Le grand jour est donc arrivé. Fini de rigoler. Après trois jours à s’ennuyer ferme à regarder des descendeurs se vautrer comme des ivrognes défroqués dans des descentes interminables, des biathlètes asthmatiques dégommer de travers des cibles en carton pate, des hockeyeurs bûcherons croupir comme des vulgaires malfrats dans des prisons de verre, le temps est venu, ladies and gentlemans, d’assister à l’événement que la terre entière, enfin réunie dans le même élan collectif, attend depuis que l’homme a mangé pour la première fois un pain au chocolat.
Aujourd’hui, les épreuves de curling ont enfin débuté.
Vancouver 14 heures. Première manche du curling féminin. Une grande halle en bois. Une patinoire divisée en quatre couloirs. Une foule enthousiaste, toute habillée d’un rouge pétaradant, scandant à l’unisson «Here We Go Canada». Un compte à rebours qui se déclenche sur le grand tableau électronique et là, soudain, sous nos yeux effarés, ébaubis, éberlués, apparaît mais oui c’est bien sur une fanfare d’improbables Ecossais vêtus d’un authentique kilt du plus bel apparat, chapeau en bicorne vissé sur le crâne, cornemuse en bandoulière, escortés par la police montée canadienne. Impression de se retrouver dans un méchant trip dû à une surconsommation d’acide sulfurique. Regrets aussi d’avoir trop abusé la veille de la piquette de vin blanc servi à la louche par l’amicale des défenseurs à la retraite des baleines mauves.
La grâce de l’otarie
Bon, sinon, pour faire court, le curling, ça ressemble grossièrement à de la pétanque sur glace. Les boules marseillaises sont remplacées par des galets pesant une vingtaine de kilos et extraites de carrières écossaises. Le gravier provençal par une piste réfrigérée. Le pastis par de l’eau plate comme une limande anorexique. Visiblement la partie se déroule au meilleur des neuf manches. C’est long. Près de trois heures. Pour lancer leurs drôles d’engins intergalactiques, les concurrents, en chaussures anti-dérapantes et extra glissantes, s’arcboutent dans des espèces de startings blocs en caoutchouc avant de se déployer avec toute la grâce d’une otarie au sortir de la sieste, puis tandis que le galet leur échappe, les couvent du regard avec l’attention pétrie de tendresse et d’inquiétude d’une lionne pour ses éléphanteaux.
Une fois que le galet trace sa route comme un grand garçon émancipé, intervient le quart d’heure de gloire des balayeurs. Les nettoyeurs de surface. Les tueurs de flocons. Les Baygon ® verts de la glace récalcitrante. Leur mission: balayer encore et toujours, avec une énergie redoutable à donner des complexes à la ménagère de moins de ce que vous voulez. On a comme l’impression qu’ils ont repéré un océan de pépites d’or sous la glace et que, sacré bleu de dieu, ils sont prêts à tout les sacrifices pour la briser menue.
La boule, elle, tranquille, poursuit sans se presser son chemin pour arriver tout en douceur vers le cercle fatidique, dernière station avant le cimetière, où l’attendent perplexes d’autres boules, de couleur rouges ou jaunes, c’est selon. Elles se taquinent, se tamponnent du bout des fesses, s’esquivent du bord des lèvres, ricochent, rebondissent, repartent visiter en douce les quatre coins cardinaux. Pour les encourager à réussir dans leurs entreprises des plus osées, les joueurs éructent, aussi élégants qu’une tripière auvergnate derrière son comptoir, d’une voix martiale des ordres de petit caporal. Avance. Plus vite. Ralentis. A droite. A gauche. Arrête-toi.
Questions métaphysiques
Parfois, l’encombrement de boules rassemblées dans le cercle final finit par donner d’épouvantables maux de tête aux participantes. Elles se réunissent alors en conciliabule, la situation est grave, la nation en péril, la patrie en danger, on s’entretient à voix basse, on évalue la situation, on pèse le pour et le contre, on esquisse des stratégies avec de grands gestes de comédiens antiques.
A la fin de la partie, on range les balais, on se félicite et on rentre chez soi.
Sur le chemin du retour, on en arrive à se poser des questions métaphysiques. Qu’est ce qui donc définit un sport, sa spécificité intrinsèque, son dogme impérieux, sa faconde existentielle et pourquoi le curling a le droit de figurer dans le programme des jeux et pas la préparation à l’aveugle de sushis au bourbon? Oui pourquoi? Certes, on comprend que les longues nuits d’hiver passées au-delà du cercle polaire, lorsque le soleil paresseux hiberne 24 heures sur 24, autorisent les autochtones à se retrouver à l’orée d’un lac gelé et à se livrer à ces activités exotiques. Mais pourquoi donc mettre au supplice des spectateurs innocents?
Et puis une fois arrivé en ville, on se précipite en toute hâte dans la première librairie rencontrée sur son chemin. On débauche des étals le curling pour les nuls, on rentre chez soi, on renvoie les enfants au lit, le chien sous la niche, sa femme sous les draps et on s’apprête à passer une putain de nuit blanche comme la mort à essayer de percer le mystère du curling.
Laurent Sagalovitsch, à Vancouver
Image de une: Canada-Finlande, le 16 février. REUTERS/Lyle Stafford
Quel article ridicule ! Ce jeu contient une grande part de stratégie, c’est pourquoi il est surnommé les échecs sur glace. Pour les néophytes faire un parallèle avec la pétanque aide à la compréhension mais par pitié ce ne sont pas des boules qui sont lancées mais des pierres !
C’est bon le curling quand c’est raconté comme ça !
Merci
On sait depuis Desproges que les étrangers sont nuls mais quand même, une interrogation demeure : comment se moquer du curling, sport de sauvages nordiques, sans se foutre de la pétanque, garante de notre identité nationale ?
bon, toutes les autres disciplines des J.O. ne sont pas vraiment moins ridicules que celle-ci.
Celle là à peut-être le mérite d’être drôle.
5 minutes.
L’auteur de ce papier ridiculement bavard sur le curling tint à signaler qu’il est d’une mauvaise foi crasse et que depuis hier il s’est racheté une conduite en brossant son chat avec une lime à ongle…
Bon il faut peut-être pas se moquer…Mais il faut avouer que si ce sont des échecs sur glace… Qu’est ce que ca fait au Jeux Olympiques??????? Je vois mal des parties d’échecs aux J.O perso…
Ca n’a rien d’un sport, c’est plutôt un loisir. Quand on voit des trucs comme ca… A quand la Descente VTT aux J.O? Si on accepte des trucs ridicules comme ca, la DH a tout a fait sa place…!!!!
Heeuu, y’a déjà la descente VTT aux JO