L’égalité des sexes modifie les critères de choix d’un partenaire

Cela n’a rien de vraiment étonnant, mais cela valait la peine de le vérifier. Ne serait-ce que pour être certain que le choix d’un partenaire sexuel ne relève pas uniquement d’un conditionnement généré par l’évolution de l’espèce humaine. L’étude de Marcel Zentner et Klaudia Mitura de l’université de York en Grande-Bretagne, publiée dans Psychological Science, part de l’hypothèse que les influences du comportement forgé au cours de milliers d’années peuvent s’estomper proportionnellement au développement de l’égalité des sexes dans la société.

Hommes riches et femmes jeunes

Traditionnellement, les hommes et les femmes n’utilisent pas les mêmes critères en matière de choix d’un partenaire sexuel. Ces différences sont expliquées par des évolutions distinctes des cerveaux chez les deux sexes. Ainsi, la recherche d’une réussite sur le plan de l’évolution de l’espèce conduit les femmes à satisfaire leur besoin de ressources pour élever leur progéniture. Elles vont donc préférer des hommes capables d’investir dans leurs enfants, c’est-à-dire qui ont les moyens financiers de le faire. Autrement dit, les femmes seraient attirées par les partenaires financièrement aisés. La même recherche conduit les hommes à rechercher avant tout la fertilité de leur partenaire, ce qui les inclineraient à privilégier des partenaires jeunes. Modèle ultra classique donc: les femmes choisissent des hommes riches et les hommes des femmes jeunes.

L’impact de l’égalité homme-femme

Au fil du temps, ces tendances ont été inscrites profondément dans les cerveaux des deux sexes et elles agissent donc inconsciemment quand il ne s’agit pas d’une démarche délibérée. Ce qui arrive parfois… En dehors de toute morale et de tout romantisme, il ne s’agit là que de conditions favorables à la survie de l’espèce. Mais ces réflexes perdurent-ils lorsque la société évolue dans le sens d’une égalité de plus en plus grande entre les hommes et les femmes?

Pour le savoir, les deux chercheurs ont interrogé 3.177 personnes provenant de 10 pays différents à l’aide de questionnaires en ligne. Le choix des pays représentés a tenu compte de l’Index mondial de l’égalité des sexes (Global Gender Gap Index) établi par le Forum économique mondial (La France arrive en 48e position dans ce classement…). L’échantillon va de pays à faible discrimination (Finlande) à des pays à forte discrimination (Turquie). Les participants ont répondu à des questions permettant d’évaluer l’importance qu’ils accordent à certains critères dans le choix de leurs partenaires: avoir de bons revenus, être une bonne cuisinière…

Résultat: Marcel Zentner note que «la différence entre les critères des deux sexes conformes à ceux des modèles psychologiques liés à l’évolution est la plus forte dans les sociétés les plus inégalitaires  et la plus faible dans les sociétés les plus égalitaires». Ce résultat a été confirmé par une seconde étude portant que 8.953 volontaires de 31 pays. La réduction des différences de stratégie de choix des partenaires due à une évolution sociale démontrerait que les critères ancestraux ne sont gravés aussi profondément dans nos cerveaux que les chercheurs le pensaient a priori.

Et si l’évolution privilégiait la capacité d’adaptation?

Rien ne semblerait donc biologiquement programmé de façon définitive en la matière. Pas sûr. «En fait, la capacité à changer nos comportement assez rapidement en fonction d’un changement sociétal pourrait également répondre à un programme d’évolution qui privilégie la flexibilité sur la rigidité», note Marcel Zentner.

De quoi rassurer les tenants d’un déterminisme évolutif supérieur à toute réelle liberté de choix individuelle. Néanmoins, outre les fortes incertitudes qui semblent persister dans ce domaine, il est très rassurant de constater que notre comportement n’est pas uniquement dicté par des instincts ancestraux et qu’il peut être modifié par le contexte sociétal. Cela donne l’espoir de certaines améliorations. Même si ces dernières sont, elles aussi, conformes à des mécanismes programmés par l’évolution.

Michel Alberganti

Mise à jour le 7 septembre : Le choix d’un partenaire sexuel peut-il également obéir à des critères ethniques, religieux ou politiques ? La question est posée par la cinéaste française Yolande Zauberman. Avec son compagnon, l’écrivain libanais Sélim Nassib, elle a réalisé le documentaire “Would You Have Sex with an Arab ?” qui sort en salle mercredi 12 septembre 2012. En voici la bande annonce :

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