C’est extraordinaire ce que la santé publique est empreinte de moralisme quasi catéchétique. Lisez à ce propos, dans son billet d’aujourd’hui, le sévère jugement que porte Jean-Yves Nau sur nos contemporains qui refusent aujourd’hui la vaccination et tiennent à le faire savoir. Le rapport à la santé est certes culturellement connoté par l’influence des grandes religions. Les hôpitaux étaient – et sont encore parfois – des Hôtel-Dieu dans nos villes. A Berlin aussi, capitale européenne que nous fêtons particulièrement ces jours-ci, l’Assistance publique s’appelle « Charité », en Français dans le texte. Les legs laissés par le dévouement infirmier des sœurs soignantes des siècles passés sont bien sûr considérables et ont façonné nos métiers, nos esprits et nos cœurs, à n’en point douter. Les métiers de la médecine, très certainement. Ceux de la santé publique, ce pouvait être moins attendu. Ce sont plutôt les Lumières qui ont apporté le discours sur la médecine préventive et collective, avec Condorcet par exemple, puis plus récemment, au début du XXème siècle, avec de grandes figures (un peu oubliées malheureusement) comme celles de Jacques Parisot, véritable père de l’école de Nancy (lire le livre d’Etienne Thévenin, paru en 2002 aux Presses Universitaires de Nancy, résumé en ligne gratuit) . Malgré cet apport profondément laïc, il subsiste dans l’approche de la santé publique de profonds reliquats moralisants. On voudrait que les experts soient des saints comme le rappelle Jean-Yves Nau. Mais il y a les conflits d’intérêts. Ils existent. Il faut déclarer publiquement ses conflits d’intérêt dit-on aujourd’hui, comme on demandait autrefois de reconnaître ses fautes (mais cela restait dans le confessionnal, c’était avant l’ère Internet). Derrière les intérêts, il y a le fantasme sous-tendu d’un grand marionnettiste qui tirerait, derrière le rideau, les ficelles : encore une scorie des interférences religieuses du passé ? On voudrait que les ministres soient des Mère Thérésa. On reproche aux responsables de ne pas « donner l’exemple ». Mais de quoi parle-t-on ? Que souhaitons-nous comme société ? Souhaitons-nous vraiment remplacer la morale religieuse par une morale sanitaire, certes laïque, mais qui vous ferait expier vos kilos en trop par une activité physique pénible et imposée ? Le fumeur a-t-il besoin que son médecin ne fume pas pour savoir que la fumée de cigarette est dangereuse pour sa santé ? La vaccination de Nicolas Sarkozy doit-elle être scénarisée pour que les foules se dirigent vers les centres municipaux ?
Permettez-moi de reprendre ici la réflexion d’une de nos blogueuses-lectrices de ce week-end, qui sous le pseudonyme de Cathy a écrit le commentaire suivant qui éclaire à mon sens le débat d’aujourd’hui : « C’est curieux, en vous lisant j’ai l’impression de comprendre (je suis prudente…) que pour bcp le problème du vaccin c’est la peur des effets secondaires éventuellement dangereux. Je ne suis pas sociologue, hein, mais autour de moi j’observe tout autre chose. Il s’agit surtout d’opposition, d’opposition ferme avec plus ou moins de colère. La phrase que j’entends le plus c’est “on nous prend pour des c…”. Je ne connais personne qui ait peur du vaccin en tout cas qui l’exprime… Il s’agirait plutôt d’un moyen de s’opposer à un système qui semble avoir perdu toute crédibilité. Le danger n’étant pas -encore- visible, (voire totalement nié par bcp) le petit peuple fait de la résistance autrement que dans la rue. En tout cas, dans nos campagnes, c’est le discours ambiant, “notables” compris ». Je ne sais pas si Cathy a raison, il est un peu tôt pour le dire. Mais, elle a sa raison, et elle l’exprime. On sent bien en effet, que l’expertise est un peu prise au dépourvu dans cette aventure. D’abord parce que cette expertise peine à cerner avec acuité le phénomène, dont on n’arrive toujours pas à savoir le degré de gravité – comme le rappelle avec des mots très justes Jean Rabat, un autre fidèle commentateur de notre blog, co-auteurs avec Cathy et les autres devrait-on bientôt dire, tant leur production est intense.
On ne sait pas en particulier si la pandémie sera beaucoup plus grave qu’on ne la ressent aujourd’hui, ou au contraire particulièrement anodine, au regard des véritables fléaux auxquels sont confrontés toute l’humanité, tous les jours que Dieu fait. Ensuite, nos contemporains éprouvent sans doute des difficultés – des limites ? – à croire ce qu’ils ne voient pas (c’est évangélique pourtant : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », Jean 20, 19-31), et donc sans doute à donner crédit à l’anticipation des experts. Dans cette pandémie du XXIème siècle, on est pourtant en plein dans l’anticipation. On l’attend même depuis 2003 ! Elle a changé de nom entre temps, ce n’est plus H5N1, mais c’est bien une pandémie, et c’est bien la grippe. Mais on ne voit pas grand-chose. Pas encore ? Peut-être. Et l’on ne verra probablement jamais quoi que ce soit de bien grave, pour plus de 99% d’entre-nous. Alors, face à ces incertitudes, face à ce « rien à voir », il n’est pas étonnant que certains d’entre nous aient envie de dire « circulez », et ceux, les moins moralistes : « laissez-moi circuler, et me retirer de tout se brouhaha ».
Antoine Flahault
lire le billetQuel spectacle ! Et osons les qualificatifs : quel triste et pitoyable, quel désespérant et régressif spectacle ! Pas un jour sans qu’un médecin parisien de renom (mandarin « émérite », mandarin définitivement à la retraite ou mandarin mort-né), sur les ondes ou sur les écrans, ne nous parle de son cas. Les différentes formes séculaires de la danse du ventre ont sans aucun doute leurs raisons et leur vertu. Il reste à démontrer ce qu’il en est, ce qu’il en sera, de cette nouveauté parisienne qu’est la danse du ventre médicale et vaccinale.
Le journaliste : « allez-vous ou non faire vacciner, docteur ? » Et le docteur au salon de dire oui, de dire non, de dire peut-être, de dire je vous attends. Comment raisonnablement comprendre ? Il fallait, sur ce thème, entendre (dans l’aube du lundi 9 novembre) un célèbre syndicaliste français de l’urgence réanimatrice invité à s’exprimer sur les ondes d’une station qui ne renie pas ses racines luxembourgeoises. Ce praticien est célèbre depuis l’été 2003 pour avoir (fort justement) trouvé (par le plus grand des hasards) les moyens d’attirer l’attention du plus grand nombre sur les premières conséquences sanitaires d’une canicule.
Hier il expliquait publiquement les raisons profondes qui le poussaient à refuser l’immunisation. Aujourd’hui il bredouille pourquoi, en définitive « il s’est fait piquer ». On croit comprendre qu’il a voulu de la sorte protéger des « malades immunodéprimés ». Dont acte. Puis il ajoute en substance que la politique gouvernementale du « tout vaccinal » est une erreur, sinon une faute. Il ajoute que pour ce qui est des personnes âgées mourir prématurément de la grippe ou d’autre chose…. Aussitôt le journaliste de faire remarquer au médecin qu’il y a six ans il développait une argumentation inverse. Et le médecin de rétorquer que cela n’a rien à voir. Et les auditeurs d’être conviés à passer à un autre sujet ; par exemple le XXème anniversaire du début de la chute du Mur de Berlin.
Au même instant ou presque, soit trois jours de l’ouverture des 1 000 centres de vaccination Roselyne Bachelot, ministre française de la Santé présentait à la presse la campagne et le dispositif de pharmacovigilance « activé autour des effets secondaires du vaccin ». Pour la ministre de la Santé, qui se fera vacciner –publiquement- au lendemain de l’anniversaire de l’armistice ce dispositif va fonctionner « dans une transparence totalement inédite dans l’histoire sanitaire de notre pays ».
Un premier rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) mis en ligne le 9 novembre (et qui devrait être actualisé chaque semaine, tous les mercredis) concerne les 50 000 premiers professionnels de santé qui se sont fait inoculer le vaccin commercialisé sous la marque Pandemrix. Ce rapport fait état d’une trentaine de cas d’effets indésirables, d’intensité bénigne à modérée, survenus dans les heures suivant l’injection : des réactions au site d’injection parmi lesquelles prédomine la douleur (24 cas), 1 cas d’urticaire localisé et 25 cas de réactions générales, essentiellement maux de tête, fièvre et fatigue. Trois cas de malaise associés à une poussée hypertensive ont été relevés, avec retour rapide à la normale.
On ajoutera (pourquoi ?) un cas de conjonctivite bilatérale, un cas d’hématome au niveau de la cheville et un cas de saignement nasal. Tous ont connu des évolutions favorables et rapides. « À ce jour, selon Mme Bachelot, rien ne distingue ce bilan de celui observé pour d’autres vaccins contre la grippe, des vaccins très largement utilisés. ». « Dans tous les cas, chronologie n’est pas causalité, souligne pour sa part Jean Marimbert, directeur général de l’Afssaps. Chaque cas a été notifié à l’un des 31 centres régionaux de pharmacovigilance) soit par les professionnels de santé ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû au vaccin, soit par les patients eux-mêmes, au moyen d’un formulaire téléchargeable, fera l’objet d’une analyse de la causalité avec toutes les informations disponibles, afin de permettre d’évaluer le rôle propre du vaccin lui-même. Ce n’est qu’au terme de cette démarche que l’imputabilité pourra être établie. »
S’agissant du désormais célèbre syndrome de Guillain-Barré, régulièrement évoqué par les adversaires de la vaccination, le Pr Didier Houssin, directeur général de la santé, a annoncé la création imminente d’un observatoire qui réunira les plus importants centres neurologiques français, pour assurer un suivi en temps réel. Le Pr Houssin a tenu a rappeler que l’on recensait en moyenne chaque année en France entre 1 700 et 1 800 cas de ce syndrome ; soit trois à cinq par jour. Il s’agit donc de vérifier si l’incidence des cas dépasse ce « bruit de fond ». Il ajoute que la cause principale de ce syndrome étant une infection virale, il y a tout lieu de considérer que la vaccination devrait réduire le nombre des cas. A suivre.
Dans l’attente, et jusqu’au 6 décembre, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé va lancer une nouvelle campagne d’information destinée à convaincre les quelque 6 millions de personnes concernées par la première vague à se rendre à leur centre de vaccination (personnels de santé, femmes enceintes, entourage des nourrissons de moins de six mois, asthmatiques ou personnes atteintes de bronchite chronique obstructive). Un spot va être diffusé sur les chaînes nationales (hertziennes, câbles, TNT) pour mettre en valeur l’importance individuelle et collective que revêt la vaccination, avec une voix off qui précise : « On peut tous faire quelque chose pour limiter la propagation de l’épidémie. Contre la grippe, la meilleure protection, c’est la vaccination. » Depuis le début de la vaccination réalisée au sein des hôpitaux, seuls 80 000 praticiens hospitaliers, ou médecins et infirmiers de ville se sont fait vacciner. Pour le Pr Houssin il s’agit là d’un « pourcentage faible ». La proposition de vaccination des quelque 12 millions d’enfants scolarisés (de la maternelle au lycée) commencera à partir du 25 novembre. On devrait ainsi, avant la fin de l’année, voir ce qu’il en sera du pourcentage.
Jean-Yves Nau
11 novembre 2009 : veillée d’armes vaccinales
Bénéfices versus risques. La question des effets indésirables du vaccin se pose aujourd’hui notamment au regard des bénéfices attendus, durant cette période qui précède le véritable démarrage de la campagne vaccinale. Cette question sera peut-être au centre des débats dans quelques mois, lorsque seront rapportées des suspicions de réactions imputées (à tort ou à raison) au nouveau vaccin antigrippal. Et il ne suffit pas de mettre en ligne un système de recueil d’effets indésirables pour que la question soit résolue ; loin de là.
Comme le souligne le directeur général de l’Afssaps dans les propos que rapporte Jean-Yves Nau ci-dessus, la seule séquence chronologique ne suffit pas : le fait qu’un syndrome de Guillain et Barré surviennent quelques semaines après l’injection vaccinale ne signe pas la responsabilité du vaccin. Car comme le rappelle le directeur général de la santé, on dénombre quotidiennement en France entre trois et cinq syndrome de ce type (indépendamment de tout vaccin) dont, qui plus est, on connaît mal l’origine. Nous pouvons donc d’ores et déjà imaginer que bon nombre des cas qui surviendront (par le « simple » fait du hasard) dans la fenêtre de temps qui suivra l’injection vaccinale seront attribués à tort à la vaccination.
Dans ce contexte il faudrait arriver à faire le tri entre ceux qui surviennent par le fait du hasard et ceux qui pourraient être dus au vaccin. Est-ce possible ? On peut en douter. Nous sommes là dans une problématique hautement délicate, un écheveau pathologique pratiquement indémêlable. Car les évènements indésirables pouvant être imputés au geste vaccinal sont toujours des événements très rares et pour lesquels on ne connaît ni les mécanismes physiopathologiques ni l’origine précise. Et ce sont précisément ces « événements » qui alimentent les polémiques vis-à-vis des vaccins : la sclérose en plaque pour le vaccin contre l’hépatite virale de type B (en France), les syndromes autistiques pour le vaccin contre la rougeole (en Grande Bretagne), l’invagination intestinale du nourrisson pour le vaccin contre le rotavirus (aux USA), le syndrome de Guillain et Barré pour la vaccination anti-grippale (un peu partout).
Les études épidémiologiques qui sont lancées une fois que la suspicion est là ne permettent pas, bien souvent, de conclure. Certaines études semblent a priori convaincantes dans un sens. D’autres le sont dans l’autre. Et l’on sort de toute cette littérature « avec la tête comme une citrouille » comme l’évoquait l’une de nos lectrice-blogueuse à propos des multiples controverses scientifiques autour de ce vaccin.
Résumons-nous. Ces questions ne sont pas simples, et elles le sont d’autant moins que les « événements » auxquels nous faisons référence sont rarissimes : de l’ordre de 1 cas pour 100 000, voire par million d’injections. Ce ne sont pas, pour la plupart, des cas mortels ; et en l’occurrence de très loin moins mortels que le syndrome de détresse respiratoire aiguë qui, lui, peut sans difficulté être associé au virus de la grippe, et qui peut tuer une fois toutes les 10 000 infections. Pour autant, et quelques soient les incertitudes qui demeurent dans ce domaine, personne ne souhaite voir augmenter le nombre de ces événements indésirables dans les semaines à venir.
Mais plutôt que de nourrir des oppositions sans issue comment ne pas nous réjouir de voir que, d’une certaine façon, nous changeons d’époque. L’ensemble de la communauté scientifique mondiale spécialiste du sujet va enfin pouvoir se mobiliser au même moment sur ces sujets. C’est à la fois heureux : plus les chercheurs sont nombreux à se pencher sur une question, plus la chance d’en trouver des solutions est élevée. A l’inverse, aucun utopisme : nous avons la quasi-certitude que la profusion des études ajoutera (au moins de manière momentanée) à la confusion et aux controverses (et donc la citrouille n’a pas fini de désenfler…). Me reviennent ici en mémoire les propos d’un éditorialiste de la revue Science qui traitait des nombreuses études épidémiologiques foisonnant de-ci, de-là, en quête d’associations controversées et souvent peu reproductibles. L’éditorial était titré : « Epidemiology faces its limits » (large extrait gratuit en ligne, en anglais). Et bien oui : l’épidémiologie, les épidémiologistes se heurtent à des verrous technologiques. Cette discipline rencontre ses propres limites dès lors lorsqu’elle va s’intéresser à des risques très rares, peu connus, à des associations de faible force.
Désespérer ? Certainement pas ! Cette situation délicate ne doit en rien s’opposer à une vigilance accrue, à une véritable veillée d’armes : déploiement d’études en cas de doute, coopération internationale sur ces sujets avec les puissants moyens dont, fort heureusement, nous disposons aujourd’hui. Signalons déjà, avant la bataille, l’article paru dans le Lancet, le 31 octobre dernier par Steven Black et coll. (seul le résumé en anglais est gratuit en ligne). Ce travail préoccupé par le risque de rumeur dévastatrice dans ce domaine dans les mois à venir, tente de chiffrer à l’avance, comme pour prendre date, les taux de base, sorte de bruit de fond, des principaux événements indésirables généralement attribués aux vaccins à tort ou à raison, mais ici avant même que le vaccin H1N1 ait été seulement mis sur le marché. Les auteurs de ce papier expliquent, un peu comme l’a fait le directeur général de la santé en France vis-à-vis du syndrome de Guillain et Barré, qu’il faut s’attendre à voir survenir durant les semaines qui suivront la vaccination, à tout le moins, les événements qui seraient survenus en l’absence de vaccination.
Antoine Flahault
lire le billetC’est une information d’importance doublée d’un aveu. L’information a été donnée jeudi 5 novembre par Roselyne Bachelot qui s’exprimait sur RTL. La ministre de la Santé a annoncé que la France pourrait bientôt revendre une partie de son stock de 94 millions de doses de vaccin contre la grippe pandémique. Comment mieux avouer que la décision gouvernementale prise cet été d’acquérir, pour près d’un milliard d’euros, un tel stock national était, au choix, un pari risqué ou une erreur stratégique ?
Ainsi donc nous sommes aujourd’hui dans une situation bien étrange. Alors même que la campagne de vaccination a à peine commencé, que la quasi-totalité des vaccins n’ont pas encore été livré et que la vague épidémique commence à enfler le gouvernement étudie la possibilité de revendre les vaccins qui, faute de volontaires, n’auraient pas été utilisés…. Interrogée sur le fait de savoir si elle comprenait que les professionnels de santé « rechignent » à se faire vacciner Mme Bachelot a précisé que le verbe « rechigner » (« témoigner de la mauvaise volonté pour ») ne convenait pas. Sans doute la ministre n’aurait-elle pas non plus accepté « renâcler », « grogner », « râler » ou « rouspéter » qui sont ses synonymes. Elle a préféré user d’une autre qualificatif. « C’est timide » a-t-elle dit, ajoutant : « D’ores et déjà nous avons 50 000 personnes à l’hôpital qui se sont faites vacciner A l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris plus 10% des personnels de santé sont vaccinés. Et il y a une très bonne accélération. »
Comprend-elle les reproches qui lui sont fait quant à l’acquisition d’un stock vaccinal à ce point surdimensionné ? « Non. Ce que je veux c’est que mon pays soit préparé à cette vaccination, répond-elle. D’ores et déjà nous savons que nous aurons peut-être la chance qu’une seule dose soit nécessaire. Mais cette information a besoin d’être confirmée et une partie de la population aura toujours besoin de deux doses, les enfants en particulier. Et puis, vous savez, depuis quelques jours la France est très demandée. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de pays qui nous consultent et qui nous demandent si on n’accepterait pas de leur revendre des vaccins. Ces pays n’ont pas pris leurs précautions. Mais moi je ne veux pas leur revendre ces vaccins tant que je ne suis pas sûre, par une constatation clinique, que l’immunité donnée par la première dose – et qui est déjà importante – est bien durable. » Mais combien de temps faudra-t-il pour le savoir ?
La situation est étrange autant qu’elle est inédite. Si l’on comprend bien ce que nous dit Mme Bachelot la France a, au nom du principe de précaution, acquis pour une somme qui n’a rien d’anodin (un peu plus que celle annoncée par Nicolas Sarkozy dans le cadre du nouveau Plan Cancer) notablement plus de vaccins anti grippaux qu’elle n’en utilisera. Et si l’on saisit toujours bien il n’y a là rien de grave puisque d’autres pays n’ont pas, dans ce domaine, pris leurs précautions. Acheteur aux trop grands yeux le gouvernement va se faire revendeur.
On imagine sans mal la somme des questions qui vont se poser. Le gouvernement va-t-il, comme l’étaient hier les fabricants, être ici en position de force et va-t-il faire monter les enchères ? Qui mènera les négociations et sur quelles bases marchandes ou éthiques ? Pourquoi, par exemple, ne pas offrir notre surplus vaccinal aux pays qui n’ont pas pu « prendre leurs précautions » faute d’en avoir les moyens ? Préfèrera-t-on au contraire vendre à ceux qui offriront le plus ce qui permettrait sinon, peut-être, de réaliser des bénéfices, du moins d’effacer l’impression désastreuse qui prévaut aujourd’hui : celle que le gouvernement a fort mal mené les négociations avec les firmes productrices ? Les détails des futures tractations seront-ils ou non rendus publics, ce qui offrirait le grand avantage de prévenir les critiques aujourd’hui formulées quant au caractère secret des premières négociations ?
Etonnant retournement de situation. A qui la France pourra-t-elle vendre ses surplus ? Aux Etats-Unis peut-être où des voix s’élèvent pour dénoncer la stratégie gouvernementale en la matière. Comme, rapporte l’AFP, celle de Nicole Kunka, une responsable travaillant pour la sous-commission du Travail et de la Santé de la Chambre des représentants. Elle estime que le gouvernement a « lamentablement échoué » dans son objectif de production de vaccins contre le H1N1pdm. «Les premières estimations du gouvernement étaient que 160 millions de doses seraient disponibles pour octobre or le 29 octobre, 24,8 millions de doses
étaient disponibles » souligne-t-elle. Elle cite aussi des statistiques du département américain de la Santé indiquant que « des doses pour couvrir l’ensemble des groupes prioritaires dans la population ne devraient pas être disponibles en nombre suffisant avant janvier 2010 ». Aux antipodes de la situation française la pénurie de vaccins fait qu’aux Etats-Unis de longues files d’attente se forment à l’extérieur des cliniques et des centres où le vaccin est administré. De nombreuses personnes considérées comme les plus exposées au risque infectieux (les enfants et les femmes enceintes notamment) ne peuvent bénéficier de l’immunisation protectrice alors que, sur les conseils des autorités sanitaires, elles la réclament.
La France sera peut-être aussi amenée à vendre ses surplus au Nigeria qui vient d’annoncer son premier cas officiel de grippe pandémique : une fillette américaine de 9 ans résidant à Lagos. Rappelons qu’avec 140 millions d’habitants, le Nigeria est le pays le plus peuplé du continent africain. Sera-t-elle un jour contactée par le Belarus (qui vient d’enregistrer ses sept premiers cas mortels) dont le président Alexander Loukachenko vient de dire que la pandémie était une « provocation des sociétés pharmaceutiques » ? « C’est une provocation ordinaire des sociétés pharmaceutiques et le souhait de gagner de l’argent sur le malheur humain » a-t-il déclaré le 4 novembre en arrivant en Ukraine, pays confrontée depuis peu à une forte vague épidémique. Selon l’agence Interfax, interrogé sur le fait de savoir s’il n’avait pas peur de se rendre pour deux jours dans ce pays il a répondu : « De quoi dois-je avoir peur? Il faut se calmer et vivre ».
Jean-Yves Nau
« Vous chantiez ? J’en suis fort aise …. »
Le gouvernement semble avoir pris la (sage) décision de ne retenir qu’une seule dose dans le schéma vaccinal des adultes. Même si le discours officiel reste mesuré. En effet, certains experts européens semblent encore s’arc-bouter sur le schéma à deux doses initialement envisagé pour le vaccin contre le virus H5N1, celui de la grippe aviaire. Après la publication des résultats concordants provenant de nombreux essais vaccinaux, après les positions claires de l’OMS sur ce sujet et l’attitude de la FDA nord-américaine, le consensus se dessine avec peine : avec la souche N1N1pdm il faut adopter un schéma à une dose.
La raison finira par l’emporter, comme on l’on apprend ce jour, en filigrane de ces déclarations de la ministre de la Santé. Diriger c’est prévoir aurait-on rappelé à la ministre si elle n’avait commandé des vaccins que pour la moitié de la population française en pariant dès le mois de juin 2009 (à l’heure des prises de commandes) pour un schéma à une dose. S’est-elle trompée ? Les experts qui la conseillent ont-ils mal prévu ? Les affreux lobbys industriels étaient-ils derrière l’épaule ministérielle ? Ou si l’on est plus paisible, dame Nature (pour paraphraser l’un de nos fidèles lecteur-blogueur), a-t-elle su se montrer coopérante en offrant une forte réaction immunitaire des vaccinés dès la première injection ?
En toute hypothèse nous savons que nous devrons faire avec des surplus massifs. Et ce même si l’opinion se retournait en faveur de la vaccination, même si la vague épidémique prenait de l’ampleur et qu’apparaissait une demande massive de protection. A l’évidence la question du re-routage des doses se pose. Faut-il les donner aux pays pauvres qui en ont tant besoin et n’ont pas les moyens de les acquérir ? On a annoncé il y a plusieurs semaines qu’on le ferait un peu. L’OMS a annoncé que l’on offrirait, comme d’autres pays développés, 10% de nos stocks aux pays en développement.
Faut-il aller plus loin ? Le feraient-ils pour l’ensemble du surplus que l’on accuserait vite nos dirigeants (après leur avoir reproché leur imprévoyance) de dilapider les deniers publics. Faut-il donner ces vaccins en trop à nos amis européens ou américains qui n’en ont pas assez ? Il n’y aurait même plus la logique humanitaire pour sous-tendre une telle décision. Faut-il les vendre à ces riches cigales, pour une fois que la fourmi est bien française ? Roselyne Bachelot ne peut quand même pas répondre à ses collègues du G20 : « Vous chantiez ? J’en suis fort aise : Eh bien ! Dansez maintenant ». La décision à prendre est clairement politique, elle ne relève pas de l’expertise. La ministre est pleinement dans son rôle en soulevant publiquement la question qu’elle devra trancher. La démocratie sanitaire, en l’absence d’urgence, exige un débat. En Suisse, on organiserait une votation. En France, n’est-ce pas le rôle du Parlement ?
Antoine Flahault
lire le billetLa dynamique pandémique semble avoir depuis peu atteint un nouveau rythme de croisière. Pas un jour sans nouvelles informations certes ; mais cela est vrai depuis la fin avril. En revanche des informations qui ne cessent jour après jour d’entrer en étranges résonances. Le mercredi 4 novembre est de ce point de vue éclairant. A la différence de celles, délicieuses, de Guitry qui tenaient en un seul acte l’affaire ici en comporte deux.
Acte I. On en trouve, via la Toile, la substantifique moelle sur le site du JAMA, l’organe de l’association médicale américaine (résumé en ligne en anglais). Le texte est signé d’un groupe de praticiens qui se sont passionnés pour l’impact de la pandémie dans l’Etat de Californie où cette même pandémie a émergé dès le mois d’avril. Le travail est issu de la surveillance sanitaire organisée en Californie auprès des personnes hospitalisées et/ou est mortes avec preuve biologique d’une infection par le virus H1N1pdm.
Résumons. Entre le 23 avril et le 11 août 2009 les services sanitaires californiens ont recenses 1088 cas d’hospitalisation ou de décès dus à la pandémie d’ores et déjà millésimée 2009. L’âge médian était de 27 ans (extrêmes allant de 1 à 92 ans) et 68% (741 cas sur 1088) présentaient des facteurs de risque pour des complications de la grippe saisonnière. Au total 21% (183 cas sur 884) des personnes hospitalisées n’avaient reçu aucun traitement antiviral. Dans l’ensemble la mortalité a été de 11% (118 cas sur 1088) et a été la plus élevée (18% -20%) chez les personnes âgées de 50 ans ou plus. Les causes les plus courantes de décès ont été la pneumonie virale et le syndrome de détresse respiratoire aiguë. La période médiane entre le début des symptômes et le décès a été de 12 jours
En d’autres termes aucun groupe d’âge ne semble plus à l’abri face aux risques d’hospitalisation. Contrairement à ce qu’avaient tendance à montrer les premières statistiques nationales américaines récentes la mortalité dans les hôpitaux californiens a été plus élevée chez les personnes de 50 ans que chez les plus jeunes.
Or, des chiffres récents des Centres fédéraux de contrôle et de prévention
des maladies (CDC) portant sur 28 Etats américains montraient que 23,6% des décès
survenaient chez des moins de 25 ans, 65% dans le groupe des 25 à 64 ans et
seulement 11,6% chez les 65 ans et plus.
« A la différence de la perception la plus répandue concernant la grippe H1N1, les hospitalisations et les décès se produisent à tout âge » a tenu à souligner le
Dr Janice Louie, du ministère californien de la Santé, l’une des auteures de l’étude publiée par le Jama. La plupart des personnes hospitalisées avaient des problèmes de santé préexistants accroissant le danger de complications, en particulier l’obésité,
identifiée comme un facteur spécifique de risque de mortalité par la grippe H1N1
et qui selon elle mérite davantage de recherche. « Les données sur lesquelles cette étude est fondée sont similaires à celles que nous avons dans l’ensemble des Etats-Unis et dans le monde, a pour sa part réaffirmé dans la foulée médiatique le Dr Thomas Frieden, directeur des CDC. Cela ne change pas nos recommandations de vaccination [avec priorité aux personnes de 6 mois à 24 ans et aux femmes enceintes] car la très grande majorité des personnes infectées par le virus H1N1 ont moins de 55 ans. » De bien beaux débats éthiques en perspectives outre-Atlantique (pourquoi laisser les personnes âgées au bord du chemin vaccinal ?) sans parler de la problématique d’une vaccination prioritaire sur la base de Guantanamo (geôliers et détenus) qui fait grand bruit dans le pays.
Acte II. Nous sommes en France, et nous sommes toujours le 4 novembre 2009. Et le ministère de la santé de prendre, une improbable pénultième prise de parole. Résumons librement le message officiel : près de 6 millions de personnes (dont l’entourage des nourrissons de moins de 6 mois) seront (devraient) dans un premier temps concernées par la campagne de vaccination contre la grippe H1N1pdm qui débutera le 12 novembre (au lendemain donc de l’anniversaire de l’armistice) dans la population générale. L’élargissement de la campagne inclura à cette date la quasi-totalité des personnels de santé, l’entourage familial des nourrissons de moins de 6 mois (qui eux-mêmes ne peuvent pas être vaccinés), les professionnels de la petite enfance et les sujets à risque de moins de 65 ans, Cette première liste de personnes qui seront invitées à se faire vacciner n’inclut pas les femmes enceintes, pour lesquelles les autorités sanitaires préfèrent –comprenne qui pourra- attendre l’arrivée d’un vaccin sans adjuvant.
On sait que la vaccination ne sera en aucun cas obligatoire et que le schéma vaccinal prévoit toujours à ce stade deux injections (à 3 semaines d’intervalle). Pour l’heure seul le vaccin Pandemrix de GlaxoSmithKline est aujourd’hui disponible avec quatre millions de doses ont déjà été reçues et 2 millions de doses hebdomadaires sont attendues à partir de la mi-novembre. Le vaccin de Novartis devrait arriver à partir du 15 novembre, en quantités plus limitées. Reste, en pratique, le faible écho jusqu’ici rencontré quant à la vaccination des personnels de santé des hôpitaux. On reconnaît ainsi dans l’entourage de Roselyne Bachelot et dans un de ces jolis euphémismes sculpté dans la langue de bois que « le taux d’adhésion reste limité ». Entre 40.000 et 50.000 hospitaliers – sur un effectif de 800.000 personnes – se seraient fait vacciner en deux semaines, selon des estimations ministérielles. Au choix : un bide, un gros souci, un drame.
Et s’il fallait conclure en une forme d’amorce de troisième acte on ajouterait que la circulation A(H1N1)pdm continue à s’intensifier dans toutes les régions. Selon l’Institut de veille sanitaire (InVS) 39 personnes ont été hospitalisées en réanimation ou en soins intensifs la semaine dernière, dont quatre sont décédées.
(A suivre)
Jean-Yves Nau
Protégeons nos personnes âgées à risque en priorité
Le bilan californien publié dans le JAMA ne nous apporte pas de résultats très nouveaux, il précise cependant la distribution d’âge des formes sévères, hospitalisées de cette grippe H1N1pdm. Habituellement, durant les épidémies de grippe saisonnière, seules les personnes âgées étaient sujettes aux complications et susceptibles d’être hospitalisées. Ou quasiment seulement elles. Les plus jeunes étaient certes déjà les plus souvent atteints par les virus saisonniers, mais ils n’étaient gravement atteints que de manière exceptionnelle et n’en mourraient pour ainsi dire jamais. Le virus de la grippe H1N1pdm ne semble pas infecter davantage les jeunes que les virus de grippe H1N1 saisonniers. En revanche, les complications graves et les décès concernent désormais les jeunes ; les jeunes aussi.
L’interprétation trop rapide de la plupart des lecteurs (et de bon nombre d’experts, y compris ceux qui se sont penchés sur les recommandations vaccinales officielles, y compris ceux de l’OMS) était de croire que la grippe H1N1pdm ne serait sévère que chez les jeunes, ou même surtout chez les jeunes. Il fallait lire semble-t-il : « chez les jeunes aussi ». Y avait-il tant de raisons qu’une telle grippe épargne les personnes âgées, fragiles et malades par ailleurs ? Pourquoi un virus qui sait être particulièrement virulent chez les jeunes, passerait-il sans faire de victimes chez des personnes fragiles ou très âgées ?
On a rapporté que les personnes âgées étaient en partie immunisées, probablement par la circulation de virus semblables il y a 50 ou 60 ans. C’est possible en effet. Mais les personnes âgées n’auraient-elles pas aussi été immunisées par des virus saisonniers un peu semblables qui ont circulé durant les années précédentes ? N’aurait-on pas pu servir ce discours de la protection naturelle des personnes âgées contre le H1N1pdm avec les virus de la grippe saisonnière ? Et pourtant, la plupart des décès durant la grippe saisonnière concerne les plus de 75 ans. Ce segment de la population qui doit présenter la plus grande proportion de personnes « immunisées » contre les souches circulantes reste, immuablement, celui qui paie le plus lourd tribut à la grippe saisonnière.
Soit on ne sait pas grand-chose du parallélisme entre l’immunité et la protection clinique effective. Soit la petite proportion (15-20 % malgré tout) de ceux qui ne sont pas immunisés avant l’épidémie est celle qui est le plus à risque. Il n’en demeure pas moins que les personnes à haut risque restent bien les personnes âgées ; et ce même si on est loin de tout comptabiliser aujourd’hui et alors qu’on ne voit que la partie émergée de l’iceberg de la mortalité (voir un billet précédent à ce propos). Le risque de décès, durant la grippe saisonnière est de l’ordre de 1 pour 1000, en grande partie chez les personnes très âgées. Pour cette grippe H1N1pdm, il faudra compter possiblement sur un risque analogue (ce n’est pas catastrophiste d’écrire cela quand même !), et en plus, sur une mortalité directe, inattendue de l’ordre de 1 pour 10 000 chez des jeunes que l’on ne s’attendait pas à voir dans les hôpitaux, dans les services de réanimation. On apprendra parfois qu’ils étaient en bonne santé auparavant et, plus souvent, qu’ils étaient atteints de maladies sous-jacentes ; mais des maladies qui, durant les grippes saisonnières, ne les prédisposaient pas à une complication fatale. Il faut donc – par précaution – protéger nos personnes âgées et ceux qui sont fragilisés par des maladies pré-existantes connues pour les mettre à risque de complications classiques de la grippe.
Antoine Flahault
lire le billetEn temps de pandémie l’homme a une tendance naturelle à ne s’intéresser qu’à son espèce. Il a parfois tort. Un seul exemple : depuis les découvertes d’Alexandre Yersin et de ses successeurs nous savons à quel point, avec la peste, l’humanité aurait dû, durant des siècles et des siècles, s’intéresser un peu plus à nos amis et voisins les rats.
Pandémie ou pas, user d’une loupe c’est immanquablement en apprendre beaucoup sur l’univers pestilentiel qui nous entoure. Et ne parlons pas ici du microscope et des diagnostics virologiques… Plus on cherche et mieux on trouve. Deux toutes récentes informations scientifiques viennent ainsi élargir le champ des inquiétudes potentielles quant au spectre de la possible action du nouveau virus pandémique dans notre entourage animal plus ou moins proche. La première est américaine ; la seconde est française.
Promed, remarquable site communautaire spécialisé dans la surveillance planétaire des maladies infectieuses nous apprend qu’au Nebraska un certain “Stormy” vient de succomber à l’infection par le virus H1N1pdm. Il s’agissait de l’un des quatre furets « de compagnie » appartenant à une famille dont l’un des membres était lui-même infecté par le même virus. L’affaire a été confirmée par les spécialistes de virologie vétérinaire de l’université du Nebraska. Les responsables de la santé publique de l’Etat ont aussitôt tenu a préciser qu’un tel événement était prévisible quand bien même il était jusqu’à présent, tenu pour excessivement rare. Avant ‘’Stormy’’ un seul cas mortel concernant un furet avait été jusqu’à présent été décrit aux Etats-Unis. L’affaire est toutefois suffisamment prise au sérieux pour qu’une confirmation du diagnostic de virologie moléculaire ait été demandée au centre national des services vétérinaires situé dans l’Iowa.
Pourquoi s’intéresser ici au furet ? Pour l’essentiel parce que cette sous-espèce du putois (domestiquée par l’homme depuis des siècles) a, fort curieusement un système respiratoire suffisamment semblable à celui des humains pour être, plus que d’autres animaux, sensibles aux virus des grippes humaines. C’est ainsi que ce gentil mammifère (qui dans l’espace francophone a une tendance séculaire à passer ici pour, souvent, repasser par là) est, depuis des années, martyrisé par les spécialistes de virologie et de l’industrie vaccinale : c’est un parfait modèle non-humain permettant de mieux lutter contre les virus épidémiques et pandémiques de la grippe.
Ces mêmes spécialistes rappellent que les furets grippés présentent les mêmes symptômes que les humains : fièvre, léthargie, asthénie, toux et éternuements. A leurs propriétaires (leurs maîtres ?), donc, d’être vigilants et de tenter de saisir dans quel sens la contamination virale s’est produite.
Pour l’heure les experts vétérinaires ne pensent pas que les chiens et les chats sont à ranger dans la même catégorie que les furets. Chiens et chats semblent en effet n’être sensibles qu’ à des virus grippaux qui leur sont spécifiques. Il n’en reste pas moins que les spécialistes américains soulignent toute l’importance qu’il faut accorder à l’hygiène des maîtres (lavage des mains, des bols ; mise en quarantaine) dans tous leurs rapports avec les animaux vivants avec eux sous le même toit. C’est tout particulièrement vrai avec les « cochons de compagnie » puisqu’il est acquis que de tels porcs existent et que le nouveau virus grippal a (du fait de l’homme semble-t-il) déjà infecté des élevages porcins, au Canada notamment.
Hasard ou pas, les propriétaires désormais inquiets de « porcs de compagnie » seront sans doute ravis d’apprendre que l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa, format pdf en ligne) a, mardi 3 novembre, annoncé avoir mis au point un test de diagnostic de la grippe H1N1pdm pour les cochons et autres suidés. « A l’heure actuelle, il n’y a pas d’élevage de porcs contaminé en France » a rappelé à cette occasion Marc Mortureux, directeur général de l’Afssa qui estime qu’une telle éventualité est « probable ». Le scénario retenu est qu’un éleveur contagieux contamine ses animaux. C’est pourquoi l’Afssa, depuis toujours en première ligne pour ce qui est du principe de précaution, recommande « la vaccination préventive des professionnels. » Elle recommande aussi que les éleveurs ayant les symptômes de la grippe évitent le contact avec les animaux ou qu’ils le fassent en portant des masques et une tenue de protection. Ambiance assurée à la ferme.
Toujours selon l’Afssa, une fois le diagnostic établi (grâce à son test) les porcs infectés devront être mis en quarantaine durant une période qui devra courir jusqu’à sept jours après la fin des symptômes grippaux. En général les cochons touchés « développent une maladie bénigne, évoluant spontanément vers la guérison ». L’Afssa rappelle qu’il n’y a, pour l’homme et pour l’heure, aucun risque de contracter la nouvelle infection grippale en consommant des viandes et des charcuteries élaborées à partir de porcs infectés par le nouveau virus grippal.
Jean-Yves Nau
Grippe de compagnie
Les rapports hommes-animaux concernant les maladies infectieuses sont vieux comme le monde. La plupart des espèces microbiennes pathogènes pour l’homme viennent de l’animal et de leur promiscuité. Jean-Yves Nau évoquait le bacille de Yersin (responsable de la peste), mais il y a aussi celui de la tuberculose, le virus de la rougeole, et ceux de la grippe. On dit même que 60% des émergences de maladies infectieuses humaine ont une origine animale. Les échanges se font bien sûr dans les deux sens. L’animal peut aussi être contaminé par l’homme.
Il existe toutefois des barrières d’espèces qui demeurent puissantes. En effet, si une contamination avec le nouveau virus d’un homme à son chat ou à son chien n’est pas à exclure (qui puisse rendre malade l’animal de compagnie) il est peu probable qu’elle donne lieu à une chaîne de contamination entre chiens et chiens, entre chiens et chats. Ces animaux de compagnie peuvent certes être eux aussi porteurs de virus grippaux, mais pas des mêmes ; ils ne peuvent se transmettre que d’autres sous-types.
De même, les virus responsables des grippes aviaires ne se transmettent qu’exceptionnellement à l’homme ; on l’a fort heureusement bien observé avec le virus de la peste aviaire A(H5N1). Ils n’engendrent pas de transmissions secondaires interhumaines. On peut toujours certes redouter qu’un jour une chaîne de transmissions secondaires puisse se produire soit dans l’espèce humaine (provoquant alors une épidémie), soit dans l’espèce animale (avec démarrage alors dit « épizootique »). Ces transmissions sont donc très rares entre la plupart des animaux et l’homme. Sauf… avec le furet et le porc. Le furet est en effet le modèle de laboratoire utilisé pour tous les essais précliniques des vaccins ou des médicaments antiviraux contre les virus de la grippe humaine. Parce que le virus humain de la grippe se transmet bien chez le furet, espèce qui ne connaît pas de barrière avec l’homme (sur ce plan).
Il en va de même avec le cochon, qui a un système immunitaire très proche de celui de l’homme, que cela lui plaise ou non (à l’homme, de ressembler ainsi au cochon). On a vu au Canada à la fin du printemps dernier, un homme rentrer du Mexique où il venait de passer des vacances au soleil (loin de tout élevage porcin donc), mais où il avait été infecté par le nouveau virus d’une grippe humaine que l’on dénommait alors « mexicaine ». Revenu, porteur du virus désormais dénommé H1N1pdm, cet homme l’a transmis à plus de 200 porcs d’un élevage dans lequel il était venu travailler. Plus précisément il l’a probablement transmis à un porc (ou à quelques uns) et le virus a ensuite diffusé dans l’ensemble du troupeau, par contagion inter-porcine. Ceci justifie le port de masques de protection chez les personnels s’occupant d’élevages de cochons, car comme le dit le directeur de l’Afssa, la probabilité est forte que des élevages de porcs, nombreux dans toute l’Europe, soient contaminés par de fébriles et contagieux porchers dès lors que la pandémie progressera et atteindra, hors des villes, ceux qui travaillent dans des élevages porcins.
Dans cette histoire ce n’est pas tant le risque de contamination par l’ingestion de viande de porc qui paraît inquiétant. D’abord, parce que nous sommes peu nombreux à consommer de la viande de porc « bleue » ou « saignante » ; la viande de porc n’est le plus souvent consommée que très cuite (sauf, peut-être, dans quelques préparations charcutières corses ou toulousaines). Ce qui peut ici préoccuper les virologues c’est le rôle de « creuset » que le porc pourrait jouer. Cet animal deviendrait alors une forme de boîte d’incubation du H1N1pdm qui pourrait se réassortir avec d’autres virus (porcins, humains, voire aviaires). Le risque serait alors de voir émerger un nouveau virus (dit « réassortant ») dont on ignorerait le degré de virulence pour notre espèce.
En théorie, tout est toujours possible. Il faut quand même se rappeler que des virus de la grippe saisonnière circulent tous les hivers depuis la nuit des temps. Tous les hivers des porchers sont au contact de leurs porcs avec parfois la goutte au nez, fourmillant de virus grippaux. Cette promiscuité avec les animaux d’élevage (ou sauvage via les sangliers), n’a jamais au cours du vingtième siècle été à l’origine d’émergence de souches chimériques fortement virulentes. Certes oui, le ciel peut toujours nous tomber sur la tête ; mais est-ce nécessairement l’éventualité la plus probable ?
Antoine Flahault
lire le billetDes informations épidémiologiques assez alarmantes sont émises depuis quelques jours depuis l’Ukraine. Dimanche 1er novembre le président Viktor Iouchtchenko a officiellement demandé une aide d’urgence aux Etats-Unis, à l’Union européenne, à l’Otan et aux pays voisins de l’Ukraine afin d’enrayer une vague épidémie grippale croissante. « La menace qui pèse actuellement sur le sécurité nationale de l’Ukraine et que nous ne pouvons neutraliser par nos seules forces m’oblige à demander une aide d’urgence à nos amis proches et partenaires stratégiques » reconnaît le président Ioutchtenko. L’Ukraine réclame des médicaments et des équipements de première nécessité « pour lutter efficacement contre la propagation de l’épidémie ». Les écoles ont été fermées dans tous le pays pour trois semaines.
Le ministère ukrainien de la Santé a annoncé le même jour que soixante personnes sont mortes de la grippe à la suite de difficultés respiratoires aiguës sans pour autant dire si tous les cas étaient dus au nouveau virus pandémique (ce nombre est passé à 64 le 2 novembre 2009). Au total on aurait recensé près de 200 000 cas de grippe, pour l’essentiel dans l’ouest du pays (régions de Ternopil, de Lviv et d’Ivano-Frankivsk). Dans plusieurs villes comme dans la capitale de premiers mouvements de panique ont été observés. L’épidémie aurait conduit à 7 500 hospitalisations et une centaine de personnes seraient actuellement dans des unités de soins intensifs. Plusieurs pays voisins ont d’ores et déjà répondu à l’appel à l’aide de Kiev parmi lesquels la Slovaquie et la Pologne. La Slovaquie a ainsi adressé 200.000 masques individuels de protection. L’Ukraine est actuellement en pleine campagne électorale pour l’élection présidentielle du 17 janvier. Les mesures préventives devraient contraindre les candidats à annuler leurs meetings.
Cette situation n’est pas sans rappeler une gestion de crise un peu analogue au Mexique aux tout premiers jours de l’émergence pandémique, puis cet été à l’Ile Maurice ou encore – à un moindre degré – en Argentine (où des considérations électorales ont probablement aussi interféré dans la gestion de la crise), au Chili, et en Nouvelle Calédonie. A chaque fois les digues ont tenu. Les premières réactions de panique de la population ont fini par céder, les hôpitaux se sont désengorgés et tout est progressivement revenu à la normale. Mais les taux d’attaque clinique n’ont pas été, semble-t-il, très élevés ne dépassant jamais 15% de la population.
Qu’en est-il cette fois pour l’Ukraine ? Il semble qu’en moins d’une semaine, les hôpitaux aient été débordés, les soins intensifs saturés. L’Ukraine avait un PIB de 1516 $ par habitant en 2005 le situant à la 148ème place mondiale sur 224 pays, soit à deux places derrière le Maroc. Le Mexique est à la 80ème place avec 7154 $ par habitant, la France à la 16ème place avec 35 854 $. La question cruciale va être de savoir si les autorités ukrainiennes parviendront à maintenir à flot leur système de santé à flot et les structures stratégiques du pays en état de fonctionnement.
L’urgence ? Pour l’heure c’est d’isoler la souche circulante, de s’assurer qu’il s’agit bien du même virus et de la même souche. Il faudrait aussi identifier au mieux les causes de décès, disposer du résultat des autopsies des personnes décédés à l’hôpital, faire la part des morts attribuables directement à l’infection virale, envisager la part attribuable aux surinfections bactériennes. Si le virus grippal est principalement en cause et qu’il est resté sensible aux antiviraux, l’utilisation massive de Tamiflu, et les masques de protection, en plus de la fermeture des écoles pourrait aider le pays à passer le cap difficile.
Antoine Flahault et Jean-Yves Nau
Grippe: Vaccination et panique à bord
Un groupe de spécialistes lance un appel planétaire pour que l’on fasse au mieux la lumière sur la réalité des effets secondaires des vaccins anti-pandémiques
Avec cette première pandémie grippale du XXIème siècle nous voguons décidément collectivement vers des horizons bien incertains. Avec, au centre d’une boussole perdant le nord, les questions en cascades soulevées par la vaccination. Cela vaut pour la France comme nous venons, une nouvelle fois, de l’observer ces derniers jours au travers des embarras croissants de Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé perdant progressivement pied pour justifier sa politique du « tout vaccinal » ; ou plus précisément –et c’est bien là que blesse le bât – du « tout vaccinal proposé ».
Mais changeons un instant de jumelles et l’on découvre bien vite que des problématiques voisines émergent ici ou là tant dans la communauté internationale des « experts » (en virologie, immunologie, épidémiologie, veille sanitaire, santé publique, économie, calculs bénéfices-risques, éthique etc.) que dans celle, souvent plus ou moins consanguine, des responsables sanitaires politiques. C’est, d’une certaine manière, l’objet d’un vibrant et assez étonnant appel que vient de diffuser sur son site la célèbre revue médicale britannique The Lancet (pdf gratuit en ligne, en anglais).
Résumons ici au plus serré le propos. Une pandémie émerge et, par définition, se propage (et s’installe dans le temps) à des rythmes variables dans les deux hémisphères. Des vaccins sont élaborés dans l’urgence ; ils sont acquis, dans des conditions plus ou moins transparentes, par les pays les plus riches de la planète. Ces derniers expliquent, air connu, qu’ils aideront les plus pauvres à ne pas être totalement démunis lorsque la bise pandémique sera venue. Dans tous les cas de figure on proposera cette vaccination à de très larges fractions de la population le plus souvent des hommes et des femmes jeunes, très jeunes ou, plus tard, plus âgés. Le scénario n’est pas sans reproduire celui que la France a connu avec la vaccination contre l’hépatite virale de type B sur laquelle il faudra bien, un jour, revenir pour, entre panique et déni, dire la réalité.
The Lancet, donc, sur le site duquel un groupe de chercheurs et d’institutions sanitaires tente de prévenir les possibles (et redoutables) erreurs d’interprétations qui pourraient, demain, résulter des campagnes vaccinales massives anti-pandémiques. Ils tentent en quelque sorte de déminer un terrain qu’ils savent –que nous savons – miné. Mais laissons-donc ici pleinement la parole à l’expert, au pédagogue, au citoyen.
Jean-Yves Nau
Sauvera-t-on le soldat Ryan ?
Comme Jean-Yves Nau le suggère cette vaccination de masse entreprise au niveau mondial pourrait-elle se solder par une suspicion généralisée vis-à-vis du vaccin ? Et ce en raison d’effets secondaires vaccinaux plus ou moins hypothétiques, en tout cas difficiles à interpréter, comme nous en avons eu l’expérience douloureuse en France avec la campagne d’incitation à la vaccination généralisée contre l’hépatite B ? Cet appel des chercheurs dans le Lancet est à la fois louable et bien sûr utopique.
On peut bien évidemment le qualifier de« scientiste », au sens propre du terme (et surtout pas sectaire). Il voudrait répondre par la science (la raison et les faits) à ce que nous voyons depuis quelques semaines déferler sur la blogosphère. Des vagues irrationnelles (je présente d’emblée mes excuses à ceux que je sais irriter en écrivant cela ; mais n’est-ce pas aux scientifiques de le dénoncer ?) concernant le risque vaccinal, les adjuvants, les squalènes et autres mythes présentés comme terrifiants. J’use du terme « irrationnel », sans mépris ni manque de respect, mais parce que les seuls faits scientifiques et les seules données épidémiologiques avancés ne parviennent pas à contrer un argumentaire construit pour l’essentiel sur des convictions inébranlables.
Après la description d’une épidémie de syndrome de Guillain et Barré (j’écris bien « consécutive » et non pas « due à ») consécutive à l’administration d’un vaccin contre la grippe en 1976 aux USA, il y a eu autant d’articles dans la presse scientifique, pour évoquer un lien probable avec la vaccination que d’articles de même qualité pour réfuter un tel lien. Après la suspicion de la survenue de cas de sclérose en plaque après la vaccination contre l’hépatite B en France, la situation est également demeurée inextricable, le lien causal indémêlable.
J’ai personnellement revu en détail l’ensemble de cette littérature. Ce sont deux études de cas que j’ai enseignées largement à la Faculté ces dernières années. On est à chaque fois successivement troublés, convaincus, par les arguments des uns, puis… par les arguments des autres. Ainsi, la survenue d’un syndrome de Guillain et Barré 13 jours après une injection vaccinale, en étant en pleine santé préalablement pose question à toute personne concernée, à tout médecin aussi. Le fait qu’il n’y ait aucune augmentation de ces cas de Guillain et Barré durant la période où l’on vaccine massivement contre la grippe saisonnière (entre septembre et novembre) trouble profondément l’épidémiologiste (voir un billet récent à ce sujet). Le débat est ensuite éventuellement pollué par les conflits d’intérêts de ceux qui mènent ces recherches ou s’expriment à leur sujet.
De tels conflits surviennent dans tous les domaines scientifiques. Ils ne sont nullement réservés aux liens avec le secteur industriel pharmaceutique. Pour autant restons un instant sur ces liens. Les experts ne relèvent pas « du domaine public » exclusif. Ils peuvent aussi être appelés à donner leurs conseils aux industriels, dans le cadre de conventions réglementées. Il faut bien des experts pour mener les essais cliniques et pour développer de nouveaux médicaments. Dès lors qu’il a collaboré avec le privé, l’expert serait-il ipso facto « démonétisé » ? Ce qu’il dit devient-il nul et non avenu ? Nécessairement tendancieux ? En toute bonne foi, le raisonnement y compris scientifique est toujours influencé par l’expérience. Et même si cette expérience peut être utile à l’expertise, il est important de savoir quels sont ces conflits d’intérêts potentiels et quelle est leur nature.
On a étendu la notion de conflits d’intérêt à la vie privée des experts, à leurs liens familiaux et matrimoniaux officiels. Rien à redire. On ne demande pas (encore) ce qu’il en est des liens informels, mais qui sait un jour et pourquoi pas ? Jusqu’où pousser la suspicion de conflits d’intérêts ? Ce sont des questions débattues dans le monde de la recherche et il est normal de les poser sans tabou. Les agences publiques, en France, l’Afssaps, l’Afssa, l’Afsset, l’InVS et la Haute Autorité de Santé (il en va de même dans toute l’Europe ou aux USA) demandent ces déclarations de conflits d’intérêts potentiels avant de solliciter on non l’expertise des enseignants-chercheurs qui publient dans le domaine. Les revues médicales et scientifiques font de même avant d’autoriser toute publication, et les liens déclarés figurent alors sur les publications. Ces déclarations ne gomment pas l’influence qu’ont ces liens sur l’expertise, mais permettent – on l’espère – de mieux la tempérer, l’interpréter, la moduler éventuellement.
Revenons à notre sujet. Malgré tous ces efforts vers la clarté, il semble illusoire de penser que seuls les arguments scientifiques viendront contrecarrer les attaques qui surgiront contre le vaccin du fait de la suspicion d’effets indésirables. Les épidémiologistes feront ce qu’ils pourront. Des débats contradictoires au sein même de leur communauté les agiteront, et ajouteront peut-être à la confusion, voire à la suspicion comme l’ont montré les récents débats évoqués ci-dessus. Et une fois de plus il pourrait en résulter que … l’on ne pourra pas conclure définitivement sur le lien de causalité entre tel effet rare et la vaccination.
Il s’agira bien entendu d’effets dont on ne saura ni la cause, ni le mécanisme de survenue, ni la physiopathologie ni l’évolution, comme le syndrome de Guillain et Barré, la sclérose en plaques, ou l’autisme. De ce débat inextricable, qu’en sortira-t-il ? Une suspicion accrue vis-à-vis des vaccins pour ceux – nombreux aujourd’hui – qui n’avaient pas confiance au départ ? Un doute émergeant chez ceux qui n’avaient pas d’idées préconçues sur le sujet. Et peut-être même une « contamination » de l’ensemble de la société sur les autres stratégies vaccinales ? De cela, une large majorité de la communauté médicale est consciente. Il en va de même des producteurs de vaccins aussi.
Avait-t-on raisonnablement d’autre choix ? Ce n’est pas la fleur au fusil que l’on aborde ces questions, qui sont et seront difficiles à traiter. Derrière l’appel de nos collègues dans le Lancet, il faut me semble-t-il percevoir l’expression de la conscience aiguisée qu’il faut « sauver le soldat Ryan », sauver le soldat vaccinal qui à l’aube de ce vingt-et-unième siècle pourrait rapidement rendre l’âme face aux résurgences récurrentes des craintes ancestrales nées des avancées du progrès de la science et de la raison. Cela posé, nous avons la chance, infinie, d’en découdre sur les prés démocratiques et citoyens.
Antoine Flahault
lire le billet
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