Observer autant que faire se peut, depuis la fin du mois d’avril, les différentes facettes de cette pandémie conduit régulièrement à un étrange constat : le décalage constant entre d’une part la « macrolecture » prévisionnelle qui en est faite par la communauté des experts et des institutions sanitaires internationales et, de l’autre, la perception de l’opinion. Tout se passe, en France, du moins comme si persistait un durable déni. Pourquoi « y croire » puisque l’on n’a rien vu ; ou presque. Pire les mesures préventives prises semblent exorbitantes par rapport au regard que l’on porte sur la réalité du risque. On se refuse à vouloir comprendre que la quasi-bénignité de la très grande majorité des cas individuels peut, en situation pandémique conduire à une véritable (transitoire mais véritable) désorganisation sociale. Après l’émotion nationale causée par l’annulation en catastrophe du match de football qui devait opposer l’Olympique de Marseille au Paris- Saint Germain la seule question qui compte est celle de savoir quand ce match pourra être joué. Les centaines de milliers d’amateurs de football français imaginent-ils ce que serait l’annulation durant plusieurs semaines de la quasi-totalité des rencontres du championnat professionnel, sans même parler de celle des compétions européennes ?
L’Europe justement ; ou plus précisément l’Union européenne. On ne l’a guère entendue ces derniers mois sur le front de la lutte contre la pandémie. Principe de subsidiarité oblige le charbonnier étatique est maître chez lui tandis que Bruxelles regarde ailleurs se passionnant, par exemple cet été, pour la modification des règles permettant d’élaborer des vins rosés (mais j’y songe, pourquoi ne pas mélanger vins blancs et vin rouges ?) ou montant aujourd’hui en première ligne pour tenter de rééquilibrer le marché du lait en plein marasme.
Qui, en France et dans les vingt-six autres Etats de l’UE, connaît le nom de la Commissaire européenne à la Santé ? La Commission devrait d’urgence faire un sondage sur ce thème ne serait-ce que pour faire saisir à quel point, pandémie ou pas, l’Europe sanitaire est un mirage. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir centralisé (et ainsi fait baisser) l’acquisition des vaccins ? Androulla Vassiliou (c’est d’elle dont il s’agit) vient de tenter de se faire entendre. Elle l’a fait dans la presse allemande (pourquoi allemande ?) datée du 27 octobre. « D’après tout ce que nous savons, jusqu’à 30% de la population peut attraper la grippe porcine (sic). Dans ce cas, nous devons nous attendre malheureusement à un nombre de morts important, a déclaré cette ressortissante chypriote au quotidien die Welt. Il est à craindre que le virus évolue et devienne nettement plus agressif dans les prochains mois. »
Mme Vassiliou appelle donc les Européens à « rester vigilants » et à « ne pas négliger » les conséquences socio-économiques de la pandémie.
« La reprise économique dans l’UE pourrait être affaiblie. Certains secteurs économiques comme le tourisme ou l’industrie des loisirs pourraient subir des préjudices, ajoute-t-elle. On peut imaginer qu’une augmentation des arrêts maladies et qu’une baisse de la consommation en raison du sentiment d’insécurité provoquent une baisse de productivité et des perturbations dans le système de production. »
Et Mme Vassiliou de prôné la fermeture « immédiate » des établissements scolaires où des cas de grippe A(H1N1)pdm seraient confirmés et l’ « annulation » des compétitions sportives et des manifestations artistiques également affectées. Elle exhorte encore les Européens à se faire vacciner en grand nombre au motif que « plus il y a de personnes vaccinées, moins la pandémie peut se développer ».
Les vaccins précisément. Le même jour où Mme Vassiliou s’exprimait en Allemagne l’OMS lançait un cri d’alarme depuis La Havane où sa directrice générale –le Dr Margaret Chan- effectuait un voyage. Selon elle le constat est simple : il va manquer « des milliards de doses » pour protéger la population des pays pauvres contre la pandémie. « La capacité globale d’acquisition des vaccins est limitée et inadéquate et il manquera toujours des milliards de doses pour protéger toute la population » a déclaré le Dr Chan tout en rappelant que l’OMS allait commencer à distribuer en novembre des vaccins à plus de 100 pays en développement, dont Cuba. Il s’agira de vaccins fournis par les groupes pharmaceutiques producteurs et par certains pays industriels qui se sont engagés à promis de distribuer jusqu’à 10% de leurs stocks aux pays pauvres. Tout ceci devrait pouvoir protéger près de 2% de la population de ces pays pauvres d’ici quatre ou cinq mois.
Jean-Yves Nau
Expliquons-nous sur les morts dues au H1N1pdm
Tout ce que l’on peut entendre, voir ou lire ici et là nous conforte dans l’idée qu’il nous fallait impérativement tenir ce journal de bord de la pandémie. A la différence des romans d’aventure les livres de bord des navires ne narrent pas des péripéties quotidiennes. La monotonie de la mer d’huile peut se reproduire plusieurs fois au cours d’une traversée hauturière. La constance de l’alizée peut sembler bien longue au portant en longeant les tropiques….
Pour notre part nous retrouvons ici un temps qu’il nous semble avoir déjà vécu il y a plusieurs mois déjà, puis une nouvelle fois il y a quelques semaines. Les modèles prédictifs avaient prévu dès le mois de juin que le tiers de la population mondiale pourrait être contaminée par le A(H1N1)pdm. L’OMS l’a répété également, de même que les autorités sanitaires nord-américaines et britanniques. On a aussi entendu, et ce à de nombreuses reprises qu’il n’était pas déraisonnable de s’attendre à un accroissement de la sévérité du phénomène avec l’approche de l’hiver.
Etait-ce là un discours mobilisateur ? Peut-être. Etait-ce au contraire un discours quelque peu lénifiant ? Pas si sûr. Les enseignants disent souvent (eux aussi) que la répétition est la base de l’apprentissage. Ce qui nous importe avant tout ici, c’est « l’état de la mer ». J’entends souvent « ça me fait penser au bug de l’an 2000 cette histoire de pandémie ! ». Il est vrai que l’expérience de l’hémisphère Sud semble contredire des prévisions considérées aujourd’hui comme par trop « alarmistes ». Le fameux « taux d’attaque » de 30% n’y était pas au rendez-vous. La Nouvelle Calédonie dont 15% de la population a été atteinte aurait été l’un des territoires du Pacifique Sud les plus frappés. Mais on ne connaît pas vraiment la proportion des cas asymptomatiques et des cas paucisymptomatiques, ceux que l’on ne repère pas dans la veille sanitaire classique. Ces cas correspondaient-ils en valeur absolue à ceux des infections cliniques comme on l’a vu dans les précédentes pandémies grippales ? Si oui alors, en Nouvelle Calédonie, on retomberait sur la proportion prédite de 30% de taux d’attaque.
Mais tout ceci n’ébranle pas -à raison peut-être – les tenants de la théorie du bug de l’an 2000: ce qui nous attend n’est pas terrifiant. Sauf si la Commissaire européenne à la Santé parlait de 30% de taux d’attaque « clinique » sous-entendant que 60% de la population européenne risquait d’être infectée… Comment savoir ? Cette confusion des termes ne renforce pas la crédibilité du discours général. Disons que nous n’avons pas beaucoup d’éléments nouveaux, et que l’on pourrait bien connaître des taux d’attaque supérieur à ceux observés dans l’hémisphère Sud.
D’ailleurs, l’observation attentive des courbes épidémiques de grippe dans les zones tempérées de l’hémisphère Sud montre que la pandémie a causé des épidémies beaucoup plus fortes que durant les années précédentes (entre deux et cinq fois plus fortes). Si 10 à 15% de taux d’attaque clinique durant l’hiver austral avec la nouvelle souche pandémique ne semble pas un niveau très important, il faut rappeler que dans ces territoires (les moins peuplés du globe) les épidémies de grippe ne se comportent pas tout à fait pareil que dans l’hémisphère Nord. On peut aisément le comprendre : pour aller d’île en île, de ville australe à ville australe, la dynamique épidémique peut perdre un peu en intensité ; c’est le phénomène de l’amortissage bien connu dans la théorie du signal. On a déjà observé cela. De là à avoir expliqué et compris ces phénomènes, il y a un pas que je franchis peut-être ici, j’en conviens.
Et puis, il y a la mortalité de la grippe. On lit, notamment sur notre blog, des commentaires à la fois riches, documentés, et nombreux, y compris rédigés par des enseignants-chercheurs, des mathématiciens sceptiques qui nous aident à réfléchir. A mon sens cependant (et ce n’est pas faute de l’avoir martelé partout) les vraies mécanismes de la mortalité restent peu connus du public, y compris du public averti. Mais pas des chercheurs et des spécialistes du domaine. Alors expliquons-nous.
Nous nous en sommes entretenus récemment, notamment avec des experts de l’OMS, des CDC et de l’ECDC à Berlin au World Health Summit où plusieurs sessions ont été consacrées à la pandémie. Contrairement à ce qui est souvent dit la mortalité par grippe saisonnière dans les pays développés, n’est pas de un cas pour 10 000, ni de un cas pour 100 000 : elle est de un cas pour 1 000 infections par le virus de la grippe. Oui, c’est considérable. La mortalité par grippe pandémique serait-elle, du coup, inférieure ? On ne peut pas le dire. Pas aujourd’hui. Pas encore. Elle est même probablement un peu supérieure, mais ce n’est pas non plus certain.
Attention : il ne faut pas changer la méthode de mesure de la profondeur du phénomène au milieu du gué. Ou bien l’on noie ses auditeurs. C’est cependant ce que font beaucoup de personnes, y compris de nombreux experts. La mortalité par grippe ne se mesure pas (ou pas seulement) par le décompte des victimes de la grippe rapportées par les médecins. C’est une notion fondamentale à garder à l’esprit. Revenons sur les bases de calcul de cet excès de mortalité et sur le hiatus avec l’identification clinique (des médecins).
Le dénominateur d’abord : sachant qu’une infection sur deux est asymptomatique, on estime à 6 millions le nombre moyen d’infections par grippe saisonnière. Donc avec un numérateur à 6000 décès, la surmortalité par grippe chaque année est (en moyenne) de 1 pour 1000. Or en France seuls 600 décès en moyenne sont rapportés par les médecins comme des morts attribuées à la grippe (cause principale ou secondaire) dans les registres de mortalité de l’Inserm. Ainsi, seuls 10% des décès dus à la grippe sont identifiés par les médecins. Les 90% restants viennent des statistiques de mortalité générale, une fois qu’on a pu les récupérer.
On s’aperçoit en effet, de manière reproductible et quasi constante, qu’à chaque fois qu’une épidémie de grippe saisonnière passe dans le pays, un excès de mortalité est observé par rapport aux mois des années précédentes où elle n’était pas passée. Nous le savons parce que la grippe saisonnière dure environ un ou deux mois, se produit chaque année, mais ne débute pas à une date régulière. Elles peuvent survenir selon les années entre novembre et mars. On retrouve le même phénomène, avec la même ampleur, aux USA, au Royaume-Uni, en Australie, et dans tous les pays où l’on a étudié ces phénomènes.
Autre précision, cet excès de mortalité concerne les personnes de grand âge (pour plus de 80% des plus de 75 ans). De quoi sont-elles décédées si les médecins n’ont pas identifié la grippe comme une cause possible de leur décès ? On ne sait pas aujourd’hui répondre à cette énigme. Il faut reconnaître que la mortalité des personnes de grand-âge l’hiver ne passionnait pas les chercheurs jusqu’ici. Une infection asymptomatique qui viendrait déstabiliser un équilibre de santé précaire chez une personne très fragile ? On en saura peut-être davantage si des études sont conduites à l’occasion de cette pandémie. Toujours est-il que pour 90% des décès par grippe, la grippe est passée par pertes et profits dans l’éventail des causes de décès que l’on demande au médecin d’identifier lorsqu’il est appelé à compléter le certificat médical de décès.
Et alors, pour cette pandémie, qu’en est-il ? C’est simple : il est beaucoup trop tôt pour le dire car on ne dispose pas des données de mortalité de toutes causes en temps réel. Sauf aux USA qui ont construit un échantillon de 122 villes où ces données sont rapportées en temps réel. Ils n’ont rien observé durant l’été, mais l’épidémie estivale y a pris la forme de petits foyers, certes multiples et médiatisés, mais sans véritable ampleur ; rien à voir avec les épidémies hivernales saisonnières. D’ailleurs, depuis quelques semaines, les spécialistes américains observent un excès de mortalité qui n’est pas encore analysé en détail, mais qui est significatif (notamment sur les classes d’âge concernées). Il s’agit sans doute du premier signal tangible d’un excès de mortalité observé avec cette grippe H1N1pdm (voir bulletin des CDC sur la grippe H1N1pdm de la semaine en cours, en anglais).
L’InVS en France a mis en place récemment (après la canicule de 2003) un système un peu analogue d’analyse en temps réel de la mortalité de toutes causes ; on pourra donc suivre cet aspect aussi tout au long de l’hiver (voir bulletin InVS de la grippe H1N1pdm du 27 octobre par exemple, fichier pdf). Dans les autres pays européens, je n’en ai pas connaissance. Dans l’hémisphère Sud, aucune donnée de ce type n’a été rapportée durant l’hiver austral. Il faut souvent de longs mois avant que ces données soient disponibles. Elles le seront un jour bien sûr. Mais, tenons l’hypothèse aujourd’hui, somme toute raisonnable, que l’excès de mortalité chez les personnes âgées par cette grippe pandémique ne sera pas inférieur à celui observé habituellement durant les grippes saisonnières. Un pour mille.
Ce qui change, en revanche, et notablement, durant cette pandémie, c’est le profil de la partie émergée de l’iceberg : cette mortalité identifiée par les médecins et qui nous est aujourd’hui rapportée. Cette mortalité directement attribuable à la grippe. La mortalité directe par grippe saisonnière – tout comme l’ensemble de l’excès de mortalité – concerne habituellement les personnes très âgées (les plus de 65 ans pour la plupart). En effet, les adultes jeunes et les enfants ne meurent pas de grippe saisonnière. Or ce sont principalement eux qui meurent de la grippe pandémique. Les adultes jeunes ne sont qu’exceptionnellement hospitalisés en soins intensifs pour la grippe saisonnière. Or ce sont essentiellement eux qui sont aujourd’hui (qui étaient cet été dans le Sud) pour certains entre la vie et la mort en soins de réanimation, sous ventilation, ou pire encore sous oxygénation par circulation extra-corporelle (ECMO). Ils ne représentent sans doute « que » 10% de la mortalité attendue (ce qui fait dire à certains, hâtivement peut-être, que la grippe pandémique semble tuer moins que la grippe saisonnière), mais ces 10% n’ont en rien le visage attendu. De plus, dans près de deux-tiers des cas, ces malades qui font des formes malignes de grippe pandémique sont des personnes qui souffraient de maladies pré-existantes : diabète, asthme, bronchite chronique, obésité majeure. Trop fréquemment aussi, ce sont des femmes enceintes. Mais habituellement un diabétique, un asthmatique, un obèse, ou une femme enceinte peut redouter qu’une grippe saisonnière le fatigue davantage qu’un autre, mais pas d’en mourir.
En conclusion (et l’on me pardonnera – peut-être – d’avoir été un peu long aujourd’hui alors même que j’annonçais qu’il n’y avait rien de très nouveau sous le soleil) on peut s’attendre à deux choses. D’une part à un effet amplificateur de l’excès de mortalité en raison du taux d’attaque qui pourrait être entre deux et cinq fois supérieur à celui d’une grippe saisonnière. Et d’autre part on peut craindre une mortalité directe très rare (1 pour 10 000 ? On ne sait pas encore très bien, mais c’est la seule estimation que j’ai pu faire vers la fin du mois d’août et qui résiste aux chiffres apportés depuis, gratuit en ligne, en anglais). Une mortalité directe très rare, mais au visage très inhabituel aussi touchant des jeunes (des enfants et notamment des nourrissons) et des adultes, avec ou sans maladies sous-jacentes.
Antoine Flahault
Que voilà des textes instructifs. On sent qu’ils ont été postés en urgence, au nombre inusité de coquilles (avec un q) notamment le premier.
Malheureusement on peut prédire que vous resterez “vox clamans in deserto”. Les experts autoproclamés conspirationnistes non seulement ne veulent pas voir, mais il est probable qu’ils ne peuvent pas comprendre.
D’ailleurs, il me faut relire le texte de AF, je n’ai pas tout compris.
Rions un peu …
Les virus semblent compter sur leurs doigts, puisqu’il privilégient les puissances de 10 dans toutes leurs actions.
60 M de français, 6M de contaminés, 6000 morts statistiques et 600 morts attribués.
Ou est ce un effet d’une approximation pédagogique et mnémotechnique?
Pour un moins de 75 ans, le risque de mourir si on attrape cette grippe semble être 1/10 000 (direct) + 20% x 1/1000 (statistique) soit 3/10 000. Si l’incidence est x3 (moyenne géométrique entre 2 et 5) par rapport à la grippe saisonnère, 18M x 3/10000 = 6000 morts.
Soit un risque final personnel de mourir de 1/10 0000.
Correct?
Maintenant, je ne sais pas si dans la vie en général, je prend en compte ou je néglige un risque à ce niveau … difficile à dire.
Bonjour,
Là on rentre dans le vif du sujet. La comparaison à la mer me sied, ce fut mon élément. Sur un bord de portant par vent bien établi on peut faire ce que j’appellerais du « louvoyage vent arrière » : le plus grand spi possible sur un tangon en position de bout dehors, on tire droit, à la gîte maximum, puis on empanne et ainsi de suite…une ligne brisée autour de la route du largue mais souvent ainsi on arrive le premier à la bouée …C’est une stratégie exportable et qui correspond à un tempérament poussant à une remise en question permanente.
Aujourd’hui beaucoup sont encore au largue alors que d’autres sont à la recherche de la saute de vent qui pourrait tout changer …c’est ce qui se passe, avec ce sacré H1N1.
Le Pr Flahaut pose d’abord le problème du taux d’attaque. La question est x% ou 2x% ? Il faut savoir de quoi l’on parle.
Si on ne tient compte que des cas de grippe avec symptômes constatés (cas A) on a, évidemment, une attaque moitié que si l’on considère ces malades plus autant de contaminés mais sans symptômes (cas B). Et on peut via les médias…
Y a-t-il une différence ? Oui si l’on considère l’économie (absentéisme) , si l’on calcule le taux de morts par rapport aux personnes contaminées, non si on le calcule par rapport à la population totale… On peut jouer avec ces chiffres et affirmer n’importe quoi. Il faut donc BIEN PRECISER !
Mais si un malade du cas A contamine 2,5 personnes qui seront du cas A et 2,5 personnes qui seront du cas B, porteurs sains, mais qui peuvent contaminer à leur tour, la pandémie va plus vite s’emballer. Cela paraît évident…et bien non ce ne l’est pas, en tout cas pour les modèles. Je suis là obligé d’être un peu théorique pour justifier mon propos et ceux qui vont suivre.
Les modèles utilisés pour les prévisions sont de ceux que l’on appelle processus aléatoires. Comme les matheux sont parfois cyniques ils en ont nommé certains « processus de vie et de mort » .
La variable aléatoire c’est le nombre de malades au temps t. On veut pouvoir simuler son comportement lorsque t varie. A cette fin on considére t quelconque, dt un tout petit accroissement de t et on se pose la question : que peut-il se passer sur l’intervalle de temps [t,t+dt]. Dans cet intervalle, la probabilité d’avoir une contamination est, entre autre, une fonction linéaire du nombre de contagieux, du nombre de malades potentiels, c’est-à-dire toute la population moins les vaccinés, moins ceux qui ont déjà été malades avant le temps t. Avec l’introduction de quelques autres considérations, exprimées via des paramètres, on va avoir une équation (du type équation différentielle), dont on est presque toujours incapable d’avoir une solution théorique. On a recours à un calculateur qui via quelques algorithmes bien choisis nous pondra un scénario. On change les paramètres et on a un scénario différent. Donc selon ce que l’on pose comme hypothèses concernant les choix des paramètres le cas A et le cas B seront à distinguer ou non.
Par contre un des paramètres est fonction du taux de rencontre entre deux personnes. Et là un enfant de 1 an ne peut pas être considéré comme un enfant qui va à l’école. Donc pas le même paramètre. De même un actif type métro-boulo-dodo n’est pas assimilable, à ce point de vue , à un enfant et de même pour les + de 65 ans qui en hiver sont plutôt télé-dodo. Intervient aussi, si rencontre il y a, le taux de contamination. Pas le même taux pour un enfant et un adulte qui va respecter les mesures d’hygiène. On peut donc penser qu’il serait préférable lors d’une prévision d’en faire plusieurs en fonction, par exemple d’un découpage sur le paramètre âge en cinq classes, et pour avoir une vue globale d’additionner les 5 variables aléatoires. Problème : l’addition des variables aléatoires est très compliquée. Pour simplifier on pourrait se contenter d’une adition algébrique des 5 espérances mathématiques, pour chaque valeur de t considérée.. C’est un travail qui peut passionner les chercheurs mais le français moyen…et bien il comprend pas …et écoute plutôt des charlatans beaux parleurs ! …et 83% … ! Les effets de manchette font recette.
Des modèles ont été utilisés dès le début pour faire des prévisions. Au fur et à mesure que des informations sur le H1N1 se confirment on peut affiner les scénarios en modifiant les paramètres, voire en changeant de modèles.
La leçon que l’on tire de l’hémisphère sud est claire : cette grippe n’est pas comme les autres.
Les chiffres rassurants, venant du sud, ne sont bien sûr pas utilisables tels quels en UE, les conditions n’étant pas les mêmes. Il est très « vraisemblable » que nous aurons « toutes classes d’âge confondues » (remarquez la précision) un taux d’attaque supérieur à celui du sud et très supérieur à celui d’une grippe saisonnière. Par contre j’ai la conviction qu’il sera beaucoup plus fort chez les jeunes, un peu plus élevé chez les adultes que lors d’une grippe saisonnière et identique chez les vieux.
Et si on parle de la mortalité ? Alors là c’est tout différent. Remarquez que sur ce site et sur le blog d’Antoine Flahault on a toujours débattu du taux de mortalité « des jeunes (moins de 65 ans) n’étant pas à risque ». Que l’on prenne 1 sur 10 000 ou un peu plus ou un peu moins le nombre de morts de cette catégorie ne sera pas énorme dans les conditions actuelles.
Par contre, si l’on parle du nombre de morts total toute tranche d’âge et état de santé confondus, les choses vont être très différentes.
On nous a dit : les plus de 65 ans ont une immunité acquise ! A oui, sans doute parce qu’ils sont moins contaminés que les autres ? Normal , le H1N1, se transmet très facilement, les personnes âgées restent à la maison l’hiver et surtout dès qu’ils ont peur, par contre les jeunes vivent constamment en « troupeau »…Les chiffres américains montrent bien que nombreux sont les jeunes que l’on hospitalise, mais que peu en meurent. Cet hiver le H1N1, jusqu’à nouvel ordre virus grippal, fera comme ses collègues les hivers précédents, il tuera au moins 5 à 6000 personnes très âgées en France. A cela il faut ajouter les morts supplémentaires par rapport à la grippe saisonnière et qui concernent les personnes atteintes de certaines pathologies, les obèses et les femmes enceintes.
Et c’est sur ces trois catégories qu’il faut débattre principalement. Si j’ai donné l’exemple des enfants à Osséja, ce n’est pas par hasard. Il faut être capable d’évaluer ce qui va se passer dans les services de réa. Si on a un taux d’attaque fort ou simplement moyen mais avec un pic important sur peu de temps, les hôpitaux saturent il y aura plus de morts. A Osséja c’étaient des conditions idéales …
Il faudrait donc, pour ces classes à risques, évaluer le taux de mortalité en cas de saturation des services de réa, considérer un taux d’attaque élevé mais raisonnable, avec un pic important et on aura une estimation d’un majorant raisonnable de la mortalité dans des conditions très possibles.
Et cela ni les chiffres du Sud, ni ceux des USA aujourd’hui ne nous permettent de le faire. Peut être ceux de Maurice ? On risque fort (c’est ma conviction, pas démontré ) d’avoir des chiffres plus importants que pour les moins de 65 ans pas à risque.
Alors, s’il devait en être ainsi, quand on parle de vaccin ne faudrait-il pas le conseiller fortement aux personnes à risques s’il est avéré qu’il vont supporter l’adjuvant. Ce serait logique et rationnel . Quand aux autres dont les risques bien qu’indéniables ne « paraissent pas » très importants en France , aujourd’hui, difficile de décider objectivement et rationnellement…en tout cas je ne saurais le faire.
N’empêche, je ne vous comprends pas , M. Flahault.
“Contrairement à ce qui est souvent dit la mortalité par grippe saisonnière dans les pays développés, n’est pas de un cas pour 10 000, ni de un cas pour 100 000 : elle est de un cas pour 1 000 infections par le virus de la grippe. Oui, c’est considérable. La mortalité par grippe pandémique serait-elle, du coup, inférieure ? On ne peut pas le dire. Pas aujourd’hui. Pas encore. Elle est même probablement un peu supérieure, mais ce n’est pas non plus certain………..
(20 lignes plus bas )
…Et d’autre part on peut craindre une mortalité directe très rare (1 pour 10 000 ? On ne sait pas encore très bien, mais c’est la seule estimation que j’ai pu faire vers la fin du mois d’août et qui résiste aux chiffres apportés depuis, gratuit en ligne, en anglais). .
Vous nous dites que la mortalité pourait dépasser 1/1000 (celle de la saisonnière) plus plus bas que la mortalité directe est pour ‘instant de 1/10 000.
Il nous manque le détail: on devine qu’il y a une mortalité indirecte dont vous ne pipez mot.
POuvez-vous nous piper quelques mots à ce sujet ?
Relisez bien ce billet, il était un peu austère j’en conviens et je suis peut-être aussi pas aussi bon enseignant à ce sujet que je le voudrais, mais la mortalité indirecte est cette “mortalité en excès” que je tente d’expliquer, que seuls voient les statisticiens sur les courbes de mortalité, et que les médecins ne voient pas lorsqu’ils sont appelés au chevet du mourant ou du mort, puisqu’ils ne mentionnent la grippe sur le certificat de décès (en cause principale ou secondaire) que chez dix pour cent des décès attribuables statistiquement à la grippe (en France 600 certificats de décès en moyenne pour 6000 décès en excès en moyenne). Puisque le médecin n’attribue pas le décès à la grippe, on nomme cette mortalité “indirecte”.
Je me permets de noter que les CDC (Atlanta, USA) présentent des courbes actualisées de cette mortalité en excès quasiment en temps-réel à partir d’un échantillon de 122 villes US. Or, depuis quelques semaines, un excès significatif de mortalité y est observé, indépendamment des décès individuellement notifiés qui sont eux ceux que voient les médecins.
C’est parti pour une période d’hystérie collective !
En Ukraine par exemple, le gouvernement prend des mesures drastiques et inédites en Europe, après l’apparition d’un premier cas mortel : fermeture des écoles pour 3 semaines et UKRAINE, grenier du monde que vis-tu là !
annulation des rassemblements publics.
Résultat : panique généralisée, pharmacie dévalisée … Et là, le sauveur tel Zoro arriva. Nouveau petit père du peuple, le premier ministre du gouvernement auteur de cette hystérie collective, vient rassurer et se pose en sauveur éclairé. Explication de cette manipulation : mise à part que l’Ukraine vient d’enregistrer ses premier morts, le sauveur national, le premier ministre Ioulia Timochenko est candidate à l’élection présidentielle du 17 janvier !!
Et si cela ne suffit pas on a une stratégie complémentaire : on introduit l’idée de la « peste pulmonaire ! En France les inconditionnels du vaccin vont sûrement sauter dessus…
En fait quels sont les chiffres au 30 octobre:
a) 38 morts associés à des manifestations grave d’IRA
b) 2300 personnes hospitalisées dont précise -t-on 1100 enfants
c) 131 cas en soins intensifs dont 32 enfants
pour environ 47 millions d’habitants.
On voit donc que 2,9 % des enfants hospitalisés vont en soins intensifs et que pour les adultes c’est 9,9%. Des chiffres très comparables à ceux en provenance des USA, avec ici 1,6% de mortalité parmi les personnes hospitalisées
Au Canada même type d’intoxication . On titre Au Canada des services pédiatriques congestionnés
En réalité : En conférence de presse jeudi matin, les directeurs des urgences des deux hôpitaux de Montréal ont lancé un message aux parents: si les enfants présentent des symptômes de grippe bénins, ils doivent demeurer à la maison. «Les urgences sont réservées aux cas urgents», ont-ils répété.«Comme la maladie est bénigne, je pense qu’on fait face, à ce stade-ci aujourd’hui, à une psychose du H1N1», a dit le Dr Michael Arsenault, directeur médical des services d’urgence au CHU Sainte-Justine.
Conséquence de cette façon de titrer : Les canadiens prennent d’assaut les centres de vaccination…
Et le tour est joué, 80% des vaccins seront utilisés…
En France on ne va pas tarder à avoir la même chose !
Espérerons quand même qu’avec le « vaccingate » qui se prépare on n’osera pas pousser trop loin le bouchon (au fait, cette expression vient de la pêche ou de la pétanque ?).
Notre seigneur et maître décidera…jusqu’où laissera-t-il aller Dame Bachelot ? A l’Elysée les cerveaux doivent faire des « prévisions »…bientôt des élections !
Intéressant cette notion de mortalité en excès ou indirecte. J’aurais intuitivement pensé qu’en période d’obsession grippale on sous déclarerait moins les morts par grippe. Mais si les CDC le disent c’est un fait. Est-ce que cela , cette mortalité “en excès” concerne plutôt les personne âgées ou aussi les jeunes ?
[…] aujourd’hui et alors qu’on ne voit que la partie émergée de l’iceberg de la mortalité (voir un billet précédent à ce propos). Le risque de décès, durant la grippe saisonnière est de l’ordre de 1 pour 1000, en grande […]