7h10 – Tension des grands jours dans le centre de contrôle de la mission au Jet Propulsion Laboratory.
7h13 – Premiers applaudissements – Le vaisseau est prêt à se séparer de l’étage de croisière.
7h15 – Soulagement lorsque la séparation est confirmée. Les sourires s’allument.
7h17 – Sept minutes avant l’entrée dans l’atmosphère. Les masses d’équilibrage du vaisseau sont éjectées.
7h20: 5 minutes avant l’entrée.
7h25: Début de l’entrée dans l’atmosphère de Mars – Tout va bien. Sourires sur les visages.
7h27: Contact avec la sonde Odyssée qui va relayer les signaux émis par Curiosity après son atterrissage ! Applaudissements
7h29: Le parachute est ouvert !
7hh30: 6,5 km d’altitude – 90m/s
7h31: Séparation du parachute
7h32: Explosion de joie. “Curiosity s’est posé !!!”
7h34: Première image de Curiosity !!! “C’est la vraie! C’est la vraie!”
7h37: Seconde image: “Vous pouvez voir. Incroyable. C’est fantastique !”
7h45: Le brouhaha continue dans le centre de contrôle.
7h47: Nous sommes sur le sol de Mars mais nous savons pas où.
7h48: La fête est finie. Tout le monde a repris sa place sans la salle de contrôle.
7h52: Arrivée des coordonnées de l’atterrissage.
La NASA vient de réaliser l’un de ses plus grands exploits: poser un robot de 900 kg sur la surface de Mars exactement comme prévu.
Michel Alberganti
Suivez l’événement sur la NASA TV
lire le billetSon nom n’a pas été choisi au hasard. Affetto, en italien, signifie quelque chose comme touchant ou affectueusement. En fait, il aurait pu se nommer Gelato, comme transi de froid ou de peur tant ce bébé robot inspire plus de terreur que de tendresse. On pense aux Gremlins de Joe Dante, pour le coté faussement mignon, mais surtout à David, l’enfant de AI Intelligence artificielle de Spielberg (2001) pour le réalisme qui fait vaciller les repères et pointer le spectre de la confusion entre l’humain et le machin (masculin de machine…).
La création du laboratoire Asada d’Osaka, au Japon, a fait l’objet d’une vidéo publiée le 24 juillet 2012 sur YouTube (ci-dessus). Si la première minute relève de l’horreur ordinaire, avec ce corps de métal, avec bavoir en forme de sternum, qui commence à bouger comme un bébé humain, à partir de 57 secondes, on plonge dans l’effroi et la terreur. Dès qu’Affetto revêt son visage humain, il devient soudain… un bébé. On a beau savoir pertinemment qu’il s’agit d’une machine, ses gestes disent le contraire, tant l’humanisation est réussie. Et que dire de son regard ? Il tend pourtant un bras sans main et son visage reste inexpressif. L’on frémit alors en imaginant la version finale, avec main potelée et mimique de bambin… Que ressentirons-nous alors ? En 2011, Affetto n’avait pas encore de tronc mais la mobilité de son visage, posé sur une table, levait le coin du voile sur le résultat final:
Toute la question posée par ce type de travail sur les robots humanoïdes réside dans le malaise qu’ils produisent sur nous. Rien d’anormal à cela, si l’on en croit les chercheurs qui ont travaillé sur la “vallée de l’étrange” (uncanny valley) comme Ayse Pinar Saygin de l’université de Californie à San Diego. Notre cerveau, celui des humains, est programmé pour distinguer très rapidement un homme d’un animal ou d’une machine. Notre perception est si fine que certains scientifiques estiment que nous pouvons même déceler certaines orientations sexuelles au premier coup d’oeil.
En revanche, nos neurones ne savent pas, faute d’expérience, traiter les sujets intermédiaires comme un robot qui bouge comme un être humain ou qui lui ressemble trop. C’est exactement le cas d’Affetto alors même qu’il n’a pas atteint son stade final. L’objectif de Minoru Asada qui dirige le laboratoire depuis 1992 ne semble pas concerner directement la robotique. Pour lui, le robot enfant permet surtout d’explorer de façon différente les relations qui se créent entre un humain et “l’autre”. Mais le choix d’un bébé de 3 kg censé être âgé de 1 à 2 ans n’est certainement pas dû au hasard. La recherche d’un réalisme troublant non plus. Minoru Asada mentionne les neurones miroirs comme l’une des cibles principales pour comprendre les mystères de ce sentiment de différenciation entre soi et les autres. Gageons que le réalisme d’Affetto pourrait ouvrir la voie à d’autres découvertes. Comme, par exemple, le mode d’apprentissage du cerveau pour ajouter de nouvelles catégories au répertoire d’identités qu’il peut reconnaître sans ambiguïté: l’androïde, le gynoïde et aussi, désormais, le pedoïde…
Michel Alberganti
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“A small step for computers, a giant leap for users”. Telle pourrait être le slogan de l’entreprise Leap Motion, s’inspirant des mots de Neil Armstrong posant le pied sur la Lune. Le nouvel interface d’ordinateur Leap présenté par cette start-up de San Francisco et débusquée, entre autres, par Louis Naugès dans son blog Entreprise 2.0, promet de faire indéniablement partie de ces innovations, extrêmement rares, qui laissent bouche bée. Cette vidéo suffit pour s’en convaincre :
Bien entendu, cela ne peut manquer de rappeler fortement l’émotion qui a saisi les spectateurs de Minority Report, le film de Steven Spielberg sorti en 2002, il y a tout juste 10 ans. Pourtant, en regardant bien, vous noterez une petite différence :
La différence, c’est que notre Tom Cruise a l’air passablement ridicule avec ses gants à trois doigts agrémentés de petites loupiotes. Leap Motion fait tout aussi bien, et même mieux semble-t-il, à main nue. Et c’est bien là l’exploit. La manette de la Wii de Nintendo est sortie en 2006 et Kinect de Microsoft en 2010 ont déjà révolutionné ce qu’il est convenu d’appeler l’interface utilisateur (IU). Mais le premier impose d’utiliser une manette et la précision du second n’est compatible qu’avec des jeux. Leapmotion propose un véritable bond en avant. Pour au moins trois raisons :
Leap Motion annonce une sensibilité 200 fois supérieure à celle de tous les systèmes existants, dont les souris, quelque soit leur prix. Le Leap distingue les mouvements de tous les doigts dont le pouce, ou d’un crayon, et peut distinguer un déplacement jusqu’à un centième de mm….
D’après ce que montre la vidéo, il n’existe pas de délai de latence entre les mouvements de l’utilisateur et la réaction sur l’écran. Ce n’est pas tout à fait le cas avec la Wii ou Kinect. La simultanéité parfaite est indispensable pour donner la sensation de manipuler avec ses propres mains ce qui se passe à l’écran. Le volume dans lequel doivent se situer les mouvements de la main est un cube de 60 cm de coté (merci à Sylvain qui a fait le calcul dans son commentaire…). Ce qui est très confortable.
Leap Motion annonce un prix de vente de 70 $ ce qui n’est pas le moindre exploit de l’entreprise. Certes une souris vaut moins de 20 €, moins de 10 € même pour les premiers modèles, mais offrir une telle avancée pour seulement 3 ou même 10 fois plus cher est tout bonnement incroyable. De plus, le Leap semble très facile à installer (il suffit de brancher le minuscule boitier sur un port USB) et à utiliser après une brève séquence de calibration. Pas de manuel ni d’apprentissage…
Comment une start-up, une fois de plus américaine, peut-elle réaliser, sous réserve de juger les produits réels lorsqu’ils seront sur le marché, un tel exploit ? La recette est simple: un ou deux génies, du travail, du temps et de l’argent. Pour Leap Motion, le génie se nomme David Holtz, directeur technique, docteur en mathématiques appliquées et ancien employé de la Nasa et du Max Planck Institute, associé à Michael Buckwald, PDG, ancien PDG de Stratics Media et de Zazuba pour créer Leap Motion en 2010 à San Francisco. Du travail, c’est 200 à 300 000 lignes de code informatique pour mettre loin derrière l’objet qu’ils admiraient: Kinect de Microsoft. Du temps, c’est quatre années de travail avant de pouvoir lancer un produit sur le marché. Le Leap est attendu fin 2012, début 2013. De l’argent, c’est 14,5 millions de dollars levés à ce jour.
Le résultat sera peut-être l’un de ces bonds en avant qui marquent l’histoire de l’informatique: le microprocesseur, l’interface graphique, la souris, le web… Tous, à l’exception du web né au CERN de Genève, ont été réalisés aux Etats-Unis. Sans parler d’Amazon, eBay, Skype, Google (qui est en train de racheter Motorola) Facebook, Tweeter… De quoi faire réfléchir un pays qui produisait des génies à la pelle il y a un siècle et qui, aujourd’hui, se retrouve en pleine désindustrialisation, non ?
Allez, pour le plaisir, la version longue de la présentation du Leap, qu’il faudra encore attendre pendant de longs mois…
Michel Alberganti
lire le billetLes spécialistes du cerveau n’en finissent pas de s’émerveiller devant l’incroyable souplesse de cet organe. Cette fameuse “plasticité” de nos neurones nous permettra bientôt de piloter des machines sans utiliser nos membres. Une faculté qui sera sans doute exploitée d’abord par les personnes paralysées ou amputées. La possibilité d’une interface cerveau-machine étant désormais acquise, les chercheurs se penchent sur le confort des futurs utilisateurs. Une équipe constituée de spécialistes de l’université de Californie, à Berkeley, et du Centre Champalimaud pour l’Inconnu de Lisbonne, au Portugal, ont réalisé une expérience spectaculaire dont les résultats ont été publiés sur le site de la revue Nature, le 4 mars 2012.
Des rats ont été équipés d’une interface cerveau-machine, autrement dit d’un système capable de capter des signaux émis directement par le cerveau et de les utiliser pour la commande d’une machine. Dans ce cas, le système convertit les ondes cérébrales en sons audibles. Pour obtenir une récompense sous forme de nourriture, de l’eau sucrée ou des boulettes, les rats doivent moduler le fonctionnement d’un circuit cérébral très précis. Il leur faut en effet modifier la tonalité du son émis par la machine reliée à leur cerveau. Les rats entendent le son produit par le système et ils apprennent à associer les pensées provenant de la partie de leur cerveau connectée à la machine avec l’émission de sons plus graves ou plus aigus. Il n’a pas fallu plus de deux semaines d’entrainement pour que les rats soient capables de moduler ainsi leurs pensées afin de produire le son aigu qui leur permettait d’obtenir des boulettes de nourriture et le son grave qui les gratifiait d’eau sucrée.
Fait encore plus extraordinaire, les rats ont dû, pour atteindre ce résultat, modifier le fonctionnement naturel de leur cerveau. La partie de ce dernier qui était reliée à la machine leur sert habituellement à mettre en mouvement… leur moustache, organe sensoriel précieux. Or, en continuant à exploiter cette région cérébrale de cette façon, ils ne pouvait moduler le son émis par la machine et ils n’obtenaient donc pas la moindre récompense… Et ils se sont révélés capables de modifier le fonctionnement des neurones de cette zone pour obtenir le résultat désiré !
“Cela n’est pas naturel pour les rats”, souligne Rui Costa, l’un des principaux chercheurs portugais. Leur performance “nous apprend qu’il est possible de concevoir une prothèse d’une façon qui ne reproduise pas directement l’anatomie du système moteur pour fonctionner”. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire d’utiliser le cortex moteur pour piloter un bras articulé. D’où une plus grande souplesse de programmation des prothèses robotiques commandées par la pensée. L’étude a également montré l’aptitude de la zone du cerveau connectée à passer d’un fonctionnement répétitif (l’actionnement des moustaches) à un processus intentionnel. En effet, les rats ont été capables de moduler la quantité de boulettes et d’eau sucrée qu’ils obtenaient en fonction de leur faim et de leur soif. “Ils ont ainsi contrôlé la tonalité du son émis en absence de tout mouvement physique”, note Rui Costa.
Jose Carmena, professeur à l’université de Californie et co-auteur de l’article, tire un enseignement un peu différent, voire opposé, de cette expérience: “Nous espérons que ces nouveaux résultats sur le câblage du cerveau conduiront à la conception d’un spectre plus large de prothèses dont le fonctionnement soit le plus proche possible des fonctions cérébrales naturelles. Ils suggèrent que l’apprentissage du contrôle d’un interface cerveau-machine, qui n’est pas naturel par essence, pourrait finir par être ressenti comme totalement naturel par une personne grâce à un apprentissage utilisant des circuits cérébraux existants pour le contrôle des mouvements”.
Quoiqu’il en soit, la performance des rats ouvre considérablement le champ des possibles pour cette étrange relation qui ne pourra manquer de se nouer entre notre cerveau et les machines. Nul doute que les “interfaces” actuelles (clavier, souris, écrans tactiles, reconnaissance vocale…) paraîtront totalement archaïques d’ici quelques décennies. Au delà des personnes handicapées, ce sont bien les fonctions que nous assurons tous dans la vie quotidienne qui sont concernées. Demain, notre cerveau pilotera de nombreux objets. Si cette perspective peut effrayer, elle reste moins glaçante que son inverse…
Michel Alberganti
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Pendant que la crainte des nanotechnologies monte dans l’opinion publique, ce sont les microtechnologies qui semblent bien les plus immédiatement “prometteuses”. Pour la surveillance, entre autres applications. Qui n’a pas rêvé d’être une mouche capable de s’introduire discrètement dans un bâtiment pour se poser sur une vitre afin d’assister à une réunion confidentielle ?
Bientôt, ce fantasme d’espions de science-fiction pourrait devenir une réalité et l’équipement des soldats et autres agents de sécurité ou des services secrets devra alors s’enrichir… d’une tapette ! On sait que la tapette est l’arme la plus écologique pour se débarrasser des mouches trop familières… Si elle n’est pas encore homologuée pour cet usage, elle a ses chances face à ce que préparent plusieurs laboratoires dans le monde, en particulier aux Japon et aux Etats-Unis.
1100 robots rampants pour l’armée
Déjà utilisés sur le terrain, les mini et micro-robots sont des produits commerciaux. L’armée américaine a ainsi passé, le 16 février 2012, une commande de 13,9 millions de dollars à la firme Recon Robotics pour l’acquisition de 1100 robots télécommandés Scout XT. L’entreprise déclare en avoir vendu, auparavant, des centaines à des agences de la police et à des sociétés de surveillance de bâtiments. Chaque robot pèse un peu plus de 500 grammes et possède une résistance remarquable aux chocs. Il peut ainsi être projeté à une distance de 30 mètres et supporter des chutes répétées d’une hauteur de près de 10 mètres sur un sol en béton. Bien entendu, ces gros insectes qui ne ressemblent pas à grand chose de vivant sont équipés de caméras permettant à leurs utilisateurs de voir à l’intérieur des locaux, même la nuit, dans lesquels ils sont jetés, un peu comme des grenades. Dans ce cas, la tapette risque fort d’être insuffisante… De même que l’eau, car le Recon Scout est étanche. Pour s’en débarrasser, le recours au talon reste à tester. Mais ce n’est pas gagné… (Voir la vidéo de démonstration)
Poids plume
Ces premiers robots insectes rampants d’espionnage feront sans doute d’ici peu figure d’ancêtres mal dégrossis. Les modèles à ailes battantes semblent en mesure de leur voler la vedette. D’autant qu’il ne s’agit déjà plus de mettre au point un prototype en laboratoire mais bien d’industrialiser leur fabrication. De fait, plus la taille des micro-robots diminue, plus l’assemblage des pièces qui les constituent pose problème. D’où l’intérêt du travail du laboratoire de micro-robotique de Harvard, à Cambridge (Massachusetts), qui a révélé, le 15 février 2012, une nouvelle technique de production en série de robots abeilles, baptisés Monolithic Bee ou Mobee, dont la plus grande dimension ne dépasse guère les 25 mm pour un poids plume de 90 milligrammes.
Comme dans les livres animés pour enfants
Pour monter de tels robots capables de battre des ailes comme une libellule, il faut résoudre le problème de la manipulation des pièces microscopiques qui les composent. La solution mise au point par les ingénieurs de Harvard est aussi astucieuse que spectaculaire. Elle suprime la manipulation des pièces en les conservant solidaires les unes des autres. Le robot est fabriqué à plat et il se déplie comme les illustrations en trois dimensions utilisées dans les livres animés pour enfants. La conception fait appel à un matériau multicouches composé de fibre de carbone, film plastique (Kapton), titane, laiton et céramique. Au total, 18 couches sont ainsi laminées ensemble pour former une sorte de mille-feuilles extrêmement fin qui est ensuite découpé au laser. Des charnières sont incorporées à cette feuille pour que le montage du robot soit réalisé d’un coup et qu’il atteigne sa taille finale: 2,5 mm de haut… Le processus complet est détaillé dans cette vidéo :
Point faible : l’énergie
Le résultat, une fois le Mobee débarrasser de sa chrysalide, est spectaculaire. Ce mode d’assemblage automatique pourrait conduire à une production de masse ressemblant à celle des microprocesseurs. Des robots ou des machines automatiques pourront les fabriquer à la chaîne. De quoi faire renaître les terreurs vis à vis des “machines” susceptibles d’échapper au contrôle des humains…
On imagine des milliers de ces abeilles robotisées partant à l’assaut des champs de bataille ou des villes à surveiller. Là encore, les bonnes vieilles caméras de surveillance fixes pourraient devenir rapidement obsolètes. Par chance pour elles, et peut-être pour nous, les robots insectes volants n’ont pas que des problèmes d’assemblages à résoudre avant d’envahir la planète. Leur point faible, par rapport à leur modèles vivants, réside essentiellement dans la source d’énergie. Les batteries de quelques milligrammes ne pourront pas leur assurer une bien grande autonomie. Cette difficulté fait passer celle que rencontrent les voitures électriques pour un jeu d’enfant. D’où les recherches dans la direction d’une forme d’alimentation chimique des robots insectes…
Mais, dans ce domaine, on passe encore sans doute, pour l’instant en tous cas, la frontière de la science fiction…
Michel Alberganti
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D’ici quelques décennies, certains d’entre nous pourraient bien être assistés par un robot personnel. Les progrès dans ce domaine, aussi bien au niveau de la mécanique, de la motorisation, du stockage de l’énergie, des matériaux et de l’intelligence artificielle sont tels que les héritiers (ou les ancêtres…) de R2-D2 et C-3PO, les célèbres robots de la Guerre des étoiles, ne semblent plus très loin d’arriver sur le marché du travail. Il reste à savoir… quelle sera leur forme, leurs aptitudes, leur caractère, leur type de relation avec les hommes. Chez le français Aldebaran Robotics, le choix est clair: après le petit Nao, le grand Romeo doit prolonger la lignée des robots anthropomorphes autonomes avec comme objectif final l’assistance des personnes âgées. L’entreprise affronte directement certains constructeurs japonais comme Honda avec son célèbre Asimo qui multiplie les apparitions publiques ou le HRP-4 de l’AIST (Institut National japonais des sciences et technologies avancées). La NASA expérimente aussi le Robonaut 2 qui a été expédié dans la Station spatiale internationale en février 2011 qui manque, pour l’instant, de jambes.
Interaction dans les deux sens
C’est également le cas de l’une des dernières nouveautés, le robot télécommandé Telesar V de l’université japonaise de Keio. Pour son père, le professeur Susumu Tachi, explique que le robot fournit à son utilisateur un corps à distance. Grâce à lui, il peut non seulement manipuler des objets comme on le ferait avec une télécommande classique de machine mais également de voir, entendre et sentir ce que le robot voit, entend et sent. L’approche est intéressante car l’interaction se produit ainsi dans les deux sens, un peu comme avec les systèmes de retour d’effort des joysticks. Une autre analogie possible est celle des exosquelettes popularisés par Ripley, alias Sigourney Weaver dans Alien le retour (James Cameron, 1986). Dans ce cas, l’utilisateur se trouve à l’intérieur du robot qui sert à démultiplier sa force et son rayon d’action.
Un avatar dans le monde réel
Le corps du Telesar V de Susumu Tachi, lui, est distinct de celui de l’utilisateur. C’est d’ailleurs tout son intérêt pour le public visé, par exemple des personnes privées de l’usage de leurs jambes. Le robot devient alors une réplique mécanique de son corps, d’où son surnom d’Avatar issu du film éponyme (encore James Cameron – 2009). On pense également, bien entendu, aux avatars logiciels permettant aux internautes ou aux adeptes des jeux vidéos de choisir une apparence pour les représenter. Néanmoins, Telesar V se distingue nettement de toutes ces parentés. Sa conception ouvre un nouveau champ de développement pour la robotique télécommandée. On imagine son couplage avec les systèmes de détection de la pensée comme mode de commande à distance pour des personnes tétraplégiques. De plus, cette approche simplifie le travail du robot lui même. Plus besoin d’une intelligence artificielle complexe pour le rendre autonome. C’est le cerveau de l’être humain qui le pilote qui est à l’oeuvre. La rétroaction, qui transmet à l’être humain les images, les sons et les sensations de toucher captées par le robot, est également très intéressante. L’avatar logiciel ne peut vivre que dans les univers virtuel. Le robot avatar permet à l’homme de se dédoubler dans un univers bien réel.
Michel Alberganti
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lire le billetCourte Focale
Dans cette rubrique du blog Globule et télescope, nous vous proposons régulièrement des images ou des vidéos traitant de sujets scientifiques ou techniques.
Nous commençons par ce petit joyau trouvé sur Youtube à l’occasion du dixième vingtième anniversaire de la mort de Grace Hopper, une figure de l’informatique aux Etats-Unis, auteur du premier compilateur en 1951 et du langage Cobol en 1959. En octobre 1986, invitée au Late Show de David Letterman, l’un des plus fameux talk shows américains sur la chaîne CBS, elle affiche une personnalité hors pair d’amiral de la Navy et de pionnière de l’informatique depuis son engagement dans l’armée, en 1944. A 80 ans, cette dame, décédée en 1992, ne se laisse impressionner ni par la télévision, ni pas son interviewer. Il faut dire qu’elle a bien préparé cet entretien avec une explication de la nanoseconde qui laisse David Letterman assez pantois… Une leçon de vulgarisation! En anglais…
Michel Alberganti
lire le billetDans le film E.T. de Steven Spielberg, l’extra-terrestre à grosse tête veut “téléphoner maison”. A priori, c’est pour rentrer chez lui et faire un rapport scientifique sur la Terre. L’histoire gentillette et fédératrice ne nous dit pas ce qui se passe après. Après ce premier contact, bien sûr les extraterrestres reviennent. Le tout est de savoir si c’est en pacifistes, version Rencontres du troisieme type (du même Spielberg) ou bien avec des intentions nettement plus hostiles, dans le style Mars Attacks ! (photo ci-dessus) ou dans celui, moins drôle et nettement plus angoissant, de L’Invasion des profanateurs. Une problématique de pure science-fiction ? Pas seulement.
Nous considérons depuis longtemps qu’un des plus grands événements de l’histoire de l’humanité sera ce fameux “contact” avec une civilisation extra-terrestre et cela fait un demi-siècle que nous “écoutons” les étoiles à l’aide de radio-télescopes. Le plus connu de ces programmes est celui du SETI Institute (SETI pour Search for Extraterrestrial Intelligence, Recherche d’une intelligence extraterrestre en français), dont j’ai déjà parlé sur ce blog. Mais la communication marche dans les deux sens. Depuis l’invention de la radio puis de la télévision, nous émettons vers l’ailleurs les preuves de notre existence technologique. Et même si nous ne disions rien, la relative puissance de notre civilisation serait détectable pour des astronomes extra-terrestres : les flashes des différentes explosions atomiques qui ont eu lieu à la surface de la Terre se promènent à la vitesse de la lumière dans l’espace interstellaire. Autre indice décelable, la modification de la composition de l’atmosphère terrestre sous l’action de notre vie moderne, et notamment la hausse rapide de la teneur en dioxyde de carbone.
Donc, si cela se trouve, les extra-terrestres sont déjà en route… Alors, amis ou ennemis ? Dans un article d’une trentaine de pages publié par la revue Acta Astronautica, trois chercheurs américains se donnent pour objectif de répondre à la question, en essayant d’envisager toutes les possibilités. Ce qui est compliqué étant donné que nous n’avons pas l’assurance que les systèmes de valeurs morales des extra-terrestres ressemblent aux nôtres… Mais quand même, trois scénarios principaux sont retenus. Tous partent du principe que les autres civilisations technologiques seront plus avancées que la nôtre. Logique si l’on considère, comme les auteurs, que “les humains et la technologie humaine sont des phénomènes relativement récents dans l’histoire de la Terre”. Pour résumer, le premier scénario nous est bénéfique : les extra-terrestres sont sympathiques et généreux, ils partagent avec nous leur savoir philosophique, mathématique et scientifique, nous donnent des conseils pour éviter toute catastrophe écologique et enrayer le réchauffement climatique. Et j’imagine qu’ils reçoivent le prix Nobel de la paix. Youkaïdi, youkaïda, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Deuxième scénario : E.T. sait que nous sommes là mais il joue le bel indifférent. Une hypothèse qui passionnera les fans des théories du complot car les extra-terrestres nous observent tout en se cachant de nous. Soit ils sont trop loin et n’ont pas les moyens de nous rendre visite, soit ils n’ont aucune envie de communiquer avec nous, ce qui serait un peu normal s’ils ont réussi à décrypter les programmes télé que nous leur envoyons depuis des décennies. J’imagine sans peine l’effet de “L’île de la tentation” ou des deux mille épisodes d’un “soap opera” brésilien sur le cerveau d’un chercheur extra-terrestre. Juste envie de débrancher le radiotélescope.
Troisième et dernier scénario : E.T. ressemble davantage à Alien qu’à un Bisounours sans poils et se moque pas mal de faire voler les vélos d’adolescents américains. Lui, ce qu’il veut, c’est les bouffer (les gamins, pas les vélos) ou bien les réduire en esclavage. Il pourrait considérer la Terre comme une station-service sur sa voie de la conquête galactique. Il s’y arrête pour faire le plein de carburant, de protéines, d’animaux humains de compagnie, pour faire un safari en plein New-York et jouer avec les potes à qui dégommera le plus de bipèdes. Autre possibilité, tout aussi réjouissante : que les extra-terrestres soient bienveillants en général, mais nous considèrent comme potentiellement nuisibles (leurs chercheurs ont analysé des décennies de journaux télévisés et le verdict est sans appel). Partant du principe qu’il vaut mieux prévenir que guérir, ils décident de nous écraser avant que, pareils à un nuée de criquets, nous nous mettions à proliférer dans la galaxie et à dévaster tout sur notre passage.
Détruire la Terre, oui, mais comment ? Les scénaristes de science-fiction ont la réponse toute trouvée : on construit une Etoile de la mort dotée d’un laser capable de désintégrer une planète, sort tragique que subit Alderaan, la planète de la princesse Leïa dans Star Wars : épisode 4 – Un nouvel espoir (voir la vidéo ci-dessous) :
La destruction d’Alderaan constitue un très beau cas d’école. Selon la fiche Wikipedia consacrée à cet astre imaginaire, cette planète est une quasi-jumelle de la Terre. Elle n’a qu’un seul soleil dont elle en fait le tour en 364 jours. Le jour dure 24 de nos heures. Etant donné son inclinaison de 23° par rapport au plan de l’écliptique, elle connaît des saisons semblables aux nôtres. Surtout, on apprend que son diamètre est de 12 500 km (contre 12 700 pour notre grosse boule bleue). Et c’est là que le bât blesse. Car, pour pulvériser une planète de cette dimension, un rayon laser ne pas pas suffire… L’astronome et vulgarisateur américain Phil Plait, auteur de l’excellent blog “Bad Astronomy”, vient d’écrire un article publié sur le site Blastr où il explique qu’il s’est amusé à calculer l’énergie nécessaire pour désintégrer la Terre (ou Alderaan, c’est pareil). Il faut, selon lui, une énergie égale à 2×1032 joules pour y parvenir. Le joule étant une unité faible qui parle peu, j’ai préféré prendre pour unité l’énergie de la bombe atomique de Hiroshima (15 kilotonnes de TNT). Après conversion, on arrive au chiffre de 3,2 milliards de milliards de bombes de ce genre. Ce qui fait vraiment beaucoup pour un simple rayon laser, même dans un monde où les vaisseaux voyagent dans l’hyperespace aussi facilement que nous prenons le TGV. Quant à utiliser de l’antimatière, qui présente la particularité de se transformer en énergie pure au contact de la matière ordinaire, mieux vaut non plus ne pas trop y compter : il faudrait environ 1 000 milliards de tonnes d’antimatière pour faire exploser la Terre. Or, le CERN, qui est l’organisme le mieux équipé du monde pour la fabrication d’antiprotons, explique qu’au rythme où il crée ces antiparticules, 2 milliards d’années seraient nécessaires pour en fabriquer… 1 gramme. Et on ne parle même pas du coût.
Mais il n’est pas besoin de réduire sa planète en miettes pour se débarrasser d’une humanité jugée nocive. On peut, en déviant astucieusement (et à moindre coût) quelques astéroïdes de bonne taille, assurer aux hommes une fin semblable à celle des dinosaures. Autre solution évoquée par les auteurs de l’article paru dans Acta Astronautica, introduire sur Terre un virus extraterrestre, inoffensif pour E.T., mais contre lequel l’organisme d’Homo sapiens sera sans défense. Une sorte de Guerre des mondes à l’envers.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : après la publication de ce blog hier soir mercredi, mon ami l’astrophysicien Roland Lehoucq, auteur de l’excellent (mais épuisé) Faire de la science avec Star Wars (éd. Le Pommier), m’a adressé quelques précisions sur l’énergie nécessaire à l’Etoile de la mort pour détruire Alderaan (Alderande dans la version française). Les voici : “Tu cites l’énergie qu’a calculée Phil Plait (2×1032 J), qui correspond en fait à l’énergie de liaison gravitationnelle de la planète. J’avais fait ce calcul de façon plus précise dans mon livre. Dans l’hypothèse où le superlaser fournit tout juste cette énergie de liaison, les débris de la planète se répandront dans l’espace à une vitesse voisine de celle qu’une fusée aurait dû atteindre pour échapper à sa gravité. Dans le cas de la Terre, cette vitesse de libération vaut environ 11 km/s. Il faudra donc attendre plusieurs minutes avant de constater les effets de la frappe, et des heures pour que les débris soient raisonnablement dispersés. Mais c’est bien connu, Dark Vador est impatient. Les jolis effets pyrotechniques qu’il aime à contempler depuis son destroyer interstellaire ne peuvent être obtenus que si le superlaser fournit une énergie supplémentaire, nécessaire pour assurer aux débris une expansion rapide. Dans l’épisode IV, l’explosion et la dispersion d’Alderande ne prend sûrement pas plus de deux secondes, ce qui laisse supposer que la vitesse d’expansion est bien supérieure à la vitesse de libération. En visionnant le film image par image et en supposant que la taille d’Alderande est égale à celle de la Terre, la vitesse d’expansion des parties externes de la planète peut être estimée : elle est de l’ordre de 10 000 km/s. L’énergie de l’explosion vaut alors 6 ×1037 J, soit 300 000 fois plus que la limite inférieure fixée précédemment. Résultat : c’est encore plus difficile de faire exploser une planète que de simplement la détruire (i.e. fournir son énergie de liaison gravitationnelle). Et pour sortir l’énergie vraiment nécessaire, la seule solution “viable” est de l’extraire d’un trou noir en rotation rapide d’environ 1 mètre de diamètre. J’avoue que ce n’est guère plus facile que de fabriquer un gros tas d’antimatière…”
lire le billetQuand les astronomes (et les journalistes…) s’emballent pour les astéroïdes, c’est en général pour évoquer celui qui a provoqué la disparition des dinosaures, ceux qui nous frôlent de temps à autre et que l’on détecte trop tard ou encore pour se faire des frayeurs en parlant des chances infimes pour que le pavé Xtrucmuche212 percute la Terre dans 94 ans. Plus ces rochers géants restent loin de nous, mieux nous nous portons, avons-nous tendance à croire. Erreur grossière car, sur le plan des ressources naturelles et notamment des métaux, un astéroïde, c’est quasiment de l’or en barre. En effet, il est très probable que l’origine des métaux précieux présents dans la croûte terrestre soit extraterrestre : de nombreux chercheurs estiment en effet que le grand bombardement météoritique qui s’est produit il y a environ 4 milliards d’années nous a fait cadeau de ces éléments qui, sans cela, auraient été des plus rares.
D’où l’idée, émise il y a déjà plusieurs années, d’extraire ces métaux dans l’espace lorsqu’ils viendront à manquer sur Terre ou quand le prix de leur extraction sera faramineux. Encore faut-il, pour pratiquer cette exploitation minière spatiale, faire l’aller-retour à un coût qui n’excède pas celui des minéraux en question. La population la plus accessible, la grande ceinture d’astéroïdes, gravite entre les orbites de Mars et de Jupiter, soit, dans le meilleur des cas, à quelque 150 millions de kilomètres de nous. C’est loin ? Pas de problème. Pour parodier Paul Féval et son Lagardère, on pourrait dire “Si tu ne viens pas à l’astéroïde, l’astéroïde ira à toi !” Au lieu de traverser de longues distances intersidérales, pourquoi ne pas prendre “au lasso” un géocroiseur, un de ces vagabonds qui passent dans les parages de la Terre ?
C’est la question que se sont posée trois chercheurs chinois, spécialisés dans le spatial, à l’occasion d’un article publié l’an dernier par la revue chinoise Research in Astronomy and Astrophysics et qui est désormais disponible depuis quelques jours sur le site arXiv. En introduction, Hexi Baoyin, Yang Chen et Junfeng Li commencent par… parler argent, en rappelant des chiffres qui feront rêver n’importe quelle entreprise minière : un astéroïde métallique de 2 kilomètres de diamètre contient pour plus de 25 000 milliards de dollars de matériaux, soit bien plus que le fameux montant du déficit fédéral américain, qui faisait les gros titres et inquiétait les Bourses il y a un mois… L’idée de ces chercheurs chinois consisterait à dévier d’un chouïa la trajectoire d’un astéroïde de manière à ce qu’il soit capturé par l’attraction terrestre et devienne temporairement satellite de notre planète, ce qui nous laisserait tout loisir pour y envoyer une armée de robots excavateurs.
L’étude a donc passé à la moulinette les orbites de plus de six mille géocroiseurs censés venir flirter avec la Terre à moins de 1,2 million de kilomètres (soit environ trois fois la distance qui nous sépare de la Lune) d’ici à 2060. Le but étant de savoir s’il existait dans cette liste quelques candidats qu’une petite pichenette pourrait faire basculer dans notre piège gravitationnel. Nos scientifiques chinois en ont sélectionné un, qui répond au doux nom de 2008EA9 et est censé passer à un peu plus d’1 million de km de notre planète en février 2049. Il suffirait, selon leurs calculs, de modifier la vitesse de l’astéroïde d’un kilomètre par seconde (ce qui fait tout de même 3 600 km/h…) pour lui faire gagner une orbite autour de la Terre deux fois plus éloignée que celle de la Lune. Autant dire la proche banlieue. Pour mémoire, les astronautes des missions Apollo ne mettaient que trois jours lors de leurs voyages vers notre satellite.
Cela dit, 2008EA9 n’intéressera pas beaucoup de compagnies minières : ce caillou de l’espace ne mesure que 10 mètres de diamètre et il n’y a sûrement pas grand chose à en tirer. Ce “hic” n’empêche pas les auteurs de cette étude d’envisager l’opération comme une démonstration de faisabilité. Après un rapide tour d’horizon des techniques de poussée (de la bombe atomique au laser), ils concluent que la meilleure solution serait une collision bien calculée avec un impacteur de 26 tonnes. L’avantage de 2008EA9, c’est que si l’expérience rate, l’astéroïde est si petit qu’il ne provoquera aucun dégât sur Terre puisqu’il se consumera en entrant dans l’atmosphère. Ce qui risque de ne pas être le cas avec un des autres candidats potentiels, le fameux astéroïde Apophis, qui est doté d’une probabilité infime mais réelle de nous percuter au cours des décennies à venir. C’est un bestiau de 270 mètres de long dont l’impact sur Terre relâcherait une énergie de plus de 500 mégatonnes de TNT (soit dix fois plus que la plus puissante des bombes thermonucléaires jamais conçues).
Comme il ne faut pas jouer avec le feu, une autre étude réalisée dans la même université pékinoise vient de s’attaquer au problème inverse : comment, avec une voile solaire de seulement 10 kg, dévier Apophis pour qu’il ne risque plus, au moins à moyen terme, de venir nous chatouiller la croûte terrestre. Quitte à retourner le chercher plus tard, quand les mineurs de l’espace seront au point…
Pierre Barthélémy
lire le billetCela devait arriver aux Etats-Unis, le pays de l’automobile, du GPS et de Google réunis. Le 16 juin, le gouverneur de l’état du Nevada a approuvé une loi demandant à son Department of Motor Vehicles (qui enregistre les véhicules et les permis de conduire) de mettre en place des règles autorisant l’utilisation de la voiture “autonome”. Comme le spécifie le texte, il s’agit d’“un véhicule à moteur qui utilise l’intelligence artificielle, des capteurs et les coordonnées GPS pour se conduire lui-même sans l’intervention active d’un opérateur humain”.
Est-ce à dire que l’on pourra bientôt, dans le désert du Nevada ou dans les rues de Las Vegas, s’endormir au non-volant, comme le fait Will Smith dans I, Robot ? Parier que la réponse est “oui” n’équivaut pas à prendre de gros risques et si cette loi est passée, ce n’est pas seulement parce que Google, qui teste une voiture sans conducteur depuis quelque temps, a fait du lobbying en ce sens, mais, plus simplement, parce que les prototypes sont au point, parce que la technologie est prête. Plusieurs exemples le prouvent.
Pour ceux qui voient des militaires partout, je signalerai le Grand Challenge de la Darpa, l’agence chargée de la recherche pour le compte de l’armée américaine, dont l’engagement dans la mise au point de voitures sans pilote remonte aux années 1980. Ce défi a permis à plusieurs instituts et universités d’outre-Atlantique, comme Carnegie Mellon ou Stanford, de développer des projets. Ainsi, l’équipe de Stanford a-t-elle présenté Stanley (vainqueur du Grand Challenge en 2005) et Junior (deuxième en 2007). Dans la vidéo ci-dessous on peut voir Junior se garer dans un créneau en effectuant un tête-à-queue en marche arrière (ce que, pour ma part, je ne m’aventurerais pas à tenter, même avec la voiture de mon pire ennemi) ! La “manœuvre” nécessite de combiner un modèle dynamique classique (la voiture roule) avec un modèle nettement plus complexe (la voiture dérape).
Avec ses caméras et tous ses capteurs, Junior a vraiment la tête d’un prototype de chercheur mais son successeur est nettement moins moche. Pour construire Shelley, les ingénieurs de Stanford se sont en effet installés dans une Audi TTS. Il s’agit évidemment d’un partenariat avec la marque aux anneaux mais le choix de ce coupé sport s’explique aussi par le test, en 2010, de la voiture sans pilote sur le parcours de la mythique course de côte de Pikes Peak, une montagne du Colorado qui culmine à 4 301 mètres d’altitude. Faire évoluer un véhicule sans conducteur sur le terrain de jeu d’une des compétitions automobiles les plus exigeantes du monde, qui combine sections asphaltées et sections en terre au bord de précipices, tient de la gageure. Cela ressemble aussi à s’y méprendre à la démarche des concepteurs de logiciels d’échecs qui ont rapidement voulu confronter leurs produits aux meilleurs pousseurs de bois, dans les conditions de la compétition. Pour ses premiers essais à Pikes Peak, Shelley a gravi la montagne en 27 minutes, soit 17 minutes de plus que les meilleurs pilotes de rallye, qui conduisent des engins autrement plus puissants. On estime que, sur la même voiture, un champion automobile aurait mis 17 minutes. Combien de temps faudra-t-il à l’auto sans conducteur pour battre les Kasparov du volant ? Sur cette vidéo, on peut voir Shelley gravir Pikes Peak, à une vitesse plus que raisonnable :
Une chose est de rouler sur une route fermée pour les besoins d’une course, sur un parking désert ou dans un pré. Une autre est de s’insérer dans la circulation. C’est ce qui a été fait, toujours en 2010, lors d’une expérience hors du commun, le projet VIAC (pour VisLab Intercontinental Autonomous Challenge). Pendant trois mois, entre Milan et Shanghai, quatre camionnettes (électriques !) ont parcouru quelque 13 000 kilomètres sans conducteur. Bardées de caméras, de lasers et aussi de panneaux solaires pour alimenter les systèmes électroniques, ces deux paires de vans orange comprenaient leur environnement : ils détectaient les piétons, les cyclistes, les feux rouges et décodaient les panneaux de circulation. Ils évoluaient en duo selon la technique du convoi. Le véhicule de tête, bien qu’autonome, pouvait être repris en main par un conducteur à chaque fois que c’était nécessaire, notamment sur les routes d’Asie pour lesquelles il n’existait pas de carte géographique électronique. La camionnette de queue le suivait visuellement mais aussi grâce aux coordonnées GPS qu’il émettait, ce qui était utile lorsqu’un véhicule s’intercalait entre les deux. Une présentation vidéo du projet ici (en anglais) :
Si l’on excepte le fait que les vans ont oublié de s’arrêter à un péage en Serbie et qu’ils ont eu du mal à intégrer le style de conduite de certains automobilistes russes, il n’y a pas eu de problème majeur. Les promoteurs de la voiture sans conducteur mettent régulièrement en avant le fait que l’électronique contrôle déjà une partie des systèmes d’une auto, que les machines sont plus promptes à réagir que l’humain et qu’elles sont capables de suivre de très près et sans risque les voitures qui les précèdent, ce qui pourrait éliminer les bouchons sur les autoroutes. De plus, le système humain fait chaque année la preuve dramatique de son imperfection avec plus de 1,3 million de morts sur les routes. Et puis, dans un monde sans conducteur, plus de “boire ou conduire il faut choisir”, SMS illimités dans la voiture et, surtout, plus besoin de passer son permis.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : ce billet est dédié à mon ami Eric Azan qui prend sa retraite journalistique aujourd’hui, lui qui m’a mis le pied à l’étrier en me faisant entrer, en 1991, dans un “canard” de course automobile dont il était le rédacteur en chef technique… alors qu’il n’avait pas son permis de conduire.
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