire fait par les médias n’est pas un sondage, mais une interrogation ouverte, une consultation aléatoire, non balisée, destinée à faire du buzz», dénigre l’un des intervenants de la conférence. Et Brice Teinturier d’enchérir: «J’en pense du mal. Cela entretient de la confusion et la fausse information». Un conseil, donc: si un journaliste rédige un questionnaire en ligne sur un site Web d’info, mieux vaut ne pas l’appeler «sondage». En outre, il faut préciser que les votants ne sont pas «les Français», mais bien les lecteurs/internautes/téléspectateurs/auditeurs de tel ou tel média.

Se servir des réseaux sociaux

Un journaliste peut-il utiliser les outils disponibles sur les réseaux sociaux pour se faire une idée de l’opinion publique? La réponse n’est pas tranchée. «Il y a de la matière à analyser, selon Brice Teinturier, même si l’on ne sait pas encore ce que va donner l’examen de ces outils». Reste que, selon lui, «ce n’est pas la masse (550 millions d’inscrits sur Facebook, dont 20 millions de Français) qui fait la qualité de l’échantillon». Pourtant, selon cette étude (en PDF) réalisée par Cision et l’Université George Washington, 56% des 371 journalistes américains (print et Web) interrogés disent que les réseaux sociaux sont «importants» ou «assez importants» pour produire des informations, par exemple en y faisant des recherches, pour trouver le commentaire d’un expert, des citations, des idées de sujets, et des données, commente Don Bates, le co-auteur de l’étude.

Ne pas sous-estimer la difficulté de l’exercice

L’opinion publique sondagière (qui s’exprime via des sondages, ndlr) n’est pas l’opinion publique manifestante (qui s’exprime via des manifestations, des petitions, des groupes de pression en ligne, etc.). Et Pascal Perrineau, politologue au Cevipof, de rappeler que le décryptage de sondages est un exercice de haute voltige: même les chercheurs, «malgré leur bagage méthodologique a priori plus conséquent, décryptent parfois aussi mal les sondages que les journalistes.»

Alice Antheaume

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