98% des Canadiens pensent qu’un changement climatique est en cours

L’étude publiée par l’ONG International Performance Assessment Centre for Geologic Storage of Carbon Dioxide (IPAC-CO2), le 15 août 2012, révèle que seulement 2% des Canadiens ne croient pas qu’un changement climatique est en train de se produire. Ce résultat confirme celui de 2011. “Les Canadiens sont concernés par les problèmes tels  que les événements météorologiques extrêmes, les sécheresses ou le changement climatique”, note Carmen Dybwad, PDG d’IPAC-CO2.

Ce résultat est nettement meilleur que celui qu’Ipsos a enregistré en France en janvier 2010,  un mois après le sommet de Copenhague. Le sondage réalisé alors montrait que 84% des Français croyaient à la réalité du réchauffement climatique. Ce chiffre reste sensiblement supérieur à celui qui a été mesuré en 2011 aux Etats-Unis par l’université de Yale qui s’était alors penchée sur les différences de perception en fonction des préférences politiques des personnes interrogées. Ainsi, 78% des Démocrates et 53% des Républicains estimaient qu’un réchauffement climatique se produit.

Cette adhésion relativement massive au changement climatique masque des différences importantes quant aux causes de ce phénomène. Même au Canada. Ainsi, 54% des Canadiens estiment que le changement climatique est partiellement dû aux activités humaines et partiellement à des variations climatiques naturelles et 32% qu’il est uniquement dû aux activités humaines. Seuls 9% jugent qu’il provient uniquement de variations climatiques naturelles.

La division des Canadiens est également importante en matière de solutions pour limiter le changement climatique. Pour 35% d’entre eux, les priorités concernent la promotion de voitures plus propres fonctionnant à l’électricité ou à des carburants à faible émission de carbone. Seulement 16% ont favorable à une taxation générale sur l’émission de CO2. Au sujet du stockage du CO2, 59% de Canadiens estiment qu’il devrait être obligatoirement prévu lors de la construction de nouvelles centrales au charbon ou au gaz naturel. Mais le pourcentage de ceux qui ne sont pas sûr qu’ils tireraient profit de la capture et du stockage du carbone est passé de 42% en 2011 à 48% en 2012. Ces résultats sont des moyennes qui masquent d’assez importantes différences suivant les régions où habitent les Canadiens.

On note donc que, malgré les sommets et autres conférences internationales, la prise de conscience du changement climatique et, surtout, de ses causes humaines, progresse lentement. Le Canada, qui devrait faire partie des pays pouvant tirer profit d’un réchauffement grâce à la fonte de la banquise ouvrant des voies de navigation au Nord et permettant d’exploiter le sous-sol, reste en tête des pays sensibilisés à la nécessité de réduire ce réchauffement en agissant sur les émissions humaines de CO2. De quoi confirmer la fibre écologique particulière des Canadiens.

Michel Alberganti

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Image: Les feux de forêt près de Colorado Spring

Les incendies de Colorado Spring analysés depuis l'espace

Le feu de forêt «Waldo Canyon Fire» a détruit près de 350 maisons en une semaine, depuis le 23 juin 2012, et provoqué l’évacuation de 36 000 personnes. Le satellite Pléiades 1A d’Astrium, lancé en décembre 2011, réalise des images avec une résolution de 50 cm. Retravaillée par les géo-experts d’Astrium, l’image ci-dessus permet d’étudier les zones protégées par des produits retardants, en particulier à proximité des habitations.

Cliquez sur l’image pour l’agrandir

Et regardez les photos des incendies sur le Grand Format de Slate.fr

Michel Alberganti

 

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La dette américaine : 45 tours Montparnasse pleines de billets verts

Il faut sauver la dette américaine, paraît-il. Le Monde titre à la “une” : “Les Etats-Unis se rapprochent du défaut de paiement”. Le journal du soir nous explique que “le déficit cumulé de l’Etat fédéral (son “plafond”) ne peut être augmenté qu’avec l’accord du Congrès. Sa limite actuelle, à 14 280 milliards de dollars (9 936 milliards d’euros), a été dépassée en mai. Depuis, Washington use d’expédients pour se financer. Mais les services du Trésor ont fixé au mardi 2 août la date butoir au-delà de laquelle ils ne pourront plus respecter leurs engagements obligatoires.” Des négociations serrées sont donc en cours entre la majorité républicaine et les démocrates (ainsi que la Maison blanche) pour remonter substantiellement le plafond, faute de réduire le déficit de l’Etat dans l’immédiat. Bref, c’est de l’économie. Mais, en voyant ce “14 280 milliards de dollars”, je me suis dit que ce chiffre ne voulait plus rien dire. Un chiffre à proprement parler “astronomique”.

L’astronomie est une discipline scientifique où les nombres prennent très vite des valeurs très importantes, notamment quand on parle de distances. A l’échelle de notre Terre, cela va encore avec un périmètre de 40 000 kilomètres, soit l’équivalent de ce que fait un gros rouleur chaque année. La distance Terre-Lune demeure elle aussi dans le domaine de l’entendement, avec un demi-grand axe de 384 000 km, un chiffre que peut indiquer le compteur kilométrique de certains taxis parisiens bien fatigués. En revanche, dès qu’on veut se promener dans le système solaire, dans la Voie lactée ou vers d’autres galaxies, notre petit kilomètre n’a plus grande signification. Dans le système solaire, on utilise l’unité astronomique (150 millions de kilomètres), qui est la distance moyenne Terre-Soleil. Au-delà, on passe à l’année-lumière, qui est la distance parcourue par la lumière dans le vide en une année, soit un peu moins de 10 000 milliards de kilomètres. L’étoile Polaire, située dans la constellation de la Petite Ourse, se trouve à 430 années-lumière de nous. Ce qui signifie que quand on la regarde, on voit en réalité la lumière que cet astre a envoyée il y a 430 ans, à l’époque où Henri III régnait sur la France…

Le déficit américain est un peu comme une galaxie lointaine : le chiffre qui lui correspond ne veut plus dire grand chose. A la seconde où j’écris ces mots, il s’élève à 14 292 823 millions de dollars, soit 142 928 230 000 coupures de 100 dollars. C’est beaucoup. Je me suis donc demandé si on pouvait imaginer un équivalent monétaire à l’année-lumière des astronomes. Mettre tous ces billets bout à bout n’est pas une très bonne idée car cela ferait une immense chaîne verte de plus de 22 millions de kilomètres. J’ai donc essayé de les empiler. Sachant que chacun de ces billets a une épaisseur de 0,11 millimètre, cela ferait une liasse de 15 722 kilomètres de haut, soit quasiment deux mille fois l’Everest… ce qui n’est pas un mode de représentation très explicite.

Pour trouver une comparaison plus parlante, je me suis donc intéressé au volume d’un “Benjamin Franklin”, comme les Américains surnomment le billet de 100 dollars. Celui-ci mesure 156 millimètres de long sur 66 de large et toujours 0,11 d’épaisseur. On pourrait demander à un ministre français de calculer le volume de ce bout de papier mais ce serait risqué étant donné la célèbre inculture mathématique des membres du gouvernement. Voici donc le résultat, très faible : 0,00000113256 mètre cube. Quand on le multiplie par le nombre de billets nécessaires pour combler le déficit de l’Etat fédéral américain, cela fait quand même 161 875 m3. Si l’on considère que chaque étage de la tour Montparnasse, à Paris, a une surface d’environ 1 700 m2, tous ces “Ben Franklin” rempliraient 95 mètres de hauteur, soit près de la moitié de la tour Montparnasse ! Il faudrait beaucoup de Tony Musulin pour, au choix, la remplir ou la vider. Evidemment, si j’avais retenu le billet de 1 dollar comme unité de base, la dette fédérale bourrerait 45 tours Montparnasse de ces coupures, puisque tous les billets américains ont le même format.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : dans le tableau synthétique du site usdebtclock.org, j’ai trouvé une ligne encore plus hallucinante, celle des “Currency and credit derivatives”, dont les chiffres des unités défilent encore plus vite que les rouleaux d’une machine à sous : 611 472 milliards de dollars. En billets de 100 dollars, la pile fait quasiment l’aller-retour Terre-Lune !

 

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Se marier, c’est bon pour la planète?

Chris Mooney est un journaliste américain qui, avec la chercheuse Sheril Kirshenbaum, tient le blog The Intersection sur le site Internet de Discover Magazine. Cette “intersection” est celle de la politique et de la science aux Etats-Unis et Chris Mooney s’intéresse particulièrement aux rapports compliqués voire conflictuels qu’entretiennent les Républicains américains avec la chose scientifique. Il a consacré trois livres au sujet : The Republican War on Science ; Storm World : Hurricanes, Politics, and the Battle over Global Warming ; et Unscientific America : How Scientific Illiteracy Threatens our Future, co-écrit avec Sheril Kirshenbaum. Grâce à la veille qu’il réalise sur ces sujets, Chris Mooney a détecté et signalé sur son blog un article publié par American Thinker, une publication en ligne qui se réclame ouvertement du camp conservateur.

Signé par Bruce Walker, cet article défend la thèse selon laquelle les valeurs morales familiales traditionnelles (mariage, femme au foyer, éducation à la maison, etc.) sont les meilleures pour dépenser moins d’énergie, réduire l’empreinte carbone et, partant, pour protéger l’environnement et la planète. Si l’on met de côté l’ironie qu’il y a à voir un journal en ligne qui, d’ordinaire, nie le rôle de l’homme dans le réchauffement climatique, vanter les vertus d’une vie moins productrice de CO2, il reste intéressant d’écouter ces arguments.

La vision du monde de Bruce Walker est évidemment américano-centrée mais de nombreux arguments peuvent parfaitement s’appliquer à d’autres pays riches. Le journaliste part de deux chiffres : en 2009, selon le Bureau du recensement des Etats-Unis, 96,6 millions d’Américains âgés de 18 ans et plus (soit 43% de cette catégorie de population) n’étaient pas mariés. Toujours d’après la même source, 31,7 millions d’Américains vivent seuls, ce qui représente 27% des foyers, contre 17% en 1970. Ces deux chiffres, et surtout les phénomènes qu’ils recouvrent, sont, pour Bruce Walker, le nœud du problème environnementalo-sociétal : “Cette tendance qu’ont les Américains à vivre seuls ou en dehors des liens du mariage s’accélère rapidement, et elle détruit l’environnement.”

Comment cela ? Voici le raisonnement qui mène à cette affirmation : “Un couple marié stable vit dans un seul foyer, n’est abonné qu’une seule fois à l’eau, au gaz et à l’électricité, éclaire sa demeure avec un seul système électrique et réalise des économies sur ses frais de bien d’autres manières. Les Américains adultes qui vivent seuls ou dans des relations instables font augmenter de façon spectaculaire le besoin de logements, d’électricité, de systèmes de chauffage et de climatisation, d’entretien des routes et des villes, et aussi de voitures roulant dans les rues de ces villes. De plus, dans les couples mariés traditionnels qui ont atteint un certain niveau d’aisance, il y a plus de chances qu’un seul membre de la famille ait besoin de travailler, ce qui réduit les embouteillages et toute la myriade de problèmes environnementaux associés à une grande population métropolitaine qui fait les trajets entre la maison et le travail.”

Le conservatisme résout d’autres problèmes environnementaux, si l’on en croit Bruce Walker :  “Si un grand nombre d’Américains faisaient l’école à la maison, alors cela réduirait drastiquement, voire à néant, l’énergie que les écoles publiques consomment, les surfaces qu’elles occupent et le nombre de bus qui engorgent nos rues.” Autre cible de la révolution conservatrice verte : les loisirs. “Quand les familles construisent leur vie autour de leur église ou de leur synagogue, il y a alors moins de déplacements pour les loisirs et quand elles trouvent des activités sociales et de détente au sein de ces assemblées de croyants, le besoin pour des loisirs de substitution (comme ceux auxquels se livrent les personnes qui ne vont pas dans un lieu de culte) chute.”

On comprend mieux les dessous de ce raisonnement lorsque Bruce Walker, dans un élan de “c’était mieux avant”, nous parle un peu de ses racines : “Pendant mon enfance, j’avais des grands-parents, des tantes et des oncles qui étaient conservateurs, dans tous les sens du terme. Ils étaient heureux de vivre dans des demeures modestes. Presque tous avaient des jardins et faisaient des conserves de fruits et de légumes. Ils regardaient rarement la télévision (…) et, à l’air conditionné ils préféraient les fenêtres ouvertes ou s’asseoir à l’ombre des arbres. Ce mode de vie était naturel pour des gens qui se mariaient et restaient mariés, qui faisaient de la religion une partie centrale de leur vie et qui, s’ils vivaient aujourd’hui, auraient éteint la télévision au bout d’environ vingt secondes. Quand ils prenaient des vacances, c’était en général pour aller pêcher au lac ou peut-être pour rendre visite à la famille, sinon ils se divertissaient peu car leurs vies étaient principalement consacrées à leur travail (qu’ils faisaient dans l’allégresse). Leur empreinte carbone était incomparablement plus faible que celle d’une vedette d’Hollywood ou d’un politicien arrogant, mais elle était aussi beaucoup moins grande que celle d’une mère célibataire ou d’un bureaucrate fédéral de l’Agence pour la protection de l’environnement.”

On l’a compris : selon cette vision de la société, le bonheur est dans le pré, le mariage et la religion. Et la sauvegarde de l’environnement itou. Bien sûr, cela manque de chiffres et de science, mais il est amusant de constater que Bruce Walker se rapproche, par certains aspects, des prosélytes de la décroissance souvent situés de l’autre côté de l’échiquier politique, ces “écolos” de gauche qu’il vomit dans d’autres passages de son article. Et Chris Mooney, taquin, ne manque pas de lui faire remarquer qu’à tant défendre le mariage pour des raisons écologiques, les Républicains de son acabit feraient bien d’autoriser rapidement partout où ils le peuvent… le mariage gay.

Pierre Barthélémy

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Le drapeau national fait-il voter à droite ?

Avec la primaire d’Europe Ecologie – Les Verts et celle, dont on parle beaucoup moins, du Parti communiste, le temps des pré-scrutins pour l’élection présidentielle de 2012 est déjà venu. L’an prochain, dans la foulée de l’élection suprême, la France aura droit à des législatives. Alors, pour qui voterons-nous ? Pour reformuler la question d’une manière un peu plus scientifique, qu’est-ce qui décide de notre vote ? La vulgate des sciences politiques et de la psychologie dit qu’en démocratie le choix d’un candidat plutôt qu’un autre est le fruit d’un raisonnement. C’est sans doute vrai dans la majorité des cas mais pas toujours. Plusieurs études ont montré que différents facteurs pouvaient influencer les électeurs sans qu’ils en aient conscience et notamment, j’imagine, ceux qui se décident à la dernière minute, dans le secret de l’isoloir. Ainsi, une étude très remarquée publiée en 2005 dans la prestigieuse revue Science a-t-elle prouvé que la photographie des candidats, et l’impression de compétence que le visage dégage, permettait de déduire avec une certaine justesse le résultat de l’élection. Aux Etats-Unis, où les noms des candidats sont présentés sur une liste, figurer au début de cette liste procure un avantage non-négligeable, en particulier dans les comtés où les électeurs ont le moins de culture politique. Enfin, le lieu-même où est installé le bureau de vote peut avoir une influence sur le choix du bulletin. Ces effets sont marginaux mais quand on sait que de nombreuses élections se jouent aux alentours du 50-50, ils peuvent avoir leur importance.

Une étude à paraître dans la revue Psychological Science s’intéresse à l’impact que peut avoir un élément tellement banal de la vie publique qu’il peut en paraître anodin voire invisible : le drapeau national. Il s’agit d’un travail de grande ampleur, avec une cohorte de plusieurs centaines de personnes, qui s’est étalé sur deux années aux Etats-Unis, avant et après l’élection présidentielle de 2008 qui a vu la victoire du démocrate Barack Obama face au républicain John McCain. Je ne vais pas décrire ici tous les détails des différentes expériences menées et j’invite ceux que cela intéresse à lire l’étude complète. Ses auteurs sont partis de l’hypothèse selon laquelle, dans un pays comme les Etats-Unis où le bipartisme est quasiment une institution et où le drapeau national est clairement associé au Parti républicain, l’exposition des citoyens à la bannière étoilée dans un contexte de tests, où ils réfléchissent activement à leurs choix politiques, les pousse inconsciemment vers la droite de l’échiquier politique.

Lors d’une première session, qui s’est tenue pendant la campagne de 2008, les “cobayes”, qui ignoraient le but de l’expérience, étaient invités à remplir un questionnaire comportant notamment quelques questions sur leur “patriotisme”, leurs choix politiques et leur demandant pour quel “ticket” ils comptaient voter lors de l’Election Day. Quelques semaines plus tard, soit juste avant l’élection, une deuxième session a commencé avec un nouveau questionnaire. La moitié des sondés reçut un formulaire électronique (voir copie ci-dessous) dans lequel figurait une question avec un drapeau américain de petite taille tandis que l’autre moitié devait remplir le même formulaire mais sans image.

Alors que les deux groupes (très majoritairement favorables aux démocrates) étaient censés avoir la même représentativité, évaluée lors de la première session, les “cobayes” ayant été exposés au drapeau montrèrent une plus grande inclinaison à voter pour John McCain que ceux n’y ayant pas été exposés. La troisième session a eu lieu juste après l’élection et l’on a notamment demandé aux deux groupes pour qui ils avaient voté. Dans le groupe sans drapeau, Barack Obama avait été choisi par 84 % des participants et McCain par les 16 % restants. Dans le groupe exposé au drapeau lors du questionnaire, le pourcentage d’adhésion au candidat démocrate, tout en restant élevé, chutait significativement à 73% tandis que John McCain, avec 27%, réalisait un score nettement moins ridicule. Au début du mois de juillet 2009, lors d’une quatrième session, les “cobayes” étaient de nouveau testés sur leur évaluation de la politique du président Obama et les chercheurs constataient que la dichotomie initiale entre les deux groupes subsistait plus de huit mois après l’exposition à la bannière étoilée, comme si elle s’était cristallisée depuis.

Pour les auteurs de l’étude, on pourrait croire que le drapeau national, montré à un Américain non pas dans la vie de tous les jours mais dans le cadre d’une réflexion sur ses choix politiques personnels, l’incite inconsciemment à s’identifier au cliché du bon citoyen patriote, représenté dans l’imaginaire collectif par le républicain moyen. Une autre hypothèse consiste à penser que le drapeau a un rôle fédérateur et pousse les extrêmes vers le centre. Comme l’échantillon était très marqué démocrate, cela s’est traduit par un glissement vers le Parti républicain. Une précédente expérience, dans laquelle le drapeau avait été montré de manière subliminale, avait mis en évidence cet effet de recentrage en Israël notamment autour de la question de la colonisation de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie. Si cette hypothèse est correcte, le drapeau national jouerait bien son rôle de symbole unificateur.

Et la France dans tout cela ? Je n’ai pas trouvé d’étude analogue concernant l’effet du drapeau tricolore. Je note toutefois que l’article R27 du code électoral dit que “les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral qui comprennent une combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique sont interdites”. Comme si l’appropriation par un candidat des trois couleurs nationales pouvait lui conférer un avantage électoral. Cette interdiction n’avait pas empêché Jacques Séguéla de concevoir, pour la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1981, une affiche sur laquelle le drapeau français, reproduit dans les couleurs du ciel, servait subtilement (d’aucuns diront subliminalement) de toile de fond (voir ci-dessous). A l’époque l’article R27, quoique rédigé dans une version différente, était pourtant déjà en vigueur…

J’attends avec intérêt vos analyses sur la manière dont cette exploitation du drapeau tricolore a joué un rôle “recentrant” et permis au candidat socialiste de siphonner les voix du Parti communiste tout en rassurant une partie de la droite… A moins que vous n’estimiez, comme Reiser, que les Français ne se font pas manipuler par ce genre de détails, étant donné qu’ils ont d’excellentes raisons de voter pour tel ou tel candidat…

Pierre Barthélémy

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Offensive anti-IVG aux Etats-Unis

Depuis le succès des Républicains en 2010 aux élections américaines de mi-mandat, le mouvement “pro-life”, c’est-à-dire anti-avortement, a lancé une offensive de grande envergure. Un millier de mesures ont été prises, au niveau des états ou au niveau fédéral, pour restreindre le droit ou l’accès à l’avortement. Voici les trois dernières actions en date.

Dans l’Indiana, tout d’abord, le gouverneur républicain Mitch Daniels a signé, mardi 10 mai, une loi empêchant le Planning familial de son état de toucher des fonds fédéraux, qui constituent 20% de son budget, alors même que les interruptions volontaires de grossesse (IVG) ne représentent que 3% de son activité. Le gouverneur Daniels a clairement exposé les termes du chantage : “Toute organisation concernée par cette disposition pourra de nouveau recevoir les dollars du contribuable en cessant les avortements ou en se séparant de la partie qui les réalise.” M. Daniels est considéré comme un candidat possible aux primaires républicaines pour l’élection présidentielle américaine de 2012.

Deux jours plus tard, le 13 mai, les législateurs du Kansas, état dont le gouverneur Sam Brownback est lui aussi un républicain anti-avortement, ont voté une loi interdisant aux compagnies d’assurance de proposer des contrats généralistes couvrant les frais des IVG. Seule exception à la règle : que la vie de la patiente soit en danger. Autrement, les femmes voulant se faire rembourser ces frais devront souscrire un contrat spécifique… Sam Brownback, qui veut instaurer une “culture de la vie”,  a déjà donné son aval à des lois imposant des restrictions aux avortements tardifs et exigeant des médecins d’obtenir l’autorisation des parents avant de pratiquer une IVG sur une mineure. La discussion sur le budget de cet état a également amputé de 300 000 dollars les ressources allouées au planning familial. Encore une fois, ce sont les familles à faibles revenus qui seront pénalisées. La nouvelle stratégie des pro-life est donc claire : frapper les femmes qui veulent avorter au porte-monnaie, pour forcer les plus pauvres à renoncer à l’IVG, ce qui fera autant de vies de “sauvées”. La démocrate Annie Kuether, membre de la chambre des représentants du Kansas, a déclaré à l’agence Associated Press : “Il y a clairement là un message disant que les femmes sont quantité négligeable. Je suis écœurée et fatiguée d’être traitée comme un citoyen de deuxième classe.” Pour rappel, c’est au Kansas qu’il y a deux ans, le 31 mai 2009, le médecin George Tiller a été tué d’une balle dans la tête alors qu’il était à l’église. Parce qu’il pratiquait des avortements dits tardifs, mais néanmoins légaux.

Dernière attaque en date contre le droit à l’interruption volontaire de grossesse aux Etats-Unis : à Washington, la chambre des représentants à voté la semaine dernière un amendement qui, s’il est approuvé par le Sénat et si le président Obama n’y met pas son veto, empêchera tout centre médical assurant la formation des professionnels de santé de recevoir des fonds fédéraux s’il enseigne les techniques d’avortement. Pour que les avortements s’arrêtent, plus besoin de tuer ou d’intimider les gynécologues-obstétriciens qui pratiquent des IVG, il suffit de ne plus les former…

Suite à cette nouvelle offensive anti-IVG, le site Salon.com a publié une lettre-témoignage intitulée : “Comment l’avortement m’a sauvé la vie”. Je la conseille à tous ceux qui lisent l’anglais et, pour les autres, j’en ai traduit de larges extraits ci-dessous. Son auteur s’appelle Mikki Kendall. Elle est mariée, a deux enfants, a déjà fait deux fausses couches, et elle raconte comment, alors qu’elle était enceinte de 20 semaines, une troisième fausse couche a bien failli la tuer. Son médecin l’avait avertie que c’était une grossesse à risque, mais son mari et elle avaient décidé de tout faire pour que cela se passe au mieux. Mais un jour, Mikki Kendall se met à saigner : elle est victime d’un décollement placentaire. Elle se rend dans un hôpital de Chicago, troisième plus grande ville des Etats-Unis. “Tout le monde savait que la grossesse ne pourrait être menée à terme étant donné la quantité de sang que je perdais, mais il a quand même fallu des heures pour que quelqu’un, à l’hôpital, fasse quelque chose. Le médecin de garde ne pratiquait pas d’avortements. Du tout. Jamais. En fait, aucune des personnes qui étaient de garde cette nuit-là n’en pratiquait. Pendant que j’attendais, une fournée ignorante d’étudiants s’était rassemblée pour m’étudier – un m’a carrément montré l’échographie de notre enfant mourant en me demandant si c’était une grossesse désirée. Plusieurs ont voulu m’examiner alors que j’étais alitée en train de saigner et de souffrir. (…) Une très gentille infirmière a risqué son poste en appelant une femme médecin de la Reproductive Health Clinic, qui n’était pas de garde, et lui a demandé de venir pour me sauver la vie.”

“Quand elle est arrivée, poursuit Mikki Kendall, j’allais très mal. L’hémorragie m’avait rendue presque incohérente, mais elle m’a quand même transférée dans une autre aile et m’a donné les antalgiques que personne d’autre ne m’avait fournis pendant les heures où j’avais crié. (…) Plus tard, j’ai découvert qu’elle avait pris mon mari à part alors qu’on m’amenait au bloc opératoire. Elle lui a promis qu’elle ferait de son mieux pour me sauver mais elle l’a averti qu’il était fort possible qu’elle échoue. Le médecin qui ne faisait pas d’avortements aurait dû la contacter immédiatement, elle ou toute personne capable de pratiquer l’intervention. Il ne l’avait pas fait. Ses étudiants non plus. Il paraît qu’il y avait eu un problème de communication et qu’ils pensaient qu’elle avait été prévenue, mais j’en doute. J’ignore si les objections de cet homme étaient d’ordre religieux ou pas ; tout ce que je sais, c’est que quand une femme perdant son sang lui a été amenée pour qu’il la soigne, il a refusé de faire la seule chose qui aurait stoppé l’hémorragie. Parce qu’il ne pratiquait pas les avortements. Jamais. Mes deux enfants à la maison ont failli perdre leur mère parce que quelqu’un a décidé que ma vie valait moins que celle d’un fœtus qui allait mourir de toute façon. (…) Après que ma famille a appris que j’avais eu recours à un avortement, j’ai reçu le coup de téléphone d’un(e) cousin(e) qui ressentait le besoin de me dire que j’avais eu tort d’intervenir dans le plan de Dieu. Et à ce moment-là, j’ai compris exactement quel genre de personnes jugeaient les choix de reproduction d’une femme.”

Un dernier mot, à ce sujet précisément. Au cours du débat sur l’adoption de la loi au Kansas dont j’ai parlé plus haut, la républicaine Barbara Bollier, pro-IVG malgré son appartenance politique, a demandé combien de temps avant une grossesse non désirée ou un viol les femmes devaient souscrire les contrats d’assurance pour se faire rembourser les frais de l’avortement. Un de ses “amis” républicains, Pete DeGraaf, lui a répondu ceci : “Il faut être prévoyant dans la vie, n’est-ce pas ?” Avant d’ajouter : “J’ai une roue de secours dans ma voiture.” Bien sûr, tomber enceinte après s’être fait violer, c’est comme crever un pneu de son auto, ça doit forcément vous arriver un jour ou l’autre, il faut s’y préparer et prévoir quelques frais. Un discours de macho ? Pas que. C’est dans la droite ligne des déclarations faites par une femme, Sharron Angle, républicaine elle aussi et candidate malheureuse au poste de sénateur du Nevada en 2010. Celle-ci s’était déclarée farouchement opposée à l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste, parce que ce serait aller contre les plans de Dieu.

Pierre Barthélémy

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