Peu à peu, la rétine électronique sort des laboratoires. Le système Argus II fabriqué par l’entreprise américaine Second Sight est déjà implanté sur 50 patients. Il fonctionne avec un réseau de 10×6 électrodes, soit 60 électrodes de 200 microns de diamètre, implantées sur la rétine, une mini-caméra intégrée à une paire de lunettes et un ordinateur portable qui traite les images vidéo et génère le courant électrique qui stimule, en temps réel, le nerf optique via les électrodes. Argus II permet aux personnes aveugles de discerner des couleurs, des mouvements et des objets.
Des chercheurs appartenant à Second Sight, à l’université Brigham Young, à l’Institut de la vision et au Centre Hospitalier National d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts de Paris, ont publié le 22 novembre 2012 dans la revue Frontiers in neuroprosthetics une étude concernant l’utilisation de ce système pour la lecture directe du braille sans passer par la caméra.
Dans ce cas, un réseau de 6 électrodes, sur les 60 de l’Argus II, est utilisé. En court-circuitant la caméra, ces électrodes ont été directement stimulée pour créer une “perception visuelle des lettres en braille”, indiquent les chercheurs. L’expérience a été réalisée avec un seul patient, né en France. Ce dernier a réussi à identifier 80% des mots de deux lettres, 60% des mots de trois lettres et 70% des mots de quatre lettres. Un résultat qui confirme, pour les chercheurs, la possibilité de la lecture du braille par des patients équipés d’une prothèse rétinienne.
Grâce à la stimulation directe des électrodes, la vitesse de lecture est considérablement augmentée. Elle a été réalisée avec une stimulation de 0,5 seconde par lettre à 20 Hz et 1 seconde d’interruption entre chaque stimulation. Si l’on reste loin de la vitesse de lecture tactile du braille, le système accélère nettement la cadence de détection obtenue à l’aide de la vision par caméra utilisée dans la vidéo suivante :
Les chercheurs ont enregistré un taux de reconnaissance de chacune des lettres de 89%. La perception d’une électrode supplémentaire a été la cause d’une erreur dans 64% des cas de lecture erronée. L’électrode en bas à gauche (F5) a été impliquée également dans 64% des erreurs, dont 6 des 11 perceptions d’une électrode supplémentaire. D’où le constat qu’une amélioration de cette électrode devrait avoir un impact significatif sur l’ensemble de résultats. Sur 10 mots de chaque catégorie, le patient en a identifié 8 de deux lettres, 6 de 3 lettres et 7 de 4 lettres. Les scientifiques estiment que ce résultat pourrait être amélioré grâce à l’entrainement. Le patient est un lecteur expérimenté du braille, c’est à dire qu’il identifie 100% des lettres par le toucher.
Pour les chercheurs, cette expérience établit l’efficacité d’une stimulation directe de la prothèse rétinienne. Bien entendu, on peut se demander quel est l’intérêt d’une telle lecture, plus délicate qu’avec les doigts. Pour certains patients paralysés, elle peut être la seule possibilité de lecture autonome. Cette solution impose néanmoins un système supplémentaire de traduction des lettres en stimulations électriques et elle ne peut concerner que les aveugles connaissant préalablement le braille.
Néanmoins, un tel test montre que l’implant rétinien peut fonctionner par stimulation directe et non uniquement par traitement des images provenant d’une caméra. Ce qui peut se révéler précieux pour le développement de futures prothèses rétiniennes.
Michel Alberganti
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– La campagne de vaccination contre la grippe saisonnière a commencé il y a un mois dans une indifférence qui contraste avec le psychodrame de 2009 autour de la grippe A(H1N1). Les polémiques de l’an passé pourraient autour de l’utilité et de la “dangerosité” du vaccin pourraient jeter la suspicion sur les autres vaccins, explique une enquête du Monde Mag. Un article accompagné d’un entretien avec l’anthropologue Frédéric Keck, auteur de Un monde grippé (Flammarion), qui analyse les réactions des sociétés face aux maladies émergentes.
– Des astronomes français et britanniques ont détecté la galaxie la plus vieille découverte à ce jour dans la constellation du Fourneau. Elle a plus de 13 milliards d’années, ce qui fait qu’elle est née seulement 600 millions d’années après le Big bang. L’article annonçant la trouvaille est paru dans Nature.
– A cause du réchauffement de la planète, l’Arctique est probablement entré dans une nouvelle phase de son climat où ce qui était la norme il y a encore quelques décennies risque de ne pas se revoir de sitôt.
– Toujours sur le changement climatique, le site Climate Progress s’est aperçu que 22 des 37 candidats républicains aux postes de gouverneurs pour les prochaines élections américaines niaient la réalité du réchauffement.
– Les volcanologues doivent-ils ou non percer un trou pour évaluer le potentiel des Champs Phlégréens, une zone volcanique située à l’ouest de Naples, au risque de chatouiller et de réveiller la bête ? Un débat que nous rapporte Newsweek.
– Depuis plusieurs années, les autorités égyptiennes ont pour plan de redessiner la ville de Louxor pour mettre en valeur son patrimoine archéologique exceptionnel. Au point d’en faire un Las Vegas archéologico-touristique, se demande Time ?
– Pourrait-on faire entendre la forme d’un objet à un aveugle qui ne la voit pas ? C’est l’idée de chercheurs de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal.
– La physique du chien qui s’ébroue a fait la “une” de nombreux sites et blogs scientifiques anglo-saxons… Voici ce qu’a écrit et montré wired.com.
– Pour terminer, une infographie simple et claire sur les gros géocroiseurs, ces astéroïdes de plus d’un kilomètre de diamètre qui ont frôlé ou vont frôler un jour notre Terre.
Pierre Barthélémy
lire le billetSi vous avez reconnu la bestiole figurant sur l’image ci-dessus, c’est probablement parce que vos yeux fonctionnent assez bien. Ce n’est malheureusement pas le cas de tout le monde mais une étude parue dans la revue Neuron du 15 juillet, à défaut de rendre la vue aux aveugles et malvoyants, ouvre un nouvel axe de recherche pour les aider. Avant tout, ce travail vient bousculer une idée reçue selon laquelle les cônes et les bâtonnets seraient les seuls photorécepteurs à tapisser notre rétine.
Pour ceux qui auraient oublié leurs cours de sciences naturelles (on dit SVT aujourd’hui, je sais…), un petit rappel peut s’avérer nécessaire. Contrairement à ce que certains croient, les images du dehors ne se contentent pas d’entrer dans votre tête par vos yeux… C’est un petit peu plus compliqué que cela. Quand la lumière a traversé votre œil puis le multicouche qu’est votre rétine, elle termine son chemin sur les quelque 120 millions de bâtonnets, ceux qui vous font voir (en noir et blanc) dans la quasi obscurité, et les quelque 7 millions de cônes, qui vous ont permis de passer à la télé couleur. D’où la formule mnémotechnique de mon invention, un peu bancale, mais qui me sert depuis un quart de siècle : Cône comme Couleur et Bâtonnet comme… Black and white. Une fois que les photons, les particules de lumière, les frappent, que se passe-t-il ? Les pigments photosensibles que contiennent cônes et bâtonnets changent momentanément de forme, ce qui induit une cascade de réactions chimiques aboutissant à la création d’un signal électrique qui va courir tout droit dans le cerveau.
Et, jusqu’à présent, on pensait que sans cônes ni bâtonnets, point de salut, point de vue. Mais, depuis le début des années 2000, on sait que nous (je parle des mammifères, hommes compris) calons notre horloge biologique interne sur la lumière du jour SANS l’aide des cônes et des bâtonnets, grâce à un autre photopigment appelé mélanopsine, contenu dans les cellules ganglionnaires de la rétine, les premières que la lumière touche quand elle arrive au fond de notre œil (voir schéma ci-dessus). C’est précisément à cette mélanopsine et à ces cellules ganglionnaires que se sont intéressés les auteurs de l’étude publiée dans Neuron. Sans entrer dans les détails extrêmement pointus de leur travail, on peut résumer ainsi leur recherche : en ayant désactivé les cônes et les bâtonnets de souris, ces biologistes basés aux Etats-Unis ont prouvé que les animaux “aveuglés” étaient toujours capables de se diriger par la “vue”, de reconnaître des structures, et que cette prouesse était due aux cellules ganglionnaires photosensibles, dont le rôle ne se réduit pas à régler l’horloge biologique ou à ajuster le diamètre des pupilles en fonction de la lumière. Un des tests réalisés a consisté à faire nager des souris dans un circuit plein d’eau en forme de Y et, au carrefour où le bassin se divisait en deux, à leur indiquer, grâce à une image, la branche au bout de laquelle une plateforme les sortirait de la piscine. Les rongeurs privés de cônes et de bâtonnets mais qui avaient conservé leur mélanopsine, ont réussi, avec un bon entraînement, à trouver la sortie. Les souris sans cône, sans bâtonnet et sans mélanopsine, n’y sont pas parvenues, si ce n’est par hasard (je vous rassure, on ne les laissait pas se noyer).
Sur le plan fondamental, c’est donc une vraie découverte. Les chercheurs soupçonnent le couple mélanopsine-cellules ganglionnaires d’être le reste d’un système de vision archaïque qui aurait été supplanté par nos amis les cônes et les bâtonnets. Quoi qu’il en soit, sur le plan pratique, un des auteurs de l’étude, Samer Hattar, professeur assistant de biologie à la Johns Hopkins University, estime “qu’en théorie du moins, [ce résultat] signifie qu’une personne aveugle pourrait être entraînée à utiliser ses cellules ganglionnaires photosensibles de la rétine pour réaliser des taches simples qui nécessitent une acuité visuelle faible”. Pour avoir lu quantité d’articles et de communiqués de presse censés faire naître ou renaître l’espoir chez des malades, j’apprécie la prudente réserve du docteur Hattar.
Pierre Barthélémy
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