L’équipe féminine de hockey sur glace du Canada a vengé son homologue masculine en battant les États-Unis en finale dans la nuit du jeudi 26 au vendredi 27 février au Canda Hockey Place.
Une victoire qui se devait d’être fêtée dignement, et c’est exactement ce qu’on fait les canadiennes, rapporte le LA Times. Plus d’une demi-heure après avoir conquis leur troisième titre olympique consécutif, elles sont revenues sur la patinoire, toujours en tenue de match et avec leurs médailles d’or autour du cou, et avec toutes les munitions pour une quatrième mi-temps digne de ce nom: de la bière, du champagne et des cigares.
Le site de Los Angeles propose des photos de l’après-match arrosé qui prêtent à sourire, mais le Comité international olympique (CIO) prend l’affaire très au sérieux et a annoncé qu’il allait enquêter sur l’incident, et notamment sur le fait qu’une des joueuses n’avait pas l’âge légal pour boire de l’alcool.
L’équipe du Canada a rapidement publié un communiqué pour s’excuser du comportement de ses joueuses: «Dans l’excitation du moment, les célébrations ont débordé en dehors des murs de notre vestiaire, et elles n’auraient pas dû.»
Le porte-parole du comité olympique canadien a pour sa part déclaré: «Les célébrations ne sont pas vraiment quelque chose d’inhabituel au Canada. Si les athlètes étaient d’âge légal, il n’y a rien contre la loi.» Le sport international a en effet vu des célébrations d’après-match autrement plus dangereuses: le 13 février dernier, le 3e ligne international gallois Andy Powell était arrêté alors qu’il s’apprêtait à conduire une voiture de golf sur une autoroute, après la victoire contre l’Ecosse 31-24 dans le tournoi des six nations.
GF
Image de Une: Scott Audette / Reuters
lire le billetDisons le tout net, pour un Français encore complexé et meurtri dans sa chair par les fantômes conjugués de Glasgow et de Séville, voir nos amis Allemands se prendre une pareille dérouillée par nos cousins canadiens a quelque chose de profondément jouissif. Contempler des Allemands hagards sur la patinoire comme un troupeau de phoques regardant passer la caravane du Paris-Dakar, assommés par la maestria ensorcelante de leurs adversaires, courbant piteusement l’échine et incapables de se remotiver et de revenir dans la partie nous procure une joie pure, intense et profonde.
Et ce, sans avoir à subir la morgue outrancière de cette tête à claque de Ballack ou les tacles assassins de Schumacher, le tueur en série à la moustache rousse de petits Battiston innocents. 8 pions à 2. Au revoir l’Allemagne. Certes, ce match ne restera pas dans les annales du sport. Trop d’écart de classe. Mais à dire vrai qui s’en va assister à un match de hockey pour ce qui se déroule en contrebas sur la glace? Personne. Le spectacle se situe avant tout dans les tribunes, le seul but des spectateurs venus assister en masse à la glorification de leurs héros d’un jour demeurant de passer le temps d’un instant sur l’écran géant du stade suspendu dans les airs et par la grâce de la retransmission télévisée dans tout les foyers de Montréal et de Navarre. Leurs trois secondes de gloire.
Une enceinte sans banderoles
Déguisés en tenue de Batman du pauvre, en Superman d’opéra bouffon, en colonel de la police montée, tout est bon pour attirer l’œil putassier de la caméra vadrouilleuse.
Pour un Européen, habitué à des joutes disputées dans des enceintes plus nerveuses, ce genre de coutume a du mal à passer. Quoi? Pas d’insultes descendues des tribunes envers le gardien adversaire et de sa femme qui est en train de se taper le voisin et les enfants du voisin, pas de «aux chiottes l’arbitre», pas de doigt vengeur, pas d’enculés de Parisiens, de fils de pute de Marseillais, de branleurs de Boulonnais? C’est quoi cette attitude d’enfants de chœur attardés, ces sourires mêmes pas forcés, ces mines épanouies, vous vous croyez où? A Notre-Dame? Au défilé du 1er-Mai? On est dans un stade bordel. Dans un stade. Faut de la sueur de des larmes. Des cris et des insultes. Des moqueries et des bras d’honneur sinon autant rester chez soi à pioncer.
Et ce n’est pas tout. Lors de la foultitude d’arrêts de jeu qui se succèdent pendant la partie, la rendant aussi hachée que le très grand film du dimanche soir sur la Une, le stade se transforme en une succursale de la Chance aux chansons. Ça tape dans ses mains, ça joue aux marionnettes, ça rigole grave. On bat en rythme la musique postillonnée par les enceintes géantes, «We will rock you», «I love rock and roll» et plus surprenant «Hava Naguila Hava» et surtout on reste bien concentré pour ne rien manquer des ordres qui apparaissent à tout bout de champ, sous n’importe quel prétexte sur l’écran géant. Faites du bruit, tapez dans vos mains, mettez vous un doigt dans le nez.
Débâcle
Le sommet du kitsch restant le Kiss Cam lorsque la caméra balladeuse s’attarde sur un couple de bienheureux et les oblige à se livrer à d’écœurantes roucoulades le tout sous le regard attendri d’une foule conquise. Ecœurant. Heureusement parfois le grand manitou planqué derrière ses manettes se plante et zoome sur un couple en pleine débâcle qui vient juste de se disputer au sujet de la nourriture à donner au chien, croquettes ou viande hachée ou bien alors les deux heureux élus ne se connaissent pas et n’ont aucune envie d’entamer une relation lubrique sous les hospices de milliers de spectateurs abrutis par la consommation d’une bière sans saveur.
On sort de là groggy, la tête à l’envers, un torticoli à l’œil droit, un panaris a l’oreille gauche et on ressent comme une vague de nostalgie sourde qui nous étreint au plus profond de notre âme désolée. On repense avec émotion au silence religieux d’Old Trafford lors d’un penalty tiré par Ryan Giggs, au «You Never Walk Alone» embrasant les travées d’Anfield Road, aux prières muettes envoyées à Dieu le père par les tifosi de San Siro. Une fois rentré à la maison, on ressort de la cave la vieille cassette toute effilochée de France-Allemagne 82, on se sert trois lampées de Ricard mélangées à un grand verre de Chablis et jusqu’au troisième but de Giresse, on reste là, béat de joie et heureux d’être en vie.
Puis comme toujours les Allemands se réveillent et le cauchemar recommence….
Laurent Sagalovitsch
lire le billetLe matin du lundi 22 février, c’est le Canada tout entier qui s’est réveillé avec la gueule de bois. La veille, l’équipe nationale de hockey sur glace, fierté du pays, objet de toutes les admirations, s’est inclinée lors du dernier match des tours préliminaire des Jeux Olympiques à Vancouver contre le grand rival américain.
Un match perdu 5-3 alors que les hockeyeurs canadiens jouaient à domicile, «devant une marée rouge de partisans» rappelle Radio Canada. Cette défaite canadienne contre l’équipe américaine est la première du genre aux Jeux Olympiques depuis 50 ans.
Cette défaite symbolique douche les espoirs canadiens pour ces Olympiades. Avec neuf médailles, les canadiens sont cinquième au tableau des médailles, loin derrière les vingt-quatre médailles américaines. «Se faire mettre à l’amende par les Américains sur presque toutes les épreuves olympiques pendants dix jours et ensuite ne pas parvenir à stopper cette hémorragie contre le Team Usa en hockey (…) il sera encore plus difficile de relever la tête pour le reste de la compétition» écrit le Vancouver Sun.
Pour se qualifier pour les quarts de finale de la compétition, les hockeyeurs canadiens devront jouer un match de barrage contre l’Allemagne. Les Américains, eux, sont déjà qualifiés.
RM
Photo: Reuters
Le grand jour est donc arrivé. Fini de rigoler. Après trois jours à s’ennuyer ferme à regarder des descendeurs se vautrer comme des ivrognes défroqués dans des descentes interminables, des biathlètes asthmatiques dégommer de travers des cibles en carton pate, des hockeyeurs bûcherons croupir comme des vulgaires malfrats dans des prisons de verre, le temps est venu, ladies and gentlemans, d’assister à l’événement que la terre entière, enfin réunie dans le même élan collectif, attend depuis que l’homme a mangé pour la première fois un pain au chocolat.
Aujourd’hui, les épreuves de curling ont enfin débuté.
Vancouver 14 heures. Première manche du curling féminin. Une grande halle en bois. Une patinoire divisée en quatre couloirs. Une foule enthousiaste, toute habillée d’un rouge pétaradant, scandant à l’unisson «Here We Go Canada». Un compte à rebours qui se déclenche sur le grand tableau électronique et là, soudain, sous nos yeux effarés, ébaubis, éberlués, apparaît mais oui c’est bien sur une fanfare d’improbables Ecossais vêtus d’un authentique kilt du plus bel apparat, chapeau en bicorne vissé sur le crâne, cornemuse en bandoulière, escortés par la police montée canadienne. Impression de se retrouver dans un méchant trip dû à une surconsommation d’acide sulfurique. Regrets aussi d’avoir trop abusé la veille de la piquette de vin blanc servi à la louche par l’amicale des défenseurs à la retraite des baleines mauves.
La grâce de l’otarie
Bon, sinon, pour faire court, le curling, ça ressemble grossièrement à de la pétanque sur glace. Les boules marseillaises sont remplacées par des galets pesant une vingtaine de kilos et extraites de carrières écossaises. Le gravier provençal par une piste réfrigérée. Le pastis par de l’eau plate comme une limande anorexique. Visiblement la partie se déroule au meilleur des neuf manches. C’est long. Près de trois heures. Pour lancer leurs drôles d’engins intergalactiques, les concurrents, en chaussures anti-dérapantes et extra glissantes, s’arcboutent dans des espèces de startings blocs en caoutchouc avant de se déployer avec toute la grâce d’une otarie au sortir de la sieste, puis tandis que le galet leur échappe, les couvent du regard avec l’attention pétrie de tendresse et d’inquiétude d’une lionne pour ses éléphanteaux.
Une fois que le galet trace sa route comme un grand garçon émancipé, intervient le quart d’heure de gloire des balayeurs. Les nettoyeurs de surface. Les tueurs de flocons. Les Baygon ® verts de la glace récalcitrante. Leur mission: balayer encore et toujours, avec une énergie redoutable à donner des complexes à la ménagère de moins de ce que vous voulez. On a comme l’impression qu’ils ont repéré un océan de pépites d’or sous la glace et que, sacré bleu de dieu, ils sont prêts à tout les sacrifices pour la briser menue.
La boule, elle, tranquille, poursuit sans se presser son chemin pour arriver tout en douceur vers le cercle fatidique, dernière station avant le cimetière, où l’attendent perplexes d’autres boules, de couleur rouges ou jaunes, c’est selon. Elles se taquinent, se tamponnent du bout des fesses, s’esquivent du bord des lèvres, ricochent, rebondissent, repartent visiter en douce les quatre coins cardinaux. Pour les encourager à réussir dans leurs entreprises des plus osées, les joueurs éructent, aussi élégants qu’une tripière auvergnate derrière son comptoir, d’une voix martiale des ordres de petit caporal. Avance. Plus vite. Ralentis. A droite. A gauche. Arrête-toi.
Questions métaphysiques
Parfois, l’encombrement de boules rassemblées dans le cercle final finit par donner d’épouvantables maux de tête aux participantes. Elles se réunissent alors en conciliabule, la situation est grave, la nation en péril, la patrie en danger, on s’entretient à voix basse, on évalue la situation, on pèse le pour et le contre, on esquisse des stratégies avec de grands gestes de comédiens antiques.
A la fin de la partie, on range les balais, on se félicite et on rentre chez soi.
Sur le chemin du retour, on en arrive à se poser des questions métaphysiques. Qu’est ce qui donc définit un sport, sa spécificité intrinsèque, son dogme impérieux, sa faconde existentielle et pourquoi le curling a le droit de figurer dans le programme des jeux et pas la préparation à l’aveugle de sushis au bourbon? Oui pourquoi? Certes, on comprend que les longues nuits d’hiver passées au-delà du cercle polaire, lorsque le soleil paresseux hiberne 24 heures sur 24, autorisent les autochtones à se retrouver à l’orée d’un lac gelé et à se livrer à ces activités exotiques. Mais pourquoi donc mettre au supplice des spectateurs innocents?
Et puis une fois arrivé en ville, on se précipite en toute hâte dans la première librairie rencontrée sur son chemin. On débauche des étals le curling pour les nuls, on rentre chez soi, on renvoie les enfants au lit, le chien sous la niche, sa femme sous les draps et on s’apprête à passer une putain de nuit blanche comme la mort à essayer de percer le mystère du curling.
Laurent Sagalovitsch, à Vancouver
Image de une: Canada-Finlande, le 16 février. REUTERS/Lyle Stafford
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Content, pas content? C’est ici que ça se passe: