A quoi pensent les chiens ?

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Il ne leur manque que la parole…, dit-on.  Faute de cette possibilité de communication avec l’animal qui est devenu le compagnon de l’homme depuis des temps immémoriaux, 10 000 ou peut-être 30 000 ans, comme savoir ce que les chiens pensent ? La question s’est posée brusquement à Gregory Berns, directeur du Emory Center for Neuropolicy, lorsqu’il a vu les images de l’intervention des forces spéciales de l’équipe Seal dans la cachette de Ben Laden. Un chien de l’US Navy y participait. “J’ai été impressionné lorsque j’ai vu ce que les chiens des miliaires peuvent faire. J’ai alors réalisé que si des chiens peuvent sauter d’un hélicoptère ou d’un avion, nous pourrions certainement les entraîner à entrer dans un scanner d’IRM fonctionnelle (IRMf) afin de découvrir ce à quoi ils pensent”, explique Gregory Berns.

On sait que l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle permet de corréler certains signaux (sons, images, activité cérébrale…) avec les zones du cerveau qu’ils activent. On peut alors en déduire des informations sur le type de pensée qu’ils engendrent. Mais avec un chien, toute la difficulté réside dans le dressage permettant de convaincre l’animal de rester allongé dans le tube d’un scanner, immobile malgré le vacarme émis par l’appareil. C’est le défi relevé par Gregory Berns et son équipe.

Callie, une petite chienne de chasse de race Feist de deux ans et McKenzie, un chien de berger Border Collie de trois ans ont été mis à contribution. Tous deux ont été entrainé pendant plusieurs mois à entrer dans un scanner et à rester parfaitement immobile pendant que les chercheurs mesuraient leur activité cérébrale. Un casque les ont protégé du bruit de l’appareil. Callie semble être devenue si impatiente de faire avancer la science qu’elle entre d’elle-même dans le scanner même lorsque ce n’est pas son tour…

 

Callie et Gregory Berns

C’est ainsi que les scientifiques d’Emory sont parvenus à obtenir les toutes premières IRM du cerveau d’un chien. Ils ont alors cherché à déterminer si nos fidèles compagnons ressentent de l’empathie, s’ils savent que leur “maître” est heureux ou malheureux et s’ils comprennent une nombre important de mots de notre langage.

Dans une première expérience, les chiens ont été stimulés à l’aide mouvements de la main. L’un des gestes signifiait que le chien allait recevoir de la nourriture, l’autre qu’il n’allait rien recevoir. La région du cerveau associée à la récompense dans le cerveau humain s’est également activée dans le cerveau des chiens à la suite du premier geste et est restée inerte face au second geste. D’où la mise en évidence d’un lien direct entre les actions de l’homme et la stimulation de cette zone dans le cerveau des chiens. Ils comprennent donc parfaitement leur maître dans ces circonstances. Tout propriétaire de chien en était convaincu sans avoir eu recours à un scanner…

Callie dans le scanner d'entraînement

L’expérience de Gregory Berns vaut donc surtout par la démonstration de la possibilité de placer un chien dans une IRMf sans la moindre atteinte au bien être de l’animal. Ce dernier n’est pas attaché ni endormi. Et il a été entraîné à supporter le casque qui le protège du bruit. Dans ces conditions, les chercheurs ont obtenu que les chiens restent parfaitement immobiles pendant 24 secondes, ce qui leur laisse assez de temps pour réaliser de multiples mesures.

Il leur faut désormais aller plus loin pour sonder les profondeurs du cerveau canin. “Le cerveau des chiens apporte un témoignage de la façon dont l’homme et l’animal ont pu vivre ensemble pendant très longtemps. Il est même possible que les chiens aient pu affecter l’évolution humaine”, estime Gregory Berns. Au delà de la découverte des pensées secrètes de nos compagnons, le cerveau des chiens pourrait nous apprendre quelque chose sur nous-mêmes. Voilà qui justifie encore plus les recherches dans ce domaine…

Michel Alberganti

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