Il est toujours un peu inquiétant de jeter sur les ondes, l’anathème sur une catégorie de la population. Aujourd’hui ce sont les experts épidémiologistes. Deviendront-ils les boucs émissaires de cette pandémie? Marc Gentilini les qualifie «d’épidémiologistes en chambre », nos gouvernants seraient-ils sous l’influence d’épidémiologistes déconnectés des réalités de terrain ? La controverse est saine. La science elle-même n’est faite que de controverses. Mais elle gagne généralement à s’organiser sur les arguments que les uns et les autres développent, plutôt que sur le discrédit global d’une catégorie de porteurs de ces arguments parce qu’ils seraient épidémiologistes aujourd’hui, ou surtout parce qu’ils défendraient des thèses qui déplaisent.
Que reproche Marc Gentilini aux épidémiologistes français ? De mettre en œuvre des méthodes et des outils publiés dans les meilleures revues scientifiques internationales pour envisager les différents scénarios que cette pandémie peut connaître ? De proposer à nos gouvernants des stratégies aventureuses, isolées voire opposées à celles retenues par le reste de la communauté internationale ? Probablement pas. Le fond de la question est de savoir si l’ensemble de la communauté internationale en fait trop ou pas. Ou pas assez ! La situation totalement inédite de cette pandémie est d’avoir été, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, prévue, mais aussi préparée et sa réponse concertée et planifiée.
Tout cela a demandé beaucoup d’expertises bien sûr. Epidémiologique, mais en fait fortement interdisciplinaire. Tout cela continue à générer beaucoup de travaux de recherche qui sont faits pour éclairer la décision publique. Ce ne sont plus des oracles d’essence divine qui aujourd’hui orientent la décision politique, mais en effet – et en partie seulement – les résultats produits par la science. La position de Marc Gentilini me semble d’autant plus injuste aujourd’hui vis-à-vis de l’expertise scientifique sur la pandémie, qu’il existe un vrai débat que la pensée unique ou politiquement correcte n’a pas envahi. C’est à la fois une chance et un signe de maturité dont fait preuve cette communauté scientifique que d’avoir su l’organiser. Le pouvoir politique n’est au contraire pas piégé dans un discours organisé cohérent et monolithique lui ôtant toute marge de manœuvre comme c’est le cas bien souvent dans d’autres domaines, notamment souvent celui de l’environnement.
Quelques exemples récents : les Québécois ont décidé de retarder à janvier 2010 la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière ? Le reste du Canada ne les a pas suivis. La Tunisie a décidé d’interdire le pèlerinage à La Mecque ? Les autres pays du Maghreb ne leur ont pas encore emboîté le pas. Les Français peuvent aujourd’hui prendre et faire des choix qui leur sont propres en matière de fermetures d’école, d’utilisation des antiviraux ou de fixation des priorités vaccinales.
Autre point, les épidémiologistes « devraient reconnaître leurs erreurs ». Mais n’est-il pas un peu tôt pour nous demander de manger notre chapeau ? Que s’est-il passé aujourd’hui que les épidémiologistes n’avaient pas envisagé ? Dès le début du mois de mai, nous avons annoncé que la souche émergeant au Mexique avait un potentiel pandémique : était-ce faux ? Nous avons suggéré que l’activité épidémique serait freinée dans l’hémisphère Nord en raison de l’arrivée de l’été, mais qu’en toute logique l’hémisphère Sud connaîtrait une forte activité épidémique (en prévoyant que ce serait une demi-vague seulement). Cela s’est produit et il est utile aujourd’hui de l’analyser et d’en tirer des enseignements pour la reprise probable de l’épidémie dans le nord dès l’automne ou l’hiver.
Ainsi, en Nouvelle-Calédonie la France a envoyé des renforts pour faire face à une épidémie qui a touché 16% de la population (peut-être le double avec les formes asymptomatiques) et tué une personne sur 10 000 d’un syndrome de détresse respiratoire aigu, syndrome rarissime avec la grippe saisonnière ; comme à l’île Maurice ou à La Réunion où la ministre de la Santé s’est déplacée à la fin du mois d’août. La pandémie a probablement démarré depuis la mi-septembre en France comme aux USA et sans doute ailleurs dans l’hémisphère Nord où bien souvent on ne l’observe pas avec des instruments de veille en temps-réel comme nous en disposons depuis plus de 25 ans en France. Les semaines à venir le diront. Les autorités de veille sanitaire restent encore prudentes car la détection d’épidémie est une science délicate, ne lui reprochons pas cette prudence.
Enfin, on détournerait des sommes phénoménales pour finalement une tempête dans un verre d’eau ? Ce sont des choix politiques et donc bien sûr discutables. Il ne m’appartient pas de les juger. Il sera sans doute possible de les évaluer lorsque la pandémie sera terminée en comparant les investissements des Etats en la matière, car ils auront été différents selon les cas, et en évaluant l’impact sanitaire, mais aussi social et économique de la pandémie (ou l’absence d’impact), et en mettant cet impact en regard des investissements réalisés. 1,5 milliards d’euro pour prévenir les conséquences de cette pandémie annoncée, est-ce exorbitant ? Possiblement. Sauf si – les économistes cette fois sont en cause – les prévisions d’un point d’impact négatif sur le PIB en raison de la pandémie est prévenu grâce à ces investissements ; un point de PIB, en France, c’est 20 milliards d’euros.
Antoine Flahault
On cause, on glose …
Et le bon sens ? et l’altruisme ?
Faire peur avec la grippe A(H1N1)v est sûrement exagéré, mais est-ce bien décent que certains scientifiques dénigrent publiquement une attitude de prévention ?
Jusqu’à présent la vaccination a fait preuve de son efficacité. Avons nous une preuve scientifique de sa toxicité ?
Semer le doute n’exposera-t-il pas à une demi réponse de la population ? N’est-il pas sans risque de s’asseoir sur une chaise en ne posant que la moitié de son derrière ?
Certains professionnels de santé expriment leur réticence à se faire vacciner contre la grippe et prennent le risque d’être contaminateurs de patients fragiles qu’ils sont supposés soigner. Trouverait-on normal qu’un pompier venant éteindre le feu se présente avec le cigare à la bouche ? Ces agents de la santé ne se sont-ils pas trompés de métier ?
Pourquoi le vaccin de l’hépatite B est-il obligatoire pour les professionnels et celui contre la grippe (maladie pourtant responsable d’une mortalité numériquement supérieure en France) ne le serait-il pas ?
Une pandémie risque de saturer notre système de soins. Comme le reste de l’économie, nous fonctionnons à flux tendu. L’encombrement de nos cabinets, de nos hôpitaux et des services de réanimation ne sera-t-il pas responsable d’une moins bonne réponse aux différentes problématiques de la santé ?
Et si nous montrions l’exemple … et si nous incitions au civisme …
Bruno Ragon
Médecin généraliste, médecin de famille en province
Médecin des réseaux Sentinelles et GROG
PS : Nous disposerons d’un nombre suffisant de doses vaccinales pour essayer de protéger l’ensemble de la population française. Nous avons commandé une bonne part de la production mondiale (10% ?) qui sera proposée gratuitement dans notre pays riche. Continuerons-nous à cracher dans la soupe ?
“Jusqu’à présent la vaccination a fait preuve de son efficacité. ”
Vraiment? Avez-vous des références?
“Certains professionnels de santé expriment leur réticence à se faire vacciner contre la grippe et prennent le risque d’être contaminateurs de patients fragiles qu’ils sont supposés soigner.”
Est-ce que la vaccination empêche de contaminer les patients? Avec-vous des références?
“Pourquoi le vaccin de l’hépatite B est-il obligatoire pour les professionnels et celui contre la grippe (maladie pourtant responsable d’une mortalité numériquement supérieure en France) ne le serait-il pas ?”
Pourquoi le vaccin contre l’hépatite B est-il obligatoire?
“Continuerons-nous à cracher dans la soupe ?”
Le genre de commentaire qui accentue ma méfiance envers les médecins (auquel je n’accordais déjà pas énormément de crédit).