C’est un des articles qui a fait le “buzz” du début de la semaine sur le site Internet du Monde. Son titre : “Pour sauver la planète, mieux vaudrait que les Américains cessent de se reproduire”. Le papier racontait qu’une association américaine de défense de l’environnement profitait de l’effet “7 milliards d’habitants” pour demander aux personnes habitant aux Etats-Unis de réfléchir à deux fois avant de procréer, étant donné qu’elles ont le plus fort impact en termes d’émissions de gaz carbonique. On pouvait y voir une série d’affichettes vantant les mérites des préservatifs pour la préservation (justement !) d’espèces animales, le tout avec des slogans à rimes dont voici un exemple traduit en français par mes soins : “Enveloppez soigneusement… Sauvez l’ours blanc.”
Au-delà de ces publicités, on a pu constater, au fil des dernières années, une multiplication des campagnes médiatiques pour, je cite, “sauver la planète”. Pour “sauver la planète”, ne mangeons plus de viande car une vache élevée, c’est x hectolitres d’eau, y tonnes de CO2, z flatulences et éructations remplies de méthane. Pour sauver la planète, préférons le vélo à l’auto sur les petits trajets. Pour sauver la planète, isolons bien nos maisons et ne les chauffons qu’à 19°C. Pour sauver la planète, préférons des appareils électro-ménagers moins gourmands en électricité ou des ampoules basse consommation. Pour sauver la planète, recyclons nos déchets. Pour sauver la planète, lavons-nous moins souvent et nos vêtements aussi. Pour sauver la planète, consommons local. Pour sauver la planète, sortons du capitalisme (pour reprendre le titre d’un livre de mon confrère du Monde, Hervé Kempf). Etc.
A lire tous ces slogans, j’ai envie de dire une chose. Ceux qui les ont écrits se trompent de sauvetage. Ce n’est pas la planète qu’il faut sauver en agissant ainsi, mais bien l’humanité et, plus précisément, si l’on enlève l’hypocrisie, notre style de vie très confortable : je doute en effet que la majorité des humains mangent de la vache tous les jours, roulent en voiture, chauffent leurs maisons, aient quantité de grille-pain, de mixers et de machines à laver. Pour être très clair : la planète n’est pas à sauver parce qu’elle n’est pas en danger. Même si certains considèrent que nous sommes entrés dans une nouvelle ère géologique, l’anthropocène, marquée par la capacité de l’homme à bouleverser son écosystème, à le polluer, à modifier la composition atmosphérique, à détruire massivement des espèces et des ressources naturelles, à créer des tremblements de terre, la planète n’en a cure. Pour la simple raison qu’elle a connu des révolutions bien plus profondes, des changements climatiques drastiques, cinq grandes extinctions de masse, des hivers nucléaires sans nucléaire mais avec volcans, des perturbations orbitales, des bombardements de météorites ou d’astéroïdes, des glaciations incroyables des dislocations de continents, et qu’elle s’en est toujours remise. La vie a toujours repris ses droits même lorsque, il y a 250 millions d’années, 96% des espèces marines ont disparu ainsi que 70% des vertébrés terrestres.
Pourquoi ? Parce que ce système naturel qu’est la Terre s’ajuste aux conditions qui lui sont imposées. Dans le cas du réchauffement climatique, la planète retrouvera, dans quelques siècles, un équilibre. Simplement, il sera bien loin de celui que nous connaissons et nos descendants risquent d’y laisser des plumes : parce que les extrêmes climatiques seront plus fréquemment atteints, parce que les villes côtières seront fragilisées par la montée des océans quand elles ne disparaîtront pas, parce que l’accès aux ressources naturelles de base telles que l’eau potable et la nourriture sera nettement plus problématique voire une source de conflits, parce que les services rendus gratuitement par la nature seront réduits en raison de la perte de biodiversité.
Invoquer la sauvegarde de la planète pour inciter les gens à un mode de vie plus respectueux de l’environnement est un argument défectueux. Ne pas expliciter qu’en ayant dépassé les limites de notre biosphère nous mettons en péril la survie même de notre propre espèce s’avère une manière de fermer les yeux sur nos responsabilités et sur les défis qui nous attendent. Comme une façon étrange de nous extraire de notre écosystème et d’oublier que nous constituons l’une des “cibles” des changements globaux, parce que nous sommes fragiles. C’est bien l’humanité qu’il faut sauver. La planète, elle, se sauvera toute seule.
Pierre Barthélémy
lire le billetCette veille de Toussaint et avant-veille du jour des Morts est l’occasion ou jamais, pour un blog qui traite de science et d’environnement, d’évoquer l’empreinte écologique des trépassés et les manières de la réduire. Car un disparu ne l’est jamais complètement. Son enveloppe corporelle subsiste et il est en général convenable de s’en occuper. Simplement, les deux techniques les plus usuelles dans le monde pour “évacuer” le corps du défunt, l’inhumation et la crémation, sont, à cause de l’inflation démographique mondiale, de moins en moins “planéto-compatibles”. La première en raison du manque de place dans les cimetières, car les vivants occupent de plus en plus d’espace au détriment des morts. La seconde parce que brûler des cadavres, en ces temps de raréfaction des hydrocarbures et de déforestation, consomme des ressources énergétiques que l’homme utiliserait volontiers à autre chose, sans compter les émissions de gaz à effet de serre induites. Ainsi, en Inde, le rituel de la crémation brûle entre 50 et 60 millions d’arbres chaque année et envoie 8 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Autre problème de l’incinération, le relargage dans l’environnement de produits toxiques, dont le plus commun est le mercure contenu dans les amalgames dentaires.
Pour tenter de réduire l’empreinte écologique des morts, il n’est pas question de revenir à la momification, même si l’expérience vient d’être récemment tentée sur la dépouille d’un chauffeur de taxi britannique, mais plutôt d’utiliser deux technologies qui redonnent du sens à ce très célèbre extrait de la Bible : “Car tu es poussière et tu retourneras à la poussière.” Le premier de ces deux moyens inventés pour rendre les corps à la terre porte le nom d’aquamation mais les chimistes lui préfèreront celui d’hydrolyse alcaline. L’idée consiste à immerger le corps dans une eau très chaude contenant une base forte, ce qui va entraîner la dissolution des chairs en moins de trois heures. Il ne subsistera plus que des restes osseux, qui seront ensuite broyés et rendus aux familles, comme les cendres récupérées après une crémation. Plus efficace que les bains d’acide auxquels la Mafia s’est parfois adonnée pour faire disparaître des amis encombrants. On peut voir le fonctionnement des premières machines à aquamation dans la vidéo ci-dessous (en anglais).
L’aquamation nécessite sept à dix fois moins d’énergie qu’une incinération et produit également moins de gaz à effet de serre. Les métaux présents dans le corps (plombages, broches, prothèses, etc.) sont rétrouvés intacts et les fluides récupérés au terme de l’opération, stérilisés, vont directement dans le tout-à-l’égout. Evidemment, l’idée d’expédier cette soupe brune que furent les chairs d’un homme ou d’une femme dans les égouts de la ville en a fait hurler quelques-uns, sous prétexte qu’il s’agissait d’un manque de considération pour les défunts. Il faudra tout de même que ces mêmes personnes nous expliquent en quoi donner un corps à manger aux asticots est plus respectueux. Tout ce qui compte, c’est que d’affreux industriels de l’agro-alimentaire ou de la pharmacie ne mettent pas la main sur ces résidus pour en faire de la nourriture, à l’instar de ce qui se passe dans le film Soleil vert, de Richard Fleischer.
La seconde technique pour transformer les cadavres en poussière fait tout autant appel à la science. Inventée par une biologiste suédoise, elle porte le nom de promession et consiste tout d’abord à passer le corps sous un flux d’azote liquide (-196°C) afin de le solidifier, ce qui le rend aussi fragile que du cristal. Il est ensuite facile, en le soumettant à des vibrations, de le pulvériser. Les restes ainsi obtenus sont ensuite lyophilisés, afin d’en extraire toute l’eau, puis tamisés pour récupérer les métaux et versés dans un “mini-cercueil” biodégradable que la famille peut ensuite inhumer où elle le souhaite. Au bout de quelques mois, tout a disparu dans le sol. La technique est résumée dans la vidéo ci-dessous (en anglais elle aussi).
Il existe un dernier moyen pour ne pas être bien encombrant une fois passé de vie à trépas. Transformer vos cendres en un diamant. Le procédé n’est en revanche pas du tout écologique et il implique une débauche d’énergie. Tout commence par une crémation. Les cendres sont ensuite purifiées à très haute température pour ne conserver que le carbone sous forme de graphite. Pour métamorphoser ce graphite en diamant (qui est une cristal de carbone particulier), il faut enfin le soumettre à une température et à une pression dantesques. On le voit, le processus ne risque pas de s’attirer le moindre éco-label. Mais bon, porter Mamie au petit doigt, c’est d’un chic… Et puis, les diamants sont éternels, eux.
Pierre Barthélémy
lire le billetChris Mooney est un journaliste américain qui, avec la chercheuse Sheril Kirshenbaum, tient le blog The Intersection sur le site Internet de Discover Magazine. Cette “intersection” est celle de la politique et de la science aux Etats-Unis et Chris Mooney s’intéresse particulièrement aux rapports compliqués voire conflictuels qu’entretiennent les Républicains américains avec la chose scientifique. Il a consacré trois livres au sujet : The Republican War on Science ; Storm World : Hurricanes, Politics, and the Battle over Global Warming ; et Unscientific America : How Scientific Illiteracy Threatens our Future, co-écrit avec Sheril Kirshenbaum. Grâce à la veille qu’il réalise sur ces sujets, Chris Mooney a détecté et signalé sur son blog un article publié par American Thinker, une publication en ligne qui se réclame ouvertement du camp conservateur.
Signé par Bruce Walker, cet article défend la thèse selon laquelle les valeurs morales familiales traditionnelles (mariage, femme au foyer, éducation à la maison, etc.) sont les meilleures pour dépenser moins d’énergie, réduire l’empreinte carbone et, partant, pour protéger l’environnement et la planète. Si l’on met de côté l’ironie qu’il y a à voir un journal en ligne qui, d’ordinaire, nie le rôle de l’homme dans le réchauffement climatique, vanter les vertus d’une vie moins productrice de CO2, il reste intéressant d’écouter ces arguments.
La vision du monde de Bruce Walker est évidemment américano-centrée mais de nombreux arguments peuvent parfaitement s’appliquer à d’autres pays riches. Le journaliste part de deux chiffres : en 2009, selon le Bureau du recensement des Etats-Unis, 96,6 millions d’Américains âgés de 18 ans et plus (soit 43% de cette catégorie de population) n’étaient pas mariés. Toujours d’après la même source, 31,7 millions d’Américains vivent seuls, ce qui représente 27% des foyers, contre 17% en 1970. Ces deux chiffres, et surtout les phénomènes qu’ils recouvrent, sont, pour Bruce Walker, le nœud du problème environnementalo-sociétal : “Cette tendance qu’ont les Américains à vivre seuls ou en dehors des liens du mariage s’accélère rapidement, et elle détruit l’environnement.”
Comment cela ? Voici le raisonnement qui mène à cette affirmation : “Un couple marié stable vit dans un seul foyer, n’est abonné qu’une seule fois à l’eau, au gaz et à l’électricité, éclaire sa demeure avec un seul système électrique et réalise des économies sur ses frais de bien d’autres manières. Les Américains adultes qui vivent seuls ou dans des relations instables font augmenter de façon spectaculaire le besoin de logements, d’électricité, de systèmes de chauffage et de climatisation, d’entretien des routes et des villes, et aussi de voitures roulant dans les rues de ces villes. De plus, dans les couples mariés traditionnels qui ont atteint un certain niveau d’aisance, il y a plus de chances qu’un seul membre de la famille ait besoin de travailler, ce qui réduit les embouteillages et toute la myriade de problèmes environnementaux associés à une grande population métropolitaine qui fait les trajets entre la maison et le travail.”
Le conservatisme résout d’autres problèmes environnementaux, si l’on en croit Bruce Walker : “Si un grand nombre d’Américains faisaient l’école à la maison, alors cela réduirait drastiquement, voire à néant, l’énergie que les écoles publiques consomment, les surfaces qu’elles occupent et le nombre de bus qui engorgent nos rues.” Autre cible de la révolution conservatrice verte : les loisirs. “Quand les familles construisent leur vie autour de leur église ou de leur synagogue, il y a alors moins de déplacements pour les loisirs et quand elles trouvent des activités sociales et de détente au sein de ces assemblées de croyants, le besoin pour des loisirs de substitution (comme ceux auxquels se livrent les personnes qui ne vont pas dans un lieu de culte) chute.”
On comprend mieux les dessous de ce raisonnement lorsque Bruce Walker, dans un élan de “c’était mieux avant”, nous parle un peu de ses racines : “Pendant mon enfance, j’avais des grands-parents, des tantes et des oncles qui étaient conservateurs, dans tous les sens du terme. Ils étaient heureux de vivre dans des demeures modestes. Presque tous avaient des jardins et faisaient des conserves de fruits et de légumes. Ils regardaient rarement la télévision (…) et, à l’air conditionné ils préféraient les fenêtres ouvertes ou s’asseoir à l’ombre des arbres. Ce mode de vie était naturel pour des gens qui se mariaient et restaient mariés, qui faisaient de la religion une partie centrale de leur vie et qui, s’ils vivaient aujourd’hui, auraient éteint la télévision au bout d’environ vingt secondes. Quand ils prenaient des vacances, c’était en général pour aller pêcher au lac ou peut-être pour rendre visite à la famille, sinon ils se divertissaient peu car leurs vies étaient principalement consacrées à leur travail (qu’ils faisaient dans l’allégresse). Leur empreinte carbone était incomparablement plus faible que celle d’une vedette d’Hollywood ou d’un politicien arrogant, mais elle était aussi beaucoup moins grande que celle d’une mère célibataire ou d’un bureaucrate fédéral de l’Agence pour la protection de l’environnement.”
On l’a compris : selon cette vision de la société, le bonheur est dans le pré, le mariage et la religion. Et la sauvegarde de l’environnement itou. Bien sûr, cela manque de chiffres et de science, mais il est amusant de constater que Bruce Walker se rapproche, par certains aspects, des prosélytes de la décroissance souvent situés de l’autre côté de l’échiquier politique, ces “écolos” de gauche qu’il vomit dans d’autres passages de son article. Et Chris Mooney, taquin, ne manque pas de lui faire remarquer qu’à tant défendre le mariage pour des raisons écologiques, les Républicains de son acabit feraient bien d’autoriser rapidement partout où ils le peuvent… le mariage gay.
Pierre Barthélémy
lire le billet– Il y a trente-cinq ans, en 1976, au terme d’une sécheresse exceptionnelle, la France avait instauré un impôt non moins exceptionnel pour aider les agriculteurs. Trois décennies et demie après, suite à un début d’année particulièrement sec, la question se pose de nouveau. Cet impôt n’est officiellement pas à l’ordre du jour, du moins pour le moment…
– Du côté du Mississipi, c’est le contraire de la France, il y a trop d’eau. Des crues catastrophiques qui, selon certains, étaient prévisibles tellement l’homme a modifié l’environnement du fleuve.
– C’était la nouvelle paléoanthropologique de la semaine : des hommes de Néandertal auraient vécu dans le grand nord sibérien il y a 28 000 ans, à l’époque où il est censé s’être éteint. Cette région du monde semble décidément être l’ultime refuge des grands symboles de la préhistoire car c’est aussi là que les derniers mammouths se sont retrouvés avant de disparaître de la surface de la planète.
– Quelle sera la prochaine grande mission de la NASA dans le système solaire ? De la géophysique sur Mars, une sauterelle robotisée sur une comète ou un vaisseau sous-marin allant explorer les océans d’hydrocarbure de Titan, un satellite de Saturne ? Toutes les trois sont palpitantes mais une seule sera choisie…
– Beaucoup de chercheurs veulent déterminer si le réchauffement de la planète, en fournissant aux moustiques les températures qu’ils aiment dans des régions de plus en plus septentrionales, favorisera la remontée du paludisme vers le nord. Pour les oiseaux et le paludisme aviaire, la réponse semble être “oui”.
– Star Wars, de la science-fiction ? Plus trop, à en croire le Christian Science Monitor. Cinq des trouvailles du film nous ont rejoints dans la vraie vie : les hologrammes en 3D, un succédané de “force” (voir la vidéo ci-dessus), le traducteur automatique (qu’était C3PO), un laser (presque) aussi létal que celui de l’étoile de la mort et des protections pour les vaisseaux spatiaux… Enfin, bon, je n’ai toujours pas de vraie épée-laser.
– Un petit portfolio consacré aux fourmis sur le site de la BBC : vous ne les aurez jamais vues d’aussi près !
– Pour finir : il semblerait que voir des œuvres d’art procure le même plaisir qu’être amoureux. Allons l’expérimenter dès ce soir avec la Nuit européenne des musées…
Pierre Barthélémy
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