Aujourd’hui, c’était notre anniversaire. A la dernière de mes quatre enfants, qui fêtait ses quatre ans, et à moi… dont le gâteau était un peu plus garni en bougies. C’était la première fois depuis un mois et demi qu’elle mangeait une part de gâteau, depuis ce mois de juin où nous avons découvert qu’elle était diabétique. Nous avons passé huit jours à l’hôpital Necker, huit jours au cours desquels elle a compris que “Monsieur Pancréas ne travaillait plus”, que certains aliments lui étaient désormais interdits, qu’il fallait lui injecter de l’insuline matin et soir, que sa maladie était “sérieuse mais pas grave” et qu’elle devrait cohabiter avec elle toute sa vie. Toute sa vie, pour une petite fille de cet âge, cela peut paraître long mais, comme ma petite l’a aussi entendu, sa jeunesse lui donne une chance, celle du temps de la recherche.
Je dois bien reconnaître que, jusqu’à ce jour de juin où j’ai appris la maladie de ma fille, je ne me suis jamais beaucoup intéressé aux travaux sur le diabète et je laissais les articles traitant du sujet à mes collègues journalistes médicaux. Aujourd’hui, tout a changé. Le mot “diabète” et sa version anglaise me sautent aux yeux dans les revues spécialisées et il est possible que, à l’avenir, j’en parle plus que de raison dans ce blog mais je suis certain que vous me le pardonnerez.
Ma fille souffre du diabète de type I, qu’on avait l’habitude d’appeler “diabète insulino-dépendant” ou “diabète juvénile”. Il s’agit d’une maladie auto-immune : pour une raison que l’on ignore, l’organisme détruit les cellules bêta des îlots de Langerhans, situées dans le pancréas, qui produisent l’insuline. Cette hormone sert de clé pour permettre l’assimilation du glucose par notre organisme, dont il est le carburant. Par conséquent, sans insuline, sans cette clé, le glucose reste emprisonné dans le sang. Ce qui provoque une hyperglycémie et, surtout, affame les cellules de notre corps. Celui-ci se retourne vers ce qui lui reste comme combustible, c’est-à-dire les graisses. Mais leur consommation a pour effet d’augmenter l’acidité du sang. Il y a un siècle, avant que l’on ne découvre l’insuline, les diabétiques finissaient par tomber dans un coma mortel.
Bien sûr, le coma n’est plus un risque, du moins dans les pays développés. Bien sûr, le traitement par injections d’insuline a donné aux diabétiques une vie quasiment normale. Mais ce n’est pas une guérison et le “quasiment” que j’ai utilisé dans la phrase précédente est lourd de contraintes. La recherche d’une guérison passe par la réintroduction des cellules bêta des îlots de Langerhans. Greffes de pancréas ou d’îlots (dans le foie) ont été tentées mais elles riment avec un traitement anti-rejet, sans oublier que les pancréas, comme les autres organes, ne courent pas les rues.
L’autre solution, c’est l’utilisation de cellules souches et, comme vient de le montrer une étude américaine parue le 27 juillet dans les Comptes-rendus de l’Académie des sciences américaine, il s’agit d’une voie possible et prometteuse. Des chercheurs ont utilisé la technique des cellules souches induites. Schématiquement, elle consiste à prélever des cellules de peau, à remettre leur “programme” à zéro pour qu’elles se comportent comme des cellules souches embryonnaires et se différencient en n’importe quel type de cellules. Cette équipe américaine a ainsi obtenu, avec des souris, les fameuses cellules bêta qui, exposées à du glucose in vitro, ont produit de l’insuline. Déjà un beau résultat en soi. Mais ces médecins sont allés plus loin en injectant lesdites cellules dans la veine porte de rongeurs diabétiques et regardé ce que cela donnait.
Le résultat fait plaisir à voir. En quelques jours, ces cellules bêta de rechange, installées dans le foie des souris, ont fait retomber la glycémie à un taux normal qui s’est maintenu pendant les quatre mois qu’a durés l’expérience (et quatre mois, c’est long pour une souris puisque cela représente un sixième à un cinquième de sa vie). La preuve par le graphique que j’ai extrait de l’étude. La courbe du bas donne la quantité de glucose dans le sang chez les souris traitées, celle du haut chez les souris diabétiques non traitées :
Evidemment, me direz-vous, il reste à vérifier que cela fonctionne aussi bien chez l’homme et que les cellules reprogrammées ne vont pas se mettre à faire n’importe quoi. Il faudra probablement des années de recherches et d’essais pour valider cette piste qui ne nécessite pas de traitement anti-rejet puisque les cellules originelles viennent de le propre peau du receveur. Peut-être cela prendra-t-il vingt ans. Mais, dans deux décennies, ma fille n’aura que vingt-quatre ans et sa vie de femme devant elle…
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : je ne voudrais pas terminer cet article sans évoquer une piste non pas de guérison, mais de traitement moins contraignant. Il s’agit de ce qu’on appelle le “pancréas artificiel” : un système astucieux combinant un capteur de glycémie sous-cutané relié à un logiciel capable d’interpréter les données et d’injecter l’insuline (via une pompe) en fonction des besoins de l’organisme. Ce système a été testé avec succès en Angleterre récemment. Comme vient de l’annoncer une équipe de bio-ingénieurs américains, la partie “capteur” est opérationnelle puisqu’un prototype wifi a fonctionné sans souci pendant 500 jours sur des cochons, qui sont de très bons analogues de l’homme (au moins sur le plan physique)…
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