Manchots : deux fois plus nombreux

Manchot empereur en Antarctique

Exemples d'images utilisées pour le comptage par satellite.

Compter les Manchots empereurs est nettement plus délicat que de compter des moutons ou tout autre animal vivant sous des climats plus tempérés. Les célèbres oiseaux marins, eux, vivent en Antarctique où la température peut descendre à -50°C. C’est dire si l’opération est délicate. Les estimations de leur population variaient, jusqu’à présent entre 270 000 et 350 000.

Peter Fretwell, géographe au British Antarctic Survey, a décidé de prendre de la hauteur pour vérifier ces chiffres. Il a en effet utilisé des images prises par satellite à très haute résolution pour effectuer le comptage. Mais identifier des oiseaux, même s’ils mesurent jusqu’à 1,2 m pour un poids de 20 à 40 kg depuis l’espace n’est pas si facile. Peter Fretwell a donc été conduit à améliorer artificiellement la résolution des images grâce à une technique d’augmentation de la netteté. Ensuite, il a calibré sa méthode d’analyse à l’aide d’images prises par avion et de comptage au sol.

Par chance, le plumage en partie noir des Manchots empereurs se distingue bien sur la neige. Le géographe a facilement identifié les colonies existantes et en a compté 44 sur les côtes de l’Antarctique dont 7 étaient inconnues auparavant.  “Les méthodes que nous avons utilisées constituent une avancée considérable en matière de connaissance de l’écologie de l’Antarctique car elles permettent d’effectuer des recherches en sécurité et avec un très faible impact environnemental tout en estimant la population complète des Manchots”, indique Michelle LaRue, co-auteur de l’étude publiée dans le journal Plos ONE le 13 avril 2012.

Le résultat du comptage dépasse les attentes des chercheurs. “Nous sommes ravis d’voir pu localisé et identifié un aussi grand nombre de Manchots empereurs”, déclare Peter Fretwell. “Nous avons compté 595 000 oiseaux, soit presque le double des estimations précédentes. Il s’agit du premier recensement d’une espèce réalisé depuis l’espace”. De fait, la méthode devrait pouvoir s’adapter au comptage d’autres animaux. “Les implications de ce travail vont plus loin puisque nous disposons désormais d’une méthode économique applicable à d’autres espèces mal connues en Antarctique”, souligne Michelle LaRue.

Cette nouvelle technique pourra se révéler précieuse en cette période de réchauffement climatique affectant de nombreux animaux vivant dans ces régions, dont les Manchots empereurs qui voient leur habitat se réduire en raison de la fonte de la glace qui couvre le continent lors de printemps devenus plus précoces. Du fait de son coût réduit, le comptage par satellite devrait pouvoir être réalisé à intervalles réguliers afin d’analyser l’évolution des populations et mesure ainsi l’impact du changement climatique. La méthode a, toutefois, ses limites puisqu’elle ne fonctionne bien que sur un sol blanc, donc couvert de neige. A moins d’utiliser des images satellites prises en infrarouge. Mais, là encore, l’absence de végétation en Antarctique permet de visualiser plus facilement des animaux qu’au sein de paysages où ils peuvent être masqués par des arbres ou des abris. Le recensement des hommes par satellite se révélera donc nettement plus délicat…

Michel Alberganti

 

 

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Première disparition d’une colonie de manchots empereurs

Empereur

Le manchot empereur est à l’Antarctique ce que l’ours polaire est à l’Arctique : l’animal emblématique. Mais, autant les signaux d’alarme concernant la possible extinction d’Ursus maritimus sont tirés depuis quelques années, notamment en raison du réchauffement climatique qui fragilise la banquise autour du pôle Nord mais aussi de la pollution des océans, autant l’alerte sur la survie à court ou moyen terme du manchot empereur n’avait pas encore été lancée. La fiche d’Aptenodytes forsteri dans la Liste rouge de l’UICN est d’ailleurs classée dans la catégorie la moins alarmante, celle des préoccupations mineures.

Cela pourrait bien changer au cours des années à venir. En effet, une étude britannique publiée le 28 février dans PLoS One fait état de la première disparition d’une colonie de manchots empereurs. Certes, il ne s’agit que d’un petite communauté, qui n’a jamais dépassé, depuis qu’on l’a découverte en 1948, les 250 individus mais sa réduction rapide depuis les années 1970 ne laisse pas d’inquiéter. Située dans les îles Dion, à l’ouest de la péninsule Antarctique (voir la carte ci-dessous), la colonie ne comptait plus que 85 membres en 1978 et moins d’une vingtaine au tournant du siècle. La dernière fois que l’on a essayé de la recenser, sur une photographie aérienne à haute résolution prise en 2009, il ne restait plus aucun oiseau sur la banquise.

Dion-Islands

Même s’ils ne peuvent l’affirmer avec certitude, les auteurs de l’étude font peser la grande majorité de leurs soupçons sur le réchauffement climatique qui, s’il n’agit guère en règle générale sur le sixième continent, a des effets bien visibles sur la partie occidentale de la péninsule antarctique, où se trouvent les îles Dion. Les relevés effectués dans la zone montrent une augmentation sensible tant de la température moyenne générale que de la température moyenne pendant l’hiver, saison durant laquelle les manchots empereurs viennent se reproduire sur la glace de mer située devant le continent. Cette région est d’ailleurs celle où la banquise résiste le moins bien au changement climatique : depuis plusieurs années maintenant, elle se forme de plus en plus tard et se disloque de plus en plus tôt. Etant donné que tout le cycle de la reproduction des manchots empereurs s’effectue sur cette mince couche de glace et en est dépendant, des chercheurs ont déjà avancé que le réchauffement climatique pourrait, par ce biais, avoir un impact sur les populations. Il pourrait jouer négativement sur les populations de poissons, de krill et de calmars dont se nourrissent les manchots, tout en favorisant les skuas et autres pétrels, oiseaux qui chassent les jeunes empereurs…

L’étude de PLoS One ne prétend pas être catégorique sur la “culpabilité” du réchauffement dans la disparition de cette colonie, bien que de lourdes charges pèsent sur le suspect. D’autres causes sont évoquées (maladie ou conditions météorologiques exceptionnelles) mais elles apparaissent comme moins plausibles et aucun élément objectif ne les étaye. Les influences du tourisme (en augmentation dans cette partie de l’Antarctique qui est la plus accessible, depuis la pointe méridionale de l’Amérique du Sud) ou de la pêche industrielle ont été écartées.

Première à disparaître, la colonie des îles Dion a des chances d’être vite considérée comme un cas d’école. Des colonies plus grandes ne seraient pas à l’abri de subir le même sort. Une étude franco-américaine publiée dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences des Etats-Unis en 2009 a mis en relation des modèles démographiques avec les projections climatiques du GIEC et montré que la colonie de Pointe Géologie, en Terre Adélie, qui est sans doute la colonie de manchots empereurs la plus étudiée du monde et compte environ 3 000 couples, risquait d’être réduite de 95 % à l’horizon 2100.

Le problème, c’est qu’Aptenodytes forsteri a beau être le plus grand et le plus fort des manchots, ce n’est pas un rapide côté adaptation. Comme on a pu le voir dans le film La Marche de l’Empereur de Luc Jacquet, cet oiseau est philopatrique : en clair, il a tendance à revenir se reproduire là où il est né, sur la glace de ses aïeux. Et il n’est pas forcément capable de s’apercevoir que le climat a changé et que la banquise où il a pondu va disparaître avant que son poussin ne puisse aller dans l’océan. Il arrive bien sûr que la colonie change ses habitudes et déménage de quelques kilomètres, quand un glacier s’est décroché du continent là où elle se reproduit d’ordinaire. Mais procéder par sauts de puce risque de ne pas être d’une très grande efficacité lorsque le problème devient global… C’est le syndrome du poisson rouge dont un gamin imbécile a fêlé le bocal : la bestiole aura beau se réfugier au fond, quand il n’y aura plus d’eau, elle mourra.

Pierre Barthélémy

Le réchauffement pourrait également avoir des conséquences sur les populations de poissons, de krill et de calmars dont se nourrissent les manchots.
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