L’information nous parvient de Washington. Et comme nombre des informations essentielles concernant les dernières évolutions de la pandémie aux Etats-Unis elle nous est fournie par la voix du Dr Anne Schuchat, directrice de l’immunisation et des maladies infectieuses des plus que prestigieux « Centre fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ». En résumé, c’est une confirmation : les personnes jeunes, âgées de moins de 25 ans, sont bel et bien la catégorie de la population américaine la plus durement touchée par la nouvelle infection grippale. Telle est la principale conclusion qui peut être tirée des dernières statistiques partielles d’hospitalisations et de mortalité publiées le 20 octobre par les autorités sanitaires fédérales.
Du 1er septembre au 10 octobre, 27 Etats américains ont recensé 4.958
hospitalisations dues à l’aggravation d’une infection par le A(H1N1)pdm et 53% d’entre elles concernaient des personnes de moins de 25 ans. D’autre part 39% des hospitalisations ont concerné des personnes de 25 à
64 ans et seulement 7% des personnes de 65 ans Selon le Dr Schuchat quand bien même elles sont incomplètes ces statistiques permettent d’établir les caractéristiques l’actuelle pandémie sont radicalement différentes des grippes saisonnières.
Poursuivons la lecture de ces statistiques américaines. Sur les 292 décès confirmés comme étant associé au A(H1N1)pdm recensés dans 28 Etats entre le 1er septembre et le 10 octobre, près d’un sur quatre (23,6%) ont concerné des personnes de moins de 25 ans ; 65% des personnes âgées de 25 à 64 ans et 11,6% chez les 65 ans et plus. Chaque année aux Etats-Unis les grippes saisonnières sont à l’origine de 36.000 morts qui, dans 90% des cas concernent les plus de 65 ans.
Une majorité des jeunes morts après la nouvelle infection virale souffraient certes de problèmes chroniques de santé, aux premiers rangs desquels une maladie asthmatique ou une insuffisance cardiaque. La minorité qui était préalablement a priori en bonne santé a le plus souvent succombé à une infection pulmonaire aiguë dont les conséquences ont dépassé les possibilités des services spécialisés de réanimation. Il y a quelques jours le Dr Schuchat avait fait part de 43 décès « pédiatriques » associés au A(H1N1)pdm survenus entre le 1er septembre et le 10 octobre aux Etats-Unis, les adolescents de 12 à 17 ans ayant été les plus touchés avec près de la moitié des décès. Le nombre des morts pédiatriques liées au virus H1N1 atteint au total 86 depuis le début de l’infection en avril aux Etats-Unis. Comment comprendre et quand comprendrons-nous?
Dans le pays la maladie sévit désormais dans 41 Etats. Le 20 octobre près de 13 millions de doses vaccinales avaient été livrées (contre 9,8 millions la semaine précédentes). Initialement 50 millions de doses étaient attendues pour la fin du mois mais il faudra très vraisemblablement compter avec des retards de livraisons du fait de l’intensification des procédures de sécurité sanitaire. La priorité demeure les personnels de santé, les enfants, les femmes enceintes et les personnes souffrant de pathologies chroniques. Les adultes et les personnes âgées attendront que les 114 millions de doses commandées soient livrées.
Jean-Yves Nau
Dans le vif de notre sujet
Avec ce premier retour d’une expérience vécue de manière à la fois post-estivale et précoce dans « notre » hémisphère Nord (les données ne remontent qu’au premier septembre dernier, elles sont donc très récentes), nous entrons bel et bien là dans le vif de notre sujet. Il s’agit bien de la vague pandémique qui commence à affecter notre hémisphère et ce durement, c’est-à-dire selon la même dynamique que celle observée dans l’hémisphère Sud ; et ce me semble-t-il avec la même intensité et les mêmes caractéristiques.
Durant ce premier mois de démarrage épidémique précoce, plus précoce (d’un mois peut-être que celui que nous connaissons en Europe) les Etats-Unis ( pays cinq fois plus peuplé que la France) notent-ils donc près de cinq mille hospitalisations pour grippe, la moitié chez des jeunes de moins de 25 ans, et 292 décès, le quart chez des moins de 25 ans.
Comme Jean-Yves Nau prend soin de le souligner ce n’est pas du tout le profil des grippes saisonnières qui pour l’essentiel donnent lieu à des complications chez des personnes âgées ou très malades par ailleurs. La vérité aujourd’hui observable est que cette grippe « H1N1pdm » semble susceptible, haut delà de la normale connue, d’entraîner des complications (y compris mortelles) chez des jeunes adultes (même en bonne santé). De ce fait le débat commence à évoluer aux Etats-Unis. On y évoque moins les risques hypothétiques du vaccin ; le discours cède la place aux controverses sur la disponibilité du vaccin : en aura-t-on en quantité suffisante et en temps et en heure pour se protéger ?
Pour l’heure nous restons en Europe centrés sur d’autres questions : mais où est-donc passé le virus ? l’épidémie a-t-elle véritablement démarré ? Pourquoi nos concitoyens (nos confrères) resteraient-ils à ce point réticents et méfiants vis-à-vis des protections vaccinales bientôt disponibles ?
L’épidémie a certainement commencé en France aussi, mais probablement pas avec la même intensité qu’aux Etats-Unis. Mais comment savoir ? Faute d’une veille sanitaire précise, faute d’une analyse virologique systématique d’un échantillon de la population suspectée d’être malade, on ne sait pas exactement où l’on en est encore. Le propos vaut pour toute l’Europe. Le nombre des cas mortels égrainés sur nos chaînes d’information sont un bien triste indicateur. Comment pourrions-nous échapper encore très longtemps à cette vague épidémique et à ses conséquences désormais de moins en moins imprévisibles ?
Antoine Flahault
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