Le Taekwondo est au gamin coréen ce que le Kendo est au gamin japonais, ou dans une moindre mesure, ce que le Judo est au gamin français: rares sont ceux qui y échappent après l’école. Et pour ceux qui passeraient au travers des mailles du filet, le service militaire prévoit de toute façon le passage obligatoire de la 1ère dan pour tous les appelés.
Le Taekwondo, c’est la fusion moderne d’arts martiaux coréens ancestraux et d’influences extérieures, notamment du karaté, que nombre de Coréens ont pratiqué sous l’occupation japonaise. Créée en 1955 par Choi Hong-hi, un général de l’armée sud-coréenne ayant longuement étudié les arts martiaux coréens traditionnels ainsi que le Karaté, le Taekwondo est une discipline complète si ce n’est qu’elle n’enseigne que le combat et la self défense à pieds et mains nus (“tae” = pied, “kwon” = “main”, “do” = voie).
L’ascension du Taekwondo est à l’image de celle de la Corée: fulgurante. Jusqu’à la fin des années 80, peu de gens connaissaient l’existence même de cet art martial coréen. D’ailleurs, le Taekwondo était alors surtout connu sous son surnom de “Karaté volant” du fait de la mise en valeur par cette discipline des coups de pieds sautés.
Puis, il y a vingt ans, le monde commençait à découvrir cet art martial coréen, notamment grâce à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Seoul en 1988.
Depuis, le Taekwondo n’a cessé de gagner en notoriété et en nombre de licenciés à travers le monde. Consécration ultime: il est devenu en 2000 le seul représentant des arts martiaux aux côtés du Judo à figurer parmi les compétitions officielles des jeux olympiques. Le tout au nez et à la barbe d’autres prétendants japonais ou chinois plus connus, et qui a priori partaient avec plus d’avantages.
Ca n’est pas par hasard si le Taekwondo se retrouve aujourd’hui sur l’une des plus hautes marches des arts martiaux et autres sports de combats, alors qu’il était pratiquement inconnu il y a 20 ans. Dès la fin des années 60, le gouvernement sud-coréen voit dans cette discipline un moyen d’améliorer l’image du pays à travers le monde, à l’image du Judo pour le Japon ou du Kung-fu pour la Chine. Au départ entre les mains de son créateur le général Choi, la Corée du Sud s’empare rapidement de cet art martial pour en faire un instrument de politique extérieure. Au point que lorsque Choi tente de porter l’influence du Taekwondo de l’autre côté du rideau de fer, il sera marginalisé, provoquant ainsi la création de deux écoles du Taekwondo: celle d’un art martial authentique promu par Choi dans le cadre de sa fédération: l’International Taekwondo Federation (ITF), et celle d’une discipline plus sportive au service d’un agenda plus politique: la promotion de l’image de la Corée du Sud sur la scène internationale.
En 1973 est créée la World Taekwondo Federation (WTF), symbole des ambitions de plus en plus planétaires de cette discipline, et pour qui l’accès aux Jeux Olympique serait une consécration majeure. Face à ses redoutables concurrents, le Taekwondo a deux atouts principaux: il se présente plus uni. Certes il existe deux fédérations concurrentes, mais cet inconvénient reste négligeable face au Karaté par exemple, au sein duquel co-existent de nombreuses écoles qui sont de facto autant de disciplines et fédérations différentes. Surtout, il bénéficie de l’appui inconditionnel du gouvernement sud-coréen. Le président fondateur de la WTF, Kim Un-yong est d’ailleurs un ancien diplomate, membre du cabinet du président Park à la fin des années 60. Au milieu des années 80, il deviendra membre du CIO, puis Vice-Président. Autant dire que le devenir du Taekwondo au sein de la famille olympique était entre de bonnes mains.
Aujourd’hui, le Taekwondo est devenu un sport réellement planétaire. Plus de 170 pays étaient représentés lors des derniers championnats du monde qui se sont achevés la semaine dernière à Gyeongju en Corée du Sud. Et comble pour le pays organisateur habitué à rafler les plus hautes marches du podium: c’est l’Iran qui a terminé en tête du classement des médailles. Un échec qui paradoxalement est révélateur de la réussite des Coréens à imposer le Taekwondo comme discipline universelle.
La France elle, a fait pratiquement aussi bien que la Corée, en remportant deux médailles d’or grâce à Gwladys Epangue (-73kg) et Anne-Caroline Graff (+73kg), chacune battant en finale… une Coréenne.