Felix Baumgartner, premier homme volant à 1342 km/h

Felix Baumgartner a réussi son pari : franchir le mur du son en chute libre. Avec, pour seule protection, une combinaison d’astronaute. Il a même très largement dépassé son objectif en atteignant, selon Brian Utley, l’expert chargé de certifier la performance pour la Fédération Aéronautique Internationale. Il est en effet parvenu à la vitesse de 1342 km/h, alors que celle du son, à cette altitude, n’est “que” de 1087 km/h. Soit un dépassement de près de 25% de cette vitesse mythique qui faisait tant peur aux pilotes d’avion avant que Chuck Yeager ne la franchisse pour la première fois, le 14 octobre 1947.

65 ans après Chuck Yeager

Le 14 octobre ? C’est justement la date choisie par Félix Baumgartner pour tenter, une nouvelle fois, son exploit après plusieurs reports. Exactement 65 ans plus tard, il franchit, lui aussi, cette limite, mais grâce au seul poids de son corps et à l’attraction de la Terre.
La performance a duré 2 heures 21 pour la montée et à peine plus de 9 minutes pour la descente. La partie en chute libre, elle, n’a pas dépassé 4 minutes et 20 secondes, soit 16 secondes de moins que le record établi en 1960 par Joseph Kittinger, aujourd’hui ancien colonel de l’Air Force de 84 ans présent aux cotés de Felix Baumgartner pendant tout le projet et, bien entendu, lors de l’exploit auquel ont également assisté plus de 8 millions de personnes en direct sur Internet et certaines chaînes de télévision.

Trois records, un échec

L’autrichien de 43 ans, parachutiste professionnel, ancien militaire et spécialiste des sauts acrobatiques (tours, ponts, Christ de Rio de Janeiro…), a, finalement battu trois records du monde : le saut le plus haut (39 km d’altitude),  la plus longue chute libre (36,5 km) et, bien entendu, la vitesse la plus élevée atteinte par un homme sans l’aide d’une machine, 1342 km/h. Finalement, c’est sans doute à cause de sa vitesse que Felix Baumgartner a raté le quatrième record, celui de la durée de la chute libre.

300 personnes et des millions de dollars

Il reste que le parachutiste a atteint ses objectifs principaux. Après cinq ans d’attente. Son exploit a mobilisé une équipe de 300 personnes à Roswell, dont 70 ingénieurs, scientifiques et physiciens. Le tout financé par la marque de boisson Red Bull à coup de millions de dollars. Un ballon d’hélium coûte 200 000 dollars. La combinaison spéciale utilisée par Felix Baumgartner est revenue à 250 000 dollars. Le coût de la capsule n’est pas connu. L’ensemble était équipé de 15 appareils de capture d’images (vidéo et photo). Un documentaire produit par la BBC et National Geographic sera diffusé dans quelques semaines.

La nostalgie des astronautes

Le spectacle de Felix Baumgartner dans sa petite capsule nous a rappelé les images des années 1960, lorsque l’homme faisait ses premiers pas dans l’espace. Le minuscule vaisseau de Youri Gagarine. Les capsules Apollo… Jamais, les séjours des occupants de la Station spatiale internationale (ISS) n’ont engendré pareilles émotions. Les sondes spatiales et les robots martiens, quels que soient leurs exploits, ne provoqueront jamais, non plus, ce frisson particulier que l’on ressent lorsqu’un homme prend le risque de se lancer dans l’inconnu. Lorsqu’il saute dans le vide…

Tout le monde n’est pas Neil Armstrong

En ce 14 octobre 2012, Felix Baumgartner nous a offert un ersatz de cette émotion. Lorsqu’il a signalé, pouce levé, que tout était paré de son coté. Lorsqu’il a ouvert l’écoutille de sa nacelle et que sa cabine a été inondée de lumière. Lorsqu’il s’est péniblement levé de son siège pour, avec les gestes engourdis par sa combinaison compensant la très faible pression atmosphérique, faire les deux pas qui le séparaient de la petite marche au dessus du vide. 39 km de vide… Lorsqu’il se tenait là, agrippé à deux rampes, et qu’il tentait de dire, avec son fort accent allemand, quelques mots historiques… “Parfois, il faut monter vraiment haut pour savoir à quel point vous êtes petits”, a-t-il prononcé péniblement. Tout le monde n’est pas Neil Armstrong… Lorsqu’il s’est laissé tomber, enfin, et qu’il a aussitôt été comme aspiré par la Terre. Lorsqu’il s’est mis à tournoyer comme un corps abandonné, privé d’air pour planer. Lorsque l’on entendait son souffle pendant sa chute. Lorsqu’il s’est rétabli en atteignant les couches plus denses de l’atmosphère et a commencé une descente impeccable. Lorsque son parachute s’est ouvert et qu’il a atterri sur ses jambes, comme à l’entrainement. Une émotion, certes, mais pas vraiment de frisson.

Mur du son et combinaison

Il reste de Felix Baumgarnter a démontré l’absence d’impact du passage du mur du son sur un corps humain. Ce qui n’avait jamais été expérimenté. Avant son saut, on pouvait craindre des effets désagréables, voire graves, dus aux vibrations engendrées par le front d’ondes. Il semble que, sur la masse réduite d’un corps humain, cette barrière n’ait pas de conséquences néfastes. Il va de soi que la combinaison du parachutiste a joué un rôle essentiel de protection vis à vis des conditions extérieures, en particulier la faible pression atmosphérique, l’absence d’oxygène et la température très basse pendant la chute libre. C’est même la véritable justification scientifique de l’expérience. Grâce à Felix Baumgartner, l’équipement utilisé est validé pour une hauteur de chute de 39 km. Cela pourrait sauver la vie d’astronautes en perdition lors d’une rentrée en catastrophe dans l’atmosphère. Avant que leur vaisseau n’atteigne les couches les plus denses, ils pourraient être éjectés à cette altitude et retomber en parachute. Mais l’opération sera beaucoup plus délicate avec une capsule se déplaçant à grande vitesse qu’avec une nacelle de ballon presque immobile au moment du saut.

Michel Alberganti

Note: Le texte a été modifié en remplaçant “l’apesanteur” par “sa combinaison compensant la très faible pression atmosphérique extérieure” grâce aux commentaires de JeanBob et Jacques Ghémard.

Le dernier paragraphe a également été ajouté.

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Un homme en chute libre peut-il franchir le mur du son ?

Felix Baumgartner rêve de devenir le premier homme à franchir le mur du son. Jusqu’à présent, seuls les pilotes d’avions militaires y sont parvenus, à l’exception de ceux du Concorde dont les vols se sont arrêtés en 2003 et de Andy Green qui a atteint 1227.99 km/h le 15 octobre 1977. Mais tous ces pilotes étaient protégés par des avions ou des engins terrestres. Felix Baumgartner, lui, n’aura qu’une combinaison…
Il faut dire que cet Autrichien de 43 ans, parachutiste depuis l’âge de 16 ans, n’est pas un personnage ordinaire. Il a sauté en parachute depuis le Christ de Rio de Janeiro et, en 2007, depuis le 91ème étage de la plus haute tour du monde à l’époque, la Tapei 1001 de Taiwan. Quand on a sauté 2500 fois d’à peu près n’importe où, que faire de plus ? La réponse de Felix Baumgartner à cette question que peu de gens se posent est simple: franchir le mur du son… Tout seul, sans moteur, sans avion. C’est le défi qu’il s’est lancé avec l’équipe du projet Red Bull Stratos qui veut également  battre le record du monde l’altitude pour un saut en parachute. Un record établi le 16 août 1960 par Joseph Kittinger, un pilote de l’US Air Force, qui s’est élancé depuis une sorte de gondole tractée par des ballons gonflés à l’hélium à une altitude de 31,3 km. Ce record, établi en pleine guerre froide et course à l’espace avec les Russes, n’a jamais été battu depuis.

A 36,5 km du sol

Le 25 juillet 2012, équipé d’une combinaison de cosmonaute,  Felix Baumgartner a sauté depuis une altitude de 29 km au dessus de Roswell, célèbre pour ses OVNI depuis 1947. Au mois d’août, sans doute vers le 16…, il doit tenter un saut à 36,5 km d’altitude. Et battre ainsi le record de Joseph Kittinger qui n’est autre, à 83 ans, que son conseiller. Au delà de ce gain de 5 km d’altitude, c’est le passage du mur du son qui devrait donner sa principale originalité à cet exploit. Mais comme imaginer que Felix Baumgartner y parvienne alors qu’un parachutiste dépasse à peine les 200 km/h en chute libre ? Le mur du son, lui, ne peut être atteint qu’à environ 330 m/s ou 1200 km/h. Impossible, a priori…

Toute l’astuce : exploiter l’altitude

Toute l’astuce du parachutiste réside, justement, dans la prise d’altitude. A 36 km de la Terre, la gravité existe toujours mais les molécules d’air sont devenues beaucoup plus rares qu’au sol tandis que la température voisine les -40°C. La pression est tombée à 1% de sa valeur sur la surface de la Terre (0,9 kPa contre environ 100 kPa au sol, soit une atmosphère). La densité de l’air a également été divisée par 100. De plus, la vitesse du son a changé. Fonction de la pression, de la densité et de la température, elle est passée des 330 à 340 m/s au sol (suivant la température) à 302 m/s à 30 km d’altitude. Soit “seulement” 1087 km/h, un gain de 100 km/h par rapport au sol. C’est justement à cette altitude que Felix Baumgartner estime qu’il atteindra sa vitesse maximale après s’être élancé de 36,5 km. C’est à 30 km, après 6 km de descente, qu’il atteindra l’optimum entre la vitesse acquise et la résistance de l’air. Au delà, cette dernière commencera à le ralentir.

Si le parachutiste atteint ou dépasse cet objectif, 1087 km/ à 30 km d’altitude, il deviendra le premier être humain à franchir le mur du son. Que se passera-t-il alors ? Difficile à dire tant ce phénomène physique est complexe. On se souvient de l’angoisse des pilotes d’avion avant que cette frontière ne soit franchie. Après la seconde guerre mondiale, ils ont commencé à s’en approcher et ont ressenti les premiers effets du phénomène: instabilité, durcissement des commandes. La sensation d’une limite peut-être indépassable est à l’origine de l’expression “mur du son”. Pourtant, le 14 octobre 1947, Chuck Yeager réussit pour la première fois à franchir ce mur. Une aventure relatée remarquablement dans le film de Philip Kaufman “L’étoffe des héros” où Sam Shepard incarne Chuck Yeager.

Le mur du son désigne un moment particulier où la vitesse d’un objet dans l’atmosphère atteint la vitesse du son. Il se produit alors un phénomène de superposition des perturbations (ondes se propageant dans l’air) créées par l’objet qui engendre le fameux bang, ce bruit d’explosion qui accompagne le passage en régime sonique (vitesse égale à celle du son). La puissance de ce front d’ondes dépend de la forme et de la taille de l’objet qui le provoque. On peut se demander quel sera son impact sur la combinaison et sur l’organisme  de Felix Baumgartner. Risque-t-il un déchirement qui serait fatal ? Cela semble peu probable, encore en raison de la faible densité de l’air et de son faible poids. Néanmoins, de trop fortes perturbations pourraient le déstabiliser ce qui aurait également des conséquences graves. Tout dépendra donc de sa résistance physique et de sa technique. De ce coté, il semble difficile d’être plus aguerri que Felix Baumgartner. Il n’est donc pas impossible qu’il accroche ce nouvel exploit à son palmarès de performances toutes aussi spectaculaires qu’inutiles. Selon CBS, le mur du son et le record d’altitude pour un saut en parachute devrait lui coûter quelque 20 millions de dollars. On comprend la forte médiatisation qui accompagne le projet Red Bull Stratos.

Michel Alberganti

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