A quoi pensent les poissons zèbres ?

Le poisson zèbre, c’est le rêve. Aussi bien pour les amateurs d’aquarium que pour les chercheurs. En effet, outre ses couleurs naturelles et ses capacités à régénérer ses blessures, de la colonne vertébrale par exemple, il possède la caractéristique remarquable d’avoir un corps transparent à l’état d’embryon et de larve. L’idéal pour observer à loisir le fonctionnement son organisme bien vivant. D’où l’idée de révéler à la planète ce qui se passe dans le cerveau d’une larve de poisson-zèbre… Nous rêvions tous de le découvrir sans oser le demander : à quoi pensent les poissons ? La réponse d’une équipe japonaise dirigée par Akira Muto, de l’Institut National de Génétique à Shizuoka, ne nous surprend qu’à moitié : à manger. Encore fallait-il le montrer. Et c’est ce que les chercheurs ont réussi à faire.

Une larve de poisson zèbre peut se nourrir  de paramécies dans la mesure où elle est capable d’attraper ce minuscule protozoaire unicellulaire qui se déplace dans l’eau grâce à ses cils. Que se passe-t-il dans le cerveau du poisson qui guette sa proie ? Pour la première fois, les chercheurs sont parvenus à montrer, avec une grande précision et en temps réel, quelles parties du cerveau de la larve s’activent en fonction de la position de la larve autour d’elle.


Pour y parvenir, les chercheurs ont reproduit l’organisation visuotopique du cortex visuel. Il s’agit de la façon dont l’image parvenant sur la rétine s’imprime dans le cerveau. Grâce à un type de marqueur particulier, le GCaMP qui permet de rendre fluorescent les ions calcium à l’oeuvre dans les neurones, les Japonais ont rendu visibles les zones du cerveau qui s’activent lorsque la larve de poisson zèbre suit sa proie des yeux. Sans surprise, c’est dans le lobe situé à l’opposé de l’oeil qui a capté l’image que les neurones s’allument.

L’étude de l’équipe d’Akira Muto a été publiée dans la revue Current Biology du 31 janvier 2013. L’un de ses collaborateurs, Koichi Kawakami, précise : “Notre travail est le premier à montrer l’activité du cerveau en temps réel chez un animal intact pendant son activité naturelle. Nous avons rendu visible l’invisible et c’est ce qui est le plus important”. La technique utilisée devrait rendre possible la visualisation des circuits neuronaux impliqués dans des comportements complexes, depuis la perception jusqu’à la prise de décision. Une possibilité d’autant plus intéressante que, dans sa conception générale et son fonctionnement, le cerveau d’un poisson zèbre ressemble assez à celui d’un être humain.

“A l’avenir, nous pourrons interpréter le comportement d’un animal, y compris l’apprentissage, la mémorisation, la peur, la joie ou la colère, à partir de l’activité de combinaisons particulières de neurones”, s’enflamme Koichi Kawakami. Autre objectif : analyser l’activité chimique du cerveau avec, à la clé, la possibilité d’accélérer le développement de nouveaux médicaments psychiatriques. Pas de quoi rassurer ceux qui craignent que les avancées de la recherche sur le cerveau ne conduisent à une intrusion dans nos pensées les plus intimes. Au risque de découvrir… qu’elles ne sont pas beaucoup plus sophistiquées que celles d’un poisson zèbre. Ce qui serait, convenons-en, une bien mauvaise nouvelle pour notre ego…

Michel Alberganti

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