Décidément, nous n’en avons pas fini avec la recherche de facteurs physiques permettant de déceler un caractère particulier de la personnalité. Après l’analyse de la forme du crane et les errances de la phrénologie au 19ème siècle qui nous ont valu la “découverte” de la bosse des maths mais aussi celle des “criminels nés”, voici que l’exploration se poursuit à l’intérieur du cerveau, imagerie cérébrale oblige. Ainsi, une publication de la revue Current Biology du 21 février 2012 nous révèle-t-elle que les rebelles souffriraient de l’atrophie d’une zone particulière du cerveau. Mieux: la taille de cette zone serait proportionnelle à leur capacité à se plier aux pressions sociales. Une découverte qui va passionner les tenants d’une détection précoce des enfants qui auront des difficultés d’insertion. Cela rappelle une expertise collective de l’Inserm sur le « trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent » publiée fin 2005 et qui avait provoqué un tollé avec la constitution d’un collectif baptisé “Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans” pour protester contre une telle détection et les mesures gouvernementales qu’elle avait suscitées.
Forts de l’IRM, les chercheurs vont désormais plus loin. Daniel K. Campbell-Meiklejohn, de l’université de New-York, associé à des collègues des universités d’Aarhus au Danemark et de l’University College de Londres, publient dans Current Biology un étude intitulée “La structure du cortex orbitofrontal prédit l’influence sociale“. Ils y déclarent avoir mis en évidence une corrélation linéaire entre le volume de matière grise d’une zone précise du cerveau et la sensibilité des sujets à l’influence d’autrui.
Une zone latérale du cortex orbitofrontal
Pour cela, les chercheurs ont réalisé une expérience sur 28 personnes. Une semaine avant le test, ces dernières ont établi la liste de 20 chansons qu’elles apprécient particulièrement et qu’elles aimeraient acheter mais qu’elles ne possèdent pas. Le jour de l’expérience, chaque participant a noté chacune de ces chansons entre 1 et 10. Ensuite, les chercheurs ont déclaré que des critiques musicaux avaient également écouté les chansons choisies et qu’ils les avaient également notées de 1 à 10. Les participants ont ensuite comparé leurs chansons favorites avec d’autres morceaux qu’ils n’avaient jamais écouté. Ensuite, on leur a communiqué les appréciations des critiques musicaux. Enfin, les participants ont dû renoter leurs chansons favorites. Les chercheurs ont ainsi mesuré les écarts entre les notations réalisées avant et après la prise en compte de l’avis des critiques musicaux. Le dépouillement des résultats a mis en évidence une corrélation entre la taille d’une zone située dans la partie latérale du cortex orbitofrontal, lieu de l’émotion, de la récompense et de la prise de décision. Plus cette zone est importante, plus les sujets ont tendance à se conformer à l’avis extérieur. A l’inverse, ceux dont cette partie du cerveau est plus petite auraient tendance à refuser l’influence d’autrui. Les personnalités rebelles souffriraient donc d’une atrophie de cette zone. Pour l’un des signataires, Chris Frith, “la faculté de s’adapter aux autres et à nous aligner sur eux est une importante aptitude sociale. Cependant, à quel niveau cette aptitude est-elle mise en oeuvre dans le cerveau ? Au niveau logiciel (traitement de l’information) ou matériel (structurel) ? Nos résultats montrent que la conformation sociale est, au moins en partie, cablée dans la structure du cerveau”. Pour Daniel Campbell-Meiklejohn, cette étude “ouvre un nouveau chapitre sur les conséquences sociales de l’atrophie et du développement du cerveau. Les personnes souffrant d’altération dans cette zone montrent souvent des changement dans leur personnalité et dans leur interaction sociale. Nos résultats montrent que l’on devrait se pencher sur comment ces personnes apprennent ce qui est important dans l’expression des préférences des autres“.
Exploitation sociale et politique
Il ne fait pas de doute que ce type de recherche va se développer de plus en plus. Au delà de la connaissance et du degré de confiance que l’on peut accorder à chacune d’elles, on peut s’interroger sur les conséquences sociales et politiques d’une exploitation plus ou moins caricaturale de leurs résultats. Dans ce dernier cas, on imagine assez bien l’utilisation de la mesure de cette zone du cortex orbitofrontal pour déterminer quels sont les individus dont il faut se méfier ou qui méritent un traitement particulier pour pallier leur manque de soumission à l’avis général.
Il est intéressant, également, de remarquer que l’on pourrait avoir une lecture de cette étude diamétralement opposée à celle des chercheurs. Alors qu’ils semblent nettement considérer qu’un esprit rebelle à l’opinion d’autrui est un défaut, voire un handicap, à corriger, on pourrait estimer que cette caractéristique dénote un esprit indépendant résistant à l’opinion générale. Pour eux, il semble au contraire que la pensée unique constitue le meilleure ciment de relations sociales harmonieuses…
Michel Alberganti
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