Un éléphant de modèle courant est doté d’un cœur, de neurones et de cellules de peau. Une musaraigne à trompe possède aussi tous ces organes, mais elle pèse dix mille fois moins que son camarade à défenses. Ce n’est qu’un exemple d’un problème universel : en biologie, la question de l’échelle des organismes se pose souvent et les réponses sont variées.
Par exemple, le ver Caenorabditis elegans, qui dépasse rarement un millimètre de longueur, se montre fort économe et fonctionne avec seulement un millier de cellules, c’est-à-dire environ dix milliards de fois moins que toi, ô lecteur. Une stratégie très efficace, mais pas forcément suffisante à la miniaturisation extrême de certains aventuriers du microscopique.
Prenons le cas d’un des plus petits insectes connus, trompeusement nommé Megaphragma mymaripenne , ou plus joliment « guêpe-fée » (fairywasp) en anglais : ce moucheron atteint avec difficulté le quart de millimètre des antennes à l’abdomen. Il se fait donc ridiculiser par des organismes unicellulaires comme la paramécie et l’amibe que voici :
Pour fonctionner à une taille pareille, le système nerveux est réduit à 7 400 neurones, cent fois moins que pour une simple abeille, mais ce nombre reste énorme pour la taille de l’animal : comment caser tout cela dans une si petite tête ?
Son astuce pour gagner de la place a été découverte par Alexey Polilov, chercheur à l’université Lomonosov de Moscou. Les neurones de M.mymaripenne se débarrassent tout simplement de leur plus gros composant : ils deviennent des cellules sans noyau comme de vulgaires globules rouges, ce qui permet à la petite bête d’avoir une tête à la fois bien pleine et bien faite.
Et si l’image ci-dessus vous intrigue, cette animation très réussie de l’université d’Utah sur les échelles du monde cellulaire vous donnera à coup sûr le tournis :
Fabienne Gallaire
Sources
Mise à jour : correction d’une erreur sur le rapport du nombre de neurones chez C. elegans et chez l’être humain.
lire le billetEn chaque électeur, il y a un homme, en chaque électrice une femme. Et en chacun de ces hommes et femmes demeure une part d’animalité plus ou moins cachée, le souvenir enfoui des temps anciens ou des hardes de bipèdes choisissaient le plus fort pour diriger le clan ou la tribu. Car sélectionner l’homme fort, c’était donner à chaque membre du groupe social des chances supplémentaires de survivre et de se reproduire avec succès. C’est en partant de cette hypothèse évolutive, selon laquelle la sélection naturelle a favorisé en nous la capacité à détecter de manière fine les qualités d’un chef, qu’une équipe canadienne du département de psychologie, neurosciences et sciences comportementales de l’université McMaster (Hamilton, Ontario) s’est demandé si un des indices aidant à choisir le leader naturel résidait dans la hauteur de sa voix. Et si, malgré l’omniprésence, aujourd’hui, des écrans, la voix seule d’un homme politique pouvait influencer les électeurs (pour les femmes politiques, il faudra attendre quelques années…).
Comme le rappelle l’étude que ces chercheurs ont publiée, lundi 14 novembre, dans la revue Evolution and Human Behavior, de précédents travaux ont montré qu’une voix désagréable réduisait l’attractivité des politiciens. Par ailleurs, dans un étonnant article paru en 2002, deux chercheurs américains ont analysé le spectre vocal de plusieurs candidats à la Maison-Blanche, enregistré lors de 19 grands débats télévisés au cours de huit campagnes présidentielles entre 1960 et 2000, et ont à chaque fois pu “prédire” le vainqueur du scrutin, certaines caractéristiques de la voix trahissant sa “domination”. Dans cette lignée, l’étude canadienne s’est intéressée à l’influence que la hauteur de la voix pouvait avoir sur la manière dont le public percevait les hommes politiques. Quelles qualités attribue-t-on à un baryton et à un ténor et lequel des deux a le plus de chances d’être élu, si l’on ne se fie qu’à sa voix ?
Pour le savoir, deux expériences ont été réalisées sur un panel de 125 personnes divisé en deux groupes. Chaque groupe écoutait à deux reprises les voix de neuf anciens présidents des Etats-Unis : une fois, la voix avait artificiellement été baissée vers les graves et l’autre fois montée vers les aigus. Les participants au test devaient ensuite répondre effectuer cinq choix. Pour le premier groupe, dire lequel des deux avatars sonores de l’homme politique 1/ semblait le plus attractif, 2/ ferait un meilleur dirigeant, 3/ serait un dirigeant plus honnête, 4/ paraissait le plus digne de confiance, 5/ donnait le plus envie de voter pour lui lors d’une élection nationale. Pour le second groupe, il fallait spécifier lequel 1/ semblait le plus dominant, 2/ gérerait le mieux la situation économique actuelle, 3/ paraissait le plus intelligent, 4/ était le plus susceptible d’être impliqué dans un scandale, 5/ serait le candidat retenu pour un scrutin en période de guerre. Dans neuf cas sur dix, c’est la version à voix grave qui a été majoritairement choisie. La seule exception a été… l’unique critère négatif glissé dans le questionnaire, à savoir “le plus susceptible d’être impliqué dans un scandale”. C’est bien connu, dans “fausset” il y a “faux”…
Pour la seconde expérience, qui complétait la première, il n’était plus question de comparer entre elles deux variantes d’un même homme politique mais les voix artificiellement aiguës et graves de deux inconnus, A et B, prononçant la phrase neutre suivante : “Quand, dans l’air, les gouttes de pluie sont touchées par un rayon de soleil, elles agissent comme un prisme et forment un arc-en-ciel.” Pas d’intonation enflammée, pas de rhétorique, pas de slogan. Chaque participant devait dire pour quel locuteur il voterait lors d’une élection. Pour la moitié, A avait la voix grave et B la voix aiguë, et c’était l’inverse pour l’autre moitié du panel. En réalité, peu importait qui parlait puisque les “cobayes” ont largement élu, à 70 %, le candidat à la voix grave, quel qu’il fût.
Selon les auteurs, plus que l’attractivité, c’est la domination et la vaillance que reflète une tonalité dans les basses. Cela confirme le fait que l’on peut, à l’aveugle, déterminer la force physique d’un homme à la simple écoute de sa voix (dans des cultures et des langues différentes) et qu’une voix grave est associée à un taux plus haut de testostérone, l’hormone du mâle par excellence. Evidemment, on ne choisit pas un candidat à un scrutin que sur sa voix (ou sur une autre caractéristique physique). En l’occurrence, l’évolution de l’espèce humaine l’a conduite à élaborer des idées et des programmes dont la lecture et la comparaison s’avèrent, a priori, des éléments utiles lors d’une élection. Néanmoins, cette étude canadienne soupçonne que, pour mettre toutes les chances de leur côté, des candidats vont mettre en application ses enseignements, soit en s’exerçant à parler dans leur registre le plus grave, soit en faisant artificiellement baisser leur tonalité lors des retransmissions télé- ou radio-diffusées…
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : pour compléter la panoplie de l’homme à la voix grave, j’ajouterai qu’il est aussi perçu comme étant plus susceptible d’être infidèle. Ce qui colle finalement aussi très bien avec les plus beaux spécimens de notre élite politique masculine…
Photo: Nicolas Sarkozy, le 13 octobre 2011. REUTERS/Francois Nascimbeni/Pool
lire le billetDans le monde animal, l’inégalité sexuelle entre mâles et femelles est intrinsèque à la reproduction. Les premiers ont toute liberté d’aller déposer leur semence à chaque fois que l’on voudra d’eux, sans trop se soucier de la suite en général : en multipliant les aventures, ils multiplient les chances de transmettre leurs gènes, ce qui semble être une de leurs priorités dans la vie (le fameux instinct de reproduction). C’est a priori différent pour les femelles qui, une fois inséminées, ne peuvent plus répandre leurs gamètes aux quatre vents. Il n’empêche que les cas de polyandrie sont nombreux, chez les insectes, les batraciens et même les mammifères. Ainsi, si l’on met de côté le cas un peu particulier d’Homo sapiens, on peut citer l’exemple de dame putois qui s’accouple souvent avec plusieurs mâles (pas en même temps…).
Sur le plan évolutif, ce comportement tient du mystère car le bénéfice que la femelle peut en tirer n’est pas évident à mettre en lumière (si l’on part du principe que la plupart des espèces animales ne font pas cela pour le plaisir). On peut même parier que, lorsqu’un seul accouplement suffit à féconder la femelle, celle-ci a tout à perdre sur le plan énergétique à rejouer plusieurs fois à la bête à deux dos, surtout qu’elle est d’ordinaire dessous : en théorie, elle a mieux à faire de ses calories que de les dépenser en d’inutiles galipettes. Néanmoins, ce comportement existe et il doit bien avoir une raison, si ce n’est plusieurs.
Une étude européenne publiée le 23 septembre dans Science semble avoir trouvé au moins une explication. Ses auteurs sont partis de l’hypothèse selon laquelle, dans les populations animales présentant un fort taux de consanguinité, les femelles devraient multiplier les accouplements pour être sûres de trouver des mâles dont les gènes seraient suffisamment différents des leurs pour assurer une descendance viable. En effet, une trop grande proximité génétique augmente la probabilité pour que des caractéristiques délétères s’expriment. Dans leur étude, ces chercheurs ont donc créé des lignées consanguines d’un petit insecte, le tribolion rouge de la farine, qui sert souvent de modèle aux généticiens. Ils ont tout d’abord vérifié deux choses. Primo, que, dans les populations normales utilisées pour le contrôle, le nombre de partenaires des femelles (un ou plusieurs) était sans conséquence significative sur le succès reproductif. Secundo, que le poids de la consanguinité était avéré. Par rapport à leurs congénères des populations normales, les femelles des populations consanguines qui ne s’accouplaient qu’une fois présentaient bien un succès reproductif nettement affaibli.
Restait donc à s’intéresser à la dernière catégorie d’insectes : les femelles des populations consanguines pratiquant la polyandrie. Et là, les chercheurs n’ont pas été déçus : tous les indicateurs qu’ils surveillaient se sont mis à clignoter. Ces dames tribolion se sont transformées en véritables marathoniennes du sexe, allant jusqu’à y consacrer près de 40 % de leur temps soit le double de ce qui a été mesuré pour les femelles des populations de contrôle. Non seulement le temps de récupération des “consanguines” entre deux copulations étaient drastiquement réduit, mais les actes sexuels en eux-mêmes étaient plus longs, histoire d’augmenter le transfert de gamètes… Et pour ce qui est du nombre de partenaires, il montait à 17 en moyenne contre 12 pour les “filles faciles” du groupe témoin. Grâce à toute cette activité, les femelles de la population à forte consanguinité ont obtenu un succès reproductif équivalent à celles, monogames ou polygames, de la population normale. La polyandrie permet donc à la femelle de sélectionner un mâle dont les caractéristiques génétiques sont le plus compatibles avec son propre génome.
Reste à savoir ce qui conduit ces insectes à adopter ce comportement. La consanguinité a-t-elle, au fil des générations (15 en l’occurrence), rapidement sélectionné des individus à forte constitution et gros appétit sexuel ? Ou existe-t-il, dans ces populations, une alarme secrète, génétique ou épigénétique, qui pousse les femelles à multiplier les accouplements pour compenser le handicap de la consanguinité ? Quoi qu’il en soit, rien ne prouve que l’exemple des tribolions puisse être transposé à l’espèce humaine. Alors, si votre épouse vous apprend qu’elle vous a trompé avec tous vos copains de l’équipe de rugby, ne commencez pas à suspecter vos beaux-parents d’avoir fait un mariage consanguin…
Pierre Barthélémy
lire le billet– L’impact des grands prédateurs sur l’environnement en général et leurs écosystèmes respectifs en particulier, serait sous-évalué, selon une récente étude publiée dans Science. C’est avec la diminution de leurs populations qu’on s’aperçoit de leur rôle essentiel dans l’équilibre naturel. «Les recherches récentes montrent que la disparition de ces animaux a des conséquences beaucoup plus importantes que ce que l’on pensait sur des questions telles que la propagation des maladies, le développement des espèces invasives, la séquestration du carbone ou encore les incendies », souligne l’étude signalée par Le Figaro.
– Restons dans les prédateurs. Outre-Manche, The Independent s’intéresse à la reconquête de la France par les loups, qui seraient environ 200 dans l’Hexagone. Sous la pression des éleveurs, la ministre de l’environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, vient d’assouplir considérablement le dispositif sur l’abattage de ces animaux. Alors même qu’il s’agit d’une espèce protégée par la convention de Berne que la France a ratifiée en 1990.
– Une des grandes questions sans réponse de la paléoanthropologie concerne la raison de la disparition des hommes de Néandertal. Peut-être ont-ils simplement été submergés par le nombre d’hommes modernes déferlant sur l’Europe il y a quarante millénaires.
– Alors qu’une page de la conquête spatiale vient de se tourner avec la fin des navettes américaines, je vous signale une série d’été de Libération consacrée à la question.
– On peut aller étudier l’évolution du vivant dans les forêts vierges. On peut aussi le faire en pleine ville, à New York par exemple.
– Comme c’est toujours en été, au moment où l’actualité se fait moins abondante, que les journaux généralistes se souviennent que la science existe, voici une autres série estivale, celle que Le Temps a commencée au début du mois de juillet, qui passe en revue les éléments chimiques du tableau de Mendeleïev.
– Lovotics (mot-valise mélangeant “love” et “robotics”) vous proposer de tomber amoureux d’une boule de poils robotisée (une sorte de serpillière à franges et à roulettes parlant comme R2D2) et de s’en faire aimer en retour. Bon…
– Pour finir : c’était une des photos d’OVNI les plus célèbres de la planète. Prise en 1990, elle matérialisait la vague d’objets volants non identifiés qui “déferlait” sur la Belgique à cette époque. Plus de vingt ans après, son auteur vient de reconnaître qu’il s’agissait d’un canular et qu’il avait photographié… un triangle de polystyrène muni de spots lumineux !
Pierre Barthélémy
lire le billetAprès quelques jours d’absence et de silence pour cause de déménagement, le Globule est de retour sur le Net. Merci pour votre fidélité… Pour tous ceux que cela pourrait intéresser, l’auteur de ces lignes a fait l’objet d’un portrait sur Knowtex, signé par Marion Sabourdy.
– Je le dis souvent dès que j’ai un problème technique, “l’informatique, c’est bien quand ça marche”. Et quand ça ne fonctionne pas, soit, dans le cas le plus fréquent, vous avez un affreux écran bleu ou noir qui refuse d’obéir à toute commande, soit vous obtenez de la poésie en image comme vous pouvez le constater sur la photo ci-dessus. Le fameux outil Google Earth a quelques problèmes lorsqu’il veut reconstituer les ponts en 3D : personne ne lui a expliqué que les ponts avaient des piles… Une série d’images aussi étranges qu’amusantes à voir sur le site de Clement Valla.
– La supraconductivité vient de fêter ses cent ans. Un dossier à lire sur lefigaro.fr et un autre dans le Journal du CNRS.
– Un autre anniversaire, celui du premier vol d’un homme dans l’espace. C’était il y a un demi-siècle, le 12 avril 1961, et l’homme en question s’appelait Youri Gagarine.
– L’or bleu, c’est ainsi que l’on surnomme les ressources en eau douce qui, dans les régions méditerranéennes, manquent souvent. En Provence, des chercheurs traquent les rivières souterraines.
– C’est un petit groupe, probablement de 1 à 3 % de la population, qui peut se permettre de ne dormir que 4, 5 ou 6 heures par nuit, en étant toujours frais et dispos, toujours d’attaque et plein d’énergie. Rageant…
– Dans le “buisson” de l’évolution, tous les êtres vivants actuels se trouvent au bout des ramifications. Depuis combien de temps les différentes branches se sont-elles séparées ? L’ancêtre commun du chien et du chat vivait il y a 57,5 millions d’années. Celui de l’homme et du grand requin blanc il y a 523 millions d’années. Et celui du crapaud et du bolet satan il y a 1, 322 milliard d’années. Tous ces résultats sont obtenus grâce à un site fascinant, Time Tree.
– Les vélociraptors vivaient la nuit, selon des chercheurs qui ont analysé la forme des yeux de ces petits dinosaures.
– Pour finir, une vidéo étonnante. En voyant une araignée Goliath, la plus grosse mygale du monde, on aurait plutôt tendance à ne pas trop s’approcher. Ce n’est pas ce que font ces enfants vénézuéliens : ils la chassent… pour la manger !
Pierre Barthélémy
lire le billetAprès mon billet consacré à la fabrication des spermatozoïdes et à leur odyssée dans l’appareil génital féminin, une lectrice fort curieuse des choses de la nature me demande pourquoi le pénis a cette forme si caractéristique de champignon (voir la photo ci-dessus d’un Phallus impudicus, aussi appelé satyre puant…). Petite délurée, va… Puisque c’est ainsi, comme le chantait avec verve Pierre Perret, “tout tout tout, vous saurez tout sur le zizi. Le vrai, le faux, le laid, le beau, le dur, le mou qui a un grand cou, le gros touffu, le p’tit joufflu, le grand ridé, le mont pelé. Tout tout tout tout, je vous dirai tout sur le zizi.”
Avant de nous attaquer à la forme, répondons déjà à la question sensible de… la taille. N’en déplaise à tous les fabricants d’extenseurs de pénis, l’homme, comparativement à ses frères primates, est de loin le mieux doté et, étant donné les dimensions du vagin, n’a pas besoin d’être plus imposant qu’il n’est.
Dans la figure ci-dessus sont figurées les tailles relatives des attributs sexuels masculins et féminins de cinq espèces de primates : le bonobo, le chimpanzé, l’homme, l’orang-outan et le gorille. C’est bien pratique car nous n’avons pas toujours les spécimens de ces cinq espèces dans une main et un mètre de couturière dans l’autre pour effectuer ce genre de mesures, surtout que je ne suis pas sûr de vouloir m’y risquer avec un gorille. Ce qui nous intéresse en particulier, c’est la première ligne. Les deux petits cercles inférieurs, on le devine, nous permettent de comparer la grosseur des testicules et, dans ce domaine, on s’aperçoit que le champion est le bonobo. En revanche, si l’on regarde les flèches, dont la longueur indique la taille du pénis, on constate non sans fierté qu’Homo sapiens est le roi du braquemart, avec un sexe en moyenne deux fois plus grand et plus gros que celui de son plus proche parent, le chimpanzé. Signalons, même si cela n’a pas grand rapport avec le sujet qui nous préoccupe, que, sur la deuxième ligne, la femme l’emporte devant toutes ses amies guenons par la taille de ses seins (j’imagine que, cette fois, c’est un lecteur et non pas une lectrice qui me réclamera bientôt un article sur le sujet…).
En plus de se distinguer par sa taille, le zizi humain se singularise par sa forme. Si vous n’en avez pas à disposition ou si vous êtes en train de me lire sur un iPad dans le métro et qu’il serait indélicat de vous livrer à un rappel d’anatomie dans les transports en commun, faites un effort de mémoire. Ou jetez de nouveau un œil sur le champignon du début si votre dernière confrontation avec la bébête remonte à trop loin. Chez l’homme, le gland est très marqué au point que le diamètre de la couronne, cette espèce de collerette qui sépare le gland du reste de la verge, est plus grand que celui du pénis lui-même. Chez nos frères singes, en revanche, cette rupture de continuité est nettement moins flagrante. Pourquoi ? Comment des millions d’années d’évolution ont-ils pu aboutir à cette forme particulière ?
Dans un article remarqué publié en 2003 dans Evolution and Human Behavior, le psychologue évolutionniste américain Gordon Gallup a émis une hypothèse audacieuse basée sur l’idée qu’il s’agit d’une stratégie développée par l’homme pour maximiser ses chances de devenir père (et donc de transmettre ses gènes) en refoulant mécaniquement du vagin le sperme qui pourrait y avoir été déposé – éventuellement par un autre mâle car, c’est bien connu, femme est volage – lors d’un précédent rapport sexuel. Les spermatozoïdes ayant en effet la capacité de survivre entre 48 et 72 heures, la compétition entre mecs pourrait aussi se jouer à l’intérieur même du corps féminin. Et Gordon Gallup, qui s’est rendu célèbre en concevant le test du miroir destiné à mesurer la conscience de soi chez les animaux, est allé au bout de son idée en effectuant des expériences grâce à des prothèses sexuelles. Pour ce faire, ses collègues et lui ont injecté dans des vagins artificiels différents mélanges liquides d’eau et de farine, dont la viscosité se rapprochait de celle du sperme. Puis, ils ont introduit des godemichés de formes différentes, deux reproduisant un pénis de manière réaliste, avec des couronnes plus ou moins marquées, et un sans couronne, plutôt genre concombre.
En observant ce coït synthétique, les chercheurs se sont vite aperçus que le pseudo-sperme injecté au début de l’expérience était à 91 % déplacé derrière la couronne, comme ramoné vers l’entrée du vagin. En revanche, en l’absence de collerette, ce chiffre tombait à 35 %. Evidemment, plus le pénis artificiel était enfoncé profondément et plus les mouvements de va-et-vient étaient énergiques, plus la couronne évacuait de “sperme”. Ce phénomène pouvait-il “coller” avec l’hypothèse de départ ? Pour le dire clairement, quand l’homme avait des raisons de penser que sa compagne avait pu avoir des rapports sexuels avec d’autres (soit qu’elle ait reconnu l’avoir trompé, soit qu’il ait été absent pendant quelques jours), mettait-il plus d’ardeur ? Afin de le savoir, Gallup et ses collègues ont réalisé deux sondages anonymes auprès de plus de 200 étudiants, filles et garçons confondus. Les personnes interrogées ont majoritairement convenu qu’après une infidélité de sa compagne ou une absence, le “mâle”, lors de l’acte charnel, augmentait à la fois la profondeur de la pénétration et le rythme de ses coups de reins… CQFD.
L’hypothèse de la compétition spermatique pour expliquer la forme si particulière du pénis humain a donc semblé très convaincante suite à cette étude pour le moins originale. Néanmoins, dans une lettre publiée en 2009 dans les Archives of Sexual Behavior, le gynécologue américain Edwin Bowman a remis en cause cette théorie. Ce praticien est d’accord pour dire que la couronne sert en quelque sorte à faire du ménage sur les parois du vagin. Mais, pour lui, il ne s’agit pas d’éliminer d’éventuels spermatozoïdes concurrents, parce qu’ils sont probablement soit déjà morts, soit déjà plus avancés dans l’intimité féminine. Si nettoyage il y a, c’est celui des sécrétions vaginales acides, souvent mortelles pour les spermatozoïdes. Selon Edwin Bowman, le pénis s’est adapté au vagin afin de préparer le terrain et de donner le plus de chances possibles aux gamètes qui vont s’y aventurer. C’est bien la preuve que, depuis des millions d’années, un vrai dialogue entre les sexes est possible…
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : pour finir, je ne résiste pas à l’envie d’insérer le clip du Zizi de Pierre Perret…
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Quand ils en auront fini avec le ballon rond, certains footballeurs auront une reconversion sportive toute trouvée dans une autre discipline olympique : le plongeon. Il fut un temps où les joueurs mettaient un point d’honneur à rester debout contre vents et marées, contre croche-pattes et coups de tatane. Aujourd’hui, des garçons encore plus musclés que l’Hercule Farnèse s’écroulent au moindre courant d’air, tenant moins bien sur leurs jambes qu’une grand-mère avec deux prothèses de hanche, comme s’ils avaient des savonnettes à la place des crampons. Bien sûr, il y a souvent faute. Mais l’art de la simulation s’est aussi répandu comme une peste sur les pelouses et quand on sait la fameuse importance des coups de pied arrêtés au football ainsi que les sommes que représente une victoire, on comprend mieux que les joueurs soient tentés de feindre ou d’exagérer l’accrochage avec un de leurs adversaires. Voici un florilège vidéo de simulations plus grossières, grotesques et lamentables les unes que les autres.
Ces mauvaises habitudes anti-sportives ont attiré l’attention d’une équipe de chercheurs australiens qui sont d’ordinaire plus intéressés par les décapodes que par les bipèdes. Ils ont ainsi notamment découvert que, chez une espèce d’écrevisse, arborer des pinces impressionnantes chez un mâle assied sa domination sur les autres mâles ainsi que sur les femelles, même s’il n’a pas assez de force pour s’en servir efficacement ! Il y a cependant un grand débat pour savoir si et comment la tromperie dans la communication animale peut se maintenir dans les systèmes naturels comme une stratégie stable. La théorie des jeux prédit que la duperie, pour être viable, doit se produire peu fréquemment (sinon on tombe dans l’histoire de l’enfant qui criait au loup) mais que cette fréquence augmente en fonction des bénéfices que l’on peut en retirer et aussi en fonction de la “naïveté” de celui qui reçoit le signal trompeur. Le problème, c’est que très peu de systèmes animaux permettent d’étudier la question. D’où l’idée de se servir des footballeurs, que ces chercheurs australiens ont présentée il y a quelques jours au congrès annuel de la Society for Integrated and Comparative Biology, qui se tenait à Salt Lake City. “C’est une manière très intelligente de tester les prédictions de la théorie du signal, commente dans Science le biologiste américain Simon Lailvaux. Il est passionnant de trouver un système avec lequel on pourra vraiment quantifier ou catégoriser les signaux trompeurs.”
Si l’on transpose au football, l’émetteur (le joueur qui tombe) envoie un signal (sa chute) au récepteur (l’arbitre). Lequel doit déchiffrer si le signal est honnête (il y a eu faute) ou malhonnête (il y a simulation) et prendre une décision en conséquence. Pour savoir si la théorie fonctionne sur les terrains de football (grosso modo pour savoir si la stratégie est payante et si l’arbitre se fait berner), Gwendolyn Davis, post-doctorante à l’université du Queensland, s’est donc attelée à une tâche ingrate (heureusement pour elle, elle aime le foot et y joue…) : visionner et décortiquer pas moins de 60 matches de première division. Dix français, dix espagnols, dix allemands, dix néerlandais, dix italiens et, bien sûr, dix australiens. A chaque faute sifflée, il lui fallait revisionner l’action en détail pour la classer dans trois catégories : faute avérée, contact et chute exagérée, plongeon sur faute imaginaire.
Comme le prédit la théorie des jeux, le nombre de fautes réelles surpasse de loin les supercheries. Seulement 6% des quelque 2 800 chutes enregistrées étaient complètement bidon. Les chercheurs ont aussi constaté que les joueurs plongeaient de deux à trois fois plus lorsqu’ils étaient proches du but adverse et qu’ils étaient aussi plus récompensés dans cette zone, peut-être parce que l’arbitre était souvent plus éloigné de l’action. Enfin, et c’est aussi un enseignement important, presque aucun truqueur n’a été sanctionné lors de ces matches… Robbie Wilson, qui a conduit l’étude, a suggéré que les institutions du football pourraient s’en servir pour placer des arbitres supplémentaires dans les zones où les truqueurs sévissent le plus.
Pour compléter ce tour d’horizon de la science des footballeurs truqueurs, je suggère au corps arbitral de lire le travail de deux chercheurs britanniques, paru en 2009 dans le Journal of Nonverbal Behavior. Paul Morris et David Lewis y décrivent notamment la posture typique du plongeur, illustrée à merveille par cette photo de Didier Drogba. Il s’agit de la posture de l’arc, nommée ainsi en raison de la courbure presque surnaturelle que le corps adopte et que l’on ne retrouve quasiment jamais en cas de faute réelle: la tête en arrière, la poitrine en avant, les bras complètement levés et pointant vers l’arrière, les jambes décollées du sol et les genoux pliés. Merci, Didier, pour cette fantastique démo. Tu peux te relever.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : j’ai tardivement demandé par courrier électronique d’autres statistiques à Gwendolyn Davis. Si elle a la gentillesse de me les envoyer vite, je complèterai ce billet avec des chiffres supplémentaires.
Photo: Cristiano Ronaldo plonge et se retrouve sur les mains, le 23 janvier 2011 au stade Santiago Bernabeu. REUTERS/Felix Ordonez
On a un peu tendance à l’oublier, y compris lorsqu’on découpe un poulet, mais les oiseaux ont aussi des mains. Des mains certes réduites au strict minimum et très légères, avec seulement trois doigts la plupart du temps inclus dans l’aile, mais des mains quand même. Xenicibis xympithecus, un ibis aujourd’hui disparu qui vivait sur l’île de la Jamaïque il y a encore quelques millénaires, avait pour sa part de curieuses paluches. A l’instar de beaucoup d’insulaires emplumés, ce drôle d’oiseau avait perdu l’usage du vol pour exploiter un environnement pauvre en prédateurs. Mais, comme l’explique une étude américaine qui vient de paraître dans les Proceedings of the Royal Society B, la main de cet ibis ne ressemble à celle d’aucun oiseau, éteint ou vivant, volant ou pas.
Quand on a découvert la première aile fossilisée de la bestiole, on a cru qu’elle était victime d’une malformation pathologique inexplicable. Mais les fossiles qui ont suivi ont montré que tous les membres de l’espèce présentaient les mêmes caractéristiques : le principal métacarpe est hypertrophié, massif et fortement courbé, avec un diamètre supérieur au centimètre (voir ci-dessous), soit davantage que le fémur de l’oiseau. L’os est creux mais particulièrement épais.
D’autres curiosités anatomiques complètent ce tableau très particulier : l’articulation du “poignet” est très faible et lâche, ce qui permet à la main d’être jetée vers l’avant ; le radius est lui aussi anormalement épais ; pour un oiseau qui a abandonné le vol, Xenicibis dispose d’une ceinture pectorale relativement bien développée avec des os larges et robustes. Tous ces indices ont conduit Nicholas Longrich et Storrs Olson, les deux auteurs de l’étude, à formuler l’hypothèse suivante : cet ibis jamaïcain se servait de ses ailes comme d’un gourdin ou, mieux, d’un fléau (ou d’un nunchaku, si l’on préfère les arts martiaux japonais aux batailles médiévales avec armures et chevaux caparaçonnés). “L’énergie cinétique est le produit de la masse et de la vitesse au carré, rappellent-ils ; par conséquent, des armes telles que les gourdins et les fléaux ont un long manche pour augmenter la vitesse angulaire, sont fortement alourdies pour augmenter la masse accélérée par le mouvement, et leur centre de gravité est proche de leur extrêmité, là où la vitesse angulaire est la plus élevée. C’est précisément ce “design” que l’on retrouve dans la main de Xenicibis, où le bout de l’aile est massif (…).” Tout participe à la violence : la capacité à propulser la main librement vers l’avant ; le métacarpe creux et dur qui permet de cogner vite et fort, “comme une batte de baseball en aluminium” ; la conservation d’une aile longue quoique ne servant plus au vol et la possibilité de l’étendre complètement et rapidement.
Si Xenicibis était une sorte de karatéka à plumes, distribuant des mandales soit à ses congénères pour protéger son territoire, soit aux rares prédateurs du quartier qui lorgnaient ses œufs ou ses poussins (rapaces, singes voire serpents), cette aptitude au combat, ont supposé MM. Longrich et Olson, a dû laisser des traces, des fractures, comme on en retrouve chez les autres oiseaux bagarreurs. Les deux chercheurs sont donc retournés étudier les quelques spécimens fossilisés à leur disposition. Et bingo : deux d’entre eux présentaient des fractures de l’aile, dont une avait réussi à cicatriser complètement.
Dans la conclusion de leur article, Nicholas Longrich et Storrs Olson soulignent que si de nombreux oiseaux se servent de leurs ailes comme d’une arme (et notamment de leurs doigts en guise d’éperons ou de griffes), “dans le cas de Xenicibis, l’adaptation de l’aile en une arme puissante a produit un agencement qui est non seulement unique parmi les milliers d’espèces d’oiseaux existantes ou fossiles, mais aussi unique parmi les vertébrés. Bien que les appendices corporels se soient à plusieurs reprises spécialisés pour marcher, courir, nager, creuser et voler, Xenicibis est le seul à avoir transformé son appendice pectoral en un gourdin articulé capable d’être balancé pour augmenter la vitesse et l’énergie du coup.” Ce que l’étude ne dit pas, c’est que ses ailes de karatéka n’ont pas empêché l’oiseau de disparaître…
Pierre Barthélémy
lire le billet
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