Le 22 octobre 2012, le verdict de l’Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses), faisant suite à ceux de l’Europe (EFSA) et d’autres autorités nationales (BfR allemand entre autres), a fait l’effet d’un KO scientifique. Au final, l’étude publiée le 19 septembre dans une revue à comité de lecture, n’est pas scientifiquement recevable. Ses conclusions ne peuvent, de ce fait, être acceptées. En matière de toxicité des OGM et du Roundup, tout reste à donc à faire.
Tel est, justement, le raisonnement des 140 scientifiques français signataires d’une lettre ouverte publiée, le 14 novembre, sur lemonde.fr. La voici:
Science & Conscience
Devant l’incroyable levée de boucliers suscitée par la publication de Gilles-Éric Séralini et de son équipe dans le journal Food and Chemical Toxicology, nous, membres de la communauté scientifique, tenons à affirmer les points suivants.
– D’une part, les scientifiques qui se sont exprimés sur ce sujet l’ont fait en leur nom propre et ne peuvent prétendre représenter la communauté scientifique dans son ensemble. Le fait qu’un groupe d’une douzaine de personnes prétendant représenter six académies ait décidé d’un communiqué commun sans débat est contraire au fonctionnement normal de ces institutions et interroge sur la vision de la science et de la technologie (et de leur utilité sociale) ayant présidé à une telle décision (au contraire, par exemple, du débat organisé par l’Académie des Sciences dans le cadre de la polémique sur le changement climatique, à l’issue duquel la responsabilité de l’homme a été avérée). Nous saluons sur ce point la réaction salutaire du seul statisticien de l’Académie des Sciences, Paul Deheuvels.
– D’autre part, le protocole suivi dans cette étude présente des défauts qui font débat au sein de la communauté scientifique. Mais en tout état de cause, disqualifier le protocole suivi dans le cadre de cette étude revient à disqualifier du même coup les données ayant fondé les décisions d’acceptation des OGM par les experts. Il est remarquable de voir ces mêmes experts accepter (même s’ils le critiquent parfois) un protocole expérimental quand il donne des résultats qui vont dans le sens de l’acceptation d’une technique et le démolir aussi ardemment quand les résultats vont dans le sens opposé. Ceci est à notre avis totalement contraire à toute déontologie scientifique. Nous affirmons donc que, si les observations en débat méritent d’être confirmées par des expériences de plus grande ampleur, cela s’applique également aux tests qui ont servi à autoriser toutes les plantes transgéniques actuellement sur le marché. Si toute cette histoire aboutit au moins à ce résultat, elle aura été utile.
Nous sommes profondément choqués de l’image de notre communauté que cette polémique donne aux citoyens. L’expertise des risques pour la santé humaine ou l’environnement est une activité difficile qui doit faire face à de nombreuses incertitudes. Beaucoup des menaces qui pèsent sur notre planète ont été révélées par des scientifiques isolés puis confirmées par des études nombreuses venues de la communauté scientifique. En l’occurrence, il serait bien plus efficace de mettre en oeuvre des recherches sur les risques sanitaires et environnementaux des OGM et des pesticides, d’améliorer les protocoles toxicologiques utilisés pour leur mise sur le marché et de financer une diversité de chercheurs dans ce domaine que de créer des affrontements entre deux camps nourris de préjugés et d’idéologies. Nous pensons que notre communauté doit garder le souvenir d’erreurs passées, concernant l’amiante par exemple.Enfin, nous tenons à assurer à nos concitoyens qu’il existe également, dans la communauté scientifique, un nombre important de chercheurs qui sont convaincus qu’il faut prendre au sérieux les risques associés aux technologies et qui estiment que, si les chercheurs d’une part,et les applications sociales de la science d’autre part, sont par construction liés à des idéologies, des croyances et/ou des intérêts, la démarche scientifique doit, elle, s’efforcer de rester aussi indépendante que possible pour jouer pleinement son rôle dans la société.
Signataires :
Andalo Christophe MC UPS ToulouseArnaud-Haond Sophie Chercheuse IFREMERAtlan Anne CR CNRSAuclair Daniel DR INRAAusterlitz Frédéric DR CNRSBarot Sébastien DR IRDBancal Marie-Odile MC AgroParisTechBecker Nathalie MC MNHNBellé Robert Pr UPMCBérard Sèverine MC U Montpellier 2Blondel Jacques DR CNRSBoëte Christophe CR IRDBoistard Pierre DR INRABonhomme François DR CNRSBonhomme Vincent Institut Français de PondichéryBonnet Timothée Doctorant U ZurichBonneuil Christophe CR CNRSBonnin Isabelle CR INRABosc Pierre-Marie Chercheur CIRADBoudouresque Charles Pr U Aix-MarseilleBourdineaud Jean-Paul Pr U BordeauxBoyen Catherine DR CNRSBrèthes Daniel DR CNRSCasas Jérôme Pr U ToursCézilly Franck Pr U BourgogneChabert Michèle MC EPHEChampagnon Jocelyn Post DocCharpentier Anne MC U Montpellier 2Charmantier Anne CR CNRSChikhi Lounès DR CNRSCochard Hervé DR INRA, Correspondant de l’Académie d’AgricultureColas Bruno MC U Paris DiderotCombes Claude Pr U. Perpignan, Membre de l’Académie des SciencesDa Lage Jean-Luc DR CNRSDavid-Benz Hélène Chercheuse CIRADDarlu Pierre DR CNRSDe Decker Sophie Post-Doctorante, NOAA, USde Foresta Hubert CR IRDde Reviers Bruno Prof MNHNDedeine Franck MC U François Rabelais ToursDelesalle Bruno MC EPHEDestombe Christophe Prof UPMCDevaux Céline MC U. Montpellier2Djikeussi Eléonore CH NiortDorin Bruno Chercheur CIRADDufumier Marc Pr AgroParisTechDugue Patrick Chercheur CIRADDulcire Michel Chercheur CIRADDutech Cyril CR INRAElias Marianne CR CNRSEnjalbert Jérôme CR INRAFabre Pierre Chercheur CIRADFady Bruno DR INRAFerdy Jean-Baptiste Pr U Toulouse 3Ferrière Régis Pr ENS UlmFiguié Muriel Chercheuse CIRADFrascaria Nathalie Pr AgroParisTechFort Philippe DR CNRSGautier Christian Pr U LyonGavotte Laurent MC U Montpellier 2Gerber Sophie CR INRAGrandcolas Philippe Prof MNHNGoldringer Isabelle DR INRAGouyon Pierre-Henri Pr MNHNHautekeete Nina MC U Lille 1Heams Thomas MC AgroParisTechHerbette Stéphane MC U Clermont-FerrandHenry Claude Pr Columbia UniversityHeyer Evelyne Pr MNHNHospital Frédéric DR INRAHuet Sylvie DR INRAHumbert Jean-François DR INRAJeandel Catherine DR CNRSJarne Philippe DR CNRSJoron Mathieu CR CNRSJuffé Michel Pr PontsParisTechKjellberg Finn DR CNRSLachièze Rey Marc DR CNRSLançon Frédéric Chercheur CIRADLaurans Marilyne Chercheuse CIRADLaurenti Patrick MC U DiderotLavigne Claire DR INRALemeilleur Sylvaine Chercheuse CIRADLe Gall Line MC MNHNLe Moguédec Gilles Chercheur CIRADLévy-Leblond Jean-Marc Pr U NiceLipinski Marc DR CNRSLoeuille Nicolas Pr UPMCLonde Sylvain Doctorant UPMCLorand Isabelle ChirurgienneLouchart Antoine CR CNRSMachon Nathalie Pr MNHNMallefet Jérôme Pr U Catholique de LouvainMariojouls Catherine Pr AgroParistechMaris Virginie CR CNRSMignot Agnès Pr Université Montpellier 2Millier Claude Pr AgroParisTechMirleau Pascal MC U Aix-MarseilleMoulia Catherine Pr U Montpellier 2Morin Edgar DR CNRSNabholz Benoit MC U Montpellier 2Nicolas Valérie IR INSERMNieberding Caroline Pr U Catholique de LouvainOlivieri Isabelle Pr U Montpellier 2Paillet Yoan IR IRSTEAPalka Laurent MC MNHNPape Moller Anders DR CNRSPapy François DR INRAPasqualini Vanina Pr U CorsePetit Éric MC U Rennes 1Poirier Florence IR U Paris 13Ponsard Sergine Pr U ToulousePotin Philippe DR CNRSQuilichini Angélique MC détachée CNRSRaymond Michel DR CNRSRefrégier Guislaine MC UPS OrsayReynaud – Yann Post-Doctorant, NOAA, USRognon Xavier MC AgroParisTechRousseau Denis-Didier DR CNRS UlmRousset François DR CNRSSaatkamp Arne MC U Aix-MarseilleSaint-James Emmanuel MC UPMCSalmona Jordi Doctorant U LisbonneSartor Pierre CR CNRSSelosse Marc-André Pr U Montpellier 2Sicard Mathieu MC U PoitiersShykoff Jacqui DR CNRSTestart Jacques DR INSERMThomas Mathieu PostDoc INRATully Thomas MC U Paris 4 (CNRS)Valero Myriam DR CNRSvan Vliet Geert Chercheur CIRADVela Errol MC U Montpellier 2Velot Christian MC U Psud OrsayVerlaque Marc CR CNRSVerrier Etienne Pr AgroParisTechVolovitch Michel Pr ENS UlmVriz Sophie Pr U Paris DiderotWarlop François CR GRABWeill Mylène DR CNRS
Michel Alberganti
lire le billetHier, 22 octobre 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a organisé une conférence de presse afin de communiquer son avis sur l’étude du chercheur Gilles Eric Séralini au sujet de la toxicité du maïs transgénique Monsanto NK603 et de l’herbicide Roundup. Cette étude, publiée le 19 septembre 2012 dans la revue Food and Chemical Toxicology, a suscité un tel émoi que le gouvernement a immédiatement saisi l’Anses pour qu’elle expertise le travail de Gilles-Eric Séralini. Nous en avons rendu compte hier.
De nombreuses questions, dans les commentaires des articles que nous avons écrit sur ce sujet, tournent autour du problème du nombre de rats utilisé pour l’expérience et de l’interprétation statistique des résultats de l’étude.
Justement, la rubrique Endoscope de Globule et Télescope était là pour glisser sa caméra dans la salle de la conférence de presse de l’Anses et y capter les informations intéressantes. Ainsi, voici les explications de Jean-Pierre Cravedi, directeur de recherche à l’INRA de Toulouse et de Marc Mortureux, directeur général de l’Anses :
G&T_22 octobre 2012_Conf de presse ANSES par VideoScopie
Endoscope : Extraits Conférence de presse ANSES… par VideoScopie
Michel Alberganti
lire le billetOn n’attendait plus qu’eux pour savoir à quoi s’en tenir sur les spectaculaires conclusions de l’expérience hautement médiatisée menée, sous la direction du Pr Gilles-Eric Séralini, sur des rats nourris avec un maïs génétiquement modifié de Monsanto et l’herbicide RoundUp de Monsanto.
Le 19 septembre, soit le jour même où cette étude était publiée dans une revue scientifique et relayée par le Nouvel Observateur, le gouvernement avait curieusement saisi en urgence l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et le Haut conseil des biotechnologies (HCB). Avec cette saisine, il s’agissait, en substance, pour les trois ministres directement concernés (Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, Delphine Batho), de savoir à quoi s’en tenir sur un sujet hautement controversé. Plus d’un mois plus tard, ce lundi 22 octobre, ces deux institutions ont rendu leurs conclusions.
Michel Alberganti et Jean-Yves Nau
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Que s’est-il passé au sein des 6 Académies nationales qui, vendredi 19 octobre 2012, ont publié un avis commun sur l’affaire Séralini ? Dès le 19 septembre, jour de la publication de l’étude du chercheur français à la fois dans la revue Food and Chemical Toxicology et dans le Nouvel Observateur, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a demandé, via une saisine immédiate, l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Tandis que l’on attend toujours cet avis (annoncé pour le lundi 22 septembre à 14h00), voilà que 6 Académies nationales, auxquelles personne n’a rien demandé, décident de se prononcer sur l’étude de Gilles-Eric Séralini.
La surprise redouble, voire décuple, lorsque l’on lit ce texte de 5 pages sobrement intitulé “Avis des Académies nationales d’Agriculture, de Médecine, de Pharmacie, des Sciences, des Technologies, et Vétérinaire sur la publication récente de G.E. Séralini et al. sur la toxicité d’un OGM”. Outre le fait, sans doute rarissime, d’une telle association de doctes institutions, c’est la violence du propos qui surprend et amène à s’interroger. On se souvient des tergiversations, des débats à huis clos et du texte final de haute volée diplomatique qui avait suivi la demande à l’Académie des sciences de statuer sur le différend entre scientifiques au sujet du réchauffement climatique. Ici, l’équilibre cède la place une virulence inaccoutumée.
Sur le fond, les six Académies reprennent les avis déjà remis par les autorités européenne (EFSA) et allemande (BfR) sans attendre celui de la France… Dont acte. Le communiqué de presse accompagnant l’avis conclut : “En conséquence, ce travail ne permet aucune conclusion fiable”. Mais c’est sur la forme, c’est à dire la stratégie de communication de cette étude, que les Académiciens lâchent leurs bombes. Sans se priver d’attaques ad hominem:
“L’orchestration de la notoriété d’un scientifique ou d’une équipe constitue une faute grave lorsqu’elle concourt à répandre auprès du grand public des peurs ne reposant sur aucune conclusion établie”.
Quand aux leçons et préconisations, elles font froid dans le dos. Leur citation intégrale s’impose tant le propos sort des sentiers battus. Ainsi, les six Académies :
– souhaitent que les universités et les organismes de recherche publics se dotent d’un dispositif de règles éthiques concernant la communication des résultats scientifiques vis-à-vis des journalistes et du public, afin d’éviter que des chercheurs privilégient le débat médiatique qu’ils ont délibérément suscité, à celui qui doit nécessairement le précéder au sein de la communauté. scientifique.
– proposent que le Président du Conseil supérieur de l’audiovisuel s’adjoigne un Haut comité de la science et de la technologie chargé de lui faire part, de façon régulière, de la manière dont les questions scientifiques sont traitées par les acteurs de la communication audiovisuelle.
– demandent aux pouvoirs publics et à la représentation nationale de tout mettre en œuvre pour redonner du crédit à l’expertise collective et à la parole de la communauté scientifique qui mérite une confiance qu’on lui refuse trop souvent, alors que chacun s’accorde à affirmer que l’avenir de la France dépend pour partie de la qualité de ses travaux de recherche.
Est-il nécessaire de commenter de tels propos ? Le “dispositif de règles éthiques” semble conduire directement à l’instauration d’une nouvelle censure en matière de communication scientifique. Le Haut conseil de la science et de la technologie, associé au CSA, ressemble à un service de renseignements chargé de faire la chasse aux journalistes maltraitant la science.
S’il avait existé, le premier instrument aurait pu servir à museler Gilles-Eric Séralini. En cas d’échec de cette première ligne, le second dispositif aurait conduit à dénoncer les journalistes du Nouvel Observateur qui ont relayé l’information le jour de la publication scientifique de l’étude. Les Académiciens ne précisent pas les sanctions qu’ils souhaitent voir appliquées. L’exclusion du chercheur de l’université ? L’interdiction de paraître du Nouvel Observateur ?
Que six Académies perdent à ce point leur sang froid qu’elles se laissent aller à publier un texte commun appelant à la censure et à la chasse aux sorcières révèle un malaise profond de ces institutions scientifiques vis à vis des médias et du public. A l’inverse du but recherché, ce texte pourrait conduire à :
– Une défense, espérons-le, par l’ensemble des médias, aussi bien de la presse écrite, radio et télévisée, de la rédaction du Nouvel Observateur. Corporatisme ? Sans doute, si la liberté de la presse en est un. Sinon, ce sera aux lecteurs, c’est à dire aux citoyens, de se prononcer. Même ceux, dont je fais partie, qui considèrent la couverture du Nouvel Observateur du 20 septembre (“Oui, les OGM sont des poisons !”) comme indigne de l’éthique journalistique, ne pourront que défendre le droit de l’hebdomadaire à faire des erreurs. Tous les médias en ont fait, en font et en feront. Surtout dans les périodes économiquement difficiles comme celle que nous traversons. La disparition de la version papier de Newsweek en témoigne. Vouloir instaurer la censure ne peut avoir comme objectif que de hâter la disparition de la presse écrite. A moins que cette dernière ne sorte revigorée de cette attaque. Mais, pour cela, elle a besoin du soutien de ses lecteurs.
– Une suspicion dans l’esprit des directeurs de journaux, de radios et de télévisions, vis à vis du traitement de la science dans leur média. Cette méfiance minera les décennies d’efforts des journalistes scientifiques pour convaincre leur direction, dont la culture est, le plus souvent, littéraire, d’accorder plus de place aux sujets scientifiques dans leur média. Sans une condamnation massive du texte des six Académies, la science occupera, demain, encore moins de place qu’aujourd’hui dans les journaux, les radios et les chaînes de télévision. Beau résultat…
– Une fracture entre les chercheurs, les médias et le grand public. Là encore, des décennies d’efforts pour mettre les débats scientifiques sur la place publique risquent d’être ruinées. Ce ne serait pas le moindre des effets collatéraux de l’opération médiatique Séralini que de lui donner un tel pouvoir. Aujourd’hui, déjà , la parole des chercheurs n’est pas toujours libre. En faisant planer la menace d’une sanction de leur institution, la recherche sera muselée. Est-ce là le but des Académies nationales ? Veulent-elles que le débat scientifique soit réduit au huis clos jusqu’à ce qu’une communication officielle, une “vérité”, soit dispensée à la foule ignare, incapable de forger sa propre opinion ?
On peut se demander quelle mouche a piqué les six Académies pour les conduire à publier un tel texte. S’il n’est pas retiré au plus vite, une réaction s’impose de la part de l’ensemble des journalistes, bien entendu, mais également, et surtout, du public.
Alors, à vos plumes !
Michel Alberganti
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L’affaire Séralini semble tirer à sa fin. Les expertises françaises de l’étude scientifique publiée le 19 septembre 2012 risquent fort d’arriver après la bataille.
Certains verront de la sagesse dans cette lenteur. D’autres de l’embarras pour ne pas dire plus. Peu importe.
Les avis sont déjà assez nombreux pour qu’une issue se profile. Un organisme allemand (BfR) et un autre européen (EFSA) ont analysé l’étude en termes sévères. Des scientifiques de tout poil, antis et surtout pros OGM, se sont exprimés et Gilles-Eric Séralini accompagné de Corinne Lepage ont largement répondu. L’heure est donc au bilan.
Trois leçons peuvent d’ores et déjà être tirées de cette affaire qui est passée, alternativement, du statut de scoop du siècle à celui de manipulation militante grossière. Au final, comme souvent, l’impact réel de ce coup médiatique échappe à de telles caricatures.
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Le prix Nobel de chimie 2012 est avant tout un prix Nobel de biochimie: il récompense deux chercheurs qui ont élucidé l’un des principaux mystères de la transmission moléculaire des informations à l’intérieur de chaque cellule des mammifères. A commencer par les corps humains.
Un exemple: lorsque nous buvons une tasse de café, nous percevons et ressentons dans l’instant sa robe, ses fragrances, sa suavité exotique d’arabica. Comment ce miracle matinal peut-il se produire voire se reproduire pluri-quotidiennement? Pour une large part grâce aux précieuses clés moléculaires découvertes par Robert Lefkowitz et Brian Kobilka.
L’analyse (consciente ou non) des milliers d’informations qui nous parviennent de l’extérieur (mais aussi et surtout de l’intérieur) de notre corps réclame des myriades de molécules réceptrices situées à la surface des milliards de cellules qui constituent notre organisme. Ce sont ces récepteurs qui captent les substances moléculaires circulant dans leur environnement immédiat, des hormones ou des médicaments, par exemple.
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US Researcher: Nobel Prize Win a ‘Total Shock’ par AP-Tech
Nobel chemistry winner Kobilka hopes for better… par reuters
Il devait avoir lieu le lundi 8 octobre. Il a été repoussé à mardi 9 octobre. Mais les conditions météorologiques, en particulier le vent trop fort, ont conduit à un nouveau report du saut en chute libre de l’australien Felix Baumgartner d’une altitude de près de 37 km. Le sauteur fou veut franchir le mur du son avec sa seule combinaison comme protection. Après une annonce pour jeudi 11 octobre, le saut a finalement été repoussé au dimanche 14 octobre. Si le ciel est d’accord…
Daredevil Felix Baumgartner ‘disappointed’ par andfinally
Auditionné par l’Assemblée nationale mardi 9 octobre, Gilles-Eric Séralini, auteur d’une étude controversée sur la toxicité d’un du maïs Monsanto NK603, résistant à l’herbicide Roundup, et du Roundup lui-même, a appelé les députés à instituer une “expertise contradictoire” pour mettre fin à quinze ans de “débat stérile” sur les OGM. Le professeur ne cesse de demander une telle innovation qui ne laisse d’inquiéter sur son réalisme. Pour lui, les études devraient être soumises à deux expertises, chacune étant effectuée par l’un des deux camps. La “solution” aurait surtout pour résultat de plonger le législateur dans une perplexité encore plus grande qu’aujourd’hui. Comment départager deux expertises ouvertement militantes ? En en commanditant une troisième, indépendante ? Autant aller tout de suite à cette solution, non?
OGM : l’étude qui dérange par LCP
Michel Alberganti
lire le billetLe saut en chute libre au cours duquel l’Autrichien Felix Baumgartner espère pouvoir franchir le mur du son devait avoir lieu lundi 8 octobre. Il est repoussé au mardi 9 octobre en raison des conditions météorologiques. Il est possible de suivre le compte à rebours sur le site de l’exploit, Redbull Stratos.
Gilles-Eric Séralini, sommé par différentes institutions (EFSA, BfR, HCB…) de fournir ses données d’expérience au sujet de sa publication du 19 septembre, a déclaré qu’il ne les fournirait que si l’agence européenne EFSA publiait celles qui l’on conduit à autoriser le maïs transgénique NK 83 et le Roundup… Blocage en vue. En attendant, voici une version du débat par l’émission en ligne “Arrêt sur image” sur ce sujet :
Chaque année, on s’y attend pas et puis, brusquement, c’est l’affolement. les Nobels se mettent à tomber et les rédactions s’affolent ! “Tu comprends de quoi ça parle ?” étant la question qui revient le plus souvent après la remise des prix. Cela commence lundi 8 octobre avec la médecine, suivie par la physique mardi, la chimie mercredi et la paix le 12 octobre. Il faudra attendre le 15 pour l’économie et on ne sait encore quand pour la littérature. Cette année, Slate.fr est fin prêt. Vous allez voir ! Pour patienter, voici quelques images de la cérémonie d’ouverture de l’an dernier. Un ambiance à la bonne franquette et une famille royale hyper détendue… Quelques mots de suédois qui rappellent les films de Bergman en VO et quelques notes de Mozart… Et de sublimes couronnes ! Royales en attendant celles des scientifiques.
Michel Alberganti
lire le billetTandis que l’ANSES tarde à remettre son analyse, pourtant demandée en urgence par le gouvernement français, sur l’étude publiée le 19 septembre 2012 par l’équipe de Gilles-Eric Séralini, les Allemands, à qui l’on avait, semble-t-il, rien demandé, publient leurs conclusions. Et elles sont dures. De son coté, l’Europe, dont l’EFSA avait, elle, reçu une demande d’expertise de la part de la France, grille, elle aussi, la politesse à l’ANSES en publiant dès le 4 octobre le résultat de son premier examen. Et il est sévère.
L’EFSA considère l’étude comme “de qualité scientifique insuffisante pour être considérée comme valable en matière d’évaluation du risque”. De plus, son examen préliminaire considère que “la conception, le rapport et l’analyse de l’étude sont inadéquats”. Pour approfondir son jugement, l’EFSA a demandé à l’équipe Séralini de partager des informations supplémentaires essentielles. En attendant, à cause de ces défauts, l’organisme se déclare incapable de considérer les conclusions des auteurs comme scientifiquement justes. “Aucune conclusion ne peut être tirée de l’occurrence des tumeurs chez les rats testés”, note l’EFSA. Suivent une dizaine de points que l’autorité juge problématiques.
Parmi ces critiques, certaines sont déjà connues, comme la race des rats choisie (sensible aux tumeurs au cours de leur vie normale) ou la non conformité de l’étude aux protocoles internationaux (10 rats par groupe au lieu de 50), d’autres le sont moins. Ainsi, l’EFSA souligne la présence d’un seul lot de contrôle au sein des 10 lots de rats testés. Elle en déduit qu’il n’y avait pas de groupe de contrôle pour 4 groupes, soit 40% des animaux, nourris avec du maïs OGM traité ou non avec de l’herbicide Roundup. L’EFSA note également que l’expérience n’avait pas d’objectif bien défini au départ alors que cela est nécessaire pour établir le protocole correspondant. L’autorité se plaint aussi de l’absence d’information sur la composition de la nourriture des rats, en particulier la présence ou non de mycotoxines. Absence, également, de données sur les quantités de nourriture ingérées, seuls des pourcentages d’OGM et de Roundup étant indiqués. La méthode statistique d’analyse des résultats est aussi contestée.
L’EFSA en déduit qu’elle ne voit pas de motifs de ré-examiner ses évaluations précédentes du maïs Monsanto NK603 ni de prendre en compte les résultats de l’équipe Séralini dans l’évaluation du glyphosate, la molécule active du Roundup. Néanmoins, elle annonce une seconde analyse, plus approfondie, pour la fin du mois d’octobre. Cette dernière prendra en compte toutes les informations supplémentaires fournies par l’équipe Séralini, les évaluations réalisées par les pays membres ainsi que celle des autorités allemandes, responsables des autorisations concernant le glyphosate.
Justement, l’institut BfR (Das Bundesinstitut für Risikobewertung) a publié son opinion sur l’étude Séralini daté du 1er octobre. Il semble que l’EFSA se soit inspiré des conclusions allemandes, tant les critiques se recoupent. Néanmoins, le BfR reconnaît l’intérêt d’une étude sur le long terme d’une alimentation contenant du glyphosate à 0,5%. Il explique que ce travail n’a pas été effectué auparavant car la règlementation internationale n’impose qu’un test des substances actives elles-mêmes. Ainsi, le glyphosate lui-même a été largement étudié par de nombreuses études à long terme sur des rats et des souris sans qu’aucun effet sur le développement de cancers, une augmentation de la mortalité ou un impact sur le système endocrinien n’ait été observé, contrairement aux résultats obtenus par l’équipe Séralini.
Si l’institut juge intéressante la démarche des Français, elle est encore plus sévère que l’EFSA lorsqu’elle évalue le protocole et les résultats de l’expérience. Elle estime ainsi que les données expérimentales ne justifient pas les principales conclusions de l’étude. Qu’en raison de défauts dans la conception de l’étude aussi bien que dans la présentation et l’interprétation des données, les conclusions correspondantes tirées par les auteurs ne sont pas compréhensibles. Que pour une évaluation plus approfondie, le BfR a demandé aux auteurs de fournir le rapport d’étude complet comprenant les données individuelles des animaux et a posé certaines questions précises. Des demandes n’ayant pas reçu de réponses pour l’instant.
Le rapport de 7 pages du BfR relève également de multiples manques dans les informations nécessaires à une évaluation en profondeur de l’étude. Critique déjà formulée plusieurs fois par différents scientifiques qui y ont accédé. Au JT de 20 heures de France 2, le 4 octobre, Gilles-Eric Séralini a expliqué que le jugement de l’EFSA provenait du fait que l’organisme ne voulait pas se dédire vis à vis de ses évaluations précédentes du NK603 “avec des tests trop courts”. Il a également laissé entendre, assez confusément, que l’EFSA est sous l’influence des lobbies et des industriels des OGM.
Cette position de Gilles-Eric Séralini devient ainsi de plus en plus difficile à tenir. On voit mal comment il pourra continuer à refuser de donner des informations détaillées sur son expérience afin qu’une évaluation complète de l’étude puisse être réalisée. A moins que sa stratégie vise uniquement le battage médiatique qu’il a déjà largement réussi à engendrer. Dans ce cas, nous risquons de rester sur notre faim en attendant le résultat d’une éventuelle nouvelle étude. Dans deux ou trois ans…
18h24, le 3 octobre 2012. Tombe un mail venant de l’Inra et contenant un texte signé par François Houllier, son nouveau PDG, successeur de Marion Guillou depuis le 27 juillet 2012. Pas de traces, pour l’instant, sur le site de l’institut. Ce texte, adressé, semble-t-il, directement aux journalistes et à l’AFP, est intitulé: “OGM: quelle place pour la recherche publique ?”. François Houllier réagit à “l’étude secrète” de Gilles-Eric Seralini qui défraie la chronique depuis le 19 septembre.
Aussitôt, il souligne les “ambiguïtés de ces travaux” ainsi que “l’opération médiatique”. “Le poison de la peur et du doute est ainsi instillé”, en conclut François Houiller qui rappelle le sondage montrant que 8 Français sur 10 s’inquiètent de la présence d’OGM dans leur alimentation.
“Le doute, aussi, vis-à-vis de la recherche publique qui ne remplirait pas sa fonction”, poursuit-il en arrivant ainsi au fait. Ce texte dénonce, en effet, la suspicion “de conflits d’intérêts ou de collusion avec ces firmes et de surcroît coupables d’abandon de citoyens consommateurs en danger” dont est victime la recherche publique. Et d’en conclure: “Le mal est donc fait. Il est injuste, mais pas irréparable.”
François Houiller cite, bien entendu, le cas “des porte-greffes de vignes génétiquement modifiés pour résister au virus transmis par de minuscules vers du sol” et arrachés par des faucheurs volontaires à Colmar en août 2010. Il cite également le cas bien connu du maïs MON810 avec le moratoire sur la mise en culture en France, la dénonciation et l’annulation par le Conseil d’Etat après la Cour européenne de justice de ce moratoire, le rétablissement de l’interdiction de la culture, le 16 mars 2012 par NKM sous la pression des écologistes. L’Inra a été chargé par la Commission européenne d’une réévaluation des mesures de toxicité du MON810 (modifié pour résister à certains ravageurs). Résultats dans trois ans.
En guise de synthèse de ces événements épars, François Houllier prend un risque en estimant que les travaux de M. Séralini “ne répondent probablement pas aux critères permettant d’en tirer des conclusions scientifiques solides”.
Voilà donc une expertise semble-t-il sans preuve de la part du dirigeant d’un organisme chargé, lui, de réaliser des études répondant à des critères scientifiques stricts. Comment exprimer un tel jugement avant la publication du rapport demandé par le gouvernement à l’Anses?
Le patron de l’Inra en arrive ensuite à la conclusion, convenue, de son texte. Si le public veut plus d’études sur les OGM, alors que l’institut en effectue déjà mais “à bas bruit médiatique”, il lui faut plus d’argent. Ainsi qu’une “confiance collective dans l’impartialité de ses résultats”. François Houllier estime que “notre société doit sortir de sa schizophrénie pour permettre à la recherche publique de poursuivre ses travaux selon des protocoles incontestables, sans être en permanence soupçonnée du pire et, dans certains cas, voir ses essais détruits”.
Quelques heures plus tard, Arte consacre un sujet de son journal à l’utilisation du coton OGM de Monsanto en Inde:
En voulant, à toute force, démontrer que les OGM sont mauvais pour la santé humaine à partir d’un seul exemple, le NK603, Gilles-Eric Séralini a, une nouvelle fois, mis sur la table un débat mal ciblé. D’où le tollé des scientifiques concernés.
L’une des vraies questions n’est-elle pas posée par l’expérience indienne? Pas besoin de tests sur les rats pour constater que l’introduction du coton transgénique y réduit l’espérance de vie des cultivateurs. L’origine du problème des OGM n’est pas scientifique ou sanitaire. Elle est industrielle.
Une firme, Monsanto, a réussi à totalement oblitérer l’image des OGM en la confondant avec l’utilisation qu’elle en fait. Monsanto asservit les paysans et se moque de la santé humaine. Son seul but est de vendre des semences et d’en tirer le maximum de profit. En cela, elle joue son rôle de pure entreprise capitaliste.
Mais a-t-elle, pour autant, démontré tout le potentiel des OGM? Est-il impossible de faire mieux? Ces fameux OGM philanthropiques dont parle Jean-Pierre Berlan sans y croire sont-ils vraiment de doux rêves? La vigne française ne peut-elle profiter de la transgenèse sans y perdre son âme? La biodiversité est-elle forcément menacée par la culture des OGM? La diabolisation des plantes transgéniques se confond avec celle de l’entreprise dominante dans ce domaine. Mais pourquoi est-elle si dominante? Que fait l’Europe en recherche et en industrialisation d’OGM? L’Inra peut-il, seul, prendre en charge les travaux nécessaires? Peut-être, par ailleurs, n’avons-nous aucun besoin d’OGM pour nourrir une planète à 9 milliards d’habitants.
Sortons, alors, de cette schizophrénie qui fait interdire en France la culture des OGM et, de facto, la recherche dans ce domaine, alors que nous importons massivement les mêmes OGM pour nourrir notre bétail et les intégrer à notre alimentation.
En France, on protège les cultures bio de la dissémination des OGM mais on laisse ces mêmes OGM en vente libre dans les supermarchés. Ces supermarchés qui financent une étude pour démontrer que les OGM, présents directement ou indirectement sur leurs rayons, engendrent des tumeurs… Tout cela pour mieux vendre leurs produits bio et soigner leur image verte.
Il apparaît clairement aujourd’hui qu’à force de prendre des décisions sous la pression de différents lobbies (industriels et écologistes), la situation des OGM en France est devenue un sac de noeuds et d’absurdités qui insulte la cohérence et hypothèque l’avenir.
Ce «débat raisonné» ne doit pas avoir raison du débat. Un vrai débat ne consiste pas à ramener à la raison des ignorants égarés. Il ne s’agit pas d’évangéliser des foules ignares comme on fertilise des terres incultes. Cela signifie que, dans un débat démocratique digne de ce nom, les décisions ne sont pas prises à l’avance.
Un vrai débat met sur la table tous les éléments connus d’un dossier afin que chacun puisse forger sa propre opinion. Il peut aboutir à la nécessité de compléter ce dossier. Pour les OGM, à faire de nouvelles études sur la toxicité, mais également sur la dépendance des agriculteurs. Il peut aboutir à une réglementation, à des interdictions, à des autorisations. Pourquoi pas à des moratoires.
Mais toutes ces décisions ne doivent être prises qu’après le débat. Cela permet aux citoyens de comprendre les motivations de ces décisions. Même s’ils n’en approuvent pas certaines. Dans ce cas de la science, le peuple ne peut pas prendre la décision lui-même mais tout doit être fait pour qu’il la comprenne. Pour cela, il faut la justifier publiquement. Sans autoritarisme d’experts, ni mépris pour la contestation. En matière d’OGM en France, tout comme en ce qui concerne le nucléaire, le gaz de schiste ou les nanotechnologies, nous sommes à des années lumière de la possibilité d’un tel débat. Dommage.
Michel Alberganti
lire le billetSur le site du journal Le Monde, le 27 septembre 2012, on trouve un point de vue intitulé “Pour un débat raisonné sur les OGM” signé par 63 chercheurs provenant surtout de l’INRA et du CNRS mais également du CEA, de l’Inserm et de quelques universités. Cette tribune est une réaction collective à la publication de l’étude du biologiste Gilles-Eric Séralini, professeur à l’université de Caen, dans la revue Food Chemical Toxicology suivie par la sortie, en librairie, de son livre, Tous Cobayes, et, au cinéma, du film éponyme qui en est tiré au cinéma. Une charge anti-OGM fort nourrie relayée par le gouvernement et largement diffusée dans la presse.
On pouvait s’attendre à une telle contre-attaque des pro-OGM. Mais on reste largement sur sa faim. A vouloir beaucoup démontrer trop rapidement, les signataires font preuve, au mieux de simplisme, au pire de naïveté. Ils servent mal leur cause pour plusieurs raisons:
Le début du point de vue s’appuie sur le cas des neutrinos plus rapides que la lumière, la bourde récente du CERN. Mauvais exemple. Très mal exploité. Les signataires qualifient l’annonce de “formulée au conditionnel et avec d’infinies précautions”. La formule utilisée par le CERN le 23 septembre 2011 est: “Bien que nos mesures aient une incertitude systématique basse et une précision statistique élevée et que nous ayons une grande confiance dans nos résultats, nous sommes impatients de les comparer avec ceux d’autres expériences.” Pas vraiment de conditionnel et pas assez de précautions, comme la suite le montrera. Certes, rien à voir dans cette annonce avec celle du Nouvel Obs du 20 septembre 2011 (“Oui, les OGM sont des poisons !”). Pour autant, les neutrinos plus rapides que la lumière ne loin d’être un bon exemple de communication scientifique maîtrisée. Par ailleurs, Gilles-Eric Séralini a, lui aussi, livré ses résultats à la communauté scientifique pour vérification. De plus, il a publié son étude dans une revue, ce que les chercheurs du CERN n’avaient pas fait lors de leur annonce.
L’exemple est si mauvais que les signataires le détruisent eux-mêmes lorsqu’ils se demandent “Pourquoi une telle différence de traitement?” La réponse est édifiante : “Des enjeux scientifiques sans commune mesure ! Des contextes socio-économiques totalement différents !”. CQFD.
Autre motif du “bon” traitement des neutrinos et du massacre des OGM: on respecterait la Nature lorsque l’espèce humaine ne parvient pas à percer ses mystères alors que l’on condamnerait les transgressions de la Nature par l’Humain… La “sacralisation du milieu naturel” serait à l’origine de la condamnation des manipulations génétiques. Les signataires tentent de ridiculiser “l’agriculture biologique” (sic) avec l’exemple des graines germées contaminées par une bactérie pathogène, semble-t-il car ils restent imprécis, en dénonçant “l’emballement médiatique”et en concluant par un assez mystérieux: “Après tout, n’était-ce pas dans l’ordre des choses?”….
Voilà la grande coupable sur le billot : “une certaine presse”. La même presse qui permet aux signataires de s’exprimer librement ? Encore faut-il en profiter avec un minimum de rigueur et de respect pour les lecteurs. Car les signataires enfilent ensuite les perles: synthèse de 24 études concluant à l’innocuité des OGM dans l’alimentation, aucun problème sanitaire chez les millions d’animaux nourris aux OGM, dont le mais NK603, depuis plus de 10 ans. Avec omission du questionnement sur la croissance du nombre de cancers dans les pays développés. Manipulation classique mais tellement grossière qu’elle devient ennuyeuse.
Après avoir ainsi brillamment démontré qu’il n’y a pas de problème avec les OGM et que, depuis ses débuts, l’agriculture n’oeuvre que pour le bien de l’humanité, les signataires appellent à “un débat serein” (sic). Il est vrai qu’ils viennent d’en tracer la voie. Mais pour aller encore plus loin, et “apaiser” le climat, ils font une propositions tout bonnement sidérante : “Nous suggérons que des fonds suffisants soient alloués à l’équipe qui a publié cette étude pour vérifier leurs observations de façon complète et rigoureuse en partenariat étroit avec l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation et de l’environnement”. Magnanimes, les signataires proposent de financer ce pauvre Gilles Eric Séralini pour qu’il dispose enfin des moyens nécessaires pour sortir de l’erreur et de l’obscurantisme. Alors même qu’ils viennent de “démontrer” que les OGM ne posent pas de problèmes… Demander le financement d’une nouvelle étude plus poussée apparaît donc comme aussi méprisant que dispendieux. S’ils la jugent nécessaire, pourquoi les signataires ne l’ont-elles pas faite eux-mêmes ? Si elle est inutile, à quoi bon gâcher des fonds si précieux? La réponse est simple: pour pouvoir passer aux choses sérieuses. Les signataires notent que “nos sociétés sont confrontées à des défis majeurs”. Histoire de rappeler qu’il faut se retrousser les manches, cesser de faire des études inutiles et utiliser les “outils disponibles”, c’est à dire les OGM, dans l’espoir“de plantes plus résistantes au manque d’eau, aux maladies (…) et même vecteurs de vaccins”. On croirait lire du Monsanto dans le texte. Et les signataires d’appeler à ce débat, le seul, le vrai. Le débat sur comment développer plus d’OGM sans “opposition stérile”.
Que 63 scientifiques aient accepté de signer un tel texte justifie presque le battage médiatique organisé par Gilles-Eric Séralini et le CRIIGEN. Si le camp des pro-OGM ne peut produire de meilleure rhétorique, on peut comprendre que, pour le combattre, le professeur de l’université de Caen ait choisi l’artillerie lourde. Et même l’excuser s’il s’avère que ses résultats sont erronés. Son étude aura eu le mérite d’attirer l’attention sur un domaine de la recherche barricadé dans ses certitudes. Et quand on sait que ce secteur est soumis à la pression permanente des lobbies, on frémit.
Michel Alberganti
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