Richard Muller : la conversion publique d’un climatosceptique

“Appelez-moi un sceptique converti”. C’est par ces mots que Richard A. Muller, professeur de physique à l’université de Berkeley, commence son point de vue publié dans l’édition du New York Times du 28 juillet 2012. Suit ensuite le récit de cette conversion aussi spectaculaire qu’exemplaire. Il y a trois ans, ce scientifique avait conçu de sérieux doutes sur les études concernant le changement climatique. L’an dernier, il a créé un groupe de travail rassemblant une douzaine de collègues. “J’en ai conclu que le réchauffement de la planète était réel et que les estimations précédentes de l’évolution de ce réchauffement étaient correctes. Je fais maintenant un pas supplémentaire: les hommes en sont presque entièrement la cause”, écrit-il.

L’origine humaine du réchauffement

Pour parvenir à de retournement complet d’opinion et à cet aveu public de sa conversion, Richard Muller a lancé un projet, Berkeley Earth Surface Temperature, avec sa fille Elisabeth. Le résultat qu’il a obtenu montre que la température terrestre a augmenté de 1,4°C au cours des 250 dernières années dont 0,8°C pendant les 50 dernières années. Pour lui, la totalité de ce réchauffement est probablement liée aux émissions humaines de gaz à effet de serre.

Richard Muller estime que ces résultats vont plus loin que les affirmations publiées par le GIEC en 2007. Le dernier rapport de cette institution attribuait la plus grande part du réchauffement des 50 dernières années à l’activité humaine et estimait que l’augmentation de température observée avant 1956 pouvait être liée aux modifications de l’activité solaire et même qu’une part substantielle du réchauffement pouvait être d’origine naturelle.

Le projet Berkeley Earth Surface Temperature a fait appel à des méthodes statistiques sophistiquées développée par Robert Rohde afin d’évaluer la température terrestre lors de périodes plus anciennes. Ainsi, toutes les sources d’erreurs utilisées par les sceptiques pour contester l’origine anthropique du réchauffement ont été prises en compte :  biais dû au chauffage urbain, sélection des données utilisées, faible qualité des informations provenant de certaines stations météo, correction humaine des données. “Nous démontrons qu’aucun de ces effets perturbateurs potentiels ne biaisent nos conclusions”, déclare Richard Muller.

Pas d’empreinte de l’activité solaire

Le physicien règle également son compte à l’activité solaire, principal argument opposé par les climatosceptiques aux conclusions du GIEC. Pour eux, les variations de température terrestre seraient essentiellement liées aux cycles solaires. Ils expliquent ainsi la stabilité de cette température observée depuis quelques années et prédisent même un prochain refroidissement en raison du ralentissement en cours de l’activité solaire. Ainsi, le soleil dédouanerait l’homme de sa responsabilité et l’effet de serre ne jouerait qu’un rôle mineur dans le réchauffement.

Les calculs effectués par l’équipe de Richard Muller invalident cette théorie. “Notre analyse concerne une période assez longue pour nous permettre de chercher l’empreinte de l’activité solaire basée sur l’enregistrement de l’historique des taches solaires. Cette empreinte est absente”, conclue-t-il. Pour lui, l’augmentation de la température terrestre observée depuis 250 ans ne peut donc être attribuée au soleil.

Corrélation et causalité

Quant à l’attribution de ce réchauffement à l’activité humaine, elle est liée à la courbe du CO2 qui apporte une meilleure corrélation que tous les autres facteurs testés. Cela n’induit pas, bien entendu, une causalité, surtout pour un sceptique… Mais Richard Muller note que cela “monte la barre” dans la mesure où c’est le CO2 qui apporte la meilleure explication du phénomène de réchauffement.

“C’est un devoir du scientifique d’être convenablement sceptique”, ajoute le physicien dont la conversion ne va pas jusqu’à adhérer aux scénarios les plus catastrophistes.  Il estime que bon nombre, si ce n’est la plupart, des phénomènes attribués au changement climatique “sont spéculatifs, exagérés ou complètement faux”. Sur ce point, pas de conversion. “L’ouragan Katrina ne peut pas être attribué au réchauffement climatique”, affirme Richard Muller. Il ajoute que, pour lui, les ours blancs ne souffrent pas de la réduction des surfaces de glace pas plus que les glaciers himalayens ne vont disparaître en 2035 (une allusion à une erreur du GIEC).

Honnêteté intellectuelle

“La science est ce domaine étroit de la connaissance qui est, en principe, universellement accepté”, note-t-il. Après avoir étudié des questions qu’il estimait sans réponse, Richard Muller espère avoir apporté sa contribution au débat scientifique sur le réchauffement climatique et ses causes humaines. Il reconnaît qu’il reste la partie la plus difficile: obtenir un accord dans le champ politique et diplomatique sur ce qui peut et doit être fait. Nul doute que la démarche de Richard Muller pourra servir d’exemple à d’autres climatosceptiques qui ne font pas toujours preuve de la même rigueur scientifique et de la même honnêteté intellectuelle. Au droit au doute répond le devoir de reconnaître ses erreurs. En science comme ailleurs.

Michel Alberganti

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Débat sur le climat: Claude Allègre s’en mêle… aux Etats-Unis

“Pas besoin de paniquer au sujet du réchauffement planétaire”. Un titre éloquent qui semble tout droit tiré d’un blog de climato-sceptiques. En fait, il s’agit de celui d’un point de vue publié dans la rubrique “Opinion” du Wall Street Journal, dans son édition du 27 janvier 2012. Le texte est signé par pas moins de 16 scientifiques au pedigree respectable, bien que souvent à la retraite, dont l’un au moins n’est pas inconnu des Français… Claude Allègre, ordre alphabétique oblige, se retrouve même en tête de la liste…
Comme son titre l’indique clairement, il s’agit d’un plaidoyer climato-sceptique destiné aux candidats aux élections américaines. Le message est simple et bien connu: pas la peine de dépenser beaucoup d’argent pour lutter contre le réchauffement climatique en réduisant les émissions de CO2 par l’industrie et le transport. Pourquoi ? D’abord parce que l’augmentation de température s’est ralentie au cours des 10 dernières années, dixit les signataires. Et surtout parce que le lien entre ce réchauffement et l’accroissement du taux de CO2 dans l’atmosphère serait loin d’être établi, toujours selon les climato-sceptiques. Rien de nouveau sous le soleil, donc… Ou plutôt si: son absence dans le raisonnement des anti-consensus. Alors que le réchauffement est présenté, par les contestataires comme le géophysicien Vincent Courtillot en France, comme dû à l’augmentation de l’activité solaire au cours des dernières décennies, cet argument n’est plus repris par le texte publié dans le Wall Street Journal. Il faut dire que, toujours selon cette thèse, le soleil entrant dans une phase de moindre activité, le réchauffement doit se ralentir, comme le montrerait le plateau du réchauffement observé au cours des 10 dernières années.

Impact du CO2

Evolution de la concentration en CO2 dans l'atmosphère mesurée au Mauna Loa Observatory, Hawaii. Courbe en rouge: valeurs mensuelles moyennes. Courbe en noir: valeurs corrigées par les variations saisonnières. Source: NOAA

Le point de vue des climato-sceptiques américains se focalise sur le rôle du CO2 dont l’impact sur l’économie est direct.  Les signataires le martèlent: pour eux, l’impact de l’accroissement de la concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère sur le réchauffement de la planète n’est pas démontré. Mais le débat sur ce point serait tabou, interdit par la majorité des scientifiques défendant la thèse inverse et réclamant des mesures drastiques pour limiter les rejets de gaz à effet de serre, dont le CO2, dans l’atmosphère. Ce diktat du consensus aurait conduit, selon le texte, Ivar Giaever, prix Nobel de physique en 1973 pour ses découvertes sur l’effet tunnel dans les semi-conducteurs, supporter du président Obama et climato-sceptique connu, à ne pas renouveler son adhésion à l’American Physical Society. Cette dernière a en effet affirmé que ” la preuve du réchauffement climatique est irréfutable” [incontrovertible]. Un mot qui n’est pas passé et sur lequel les signataires du texte du Wall Street Journal s’appuient pour dénoncer une chasse aux sorciers du climat, tels Chris de Freitas, éditeur du journal Climate Research. Ils vont jusqu’à invoquer, à nouveau, l’affaire Lysenko en se comparant aux scientifiques dissidents russes envoyés au goulag parce qu’ils croyaient à la génétique. Voici donc les climato-sceptiques auto-érigés en hérétiques pourchassés par l’inquisition du réchauffement…

Manque de réchauffement

Le plus étonnant, dans l’argumentaire des signataires, concerne leur affirmation que l’on observerait un “manque de réchauffement depuis plus de 10 ans” et que l’augmentation de la température du globe sur les 22 dernières années serait inférieure aux prévisions du GIEC. L’argumentaire se radicalise ainsi en s’attaquant désormais, non seulement au rôle du CO2, mais également à la réalité de la poursuite du réchauffement.
Sur ce dernier point au moins, il semble bien difficile de les suivre, tant ils s’opposent à de nombreux signes de l’augmentation de la température du globe depuis le début du 21ème siècle.

 

La courbe ci-dessus montre à la fois l’évolution des anomalies de température (plus faciles à mesurer que les température moyennes absolues sur la planète) entre 1880 et 2010. La courbe en bleu compare ces anomalies annuelles avec la moyenne du 20ème siècle (1901-2000). On constate que cette dernière atteint une sorte de plateau à partir de 2005. En effet, les années comprises entre 2006, 2007, 2008 et 2009 ont connu des anomalies de température plus faibles. Cela n’a pas été le cas de 2010 qui se situe à un niveau record, égalant le pic de 2005 et dépassant celui de 1998.

Records de chaleur en 2005 et 2010

En 2010, selon l’agence fédérale américaine National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), tous les records de température ont été battus avec une augmentation de 0,62°C par rapport à la moyenne du 20ème siècle (13,9°C). En 2011, rebelote. L’année égale le niveau de 1997 et se classe en 11ème position dans les années records depuis 1880. La température moyenne du globe se situe 0,51°C au dessus de la moyenne du 20ème siècle. La NOOA note que 2011 est la 35ème année consécutive avec une température supérieure à la moyenne du 21ème siècle. Certes, avec un résultat similaire à 2004, 2011 va conduire à un prolongement du plateau de la courbe bleue du schéma ci-dessus. Une représentation quelque peu trompeuse car elle lisse le phénomène. Néanmoins, il est clair qu’elle affiche une croissance depuis l’an 2000, contrairement à la position des climato-sceptiques qui déclarent, dans le texte du Wall Street Journal, que ” le fait le plus gênant est le manque de réchauffement global pendant bien plus de 10 ans maintenant”.

Affirmation sans source

Une affirmation qui contredit donc la NOAA. Il eut été indispensable de citer une source pour étayer la crédibilité d’une telle assertion. De la même façon, le texte conteste les modèles informatiques qui servent aux climatologues à établir le lien entre réchauffement et concentration en CO2 dans l’atmosphère. Pour les signataires “le manque de réchauffement au cours de la dernière décennie – en fait  le réchauffement le plus inférieur aux prévisions sur les 22 dernières années pendant lesquelles le GIEC a publié des prévisions – suggère que les modèles informatiques ont grandement exagéré le réchauffement que peut engendrer une augmentation du CO2”. Fondée sur une affirmation non démontrée, la contestation se révèle un peu courte.

Perception délicate

La perception du changement climatique à travers la météo est délicate et les climato-sceptiques exploitent largement cette difficulté. Ainsi, alors que l’année 2010 a battu tous les records au niveau mondial, elle est révélée particulrement “fraiche” en France. En revanche, 2011, année tiède dans le classement planétaire, a été la plus chaude en France depuis 1900, selon le bilan de Météo France. Elle surpasse même 2003, année de la fameuse canicule meurtrière.

 

La délicate relation entre météorologie et climatologie devrait conduire le GIEC à un effort pédagogique. Or, ce dernier se contente de publier ses rapports tous les… 7 ans. Après celui de 2007, il faudra attendre 2014 pour un nouvel état des lieux du réchauffement climatique. Les rares documents intermédiaires manquent souvent de conclusions claires. Ainsi, le dernier en date concernant la relation entre les événements climatiques extrêmes et l’augmentation de la température de la Terre liée aux activité humaine brille surtout par son luxe de précautions.

Manque de pédagogie

Lorsque l’on cherche des données sur les mesures annuelles montrant l’évolution de la température su globe, M. Google ne nous aide guère. Il faut fouiller pour dénicher les valeurs publiées par la NOAA… Et le site du GIEC n’est guère utile dans ce domaine. Or, face à des climato-sceptiques qui n’hésitent pas à lancer des affirmations sans sources, il serait hautement souhaitable de disposer d’informations faciles d’accès et présentées de façon pédagogique. Quel site va enfin se décider à publier l’évolution de la température de la planète ? Au risque d’afficher des baisses de cette température pour certaines années. Si les climatologues veulent combattre le climato-scepticisme, ils ne peuvent que gagner à fournir de telles données aux citoyens qui cherchent à étayer leur opinion. D’ailleurs le temps presse. En particuliers aux Etats-Unis où la vogue du scepticisme est telle que la question de la climatologie a rejoint celle du néo-créationnisme (l’intelligent design) en matière d’enseignement dans les écoles.
Dans ce contexte, on ne peut que saluer l’effort de la NASA pour illustrer le réchauffement climatique au cours du temps :

 

Michel Alberganti

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La sélection du Globule #72

– Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a rendu un rapport spécial sur les événements météorologiques dits extrêmes : il confirme que les vagues de chaleur, pluies torrentielles, épisodes de sécheresse, etc, vont se banaliser d’ici à la fin du siècle. Une conséquence directe, selon les chercheurs, du réchauffement climatique.

L’expérience Opera, au CERN, vient d’effectuer un nouveau test confirmant que, pour elle, les neutrinos vont plus vite que la lumière. Reste à avoir une validation indépendante.

Toujours dans le domaine de la physique fondamentale, le moment de vérité approche pour le boson de Higgs, cette particule théorique censée donner sa masse à la matière : le LHC (le Grand Collisionneur de hadrons du CERN) devrait, d’ici quelques mois, soit le découvrir, soit l’envoyer aux oubliettes de la science, ce qui forcerait les physiciens à élaborer une nouvelle théorie.

Une équipe française vient de mettre au point un matériau plastique que l’on peut fondre, mouler, utiliser et refondre à l’envi, comme le verre. Nombreuses applications industrielles en vue.

On cite souvent en exemple la Chine et l’Inde, comme pays où sont pratiqués des avortements sélectifs en fonction du sexe du fœtus, décelé à l’échographie. D’où des sex ratios très favorables aux garçons. La pratique existe aussi en Europe comme le montre ce reportage de l’AFP en Albanie où nombre de futures petites filles ne voient jamais le jour.

Les animaux d’élevage reçoivent trop d’antibiotiques et la France veut réduire d’un quart la prise, souvent inutile, de ces médicaments afin de préserver l’efficacité de l’arsenal thérapeutique.

Pour ceux que l’histoire des sciences intéresse, le CNRS vient de lancer un dossier sur Antoine Lavoisier (1743-1794), l’un des pères de la chimie moderne.

Pour finir, dans ma chronique hebdomadaire du Monde sur l'”improbablologie”, je m’attaque à l’une des questions les plus cruciales que se posent les automobilistes : dans un bouchon, pourquoi cela avance-t-il plus vite toujours dans l’autre file ?

Pierre Barthélémy

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La sélection du Globule #71

– L’Union internationale pour la conservation de la nature vient de publier sa Liste rouge annuelle des espèces en danger et on y apprend, entre autres, que plus d’une espèce de conifères sur quatre est menacée. Par ailleurs, le rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest est officiellement considéré comme éteint.

Pour rester dans le domaine de la biodiversité, le débat suivant se tient discrètement depuis des années : faut-il laisser tomber les efforts de sauvegarde de certaines espèces pour se concentrer sur celles qu’on a le plus de chances de sauver ? Près de 600 chercheurs ont été interrogés à ce sujet et la majorité est favorable à l’idée d’un “tri sélectif” des espèces menacées, puisqu’une perte de biodiversité est inévitable. Adieu le panda, l’ours polaire et le tigre ?

L’Agence internationale de l’énergie est peu optimiste sur les capacités de l’humanité à réduire de manière drastique ses émissions de gaz à effet de serre (GES) et donc à limiter le réchauffement climatique sous la barre des 2°C de plus à la fin du siècle. Comment réussir à tenir cet objectif ? Le Temps a posé la question à des chercheurs. Rappelons au passage que le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de GES expire en 2012 et que les nations du monde n’ont toujours pas réussi à se prendre en main pour le prolonger…

L’impact du changement climatique sur la santé et les dépenses de santé sera énorme, annonce le Huffington Post en se basant sur une étude parue dans la revue Health Affairs.

– Les Russes n’ont jamais eu beaucoup de réussite dans leur politique d’exploration martienne. Cela se confirme avec la perte de la sonde Phobos-Grunt qui devait étudier un satellite de Mars.

Et pendant ce temps-là, les sondes américaines Voyager, lancées en 1977, fonctionnent toujours aux confins du système solaire, nous rappelle Time.

Le premier voyage de presse dans la centrale japonaise de Fukushima, depuis le tsunami du 11 mars qui y a provoqué une catastrophe nucléaire.

Pour finir, ma chronique “Improbablologie” de la semaine dans Le Monde révèle aux sportifs du dimanche comment améliorer leurs performances grâce à un mystérieux effet placebo…

Pierre Barthélémy

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La planète n’est pas en danger. L’humanité oui

C’est un des articles qui a fait le “buzz” du début de la semaine sur le site Internet du Monde. Son titre : “Pour sauver la planète, mieux vaudrait que les Américains cessent de se reproduire”. Le papier racontait qu’une association américaine de défense de l’environnement profitait de l’effet “7 milliards d’habitants” pour demander aux personnes habitant aux Etats-Unis de réfléchir à deux fois avant de procréer, étant donné qu’elles ont le plus fort impact en termes d’émissions de gaz carbonique. On pouvait y voir une série d’affichettes vantant les mérites des préservatifs pour la préservation (justement !) d’espèces animales, le tout avec des slogans à rimes dont voici un exemple traduit en français par mes soins : “Enveloppez soigneusement… Sauvez l’ours blanc.”

Au-delà de ces publicités, on a pu constater, au fil des dernières années, une multiplication des campagnes médiatiques pour, je cite, “sauver la planète”. Pour “sauver la planète”, ne mangeons plus de viande car une vache élevée, c’est x hectolitres d’eau, y tonnes de CO2, z flatulences et éructations remplies de méthane. Pour sauver la planète, préférons le vélo à l’auto sur les petits trajets. Pour sauver la planète, isolons bien nos maisons et ne les chauffons qu’à 19°C. Pour sauver la planète, préférons des appareils électro-ménagers moins gourmands en électricité ou des ampoules basse consommation. Pour sauver la planète, recyclons nos déchets. Pour sauver la planète, lavons-nous moins souvent et nos vêtements aussi. Pour sauver la planète, consommons local. Pour sauver la planète, sortons du capitalisme (pour reprendre le titre d’un livre de mon confrère du Monde, Hervé Kempf). Etc.

A lire tous ces slogans, j’ai envie de dire une chose. Ceux qui les ont écrits se trompent de sauvetage. Ce n’est pas la planète qu’il faut sauver en agissant ainsi, mais bien l’humanité et, plus précisément, si l’on enlève l’hypocrisie, notre style de vie très confortable : je doute en effet que la majorité des humains mangent de la vache tous les jours, roulent en voiture, chauffent leurs maisons, aient quantité de grille-pain, de mixers et de machines à laver. Pour être très clair : la planète n’est pas à sauver parce qu’elle n’est pas en danger. Même si certains considèrent que nous sommes entrés dans une nouvelle ère géologique, l’anthropocène, marquée par la capacité de l’homme à bouleverser son écosystème, à le polluer, à modifier la composition atmosphérique, à détruire massivement des espèces et des ressources naturelles, à créer des tremblements de terre, la planète n’en a cure. Pour la simple raison qu’elle a connu des révolutions bien plus profondes, des changements climatiques drastiques, cinq grandes extinctions de masse, des hivers nucléaires sans nucléaire mais avec volcans, des perturbations orbitales, des bombardements de météorites ou d’astéroïdes, des glaciations incroyables des dislocations de continents, et qu’elle s’en est toujours remise. La vie a toujours repris ses droits même lorsque, il y a 250 millions d’années, 96% des espèces marines ont disparu ainsi que 70% des vertébrés terrestres.

Pourquoi ? Parce que ce système naturel qu’est la Terre s’ajuste aux conditions qui lui sont imposées. Dans le cas du réchauffement climatique, la planète retrouvera, dans quelques siècles, un équilibre. Simplement, il sera bien loin de celui que nous connaissons et nos descendants risquent d’y laisser des plumes : parce que les extrêmes climatiques seront plus fréquemment atteints, parce que les villes côtières seront fragilisées par la montée des océans quand elles ne disparaîtront pas, parce que l’accès aux ressources naturelles de base telles que l’eau potable et la nourriture sera nettement plus problématique voire une source de conflits, parce que les services rendus gratuitement par la nature seront réduits en raison de la perte de biodiversité.

Invoquer la sauvegarde de la planète pour inciter les gens à un mode de vie plus respectueux de l’environnement est un argument défectueux. Ne pas expliciter qu’en ayant dépassé les limites de notre biosphère nous mettons en péril la survie même de notre propre espèce s’avère une manière de fermer les yeux sur nos responsabilités et sur les défis qui nous attendent. Comme une façon étrange de nous extraire de notre écosystème et d’oublier que nous constituons l’une des “cibles” des changements globaux, parce que nous sommes fragiles. C’est bien l’humanité qu’il faut sauver. La planète, elle, se sauvera toute seule.

Pierre Barthélémy

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La sélection du Globule #68

– La Thaïlande est confrontée aux pires inondations de son histoire récente. Plusieurs articles sur lemonde.fr. Et un portfolio sur cyberpresse.ca.

– Le sud de la France souffre toujours de la sécheresse alors que l’automne est déjà bien entamé. Le déficit en précipitations menace les cultures hivernales et l’alimentation du bétail.

Toujours dans le même ordre d’idées, le réchauffement climatique (que vient de confirmer une nouvelle étude) se fait de plus en plus sentir sur les réserves d’eau potable.

Pour la première fois de sa longue histoire, la fusée russe Soyouz est partie depuis Kourou, en Guyane. Elle a mis sur orbite les deux premiers satellites de la constellation Galileo, qui se veut le concurrent américain du GPS.

Des astronomes pensent avoir détecté une pluie de comètes sur une planète tournant autour d’une étoile jeune de la constellation du Corbeau. Les comètes, chargées de glace, ayant apporté une partie de son eau à la Terre, une nouvelle planète bleue est-elle en train de naître à 59 années-lumière de nous ?

Les guerres du troisième millénaire se feront-elles sans verser le sang et en se contentant de détruire, par des chocs électromagnétiques, l’électronique des blindés, des avions et des missiles ? Certains y pensent et y travaillent, explique The Economist.

– L’art de préparer les pigments pour les peintures a au moins 100 000 ans, si l’on en croit la découverte d’un “atelier” consacré à cet effet dans une grotte sud-africaine.

Je ne résiste pas au plaisir, un peu puéril, de vous parler de cet Irlandais qui, au cours d’une expérience où il tentait de transformer ses excréments en or, a mis le feu à son appartement. Résultat : trois mois de prison pour avoir mis la vie d’autres personnes en danger et pour les dégâts causés. L’alchimie est un art aussi difficile qu’incompris…

Ah, au fait, l’Apocalypse n’a apparemment pas eu lieu. Harold Camping, qui l’avait prédite pour le mois de mai puis pour le 21 octobre s’est encore trompé. Va-t-il réviser une nouvelle fois ses calculs ?

Pour finir : ma chronique “Improbablologie” de cette semaine dans Le Monde tente de répondre à une question fondamentale : quelle barre chocolatée ferait le meilleur os ? Je ne vous dis que ça.

Pierre Barthélémy

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Le réchauffement climatique va-t-il nous faire rapetisser ?

Dans le jeu des sept familles des impacts du réchauffement climatique sur les écosystèmes et les espèces vivantes, on a déjà la fonte des glaciers et de la banquise arctique, la montée des océans, leur acidification, l’augmentation de la fréquence des feux de forêts, le déplacement des espèces vers la fraîcheur (plus hautes altitudes et latitudes), des saisons de reproduction et de floraison qui commencent plus tôt et… il m’en manque une septième. Et pourquoi pas l’impact direct sur le “physique” des plantes et animaux ? C’est ce que suggère un article de perspective publié, dimanche 16 octobre, par la revue Nature Climate Change.

Signé par Jennifer Sheridan et David Bickford, biologistes à l’université de Singapour, ce travail explique que le réchauffement climatique devrait conduire à une réduction de la taille de la plupart des êtres vivants, rapetissement que l’on est sans doute déjà en train de constater sur certaines espèces, soit parce qu’elles ont des générations courtes et s’adaptent vite comme certains passereaux ou rongeurs, soit parce qu’elles sont particulièrement touchées par le changement de climat ou sensibles, comme l’ours polaire ou le cerf. Cette diminution de la taille au cours d’un épisode de rapide réchauffement climatique est par ailleurs documentée par les fossiles datant du Maximum thermique du passage Paléocène-Eocène (-55,8 millions d’années), une parenthèse brûlante de vingt millénaires durant laquelle la température a augmenté de 6°C. A l’époque nombre d’arthropodes se sont carrément nanifiés, scarabées, abeilles, guêpes, araignées, fourmis et autres cigales perdant entre 50 et 75 % de leur taille !

Un certain nombre d’expériences de climatologie à échelle réduite, où l’on manipule artificiellement certaines données de l’environnement, ont confirmé cette tendance. Ainsi, une acidification de l’eau, conséquence de la plus forte teneur de l’atmosphère en dioxyde de carbone, ralentit-elle la croissance et la calcification de nombreuses espèces comme les mollusques à coquilles ou les coraux. De même, les petits crustacés que sont les copépodes, certaines algues et le phytoplancton réagissent négativement à une baisse du pH océanique. Lorsque les chercheurs bidouillent la température à la hausse, les conséquences ne sont guère différentes. Tout degré Celsius supplémentaire se traduit en moyenne, pour toute une variété de plantes, par une réduction significative de la masse des pousses et des fruits. Et quand il s’agit d’animaux, plusieurs études ont montré une diminution de la taille chez des invertébrés marins, des poissons ou des salamandres. Idem pour les sécheresses provoquées.

Quels mécanismes l’article de Nature Climate Change évoque-t-il pour expliquer ce rapetissement ? Plusieurs causes sont citées, à commencer par la raréfaction de l’eau et des nutriments. Les prédictions des climatologues et de leurs modèles prévoient une fréquence accrue des épisodes de sécheresse, y compris dans les régions du monde qui seront plus arrosées à l’avenir. Une diminution de la taille des plantes est donc à prévoir et donc une baisse des ressources végétales pour les herbivores. Autre facteur jouant un rôle dans le rapetissement animal : le métabolisme augmente avec la température chez les espèces à sang froid. Etant donné que les ressources en calories sont réparties entre le métabolisme, la reproduction et la croissance, il y a fort à parier que cette dernière servira de variable d’ajustement à moins que les animaux parviennent à se nourrir davantage. Mais à trop rétrécir, certaines espèces risquent, en descendant sous un certain volume, la mort par dessication, notamment chez les amphibiens très sensibles à la déshydratation. Autre dérèglement que l’on commence à voir en Amazonie : la hausse du CO2 atmosphérique profite davantage aux lianes, à croissance rapide, qu’aux arbres, à croissance lente. Résultat : les arbres sont étouffés et meurent davantage, ce qui réduit la biodiversité.

A priori, certaines espèces, minoritaires, tirent bénéfice des nouvelles conditions climatiques pour grandir. Ainsi, certains lézards de France profitent-ils des températures estivales plus élevées lors de leur premier mois de vie pour gagner en taille par rapport aux générations précédentes. Cela dit, ce bénéfice risque d’être de courte durée car, à plus long terme, ces reptiles pourraient ne pas survivre au changement d’habitat produit par le réchauffement climatique… Et l’homme dans tout cela ? L’article n’évoque pas directement la taille de cette espèce dont on sait que ses représentants les mieux nourris ne cessent de grandir (et de grossir) depuis des décennies. En revanche, puisqu’on parle de nourriture, la conséquence de tout ce qui précède pourrait bien se faire sentir dans les assiettes. Si les plantes et animaux diminuent en taille alors même que la population mondiale devrait s’enrichir de deux milliards d’humains supplémentaires au cours des quarante prochaines années, on pressent comme un problème. Il est donc important de mieux quantifier ce phénomène et les auteurs de l’article proposent une solution économique pour le faire : utiliser les millions de spécimens présents dans les collections des plus grands muséums d’histoire naturelle du monde, dont certains sont là depuis des siècles, et les compléter avec les expéditions de terrain pour mesurer l’évolution récente de la taille des êtres vivants à la surface de notre petite planète.

Pierre Barthélémy

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La sélection du Globule #65

– Que ce soit par la chaleur, le manque d’eau, les incendies plus fréquents ou les ravageurs qu’il favorise, le réchauffement climatique tue de plus en plus de forêts dans le monde. Forêts qui présentaient jusque là l’avantage de stocker beaucoup de carbone. Cela s’appelle un cercle vicieux.

– Après avoir été secoué, la semaine dernière, par l’expérience des neutrinos plus rapides que la lumière, l’héritage d’Albert Einstein vient d’être réconforté par une étude réalisée sur des milliers d’amas de galaxies, confirmant les prédictions de la théorie de la gravitation énoncée par le savant à moustache.

Après un quart de siècle de bons et loyaux services, le Tevatron, le plus puissant accélérateur de particules américain, a fermé ses portes le 30 septembre. Faute de crédits. Le LHC du CERN perd son principal concurrent.

La Chine a lancé le premier module de sa station orbitale. Histoire de montrer un peu plus qu’elle veut jouer dans la cour des grands du spatial.

Depuis quelques mois, la sonde Messenger travaille en orbite autour de Mercure. Et les informations qu’elle envoie vont forcer les astronomes à réécrire les chapitres qu’ils ont consacrés à la plus petite planète du système solaire, notamment sur sa formation.

Avant que la voiture sans pilote n’arrive sur le marché, nous connaîtrons peut-être la phase des autos capables de lire dans notre pensée et de se préparer à bifurquer à droite ou à gauche alors que nous n’aurons pas commencé à tourner le volant.

Le Danemark est le premier pays au monde à introduire une taxe sur les produits contenant des graisses saturées. Du coup, avant qu’elle n’entre en vigueur, les consommateurs se sont rués sur le beurre…

Pour finir : ma deuxième chronique d'”improbablologie” est parue dans Le Monde. Au menu cette fois-ci, une étude testant toutes les manières d’embarquer dans un avion… A lire ici.

Pierre Barthélémy

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Jusqu’où s’étaleront les villes ?

Tout a basculé en 2007. Cette année-là, la proportion de la population mondiale vivant dans des villes a dépassé les 50 %. Depuis, on ne cesse de voir fleurir les palmarès des plus grandes mégalopoles, avec des projections sur le nombre d’habitants qu’elles accueilleront au cours des décennies futures. Mais une ville n’est pas faite que de ses habitants et il est un critère qui n’apparaît pas assez souvent : la superficie de ces agglomérations grandissantes. Car plus une ville absorbe d’hommes, de femmes et d’enfants, plus elle doit bâtir de logements, de bureaux, d’écoles, d’hôpitaux, d’immeubles administratifs, d’infrastructures routières, etc. Des espaces en général conquis sur les terres agricoles ou les forêts, mais à quelle vitesse ?

Car si on sait assez bien, grâce aux recensements, évaluer les populations à l’échelle de pays voire de la planète, il est beaucoup plus compliqué d’obtenir des données à grande échelle sur la superficie qu’occupe le tissu urbain. C’est à cette question délicate que tente de répondre une méta-analyse publiée le mois dernier dans PLoS ONE, qui a compilé 181 études publiées dans la période 1988-2008. Tous ces travaux évaluaient, grâce aux données satellitaires, l’évolution des surfaces urbaines de 292 villes réparties dans 67 pays de tous les continents, à l’exception évidemment de l’Antarctique. Les auteurs de cette analyse ont également mis en relation l’accroissement géographique des villes pendant les décennies 1970,1980 et 1990 avec l’augmentation des populations et du PIB des pays où elles sont localisées. Ce faisant, ils se sont aperçus que la croissance de l’urbanisation n’était pas forcément fonction de la hausse de la population. Si c’est plutôt le cas en Afrique et, dans une moindre mesure, en Inde, dans d’autres régions de la planète, c’est l’augmentation du PIB, l’enrichissement, qui est le principal facteur de croissance des villes, y compris en Chine. Cet effet “argent” est encore plus marqué dans les pays où l’usage de l’automobile est généralisé (Etats-Unis, Europe, Australie). Cela dit, partout dans le monde, la superficie des villes a augmenté plus vite que leur population.

Autre enseignement de ce travail, les villes dont la croissance géographique est la plus importante sont situées en régions côtières, et souvent à une altitude inférieure à 10 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les auteurs soulignent qu’étant donné les impacts qu’aura le réchauffement climatique sur le niveau des océans et sur la fréquence des tempêtes, leurs “résultats montrent que l’humanité a sans le savoir augmenté la vulnérabilité de ses populations urbaines” au cours de la période 1970-2000. Par ailleurs, ils ont noté que le voisinage d’une zone naturelle protégée n’a en général absolument pas empêché les villes de s’agrandir. L’urbanisation étant le mode d’occupation du territoire le plus radical, elle s’accompagne de modifications souvent irréversibles de l’habitat naturel des espèces sauvages, réduit quand il n’est pas détruit, ce qui peut conduire certaines d’entre elles à l’extinction. A cela s’ajoutent des perturbations de l’hydrologie et du climat local avec le phénomène de l’îlot de chaleur urbain.

Dans la dernière partie de l’article, les auteurs ont dépassé le constat et ont tenté des projections à l’horizon 2030, en partant de plusieurs bases de données satellitaires et avec quatre scénarios faisant varier la démographie et la croissance économique. Ils obtiennent des résultats allant d’une croissance relativement modérée des zones urbaines dans le monde (+ 430 000 km2 tout de même, soit la superficie d’un pays comme l’Irak) à une explosion des mégapoles, qui se mettent à couvrir des pans entiers de continents (+ 12 568 000 km2 !). Il s’agit là d’un extrême très improbable. Le modèle le plus réaliste prévoit un gain de 1 527 000 km2, soit l’équivalent de la surface de la Mongolie ou, pour donner un ordre de grandeur plus parlant, près de trois fois la superficie de la France métropolitaine.

Selon les Nations unies, près d’un milliard et demi de Terriens supplémentaires vivront dans les villes en 2030. Le scénario qui se dessine est celui de la fusion de villes qui sont actuellement déjà des mégalopoles. Je ne sais pas si le néologisme de “gigapoles” existe déjà, mais il risque de décrire assez bien ces villes sans fin qui se préparent, une multiplication de Los Angeles tentaculaires.

Pierre Barthélémy

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La sélection du Globule #59

Déjà constatée depuis plusieurs années, la migration des espèces animales et végétales vers des latitudes ou des altitudes plus élevées, sous l’effet du réchauffement climatique, s’effectue à une vitesse plus importante que ce que l’on croyait. Un constat dû à l’analyse de données portant sur plusieurs centaines d’espèces, publiée dans Science.

Il y a quelques jours, Kazuma Obara est devenu le premier photojournaliste à pouvoir entrer dans la centrale nucléaire japonaise de Fukushima. Son reportage est à voir sur le site du Guardian.

Une équipe américaine avait recréé des cœurs de rats en remplissant de cellules souches un “squelette” cardiaque entièrement décellularisé. Elle tente désormais la même chose avec des cœurs humains. La médecine régénératrice est une discipline qui explose.

Des astronomes américains ont découvert une étrange planète extra-solaire, plus sombre que du charbon.

En combinant les données de plusieurs satellites, une équipe de chercheurs vient de publier la première carte complète de l’écoulement des glaciers en Antarctique.

Dans l’Antiquité, certains Egyptiens utilisaient déjà du gel pour maintenir leurs cheveux

– Vos vieux DVD commencent à ne plus fonctionner, victimes de l’usure ou de la chaleur ? Vous pouvez désormais graver vos films de vacances sur des DVD qui dureront mille ans…

Pour finir : la génétique va-t-elle enfin intéresser les trafiquants de drogue ? On le saura bientôt puisque le génome du cannabis vient d’être séquencé. Précisons que l’idée principale de ce séquençage est de travailler sur les vertus thérapeutiques de la plante…

Pierre Barthélémy

 

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