Dérapage incontrôlé?

Seoulites (c) Yonhap

La tension était plus palpable à Seoul aujourd’hui, date fatidique des exercices d’artillerie annoncés par la Corée du Sud sur l’île de Yoenpyeong. D’abord prévus à 11h du matin, je sors déjeuner vers midi pour apprendre que finalement, ces exercices ont été repoussés à 13h. Vers 14h, les premières informations sur les tirs circulent sur Twitter.

Commence alors un moment très étrange où en surface la vie quotidienne bat son plein normalement en ce début de semaine: dehors la circulation ne désemplit pas, A côté de mon bureau, mon collègue continue à travailler comme si de rien n’était. Mais il sait qu’aujourd’hui, plus que tout autre, il pourrait être soudainement appelé à rejoindre sa garnison en moins de 36heures.

Car rationnellement, tout le monde sait qu’il n’est dans l’intérêt ni du Nord ni du Sud, de s’engager dans un conflit total et que le niveau de tension est savamment calculé de part et d’autre. Mais en parallèle, chacun sait qu’à tout moment un dérapage d’un côté comme de l’autre peut entraîner une escalade dans les ripostes. Tout ça à moins de 100km de Séoul. Autant dire que la moindre sirène de pompier ou le moindre bruit suspect était scruté avec un peu plus d’anxiété que d’habitude.

Le problème avec la Corée du Nord, c’est qu’il  n’y a pas de solution acceptable. Ne pas procéder à ces exercices d’artillerie annoncés de longue date serait céder aux pressions du Nord et donc perdre du terrain dans la guerre des nerfs qu’impose Kim Jong-il pour à terme subir d’autres agressions peut-être encore plus brutales que l’attaque de l’île de Yeonpyeong. Mais procéder aux tirs, c’est s’exposer aux risques de riposte d’un régime tellement opaque qu’il n’offre qu’une seule certitude: celle de devoir s’attendre à tout.

Une chose est sûre, c’est que la population sud-coréenne est lasse. Elle n’aspire même plus à une hypothétique réunification, d’autant qu’elle remettrait en cause la prospérité économique durement acquise par des décennies d’efforts et de sacrifices. Elle voudrait simplement vivre en paix, et n’avoir à faire qu’aux problèmes de la vie de tous les jours. Ce qui est déjà bien assez.

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Objectif Suwon?

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Crédit photo: Krzyżówki (CC-BY-3.0)

“Si t’étais Kim Jongil tu ferais quoi maintenant?”

C’est un sujet de discussion qui revient souvent entre Séoulites en ce moment. Un peu par anxiété, mais un peu aussi parce que c’est un bon moyen de pointer du doigt les défaillances et vulnérabilités de la Corée du Sud.

L’une des options les plus débattues est celle de frapper Suwon, une ville  a priori inconnue aux yeux du monde mais qui revêt une importance stratégique pour le Sud.

D’abord, c’est une ville majeure, de plus d’un million d’habitants. Certes, mais il y en a beaucoup des villes de plus d’un millions d’habitant en Corée du Sud. Ensuite, elle est située à quelques 50 km au sud de Séoul. Là c’est déjà plus intéressant: un obus qui survole Séoul pour faire quelques morts un peu plus au sud, histoire de rappeler aux habitants de la capitale qu’ils sont aisément à portée des tirs du Nord. Certains prédisent que si un tel scénario se produisait, une panique générale s’emparerait de l’agglomération de Séoul et de ses quelques 20 millions d’habitants. Je ne suis pas loin de penser la même chose.

Enfin, Suwon ne serait pas frappée au hasard: c’est le gigantesque complexe industriel de Samsung qui s’y trouve qui serait visé et là, ça serait catastrophique. Car si dans le reste du monde, Samsung est une marque reconnue certes, mais remplaçable par Sony, Apple ou HTC, l’histoire n’est pas la même en Corée.

Ici, Samsung est irremplaçable, conglomérat monstre, occupant une position de leader dans tous les secteurs économiques qui soient. Le Groupe Samsung c’est 15% du PIB sud-coréen et plus de 20% de ses exportations. Au quotidien, ce conglomérat est tellement présent dans la vie des Coréens qu’il serait possible de vivre toute son existence en ne faisant appel qu’aux produits et services de Samsung: naître dans un hôpital Samsung, loger dans un appartement Samsung, se former au lycée puis à l’université financés par Samsung, être assuré par Samsung, rouler Samsung, manger des produits cuisinés Samsung, partir en vacances dans un hôtel de Samsung, voir des films produits par Samsung, s’habiller Samsung…

Pas étonnant que les Sud-coréens appellent parfois leur pays la République de Samsung.

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Guerre et Paix au Pays du Matin Calme

Mon retour en Corée tombe trois jours après le bombardement par le Nord de l’île de Yoenpyoeng, l’un des territoires sud-coréens à la limite de la frontière, qui d’ailleurs n’a jamais été reconnue par le Nord à cet endroit là.
Il y en a eu des crises entre les deux Corée: les dernières décennies furent une succession de frictions et échanges de tirs à la frontière, d’attentats déjoués ou réussis, défections de part et d’autre ou incursions de commandos en tout genre. Il y a moins d’un an, un navire sud- coréen coulait suite à une probable attaque par un sous-marin du Nord – qui nie toujours être impliqué dans ces faits – entrainant la mort d’une quarantaine de marins.
Bref, les Coréens en ont vu d’autre et je retrouve un Seoul comme à son habitude: vibrante d’activité, grouillante de monde affairé à réaliser les plus de 5% de croissance prévus par les analystes.
Pourtant cette crise n’est pas exactement comme les précédentes. Il ne s’agit pas de frictions entre militaires ou d’actes terroristes: c’est la premiere fois que l’armée conventionnelle de la Corée du Nord bombarde le territoire sud-coréen et fait deux victimes civiles. Une vraie guerre en somme.
Et qui dit guerre, dit mobilisation générale dans un pays où le service militaire dure 2 ans et demi. C’est la préoccupation majeure des hommes en âge d’être appelés, comme le commercial de mon équipe à qui je demande ce qu’il pense de tout cela: “j’en pense que si ça pète, je vais devoir rejoindre ma garnison à Chungcheon,” une province à l’est de Seoul. Il n’a pas l’air de prendre cette perspective très au sérieux, mais on sent quand même une pointe d’inquiétude dans son regard. Car des manoeuvres militaires conjointes Etats-Unis – Corée du Sud sont prévues ce dimanche. Manoeuvres déjà condamnées par la Corée du Nord qui les qualifient de “danger majeur pour la sécurité de la région”.

Une étape de plus dans

l’escalade des tensions?

A Séoul, malgré les tensions, c'est "trafic as usual""

A Séoul, malgré les tensions, c'est "trafic as usual"

Mon retour en Corée tombe trois jours après le bombardement par le Nord de l’île de Yoenpyoeng, l’un des territoires sud-coréens à la limite de la frontière, qui d’ailleurs n’a jamais été reconnue par le Nord à cet endroit là.

Il y en a eu des crises entre les deux Corée: les dernières décennies furent une succession de frictions et d’échanges de tirs à la frontière, d’attentats déjoués ou réussis, de défections de part et d’autre ou incursions de commandos en tout genre. Il y a moins d’un an, un navire sud- coréen coulait suite à une probable attaque par un sous-marin du Nord – ce dernier nie toujours toute implication – entrainant la mort d’une quarantaine de marins.

Bref, les Coréens en ont vu d’autres et je retrouve un Seoul comme à son habitude: vibrante d’activité, grouillante de monde affairé à réaliser les plus de 5% de croissance prévus par les analystes.

Pourtant cette crise n’est pas exactement comme les précédentes. Il ne s’agit pas de quelques échanges de tirs entre militaires ou d’actes terroristes contre les membres du gouvernement. Pour la premiere fois depuis la guerre de Corée (1950-1953), l’armée conventionnelle de la Corée du Nord a bombardé le territoire sud-coréen et fait deux victimes civiles. Aujourd’hui, les médias sud-coréens font état de nouveaux échanges de tirs et spéculent que les bombardements d’il y’a trois jours auraient été le prélude d’une invasion finalement avortée de l’île par des commandos du Nord. Une vraie guerre en somme.

Et qui dit guerre, dit mobilisation générale dans un pays où le service militaire dure 2 ans et demi. C’est la préoccupation majeure des hommes en âge d’être appelés, comme ce commercial de mon équipe à qui je demande ce qu’il pense de tout cela: “j’en pense que si ça pète, je vais devoir rejoindre ma garnison à Chungcheon,” une province à l’est de Seoul. Je me demande un instant ce que je serais supposé faire si une guerre éclatait subitement en France: à part sauver ma peau et veiller à celle de mes proches, je n’ai aucune idée de mes devoirs vis à vis de mon pays. Un peu désinvolte peut-être mais assez normal pour tout citoyen d’un pays où la guerre n’est pas envisageable .

C’est finalement tout le paradoxe de la Corée: un pays si normal, paisible et en pleine réussite économique, mais qui peut basculer dans la guerre à tout moment et tout perdre, comme le lui rappelle brutalement son voisin du Nord de temps en temps.

Reste que mon commercial n’a pas l’air de prendre la perspective de la guerre très au sérieux. Quoiqu’on sent quand même une pointe d’inquiétude dans son regard. Car des manoeuvres militaires conjointes Etats-Unis – Corée du Sud sont prévues ce dimanche. Manoeuvres déjà condamnées par la Corée du Nord qui les qualifient de “danger majeur pour la sécurité de la région”.

Une étape de plus dans l’escalade des tensions?

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