Au milieu du gué, les bénéfices d’une préparation inédite

En ce début de mois d’octobre 2009 nous sommes au milieu du gué, la pandémie est déjà passée sur la moitié du globe (soit moins de 15% de sa population), et devrait débarquer sur l’autre moitié. Nous en savons plus désormais, même si de nombreuses lacunes persistent dans notre connaissance sur ce nouveau virus, que j’appellerai désormais sur ce blog, selon les recommandations de l’OMS (qui ne les applique pas…) : H1N1pdm (pour H1N1pandémique).

La vague australe a été de faible amplitude. On a, au maximum, enregistré une atteinte de 16% de la population (en Nouvelle Calédonie), et souvent moins de 10% (mais nous n’avons aucune indication de la proportion d’infections asymptomatiques). On ne sait pas si ces taux d’attaque relativement faibles sont dus à un ensemencement par le virus limité et tardif dans cette partie de la planète ; ou bien si c’est grâce aux mesures préventives (mais on ne disposait pas encore de vaccins) ; ou aux deux ; ou ni à l’un et ni l’autre, mais au faible pouvoir de contagiosité du virus lui-même…

C’est dire si la phrase « on ne sait presque rien sur presque tout » de notre livre reste vraie ! On ne sait pas non plus quelle est la véritable virulence associée à cette souche pandémique. Les personnes âgées seront-elles épargnées parce que mieux protégées que les jeunes ? C’est le pari que font les autorités sanitaires internationales en réservant en priorité le vaccin pandémique aux enfants et aux jeunes adultes. Mais ce pari n’est-il pas un peu hâtif ? A-t-on pu analyser avec rigueur les données de mortalité de toutes causes préalablement pour savoir si aucun excès de mortalité, en particulier chez les personnes de plus de 65 ans n’était décelable ?

Ainsi il me semble que le choix d’avoir commandé du vaccin en quantité suffisante pour le proposer à tous les Français pourrait s’avérer judicieux si au cours de l’automne la vague pandémique devait avoir une amplitude majeure, ce qui est un scénario possible et compatible avec les prévisions issues des modèles publiés aujourd’hui. Le bien fondé de ces investissements vaccinaux nationaux serait renforcé encore si face à une vague pandémique d’ampleur majeure, la mortalité directe, par syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA) devait être proportionnelle à celle observées dans les îles du Pacifique Sud ou de l’Océan Indien cet été (durant leur hiver austral), aux alentours de 1 décès pour 10 000 cas rapportés.

Sans évoquer les scénarios plus catastrophistes (que l’on entend) selon lesquels la souche pandémique gagnerait en virulence dans l’hémisphère nord durant l’hiver. On assisterait probablement alors à un rapide retournement de la perception du rapport bénéfices sur risques vis-à-vis du vaccin dans la population, en particulier chez les professionnels de santé. En ce sens, l’injonction vaccinale n’est pas nécessaire, ni de mise.

En laissant faire librement ses choix à sa population, y compris aux professionnels, les autorités de santé, en France comme ailleurs, retiennent l’option de la confiance en vers leurs administrés. Si les faits indiquent plus clairement que le rapport bénéfices-risques est en faveur de la vaccination, alors on prendra son ticket dans la file d’attente selon sa priorité et on ne laissera pas passer son tour. Aujourd’hui, la perception est celle du calme avant une tempête annoncée, en sachant que toutes les tempêtes annoncées ne se déclarent pas (ou pas sur nos têtes) et que certaines sont moins dévastatrices que certains prévisionnistes le laissent entendre.

La population semble dans une sorte de vigilance attentive mais sereine. On peut sans doute mettre ce calme collectif au crédit de la communication officielle apaisante et vigilante, et – c’est ma théorie – de la relative cacophonie des experts qui démontre que l’on ne nous a rien caché et que tout le monde a pu s’exprimer sans entraves, des plus pessimistes aux plus « négationnistes » vis-à-vis du risque pandémique. La qualité du débat démocratique sur le thème de la pandémie grippale est assez exceptionnelle au sein de la communauté scientifique. Les climatologues par exemple ne bénéficient pas d’une telle liberté d’expression, la pensée unique ayant rapidement clôt le débat sur le réchauffement climatique et ses origines.

Il n’est pas impossible aujourd’hui de parler publiquement de cette pandémie en affirmant qu’il ne s’agit que d’une « grippette » sans conséquences, ou au contraire de suggérer comme un scénario possible que le tiers de l’humanité sera atteint dans les mois à venir.

On en reparlera dans un billet ultérieur, mais il me semble que nous engrangeons aujourd’hui – sans totalement nous en rendre compte- les bénéfices d’une préparation totalement inédite dans le champ des maladies émergentes. C’est bien la première fois que nous avions prévu l’arrivée imminente d’une maladie émergente dans l’histoire de l’humanité. Nous n’avions pas prévu les précédentes pandémies, nous n’avions pas prévu l’arrivée du sida, du SRAS, de la vache folle, ni du chikungunya dans l’océan indien.

Nous courions jusqu’à présent derrière les épidémies émergentes, à tel point que les premières publications scientifiques concernant le SRAS (qui a émergé en 2003) sont parues après la fin de l’épidémie. Les résultats de la science n’ont alors fourni qu’un un éclairage limité sur les décisions publiques. Ici, avec le H1N1pdm il n’aura pas fallu un mois pour que des premiers papiers soient publiés dans les meilleures revues scientifiques. La réaction a été immédiate, internationale et le plus souvent coordonnée. L’internet et les médias d’aujourd’hui contribuent évidemment à cette rapidité dans les réponses apportées. Ainsi, beaucoup d’inconnues demeurent, mais nous sommes prêts, nous sommes prévenus, nous sommes préparés.

Corollaire : on entend (ce que l’on n’entendait jamais jusqu’à présent) que l’on en fait trop, que l’on en a trop fait. Pour le chikungunya, les média de La Réunion ne cessaient de tonner que l’on n’en faisait pas assez, que l’on n’en parlait pas assez ; jamais qu’on en faisait trop. Le chikungunya n’était pas une maladie beaucoup plus grave que la grippe H1N1pdm, et la mortalité directe était sans doute plus exceptionnelle encore, et pourtant, dans la même île, à La Réunion, cette nouvelle grippe est passée (sur quatre fois moins de personnes il est vrai) sans y laisser de profondes traces sociales, médiatiques ou politiques.

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A(H1N1) : un Français sur deux allergique au vaccin

Le gouvernement est confronté à une résistance vaccinale qu’il n’avait pas anticipée

A-t-on jamais vu, en France, une situation à ce point paradoxale dans l’histoire de la médecine et de la santé publique ? Résumons. Une pandémie grippale est annoncée depuis près de cinq mois. A Paris comme dans de nombreuses autres capitales des pays industriels les autorités sanitaires réactivent un plan de lutte contre une autre pandémie d’origine aviaire ; une pandémie potentiellement redoutable, mais qui fort heureusement est pour l’heure restée dans les limbes. Le gouvernement de François Fillon décide placer la barre préventive le plus haut possible et, notamment, de passer commande (pour environ un milliard d’euros) de près de cent millions de doses du futur vaccin contre l’infection causée par le nouveau virus A(H1N1). Objectif : disposer coûte que coûte d’un stock qui permettra, au total, de pouvoir immuniser la totalité de la population française.

Les multinationales concernées se lancent dans une course-poursuite sans précédent pour livrer au plus tôt l’outil protecteur en France comme dans tous les pays industriels qui, en urgence, leur en ont fait la demande. Dans l’Hexagone, à la demande des pouvoirs publics des dizaines d’éminents spécialistes se réunissent durant des jours et des nuits pour savoir qui pourra être vacciné en priorité. Conclaves successifs pour concilier au mieux santé publique, organisation sociale et principes éthiques.

Nous vécûmes l’été à ce rythme. Puis nous voici désormais fin septembre ; ces millions de doses vaccinales vont sous peu commencer à être livrées, de multiples centres spécialisés dans cette vaccination spécifiques vont devoir bientôt sortir de terre. Puis, brutalement ce tout récent sondage de l’Ifop selon lequel seul un Français sur deux (55%), déclare avoir l’intention de se faire vacciner contre la nouvelle grippe. Plus précisément seuls 29% expliquent qu’ils se « soumettront certainement » à cette prochaine vaccination. Et, sans doute plus étonnant encore : ces proportions sont respectivement de 61% et 38% chez les médecins généralistes ?

Un sondage Ifop-« le Quotidien du Médecin » confirme les réticences des médecins exerçant dans le secteur libéral : 46 % d’entre eux n’envisagent pas de se vacciner quand 52 % indiquent qu’ils seront prêts, le moment venu, à le faire. Un généraliste sur deux réticent à l’immunisation, en somme. Pourquoi pas plus ? Que répondront tous les praticiens choisissant de ne pas se faire vacciner à leurs patients qui leur demanderont conseil ? D’autres sondages (TNS Sofres/Logica pour Europe 1) évoquent 65% de refus potentiels à la vaccination dans la population générale.

Quels que soient les proportions exactes de refus et d’acceptation le fait est là : il existe en France une forme de résistance collective potentielle à la vaccination sur laquelle le pouvoir public n’avait pas tablé. Cette situation à la fois inédite et largement problématique fait que l’on phosphore aujourd’hui à très forte doses dans les hautes sphères sanitaires et gouvernementales françaises. Questions, au choix. A-t-on eu raison d’effectuer de telles commandes vaccinales ? Avait-on pris le pouls de l’opinion avant de prendre cette décision ? Si oui qui l’a pris ? Si non, pourquoi ? N’aurait-il pas été plus judicieux de patienter ? Fallait-il laisser à chacun la liberté d’agir ? Aurait-on dû au contraire imposer coûte que coûte une obligation vaccinale aux professionnels de santé dont on estime (à juste titre) qu’il convient des protéger pour eux-mêmes autant que pour ceux qu’ils sont amener à prendre en charge ?

Convaincre en somme, faute d’avoir imposé. François Fillon, il y a quelques jours, à l’issue d’un conseil interministériel consacré à ce sujet : « Je veux rappeler que la vaccination [contre la grippe A(H1N1] n’est pas obligatoire, mais je fais appel à la responsabilité de chacun, et notamment, parce que c’est le plus important, à celle des personnels de santé. Nous avons besoin d’eux pour protéger l’ensemble des Français, nous avons donc besoin, naturellement, qu’ils soient vaccinés. »

« Nous » avons besoin d’eux, certes ; mais si « eux » ne répondent pas présents ? En viendra-t-on (les textes existent) à l’injonction vaccinale ? Sans doute pour mieux se faire comprendre M. Fillon a redit quelles étaient ici les priorités énoncées dans les recommandations du Haut Conseil de santé publique (HCSP) ) : « Le principe est simple, a-t-il insisté : les personnes prioritaires sont les personnes les plus vulnérables et ce sont les personnels de santé, parce que c’est naturellement sur eux que repose la santé de tous les autres. » Plus précisément encore «  prioritaires parmi les prioritaires » : les personnels de santé de réanimation, néonatale et pédiatrique, puis les personnels médical, paramédical et aide-soignant des établissements de santé, ainsi que les médecins et infirmiers exposés à des personnes infectées par le nouveau virus grippal.

Tout devrait ici être calé sur les volumes des livraisons progressives des doses vaccinales. Viendront ensuite les femmes enceintes puis les personnes de « l’entourage des nourrissons de moins de 6 mois », les professionnels chargés de l’accueil de la petite enfance, les nourrissons de 6-23 mois avec facteur de risque, les sujets de 2 à 64 ans avec facteur de risque. Puis dans le grand ordonnancement jacobin, sanitaire et républicain : les autres professionnels de santé, les nourrissons de 6-23 mois sans facteur de risque, les personnels d’accueil des pharmacies, des personnels des établissements médico-sociaux. Enfin (vers le printemps ?) les personnes de plus de 65 ans avec facteur de risque, les 2-18 ans sans facteur de risque et, pour finir (vers le prochain automne ?) les personnes âgées de plus de 18 ans sans facteur de risque.

Tout cela est bel et beau mais repose, répétons-nous, sur le volontariat. Comment s’adaptera-t-on à la désaffection, désormais hautement prévisible, d’une fraction nullement négligeable des professionnels sanitaires officiellement désignés ? Ministre de la santé chaque jour un peu plus confirmée –grâce à cette pandémie- dans ses fonctions Roselyne Bachelot ne cesse de rassurer : la technologie des vaccins est bien connue et les vaccins qui seront proposés auront « évidemment satisfait à toutes les procédures de sécurité ». L’OMS s’inscrit dans la même démarche incitatrice et rassurante, expliquant que « les résultats des essais réalisés à cette date suggèrent que le vaccin pandémique est aussi sûr que les vaccins contre la grippe saisonnière, avec des effets secondaires « similaires ». Mais qui aujourd’hui, sur fond d’anxiété diffuse et collective, est capable de préciser ce que sont ces « effets secondaires ».

Pour le reste la suite est d’ores et déjà annoncée. La France disposera sous peu d’environ un million de doses anti-A(H1N1), la multinationale britannique GlaxoSmithKline (GSK) ayant obtenu de l’agence européenne des médicaments les premières autorisations lui de commercialiser son vaccin. Devraient ensuite arriver sur le marché les premières des 16 millions de doses commandées à Novartis. Plus précisément la France devrait disposer vers le 9 octobre de 1 à 1,2 million de doses de vaccins de GSK, les premières livraisons de Novartis dans l’Hexagone étant programmées fin octobre/début novembre. Les autres multinationales à qui la France a passé des commandes (Sanofi-Pasteur pour 28 millions de doses et Baxter) n’ont pas encore, pour diverses raisons, reçu l’aval des autorités européennes.

Quel usage précis sera fait de cette armada vaccinale sans précédent dans l’histoire de la grippe ? Un premier élément de réponse nous est fourni par l’Ifop : « Malgré un discours médiatique anxiogène, la population française n’est pas gagnée par la peur de l’épidémie, nous assure l’Ifop. En juillet 2009, seuls 35% des Français se déclaraient inquiets. Le niveau d’inquiétude tend à décroître au fil des mois, en s’établissant à 32% en septembre, preuve que l’annonce des décès dus à la maladie (…) ne déclenche pas de crainte particulière au sein de la population hexagonale. A titre de comparaison, celle-ci ne se montre guère plus inquiète que lors de l’épidémie de grippe aviaire en 2006 ».

Dans le même temps la menace de la grippe A(H1N1) est bel et bien devenue le premier sujet de conversation des Français, 80% d’entre eux l’ayant d’ores et déjà évoqué avec leurs proches. Faut-il y voir un paradoxe ? Faut-il se souvenir (avant de la rappeler aux plus jeunes d’entre nous) de la fameuse histoire d’un certain Pierre ; d’un certain Pierre et –dit-on- d’un certain loup ?

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Le pneumocoque entre dans le paysage

La fréquence de ces syndromes de détresse respiratoires aigus dus à la grippe A(H1N1) représentera l’un des principaux enjeux de cette pandémie dans l’hémisphère Nord. De deux choses l’une. Soit la vague attendue cet automne-hiver est d’une ampleur similaire à celle de l’hémisphère Sud, avec des taux d’attaque de grippe clinique (formes symptomatiques de l’infection) de l’ordre de 10%, ou inférieurs (sauf en Nouvelle Calédonie qui a enregistré l’un des plus fort taux d’attaque du Pacifique avec 16% de la population malade). Dans ce cas les digues tiendront très vraisemblablement et l’on saura faire face dans l’hémisphère Nord comme en Nouvelle-Zélande, en Australie, à La Réunion ou en Nouvelle-Calédonie, où l’on a su résister à la vague et à ses conséquences.

En revanche si les taux d’attaque devaient être supérieurs (du double par exemple de ceux enregistrés dans le sud pendant leur hiver austral) alors les services de santé de nos pays pourraient être durement éprouvés. On pourrait manquer de réanimateurs, de lits de réanimation, de ventilateurs et d’appareils permettant l’ECMO, cette oxygénation par circulation extra-corporelle permettant de passer le cap de la « noyade » interne due à l’infection virale pulmonaire massive.

La charge émotionnelle provoquée par la connaissance (aujourd’hui quasi en temps réel des décès chez de jeunes adultes auparavant en pleine santé) sera particulièrement forte. Elle pourrait être de nature à -sinon renverser- du moins atténuer les craintes de certains et notamment des personnels de santé, vis-à-vis des risques liés au vaccin. Dans tous les cas, on comprend aujourd’hui que la fréquence de ces SDRA sera très supérieure à celle observée lors des grippes saisonnières passées ; et ce même si la vague devait être d’ampleur comparable, c’est-à-dire du niveau de celle observée dans l’hémisphère Sud.

On peut penser que cette première vague pandémique dans l’hémisphère Sud a-t-elle été limitée grâce à l’efficacité des mesures de contrôle et de prévention ; ou plus probablement en raison d’un « ensemencement » par le virus trop récent dans la population pour permettre (en une courte saison) le déploiement de l’épidémie (comme les scénarios issus des modèles mathématiques publiés ces derniers mois le laissaient supposer).

Et puis cette nouvelle : une publication du 29 septembre 2009 du Morbidity and Mortality Weekly Report (la revue des Centers for Diseases Control and Prevention d’Atlanta aux USA) rapporte, pour la première fois, des comptes-rendus d’autopsie de 77 personnes décédées après infection par le virus de la grippe pandémique A(H1N1) chez lesquelles dans près d’un tiers des cas il a été retrouvée une surinfection bactérienne concomitante (due à pneumocoque dans la moitié des cas) de nature à avoir causé la mort. Cette publication est importante, car on pensait jusqu’à présent que les pneumonies à pneumocoques n’étaient pas fréquentes avec ce virus pandémique ; et ce alors que l’on sait d’autre part aujourd’hui qu’elles ont été la cause probable d’une grande partie de la mortalité de la grippe « espagnole » de 1918-1919. D’évolution souvent très rapide, ces infections bactériennes fulminantes constitueront probablement aussi l’une des préoccupations majeures des médecins confrontés aux complications de cette grippe pandémique. Elles soulèveront peut-être aussi bientôt la question de la vaccination contre le pneumocoque chez les personnes identifiées comme étant à risque.

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A(H1N1) : mais pourquoi tue-t-il ?

L’inimitable langue anglaise sait, mieux que d’autres peut-être, jouer avec les onomatopées ; et notamment avec les onomatopées respiratoires (songeons au célèbre wheezing [sifflement]). Mais il faut aussi toujours se méfier des faux amis. Ainsi aucune onomatopée quand nos amis anglais, à propos du «  syndrome de détresse respiratoire aiguë » se plaisent à parler de « Flaards ». Aucune référence à une agonie associée à la grippe. Il s’agit ici d’une nouvelle abréviation correspondant à « Flu-ASDRA », soit la version A(H1N1) du trop célèbre «  syndrome de détresse respiratoire aigüe » (SDRA) fréquemment d’origine virale ; à ne pas confondre avec les SRAS (syndromes respiratoires aigus sévères) ces pneumopathies atypiques dues à un coronavirus qui furent l’une des premières maladies émergentes de ce siècle. Fort heureusement ce phénomène ne prit pas la dimension pandémique que redoutèrent durant plusieurs mois les autorités sanitaires du monde entier.

« Flaards », donc puisque les preuves s’additionnent pour apporter la démonstration que si l’infection par le A(H1N1) peut être mortelle chez des personnes auparavant en bonne santé c’est pour l’essentiel la résultante d’un tropisme pour les branches et les feuilles les plus fines de notre arbre respiratoire. Quand les virus de la grippe saisonnière se bornent généralement aux étages « supérieurs » (le nez, la gorge, le carrefour aérodigestif, voire la naissance de la trachée artère) le A(H1N1) semble gagner en virulence en étant parfois (pourquoi ?) capable d’infecter et de détruire les cellules des étages inférieurs ; et ainsi de détruire la fonction respiratoire en dépit des meilleures prises en charge dans les services hospitaliers spécialisés de pneumologie et de réanimation.

Selon Yoshihiro Kawaoka, spécialiste de virologie à l’université de Tokyo cette particulière virulence serait (au vu de travaux menés sur des singes) de mille fois supérieure à celles des virus grippaux saisonniers.

Une nouvelle preuve dans ce domaine vient d’être apportée (sur la base de 400 dossiers documentés) par un groupe de médecins australiens et néo-zélandais ; et ce dans les colonnes de la revue « Critical Care and Resuscitation » datée de septembre. Et la leçon apportée est d’autant pus intéressante qu’elle provient de l’hémisphère Sud qui a (pour partie ?) vécu ce à quoi l’hémisphère Nord doit s’attendre. Pour les Drs Steven Webb and Ian Seppelt (auteurs d’un éditorial accompagnant cette publication) les Flaards – parfois associés à de multiples défaillances d’organes- sont les syndromes les plus fréquents et les plus associés à la mortalité observée avec le A(H1N1).

En Australie les malades souffrant de Flaards ont, ces dernières semaines, occupé le quart des lits des services spécialisés de réanimation. On a aussi, parmi eux, recensés 178 morts. Dans l’Etat australien de Victoria la pandémie a touché 5% de la population parmi lesquels 0,3% ont été hospitalisés, selon les dernières informations publiées par le Medical Journal of Australia. Plus inquiétant : une personne sur cinq hospitalisée a dû être transférée dans une unité de soins intensifs du fait d’une défaillance majeure de sa fonction respiratoire. Au total 85 % d’entre eux ont pu être sauvés après neuf jours de réanimation intensive réclamant des techniques (ECMO) parfois très sophistiquées et, à ce titre, onéreuse. Toujours en Australie la moyenne d’âge des morts du A(H1N1) est de 51 ans ; dans les grippes saisonnières, cette moyenne est de 83 ans.

Qu’en sera-t-il dans l’hémisphère Nord ?

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