Hockeyeuses canadiennes: médaille d’or, bière et ennuis

hockeygirls

L’équipe féminine de hockey sur glace du Canada a vengé son homologue masculine en battant les États-Unis en finale dans la nuit du jeudi 26 au vendredi 27 février au Canda Hockey Place.

Une victoire qui se devait d’être fêtée dignement, et c’est exactement ce qu’on fait les canadiennes, rapporte le LA Times. Plus d’une demi-heure après avoir conquis leur troisième titre olympique consécutif, elles sont revenues sur la patinoire, toujours en tenue de match et avec leurs médailles d’or autour du cou, et avec toutes les munitions pour une quatrième mi-temps digne de ce nom: de la bière, du champagne et des cigares.

Le site de Los Angeles propose des photos de l’après-match arrosé qui prêtent à sourire, mais le Comité international olympique (CIO) prend l’affaire très au sérieux et a annoncé qu’il allait enquêter sur l’incident, et notamment sur le fait qu’une des joueuses n’avait pas l’âge légal pour boire de l’alcool.

L’équipe du Canada a rapidement publié un communiqué pour s’excuser du comportement de ses joueuses: «Dans l’excitation du moment, les célébrations ont débordé en dehors des murs de notre vestiaire, et elles n’auraient pas dû.»

Le porte-parole du comité olympique canadien a pour sa part déclaré: «Les célébrations ne sont pas vraiment quelque chose d’inhabituel au Canada. Si les athlètes étaient d’âge légal, il n’y a rien contre la loi.» Le sport international a en effet vu des célébrations d’après-match autrement plus dangereuses: le 13 février dernier, le 3e ligne international gallois Andy Powell était arrêté alors qu’il s’apprêtait à conduire une voiture de golf sur une autoroute, après la victoire contre l’Ecosse 31-24 dans le tournoi des six nations.

GF

Image de Une: Scott Audette / Reuters

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Télévision: les Tontons flingueurs à Vancouver

© Photos Thierry Tazé-Bernard

France Télévision, envoyé spécial

«C’est dur lourd», «c’est du brut»… Etirés par l’émotion, en état constant d’ébriété tricolore, les commentateurs du ski alpin véritables avatars de Michel Audiard nous installent le plus souvent  dans la cuisine des tontons flingueurs. Plus proches des célèbres «brèves de comptoirs» chères à Jean-Marie Gourio que de la chanson de Roland, leurs commentaires délestés de toute ponctuation dévalent les pentes comme autant de cannettes échappées d’un café d’altitude. Il s’agit tout à la fois d’«exploser le chrono» (verbe intransitif jusqu’à ce jour) et de faire éructer le supporter après l’avoir décapé du moindre recul sur l’évènement.

Comme le champion qui s’arrache du portillon, le téléspectateur en apnée est embarqué dans une lessiveuse langagière sans le moindre radar de contrôle. Avec une telle pente tout est permis. Syntaxe, vocabulaire, conjugaison, féminin ou masculin, tout est balancé dans la pente. Grosse caisse exaltée, remplie d’exclamations, le cerveau lâche les commandes, le commentaire des grands jours se fait les tripes à l’air. Insensible au correcteur les mots dévalent la piste. Ils courent après le champion comme un chien des campagnes derrière le facteur. Comme le ski s’apprécie difficilement à l’œil nu tout est possible. La pente est forte, lâchons-nous: fartons les mots; customisons le langage; Dramatisons; Entonnons; serrons les chaussures.

Orthopédique et anatomique

«C’est son jour», «le rendez-vous est crucial», «c’est aujourd’hui ou jamais» «toute la France te regarde» (quand ce n’est pas la maman à Bonneval sur Arc ou le frère décédé tragiquement). Et puis c’est parti: «il attaque en patron», «il attaque comme le descendeur qu’il est» ou sa variante «comme le géantiste qu’il était il y a encore deux saisons». Et ça va de plus en plus vite: «c’est un skieur énorme» «il a pris sa chance, il est en train de remettre les compteurs à zéro», «il est puissant, il est compact, il est physique», «ses lignes font merveille», «la pression il aime ça», «la motivation est là, oui elle est là», «tout est possible avec ce garçon, tout est possible», «gros cœur, grosse envie, grosse puissance avec un énorme capital confiance»… Le commentateur voisin ( un consultant ancien champion olympique «qui a bien connu ça») intervient, savant: «il est là, il reste bien au contact ski /neige».

Orthopédique: «il se fait secouer sur son pied extérieur mais il arrive à tenir sa ligne». Anatomique: «il est toujours devant avec les genoux et avec les chevilles». Le journaliste reprend le micro: «Il est vraiment à l’attaque», «C’est pas un apprenti», poursuit doctement son ex-médaillé de voisin, «Alors lui c’est un vrai client», «il l’attendait cette course, il l’attendait».

Disponible

Mais il arrive que les apparences soient trompeuses, c’est le moment de la confession: «Il n’est jamais impressionnant à voir skier, mais à l’arrivée, les chronos sont là»… ou de la vérité du chrono: «il devrait finir avec deux secondes de retard, non ça va, il limite la casse avec 1 seconde 73 de retard». Il arrive qu’une interrogation brise l’élan collectif: «Tiens celui-là on ne l’avait pas vu depuis Wengen» ou sa variante admirative; «Mais qu’est ce qu’il nous fait aujourd’hui? Qu’est ce qu’il nous fait?», suivi d’un «il a un délié d’exception» ou du plus contestable «il est très disponible sur ses skis».

Là, le téléspectateur se trouve interpellé. Parce que lui, il n’est pas du tout disponible. Il a tout abandonné pour cette épreuve. Femme, enfants, porte du garage, chien, bureau, perspectives d’avenir, il n’est absolument pas disponible. Comment pourrait-il s’arracher de son fauteuil au moment même où le Norvégien poursuit sa course: «avec un délié d’exception», «il a une glisse de rêve, un toucher de folie». Oui mais voilà: «c’est un skieur naturel, il a le feu dans les pieds». Comme cela ne suffit pas, l’un des experts croit bon d’ajouter: «il n’y a rien de superflu, il est saignant, il avale la piste», son collègue en remet une spatule: «Il ne se pose pas de question, il envoie…» il envoie quoi? Mystère… même la ligne d’arrivée franchie, on ne le saura jamais. Si! Quelques mètres plus bas, nous voilà nous informés: «il envoie du gros, il mord la piste». Ce n’est plus un skieur, c’est un doberman lâché dans un abattoir. Et puis tout s’éclaire on comprend très vite que si certains envoient «du gros», d’autres envoient «du lourd»… nuance!

Shaker et cash

Mais attention il n’y a pas que les Français: «C’est sûr, l’Américain va venir troubler le classement». Il y a aussi ce Norvégien («Avec lui, deux courses, deux podiums») et ce Croate («pas mal ce qu’il fait en ce moment, il essaie de rester solide»); ajoutons ce constat lourd de menace pour la concurrence avec cet Autrichien «qui a faim». «L’Autriche a soif de revanche», concluent-ils en historiens.

Difficile cependant de rester insensibles à tous les pièges tendus par la piste. Chacun en ces jours olympiques peut l’imaginer raide et verglacé, mais nos amis nous alertent: «il y a beaucoup de courbes en aveugle».  «C’est pas de la glace c’est du béton» (mais ouf «il adore ça» au sujet d’un de nos compatriotes casqués). «C’est une pente qui demande beaucoup d’engagement», pire encore: «C’est une piste qui va chercher les contre-pentes…». Sensible aux saisons, l’un d’entre eux nous informe: «C’est une neige rapide qui a pris la pluie, une neige d’avril». Les avertissements pleuvent: «Il est à fond proche de la rupture, mais pas dans le rouge! Pas dans le rouge!», «Mais, ah lala, il se fait secouer comme dans un shaker». Ici, même les mémés aiment la castagne disait Nougaro de son Toulouse natal, ici à Vancouver «La moindre erreur se paie cash», «ici si t’es direct, tu le paies cash».

Dans ce toboggan, certains s’en sortent: «ça tape, mais il met ses skis où il veut les mettre» quand d’autres passent un très mauvais quart d’heure: «Aïe aïe, il se fait beaucoup chahuter», «On l’a vu très incisif et puis il se fait tasser». Quand l’un «est à l’heure au niveau des déclanchements», l’autre chute: «Et pourtant il la connaissait cette piste, ce Canadien». Que diable n’a-t-il pas écouté ce conseil que lui lançait l’un de nos mousquetaires avisés: «Allez, c’est le moment, il faut se pencher an avant pour cintrer son ski dans la neige…». Plus pertinente encore, cette ultime recommandation: «il faut rien lâcher, cette descente, il faut la faire jusqu’à la ligne d’arrivée»… Avec bien sûr «le bâton entre les dents».

Vivement les prochaines épreuves. Moi, je ne m’en lasse pas. Merci les gars. Envoyez !

Gilles Alexandre

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Règlement de comptes à hockey chorale

OLYMPICS-ICE HOCKEY/

Hockey sur glace

Disons le tout net, pour un Français encore complexé et meurtri dans sa chair par les fantômes conjugués de Glasgow et de Séville, voir nos amis Allemands se prendre une pareille dérouillée par nos cousins canadiens a quelque chose de profondément jouissif. Contempler des Allemands hagards sur la patinoire comme un troupeau de phoques regardant passer la caravane du Paris-Dakar, assommés par la maestria ensorcelante de leurs adversaires, courbant piteusement l’échine et incapables de se remotiver et de revenir dans la partie nous procure une joie pure, intense et profonde.

Et ce, sans avoir à subir la morgue outrancière de cette tête à claque de Ballack ou les tacles assassins de Schumacher, le tueur en série à la moustache rousse de petits Battiston innocents. 8 pions à 2. Au revoir l’Allemagne. Certes, ce match ne restera pas dans les annales du sport. Trop d’écart de classe. Mais à dire vrai qui s’en va assister à un match de hockey pour ce qui se déroule en contrebas sur la glace? Personne. Le spectacle se situe avant tout dans les tribunes, le seul but des spectateurs venus assister en masse à la glorification de leurs héros d’un jour demeurant de passer le temps d’un instant sur l’écran géant du stade suspendu dans les airs et par la grâce de la retransmission télévisée dans tout les foyers de Montréal et de Navarre. Leurs trois secondes de gloire.

Une enceinte sans banderoles

Déguisés en tenue de Batman du pauvre, en Superman d’opéra bouffon, en colonel de la police montée, tout est bon pour attirer l’œil putassier de la caméra vadrouilleuse.

Pour un Européen, habitué à des joutes disputées dans des enceintes plus nerveuses, ce genre de coutume a du mal à passer. Quoi? Pas d’insultes descendues des tribunes envers le gardien adversaire et de sa femme qui est en train de se taper le voisin et les enfants du voisin, pas de «aux chiottes l’arbitre», pas de doigt vengeur, pas d’enculés de Parisiens, de fils de pute de Marseillais, de branleurs de Boulonnais? C’est quoi cette attitude d’enfants de chœur attardés, ces sourires mêmes pas forcés, ces mines épanouies, vous vous croyez où? A Notre-Dame? Au défilé du 1er-Mai? On est dans un stade bordel. Dans un stade. Faut de la sueur de des larmes. Des cris et des insultes. Des moqueries et des bras d’honneur sinon autant rester chez soi à pioncer.

Et ce n’est pas tout. Lors de la foultitude d’arrêts de jeu qui se succèdent pendant la partie, la rendant aussi hachée que le très grand film du dimanche soir sur la Une, le stade se transforme en une succursale de la Chance aux chansons. Ça tape dans ses mains, ça joue aux marionnettes, ça rigole grave. On bat en rythme la musique postillonnée par les enceintes géantes, «We will rock you», «I love rock and roll» et plus surprenant «Hava Naguila Hava» et surtout on reste bien concentré pour ne rien manquer des ordres qui apparaissent à tout bout de champ, sous n’importe quel prétexte sur l’écran géant. Faites du bruit, tapez dans vos mains, mettez vous un doigt dans le nez.

Débâcle

Le sommet du kitsch restant le Kiss Cam lorsque la caméra balladeuse s’attarde sur un couple de bienheureux et les oblige à se livrer à d’écœurantes roucoulades le tout sous le regard attendri d’une foule conquise. Ecœurant. Heureusement parfois le grand manitou planqué derrière ses manettes se plante et zoome sur un couple en pleine débâcle qui vient juste de se disputer au sujet de la nourriture à donner au chien, croquettes ou viande hachée ou bien alors les deux heureux élus ne se connaissent pas et n’ont aucune envie d’entamer une relation lubrique sous les hospices de milliers de spectateurs abrutis par la consommation d’une bière sans saveur.

On sort de là groggy, la tête à l’envers, un torticoli à l’œil droit, un panaris a l’oreille gauche et on ressent comme une vague de nostalgie sourde qui nous étreint au plus profond de notre âme désolée. On repense avec émotion au silence religieux d’Old Trafford lors d’un penalty tiré par Ryan Giggs, au «You Never Walk Alone» embrasant les travées d’Anfield Road, aux prières muettes envoyées à Dieu le père par les tifosi de San Siro. Une fois rentré à la maison, on ressort de la cave la vieille cassette toute effilochée de France-Allemagne 82, on se sert trois lampées de Ricard mélangées à un grand verre de Chablis et jusqu’au troisième but de Giresse, on reste là, béat de joie et heureux d’être en vie.

Puis comme toujours les Allemands se réveillent et le cauchemar recommence….

Laurent Sagalovitsch

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Le cross et la bannière

OLYMPICS-FREESTYLE/

Ski cross

De retour à Cypress Mountain, théâtre à ciel ouvert des épreuves de ski acrobatique, situé à quelques lacets de Vancouver. Cette fois, au menu des réjouissances, le dépucelage en direct du ski cross puisque c’était la première fois dans l’histoire presque centenaire des Jeux olympiques qu’invitation était lancée à la jeunesse du monde entier à venir s’éclater en toute liberté sur les pistes enneigées. Et, en effet, beaucoup se sont éclatés. Littéralement. Morts pour la patrie au détour d’un virage trop relevé, après une mauvaise réception consécutive à un valdinguage dans les airs conséquence imparable d’une arrivée trop soudaine sur un tremplin sur le déclin.

De l’endroit où sont parqués les spectateurs, on ne voit pas grand chose. Pendant les 30 premières secondes de course, on papote donc avec sa voisine au sujet de la survie du thon rouge en milieu hostile; on vérifie que son appareil photo n’a pas d’attaque de panique, que la crème à bronzer a bien épousé les contours de sa peau gercée avant qu’au loin; perché la haut dans la colline, on ne devine l’ombre incertaine de kangourous sautillants jouant à chat perché sur le tracé étourdissant bâti à la va-comme-je-te-pousse par un officiel accrédité. Puis ils disparaissent à nouveau, cachés par une forêt épaisse comme un coffre fort genevois.

Peut être s’arrêtent-ils pour pique-niquer? Ou alors grimpent-ils dans le premier métro venu pour rejoindre en douce et au plus vite l’aire d’arrivée? Un peu comme au lycée, lors de la séance de gym hebdomadaire, quand profitant que le professeur d’éducation physique lorgnait d’un air scrupuleux son chronomètre à l’arrêt, des petits malins en culotte courte en profitaient pour s’abriter derrière la coursive des toilettes en attendant des jours meilleurs avant d’arriver tout essoufflés, pliés en deux de souffrance non retenue, devant le prof extatique et bluffé par le dévouement irréprochable de ses élèves si studieux.

Enfin les voilà! Normalement, si tout s’est déroulé comme prévu, ils sont au nombre de quatre. A moins que l’un d’entre d’eux ne soit resté perché dans les arbres. Un dernier virage à négocier, le tremplin final, le grand bond en avant, la réception décisive et l’arrivée. Voilà c’est fini, on salue la foule, on signe un pataquès d’autographes à des jeunes filles énamourées, on engloutit en deux trois bouchées un cheeseburger au Nutella et aussitôt on grimpe dans le remonte-pente pour un nouveau tour de piste, et ainsi de suite en un mouvement perpétuel jusqu’à la lutte finale. Mais pourquoi diable cet empressement?

La piste a t-elle été réservée depuis des lustres par la confrérie des ours naturistes? Leur forfait arrive t-il à expiration?

La course proprement dite ressemble à un tourniquet géant disputée par des coureurs bondissants, une sorte de course fantôme parsemée de chausse-trappes et de pièges en tout genre – manque juste au programme des réjouissances festives la traversée d’une rivière en apnée à dos de chameau – une fête foraine de l’excitation et de l’adrénaline, le tout sponsorisé par Fun Radio.

On peut toutefois se demander si à force de vouloir par tous les moyens séduire les jeunes consommateurs, le CIO ne va pas un peu trop loin dans cette surenchère consumériste. On voit arriver le jour où seront organisés des compétitions en landaus pour bambins survitaminés, des courses de poussette de parents cocaïnés, des descentes en layette dévalées par des moutards en couches supersoniques. Et de s’interroger sur le sort réservé aux seniors? Avec les retraites somptuaires qu’ils vont toucher sur nos dos accablés de dettes, il va falloir sérieusement songer à organiser des courses à leur attention mais là franchement ce sera sans moi. Je démissionne.

Laurent Sagalovitsch


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Hockey: le Canada refroidi par les Américains

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Le matin du lundi 22 février, c’est le Canada tout entier qui s’est réveillé avec la gueule de bois.  La veille, l’équipe nationale de hockey sur glace, fierté du pays, objet de toutes les admirations, s’est inclinée lors du dernier match des tours préliminaire des Jeux Olympiques à Vancouver contre le grand rival américain.

Un match perdu 5-3 alors que les hockeyeurs canadiens jouaient à domicile, «devant une marée rouge de partisans» rappelle Radio Canada. Cette défaite canadienne contre l’équipe américaine est la première du genre aux Jeux Olympiques depuis 50 ans.

Cette défaite symbolique douche les espoirs canadiens pour ces Olympiades. Avec neuf médailles, les canadiens sont cinquième au tableau des médailles, loin derrière les vingt-quatre médailles américaines. «Se faire mettre à l’amende par les Américains sur presque toutes les épreuves  olympiques pendants dix jours et ensuite ne pas parvenir à stopper cette hémorragie contre le Team Usa  en hockey  (…) il sera encore plus difficile  de relever la tête pour le reste de la compétition» écrit le Vancouver Sun.

Pour se qualifier pour les quarts de finale de la compétition, les hockeyeurs canadiens devront jouer un match de barrage contre l’Allemagne. Les Américains, eux, sont déjà qualifiés.

RM

Photo: Reuters

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La bonne surprise du patinage de vitesse

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Autant l’avouer d’emblée, dans l’autocar qui nous menait du centre ville à Richmond, la banlieue chinoise de Vancouver, on salivait déjà à la seule idée de se payer la gueule de ces grands échassiers de patineurs de vitesse, moulinant comme des hamsters frénétiques dans leurs cages verrouillées autour d’un ovale de cercle polaire ; leurs ridicules façons de se déhancher comme s’ils recevaient en courant alternatif des décharges de 220 ; leurs manières absconses de mouliner dans le vide au moment du départ, comme des grands guignols de Scoubidou appelant à la rescousse « Sammmmmmmmmmy » ; leurs entraîneurs au bord de la piste leur exhibant des photos de pin up de plus en plus affriolantes et dévêtues au fil des tours passés, pour mieux les motiver à revenir les voir au plus vite. Le tout avec en sourdine une bande-son signé Julien Clerc et ses patineurs qui patinaient, sur un grand lac, un lac gelé.

Tout faux.

Ce fut un moment de grâce absolue, de temps suspendu, d’enchantement perpétuel, de ravissement continuel. De la poésie convulsive en mouvement.

Déjà le public : une fanfare hollandaise de bon aloi tout d’orange vêtue. La Hollande, l’autre pays du fromage, du football et du patinage de vitesse. La classe sportive absolue synonyme d’élégance infinie. Les fantômes entêtants de Van Basten et de Cruyff. Peut-on seulement imaginer un beauf hollandais ? Difficile.

Puis le départ. Des athlètes dans la posture de fauves affamés prêts à bondir sur la première poire apparue, affublés d’un costume une pièce élégant comme une valse de Strauss. Les premières poussées, puissantes comme des départs de navettes à Cap Canaveral, racées comme des bonds de léopards tachetés, explosives comme un feu d’artifice du 14 juillet. La mise en route. Le balancement délicat des épaules, la coordination parfaite du corps en mouvement, les courbes épousées dans la plus parfaite des harmonies, la fluidité ensorcelante déployée le long de la ligne droite, les patins brillants comme des couteaux suisses étincelants, la glisse subtile, le toucher gracile, le contact facile. Le bras martelant le rythme régulier d’une horloge imperturbable aux intempéries de toute sortes. Le tout à des vitesses approchant les soixante kilomètres à l’heure. La dernière ligne droite, les poumons en feu, les jambes cramoisies, la langue pendue, l’effort à son maximum. Des purs sangs chevaleresques tenant seulement sur le fil de leur patin tranchant comme l’acier et traçant leurs routes toujours d’un pas cadencé et rythmé.

La flânerie du patineur solitaire

Et, enfin, pour une fois, surtout pas de chutes carnavalesques.

Pas de frime dégoulinante à revendre, pas de surenchère vestimentaire, pas d’artifices à deux sous. Pas de chiqué superflu. Le succès humble. La victoire modeste. Le respect sincère pour l’adversaire. Une certaine idée du sport.

Bien loin de ses branlotteurs de pipoteurs de demies pipeurs, de cette cohorte de curlingueurs au ralenti, de ce cortège de bouffons de short tracteur.

En rentrant, le cœur léger et l’âme réconciliée avec l’olympisme, je me suis arrêté au supermarché pour acheter des patins à mon chat. Dès demain je commence l’entraînement. Finies les papouilles, les caresses, les roucoulades. Je le mets au régime forcé, croquettes bio, eau cristalline, EPO de troisième génération. Du boulot, du boulot et encore du boulot. Et dans quatre ans je l’inscris aux jeux olympiques canins et félins de Shanghai. Il sera prêt. Moi aussi.

Laurent Sagalovitsch

Image de Une: Reuters

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Un petit patineur de rien du tout

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A moins d’avoir passé son existence dans un Quartier de haute sécurité après le meurtre particulièrement sordide de son chat agnostique, tout le monde connaît le tapinage artistique. Sa patinoire grande comme l’Alaska. Ses noms de combinaisons tout droit sortis d’un catalogue de berlines pour Mercedes: Axel, Lutz, Flip, Loop, Zboub. Les éternels patineurs, chemises ouvertes au vent, retroussées à mi coude, la mise impeccable, sourire idiot de circonstance suspendu aux lèvres, gants noirs, patins blancs, slips rouges qui s’en vont danser le jerk sous de la musique pop ou plutôt sous des airs empruntés à la compilation des best of des meilleurs moments des plus grands extraits des plus mémorables des opéras connus et recensés sur terre.

Leurs envolées foudroyantes dans l’espace, leurs façons de se transformer en torpilles tournoyantes au vent mauvais, en toupilles névrotiques, en tortellinis endiablés. Leurs chutes toujours au pire moment, leurs manières de se rattraper in extremis comme s’ils voulaient nous faire croire que tout allait bien, que tout était sous contrôle, qu’ils venaient juste de ramasser exprès un mouchoir qui traînait par là. Leurs pas de danse sautillants, leurs mains toujours tournées vers le ciel en de grands gestes suppliants comme s’ils imploraient un Dieu particulièrement ingrat de leur accorder ses grâces.

Leurs jambes qui au bout de deux minutes commencent à flancher comme des flageolets pas frais. Le moment de détente quand la musique se fait plus douce, juste le temps de prendre une petite verveine bien chaude avant de repartir au combat. Des Sisyphe d’opérettes. Les spectateurs qui une fois achevé le show de leur vedette préférée leur balancent en pleine poire tout ce qui passe entre leurs seins: peluches de mouettes, chaussettes étriquées, strings jetables et surtout des tombeaux de fleurs fanées, volées une heure plus tôt au cimetière municipal sur la tombe de Madame Duchemin.

Leurs entraîneuses survitaminées, toujours des Russes pas très sympathiques qui avec des mines de tortionnaires staliniennes reçoivent leur petit chéri dans le kiss and cry, en leur assenant de grandes tapes réconfortantes dans le dos, tout en leur murmurant à l’oreille combien ils ont été nuls à chier. Dans l’alcôve réservée, les sourires contrits, les mines faussement épanouies, les bisous envoyés à la fiancée restée à la maison garder le moutard à naître, les mains sur le cœur encore tout palpitant des efforts consentis, la bave aux lèvres, les paroles articulées en silence pour prévenir la maman planquée derrière son poste de télevision de leur garder le repas de la veille bien au chaud, l’insupportable attente des notes qui n’arrivent pas, arrivent, les pleurs de circonstances, les satisfecit du staff, les pouces levés en signe de défaite.

La solitude surtout. La solitude du taureau perdu dans les arènes qui, en attendant l’arrivée du torero toujours à la bourre, se demande bien ce qu’il peut foutre ici alors qu’il pourrait être en train de monter la petite dernière arrivée dans la meute. Oui la terrible solitude du tapineur artistique par moins six degrés à la nuit tombée dans une ville inconnue.

Laurent Sagalovitsch (à Vancouver)

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Le half pipe, du paradis à l’enfer

Surf – A suivre jusqu’au 27 février.

OLYMPICS-SNOWBOARDING/

Rien qu’à l’énoncé de l’intitulé de la discipline, «Half Pipe» en anglais, demie-lune en français, on aurait dû se douter que l’après-midi allait être cotonneuse comme une mère de Soupline. Elle le fut. Pourtant la montée vers Cypress Mountain fut enchanteresse et prometteuse d’infinis plaisirs à venir, le soleil en avait fini avec sa cure d’amincissement et dictait sa loi martiale dans un ciel sans nuages, les arbres n’arrêtaient pas de frimer en froufroutant leurs plumages verdoyants, l’océan en contre-bas se la jouait carte postale pour office du tourisme, mon voisin s’engueulait en coréen avec son portable en panne de défibrillateur et les passagères des voitures dédoublées nous lançaient des regards de velours. Un avant-goût du paradis.

L’arrivée sur le site nous dégrisa bien vite. D’abord une volée de marches à escalader à cloche-pied en chantonnant l’hymne canadien puis la découverte de l’enclos où allait se tenir la compétition du jour. Un bidule de demi-tube évasé creusé dans le flanc de la montagne. Le tunnel sous la manche circoncis. Les snowboarders tout en haut dans l’aire de départ, affalés comme des orques au chômage sur leurs planches, occupés à se recoiffer et à vérifier une dernière fois que leurs combinaisons ne jurent pas avec la couleur de leurs Ray-Ban. Des animateurs dyslexiques qui crachotent à rate déployée dans le micro et nous demandent de taper dans les mains pour les encourager, façon une annexe du Club med?

De la neige aux goélands

Le but du jeu: prendre assez de vitesse pour s’envoyer en l’air comme des soleils déchirés au bruit de l’accordéon rance, effectuer l’air de rien deux trois pirouettes, trois quatre galipettes, réciter cinq six je vous salue Marie, retomber sur terre, glisser vers l’autre contrefort et à nouveau piquer une tête dans le ciel, saluer la cime des arbres, papoter avec les mouettes et les goélands, taquiner les étoiles et ainsi de suite jusqu’à l’arrivée. Le tout en moins de douze secondes.

Devenir le temps d’un instant une boule de flipper alpine atteinte de délirium tremens.

Les snowboarders, des ados pour la plupart, sont super chouettes et méga sympas. Ils sourient tout le temps, ils sont hyper jeunes, trop décontractés, et surtout ils ne se prennent pas la tête tu vois? La vie, c’est comme un jeu et moi tu vois, j’aime la vie donc j’aime jouer. Le surf, c’est que du fun. C’est comme une philosophie de l’inexistence de l’existence. Tu te lances, tu te récupères, tu te relances et ainsi de suite en un mouvement à perpétuité. Surtout tu te la joues relax parce que au fond, quand tu réfléchis au fond des roses, le pire est toujours à venir derrière toi sans prévenir qu’il repassera pas. Tu vois un peu ce que je veux traduire comme état d’esprit ? Le fun, mec. A fond.

On voit.

Surf et ski à papa

Tout de même à les regarder se ramasser on finit par se demander s’ils savent au moins skier. Le ski à grand papa. Avec des bâtons, un bonnet, et des chaussures lourdes comme des seins de dame patronnesse. Comme on le pratiquait dans l’antiquité, aux alentours des années 80. Peut-être qu’à l’orphelinat de ski, c’étaient des cancres patentés, des incontinents du planter de bâton, des schizophrènes de la poudreuse et que pour s’en débarrasser une bonne fois pour toutes, les maîtres leur ont refourgués les planches à repasser de leurs épouses afin de les distraire et de permettre aux vrais skieurs de progresser.

C’est aussi une discipline alter mondialiste. Comme d’habitude dans ce genre de défilé de mode, on retrouve le contingent habituel de Suisses, de Canadiens, de Français et déjà plus surprenant d’Australiens et de Néo-Zélandais. Là où on commence vraiment à trembler de tous ses pieds, c’est lorsque le skipper nous annonce un concurrent venu des Pays-Bas. Hein? D’où qu’il a dit qu’il venait le Gentil Organisateur? Des Pays-Bas. Mais c’est pas bas les Pays-Bas? Ah si! C’est même plat comme le plat pays. Même que dans nos manuels de géographie, on va jusqu’à nous apprendre que c’est situé au-dessous du niveau de la mer. Au-dessous. Mais qu’est-ce qu’ils foutent là alors par 1.000 mètres d’altitude? Z’ont dû se tromper d’escale à l’aéroport. Ou alors ils ont échangés leurs passeports avec des Népalais de passage. A moins qu’ils soient là pour répéter le concours de l’Eurovision.

Lorsque les lumières s’éteignent, on s’aperçoit qu’on a le cul gelé, les mains gercées et la peau craquelée. Toujours à cloche-pied, on s’en retourne vers le car planqué à quinze bornes à la ronde, en montant dedans, on décoche une baffe au chauffeur juste comme ca, par principe de précaution, et on jure que plus jamais de toute notre mort on ne nous y reprendra.

Laurent Sagalovitsch (à Vancouver)


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Le mystère du curling

OLYMPICS-CURLING/

Le grand jour est donc arrivé. Fini de rigoler. Après trois jours à s’ennuyer ferme à regarder des descendeurs se vautrer comme des ivrognes défroqués dans des descentes interminables, des biathlètes asthmatiques dégommer de travers des cibles en carton pate, des hockeyeurs bûcherons croupir comme des vulgaires malfrats dans des prisons de verre, le temps est venu, ladies and gentlemans, d’assister à l’événement que la terre entière, enfin réunie dans le même élan collectif, attend depuis que l’homme a mangé pour la première fois un pain au chocolat.

Aujourd’hui, les épreuves de curling ont enfin débuté.

Vancouver 14 heures. Première manche du curling féminin. Une grande halle en bois. Une patinoire divisée en quatre couloirs. Une foule enthousiaste, toute habillée d’un rouge pétaradant, scandant à l’unisson «Here We Go Canada». Un compte à rebours qui se déclenche sur le grand tableau électronique et là, soudain, sous nos yeux effarés, ébaubis, éberlués, apparaît mais oui c’est bien sur une fanfare d’improbables Ecossais vêtus d’un authentique kilt du plus bel apparat, chapeau en bicorne vissé sur le crâne, cornemuse en bandoulière, escortés par la police montée canadienne. Impression de se retrouver dans un méchant trip dû à une surconsommation d’acide sulfurique. Regrets aussi d’avoir trop abusé la veille de la piquette de vin blanc servi à la louche par l’amicale des défenseurs à la retraite des baleines mauves.

La grâce de l’otarie

Bon, sinon, pour faire court, le curling, ça ressemble grossièrement à de la pétanque sur glace. Les boules marseillaises sont remplacées par des galets pesant une vingtaine de kilos et extraites de carrières écossaises. Le gravier provençal par une piste réfrigérée. Le pastis par de l’eau plate comme une limande anorexique. Visiblement la partie se déroule au meilleur des neuf manches. C’est long. Près de trois heures. Pour lancer leurs drôles d’engins intergalactiques, les concurrents, en chaussures anti-dérapantes et extra glissantes, s’arcboutent dans des espèces de startings blocs en caoutchouc avant de se déployer avec toute la grâce d’une otarie au sortir de la sieste, puis tandis que le galet leur échappe, les couvent du regard avec l’attention pétrie de tendresse et d’inquiétude d’une lionne pour ses éléphanteaux.

Une fois que le galet trace sa route comme un grand garçon émancipé, intervient le quart d’heure de gloire des balayeurs. Les nettoyeurs de surface. Les tueurs de flocons. Les Baygon ® verts de la glace récalcitrante. Leur mission: balayer encore et toujours, avec une énergie redoutable à donner des complexes à la ménagère de moins de ce que vous voulez. On a comme l’impression qu’ils ont repéré un océan de pépites d’or sous la glace et que, sacré bleu de dieu, ils sont prêts à tout les sacrifices pour la briser menue.

La boule, elle, tranquille, poursuit sans se presser son chemin pour arriver tout en douceur vers le cercle fatidique, dernière station avant le cimetière, où l’attendent perplexes d’autres boules, de couleur rouges ou jaunes, c’est selon. Elles se taquinent, se tamponnent du bout des fesses, s’esquivent du bord des lèvres, ricochent, rebondissent, repartent visiter en douce les quatre coins cardinaux. Pour les encourager à réussir dans leurs entreprises des plus osées, les joueurs éructent, aussi élégants qu’une tripière auvergnate derrière son comptoir, d’une voix martiale des ordres de petit caporal. Avance. Plus vite. Ralentis. A droite. A gauche. Arrête-toi.

Questions métaphysiques

Parfois, l’encombrement de boules rassemblées dans le cercle final finit par donner d’épouvantables maux de tête aux participantes. Elles se réunissent alors en conciliabule, la situation est grave, la nation en péril, la patrie en danger, on s’entretient à voix basse, on évalue la situation, on pèse le pour et le contre, on esquisse des stratégies avec de grands gestes de comédiens antiques.

A la fin de la partie, on range les balais, on se félicite et on rentre chez soi.

Sur le chemin du retour, on en arrive à se poser des questions métaphysiques. Qu’est ce qui donc définit un sport, sa spécificité intrinsèque, son dogme impérieux, sa faconde existentielle et pourquoi le curling a le droit de figurer dans le programme des jeux et pas la préparation à l’aveugle de sushis au bourbon? Oui pourquoi? Certes, on comprend que les longues nuits d’hiver passées au-delà du cercle polaire, lorsque le soleil paresseux hiberne 24 heures sur 24, autorisent les autochtones à se retrouver à l’orée d’un lac gelé et à se livrer  à ces activités exotiques. Mais pourquoi donc mettre au supplice des spectateurs innocents?

Et puis une fois arrivé en ville, on se précipite en toute hâte dans la première librairie rencontrée sur son chemin. On débauche des étals le curling pour les nuls, on rentre chez soi, on renvoie les enfants au lit, le chien sous la niche, sa femme sous les draps et on s’apprête à passer une putain de nuit blanche comme la mort à essayer de percer le mystère du curling.

Laurent Sagalovitsch, à Vancouver

Image de une: Canada-Finlande, le 16 février. REUTERS/Lyle Stafford

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La sécurité des sports d’hiver en question

Le lugeur géorgien qui s’est tué au cours d’un entraînement à Vancouver avait appelé son père avant les Jeux olympiques pour lui dire qu’il craignait la piste, selon la BBC. Nodar Kumaritashvili est mort à l’âge de 21 ans vendredi 12 février après avoir quitté la piste et heurté un poteau.

Le père de l’athlète, qui est lui-même un lugeur expérimenté, a confié à la BBC: «J’ai parlé à Nodar alors qu’il s’entraînait avant les Jeux. Il m’a dit qu’il avait peur d’un des virages de la piste au Canada.» Il a également révélé que le président Saakashvili l’avait appelé en pleurs pour lui dire que son pays avait perdu un héros, et a affirmé qu’il aurait pu revoir son fils si le poteau métallique ne s’était trouvé si proche de la piste. Mais le père endeuillé a affirmé qu’il ne comptait pas porter plainte.

Le tragique accident a remis la question de la sécurité au centre des débats, et pas seulement concernant la luge. Le champion de descente Aksel Lund Svindval a récemment écrit sur son blog concernant la sécurité dans sa discipline: «En deux semaines de compétition intense de Coupe du monde en Amérique du nord, les skieurs ont subi les blessures suivantes… 7 ACLS (blessure des ligaments croisés), 4 ligaments du genou, un bras cassé, une jambe cassée, un cou cassé, une concussion, un genou disloqué et une épaule disloquée. Est-ce normal?» Une citation reprise par le site de CNN, qui dresse un état des lieux de l’amélioration de la sécurité du ski alpin.

GF

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