Publiée le 9 septembre 2012 dans la revue Nature Climate Change, une nouvelle étude affirme que l’éolien pourrait, théoriquement, couvrir l’ensemble des besoins énergétiques de la planète. Selon Kate Marvel du laboratoire national Lawrence Livermore qui a dirigé les travaux de l’équipe, 400 térawatts pourraient être obtenus grâce aux éoliennes sur terre et en mer tandis que l’éolien d’altitude aurait une capacité de 1800 terrawatts. Or, l’humanité consomme aujourd’hui 18 terrawatts. Ainsi, le vent terrestre couvrirait 20 fois ces besoins et le vent d’altitude 100 fois. De quoi faire réfléchir ceux qui considèrent l’énergie éolienne comme tout juste capable d’apporter, comme le solaire, un appoint aux énergies “sérieuses” que sont le pétrole, le charbon et le nucléaire.
Il faut néanmoins préciser que ces chiffres représentent le potentiel géophysique de cette source d’énergie renouvelable et propre. Ils ne tiennent pas compte des limitations technologiques ou économiques. Il ne s’agit donc que d’un gisement. Pas de la ressource réellement exploitable. L’étude s’est concentrée sur la recherche de l’optimum d’exploitation possible du vent. En effet, trop d’éoliennes finiraient par ralentir les courants aériens, phénomène de saturation qui conduit à la définition d’un maximum de la ressource.
Les chercheurs ont également tenté d’évaluer les effets sur le climat de la Terre d’une exploitation massive de l’énergie éolienne. Selon eux, l’impact de l’extraction d’une quantité d’énergie égale à la consommation de l’humanité serait minime, dans la mesure ou les turbines seraient réparties et non concentrées dans certaines régions. D’après leurs calculs, une telle exploitation ferait varier la température du globe d’environ 0,1°C et affecterait 1% des précipitations. En conclusion, Ken Caldera, co-auteur de l’étude et membre de l’institution Carnegie à Washington, estime que “les facteurs limitant l’exploitation de l’énergie éolienne seront économiques, technologiques et politiques mais non géophysiques”.
En 2009, Ken Caldera avait déjà publié, avec Cristina Archer dans la revue Energies, un article dédié au potentiel des vents de haute altitude. Les chercheurs s’étaient alors penchés sur les fameux courants-jets, les fameux jet streams, qui circulent dans l’atmosphère à des altitudes comprises en 6 et 15 km. Il en avait déduit de forts potentiels sans donner la méthode pour exploiter ces véritables rivières aériennes. Comment installer une turbine à ces altitudes et récupérer le courant électrique produit ? Mystère… Moins ambitieux mais plus réalistes, de nombreux projets visent l’exploitation du vent à moyenne altitude, c’est à dire à quelques centaines de mètres de la terre. Il s’agit de se dégager de l’effet de ralentissement du vent que provoque sa friction sur le sol afin d’exploiter un flux plus fort et plus régulier. Mais, là encore, comment faire ?
Une société italienne, Kite Gen Research fondée en 2007 à Chieri, près de Turin, détient une vingtaine de brevets pour une solution originale: le cerf-volant (kite en anglais). Son idée essentielle réside dans le fait de conserver sur terre toute la partie lourde et encombrante de l’installation, c’est à dire la turbine. Cette dernière tourne grâce au déplacement ascensionnel du cerf-volant qui entraîne un câble. Le problème, c’est qu’il faut faire redescendre le cerf-volant au bout d’un certain temps… Pour cela, le système rompt la portance de l’aile volante de plusieurs dizaines de m2 en exerçant une traction sur l’un des câbles. le cerf-volant se met, en quelque sorte, en torche, ce qui facilite sa descente. Ensuite, il suffit de rétablir la portance pour que l’ascension reprenne. Et ainsi de suite, dans un mouvement qui rappelle celui du yo-yo. De essais du système ont été réalisé au début de 2012. Certains problèmes restent à résoudre, semble-t-il mais Kite Gen mise sur des installations de 3 MW par cerf-volant et envisage de vastes carrousels sur terre et sur mer pour rassembler des dizaines de systèmes sur un même site. Un jour, peut-être, notre courant électrique sera produit par des cerf-volants… Nul doute que l’idée devrait séduire la Chine…
Michel Alberganti
lire le billetLes plus courants capteurs de lumière solaire existants ne sont autres que… les fenêtres. Elles sont partout, dans les maisons et les immeubles, de la lucarne à la baie vitrée voire à la paroi extérieure elle-même de certaines tours. Leur fonction est de laisser entrer la lumière à l’intérieur des habitations et autres bureaux. Or, cette lumière pourrait fort bien être transformée en électricité grâce au fameux effet photoélectrique déjà exploité par les cellules solaires. Alors peut-on envisager de tirer partie de la gigantesque quantité de lumière qui traverse nos fenêtres pour… produire du courant ? Vous penserez immédiatement que si cela revient à obstruer nos fenêtres avec une sorte de volet photovoltaïque. Une solution guère lumineuse. Mais si les capteurs étaient transparents ? Cela changerait tout. Encore faut-il que cela soit possible, ce que les cellules solaires en silicium laissent mal entrevoir.
Depuis quelques années, se développe une technologie susceptible s’apporter une solution au dilemme lumière ou électricité. Il s’agit des capteurs photovoltaïques en polymères. Il suffirait que ces derniers soient transparents pour qu’ils s’ouvrent le fabuleux marché de la fenêtre. Pour les seules poses de nouvelles fenêtres et le remplacement d’anciennes, il se fabrique entre 10 et 12 millions de fenêtres par an en France. Une équipe de chercheurs de plusieurs universités américaines dont celle de Californie Los Angeles (UCLA) ont publié en juillet 2012 un article dans la revue ACS Nano sur, justement, des cellules solaires polymères “visiblement transparentes”, selon leur expression.
L’idée des chercheurs est de capter le rayonnement infrarouge de la lumière incidente et de laisser passer le plus possible le reste des longueurs d’onde. A priori, aucune perte importante dans le spectre visible traversant puisque le verre ne laisse, de toutes façons, pas passer les infrarouges ce qui permet de l’utiliser dans les capteurs thermiques (effet de serre). Néanmoins, le film de polymère n’est pas, lui-même, absolument transparent à la lumière visible. Il laisse ainsi passer environ 66% du rayonnement solaire ce qui, comme le montre la photo ci-dessus n’obscurcit que faiblement la fenêtre. Et surtout, la fine cellule transforme 4% de l’énergie reçue en électricité. Un rendement bien inférieur à celui des cellules photovoltaïques en silicium qui atteignent aujourd’hui de 15 à 20%.
On pourrait donc penser que la faible efficacité des nouvelles cellules polymères transparentes constitue un handicap rédhibitoire. En réalité, le calcul de la rentabilité en matière d’énergie solaire est assez différent de celui que l’on peut faire pour un moteur de voiture (20 à 30% de rendement). En effet, dans le cas du solaire, l’énergie primaire est gratuite, ce qui fait une grande différence avec la prise en compte du prix de l’essence, ou, même, de l’électricité. La rentabilité d’une cellule solaire est donc essentiellement liée à son prix d’acquisition. Or, les cellules photovoltaïques en silicium sont issues de l’industrie microélectronique et font appel à des technologies coûteuses. En revanche, les cellules polymères viennent de l’industrie pétrochimique. D’où l’espoir de coûts de production très inférieurs.
Les chercheurs ont mis au point leur film photovoltaïque en utilisant un polymère sensible aux infrarouges proches et une électrode en composite de nanofils d’argent (pas vraiment économiques…) et de dioxyde de titane qui apporte la transparence. On note, au passage, que le dioxyde de titane est déjà utilisé par l’industrie pour fabriquer du verre autonettoyant qui, grâce à ses caractéristiques de photocatalyse et d’hydrophilie, est insensible aux salissures organiques.
On peut donc imaginer des vitres autonettoyantes produisant de l’électricité. Pas que quoi éclairer une pièce, certes. Mais peut-être assez pour recharger les batteries d’appareils électroniques. On peut aussi noter que le bâtiment fait l’objet de multiples études puisque nous avons récemment parlé des LEDs intégrables dans du papier peint. Qui sait ? Peut-être que le courant généré par les vitres pourra-t-il servir à rendre les murs lumineux…
Michel Alberganti
lire le billetL’autonomie reste le talon d’Achille des voitures électriques. Même si les derniers modèles ont atteint ou dépassé les 100 km, rares sont ceux qui vont au delà de 300 km, en dehors de la Tesla Model S (plus de 400 km quand il ne fait pas trop froid) qui coûte près de 50 000 €. La bataille du stockage de l’électricité continue donc à faire rage. Au point de pousser certains à rêver de routes capables d’alimenter les voitures en énergie comme les rails ou les caténaires des chemins de fer… Solution improbable étant donné l’investissement dans l’infrastructure. Ce dont la voiture électrique a besoin, c’est donc bien de batteries qui permettent de sortir des villes, de partir en week end ou en vacances sans avoir l’oeil rivé sur la jauge.
Tout semble se jouer sur la découverte du couple miracle qui permettra de stocker assez d’énergie électrique pour que l’autonomie verte rattrape celle de l’essence ou du diesel. Pour ce faire, il faut sans doute se rapprocher des 1000 km, le seuil du véritable confort. Soit un facteur 5 à 10 par rapport aux performances moyennes actuelles. Eh bien, c’est justement ce que promet le nouveau couple à la mode, le lithium-air, qui prétend détrôner le lithium-ion. Dix fois plus d’énergie stockée, c’est assez pour atteindre et dépasser les 1000 km d’autonomie.
Néanmoins, ces batteries avaient, jusqu’à présent, le désagréable défaut de ne pas supporter la succession des cycles de charge et décharge qui est pourtant le destin de toute batterie qui se respecte. La lithium-air, elle, ne restait pas stable et se dégradait rapidement. Pendant la décharge, les électrons de l’anode en lithium sont arrachés et flottent dans l’électrolyte, une solution conductrice, vers la cathode en carbone. Là, ils s’associent aux atomes de la cathode et à ceux de l’oxygène de l’air pour produire de l’oxyde de lithium. Lorsque la batterie est branchée sur une prise de courant, l’électricité reçue engendre la réaction inverse. Pour que tout cela fonctionne, chacun des acteurs, électrodes et électrolyte, doivent rester stables. Or, ce n’était pas le cas jusqu’à présent en raison de réactions chimiques indésirables qui perturbaient le cycle et dégradaient rapidement les composants de la batterie.
En Angleterre, à l’université de St Andrews, l’équipe de Peter Bruce semble avoir trouver une parade. Elle a remplacé le carbone de la cathode par des nanoparticules inertes d’or. L’électrolyte en composés de polycarbonates ou de polyester a également été troqué pour une solution de solvant conducteur (DMSO pour les spécialistes). Et la nouvelle distribution des rôles semble fonctionner, selon l’étude publiée par Peter Bruce dans la revue Science du 19 juillet 2012.
Au bout de 100 cycles de charge et décharge, la nouvelle lithium-air ne perd que 5% de sa puissance. Ce résultat prouve que ce type de batterie peut fonctionner correctement. A un détail près: la recours à l’or est, bien entendu, beaucoup trop onéreux pour permettre une commercialisation. De même, il semble que le DMSO pose quelques problèmes de réactions avec le lithium de l’anode… Au delà de la démonstration de faisabilité de Peter Bruce, il reste donc pas mal de pain sur la planche.
La véritable percée viendra peut-être d’IBM dont le projet Battery 500 lancé en 2009 vise justement à réaliser une batterie automobile lithium-air capable d’atteindre les 500 miles d’autonomie, soit environ 800 km. Les chercheurs visent une commercialisation entre 2020 et 2030… Encore un peu de patience, donc, pour que l’autonomie de la voiture électrique puisse vraiment rivaliser avec celle de l’automobile thermique.
Michel Alberganti
lire le billet“S’il te plait, n’oublie pas d’éteindre la tapisserie avant de dormir…” Etrange aujourd’hui, cette phrase pourrait devenir banale dans quelque années. En effet, des chercheurs travaillent sur l’intégration de diodes électroluminescentes (LED) à du papier. Mieux, cette technique permettrait d’imprimer ces diodes avec des technologies identiques à celles qui permettent aujourd’hui de déposer la couleur sur le papier-peint, par exemple. On peut alors imaginer des magazines avec des pages lumineuses… Ainsi, le papier n’aurait pas dit son dernier mot. Après sa version électronique, que l’on attend encore, voici poindre un autre avenir qui lui permettrait de prendre une certaine revanche sur l’arrogance des écrans de tous poils.
(a) Nanotubes d'oxyde de zinc (b) Nanotubes imprimés (c) LED a nanotubes imprimés sur du plastique et du papier (d) Image de la couche de nanotubes d'oxyde de zinc
Incorporer des LED dans du papier ne serait pas envisageable sans… les nanotechnologies.La technique de fabrication est issue de la thèse d’un doctorant, Gul Amin, du groupe de nanotechnologies et d’électronique physique de l’université de Norrköping, à l’est de la Suède. La méthode a fait l’objet d’une demande de brevet. Gul Amin utilise des nanotubes d’oxyde de zinc et d’oxyde de cuivre déposés sur une fine couche de polymère conducteur. Le papier, lui, est protégé par un revêtement en résine hydrophobe (Cyclotene). “C’est la première fois que que l’on peut créer des composants semi-conducteurs inorganiques directement sur du papier en utilisant des méthodes chimiques”, note le professeur Magnus Willander qui a dirigé la recherche et créé une entreprise, Ecospark, spécialisée dans le développement de produits à base de LED.
Les applications envisagées par Gul Amin vont du papier-peint aux cellules photovoltaïques. C’est dire le potentiel d’une telle invention. Toute la difficulté réside dans les techniques de croissance des nanotubes, de répartition régulière des différents composants sur la surface du papier et d’optimisation des jonctions électriques. Gul Amin reconnaît qu’il reste encore beaucoup à faire, pour réduire la tension d’amorçage nécessaire pour les nano LEDs s’allument, par exemple.
Mais, déjà, son invention fait rêver à des tapisseries qui capteraient l’énergie lumineuse dans la journée et la restitueraient la nuit, créant une douce lueur irradiant des murs…
Michel Alberganti
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Sur les plus de 7 milliards d’individus de la population mondiale, le poids des adultes atteindrait 287 millions de tonnes, selon les chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Sur ce chiffre, le surpoids représenterait 15 millions de tonnes et l’obésité 3,5 millions de tonnes. L’étude publiée dans le journal BMC Public Health est motivée par le fait que les besoins en nourriture de la population humaine dépendent non seulement du nombre d’individus vivant sur Terre mais également de leur poids. Ainsi, alors que la masse corporelle moyenne est de 62 kg sur le globe, elle atteint 80,7 kg en Amérique du Nord. Cette région, qui compte 6% de la population mondiale représente 34% de la biomasse due à l’obésité. Avec 61% de la population mondiale, l’Asie, elle, ne contribue qu’à 13% de cette biomasse due à l’obésité.
Si tous les pays avaient le même indice de masse corporelle (IMB) que celui des Etats-Unis, la biomasse humaine mondiale totale augmenterait de 58 millions de tonnes, soit l’équivalent de 935 millions d’habitants ayant une masse corporelle moyenne. “Nos résultats mettent l’accent sur l’importance de considérer la biomasse et non seulement la population mondiale lorsque l’on étudie l’impact écologique d’une espèce, en particulier celle des hommes“, note Sarah Walpole, l’une des auteures de l’étude. Son collègue Ian Roberts ajoute que “tout le monde reconnaît que la croissance de la population humaine menace l’équilibre écologique mondial et notre étude montre que l’embonpoint est également un problème majeur. A moins de traiter les deux questions, nos chances sont minces”.
L’étude des chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medicine est basée sur des chiffres des Nations Unies et de la World Health Organization (WHO) datant de 2005. Ce qui introduit une sous-estimation de la masse mondiale du fait de l’augmentation de l’obésité au cours des dernières années. Les Nations Unies indiquent que la population mondiale atteindra 8,9 milliards de personnes en 2050.
Les chercheurs soulignent que l’activité physique brule la moitié de l’énergie fournie par la nourriture ingérée. La croissance de la masse corporelle induit une augmentation des besoins énergétiques car la mise en mouvement d’un corps plus lourd requiert plus d’énergie. Même au repos, un corps plus lourd consomme plus.
Il apparaît ainsi que l’obésité n’est pas seulement un problème de santé publique. Elle a également un impact direct sur les besoin de l’humanité en termes de ressources agricoles, entre autres. Le développement des pays émergents comme la Chine et l’Inde risque fort d’aggraver encore la situation créée en grande partie par les États-Unis. A moins que la raréfaction de la nourriture n’apporte une solution naturelle au phénomène. La question est de savoir si cela fera maigrir la population des pays riches ou mourir de faim celle des pays pauvres.
Michel Alberganti
lire le billetUne fois n’est pas coutume, les chercheurs nous pardonnerons un léger sourire. En effet, une équipe de l’université anglaise d’Exeter, dont nous avons récemment rapporté les travaux sur le graphène, vient de publier un article qui laisse légèrement perplexe. Il s’agit en effet d’une version inattendue du fameux syndrome du lampadaire (ou du réverbère suivant l’époque où se situe l’action…). Sous un lampadaire, un homme cherche les clés qu’il a perdues … parce que c’est là qu’il y a de la lumière. Thomas Davies, lui, rend compte dans un article publié le 23 mai 2012 dans la revue Biology Letters, de son étude des populations d’insectes qui se trouvent sous les lampadaires de la ville de Helston. Et il a eu plus de chance que l’homme qui cherche ses clés. Il a en effet trouvé de nombreux insectes sous la lumière ! Étonnant, non ?
Chasse aux insectes
Au cours de trois nuits de chasse, grâce à 28 pièges placés juste sous les lampadaires ou bien hors de la portée de leur lumière, Thomas Davies a attrapé 1194 insectes de 60 espèces différentes. Et il nous confirme ce que nous pressentions: les insectes sont plus nombreux sous la lumière que dans l’obscurité… A son crédit, tout de même, il a aussi découvert que cette différence de population perdure pendant les heures diurnes. Les pièges étant posés au sol, le chercheur a collecté de nombreux représentants d’espèces prédatrices ou charognardes. Il apparaît donc que ces insectes trouvent le coin sous la lumière particulièrement giboyeux et qu’ils ne prennent pas la peine de le quitter pendant la journée, attendant simplement le festin du soir.
Déséquilibre des populations…
Thomas Davies conclue que nos éclairages nocturnes engendrent de véritables déséquilibres dans les populations d’insectes… Une perturbation écologique regrettable, certes… Néanmoins, si l’on considère la quantité d’insectes sur Terre, soit les deux tiers des espèces animales vivantes avec de 3 à 30 millions d’espèces différentes, on peut considérer l’impact des désordres engendrés par les lampadaires comme relativement mineurs. Si l’homme menace de nombreux animaux, les insectes sont sans doute les meilleurs candidats pour lui survivre. Pour autant, il existe bien d’autres bonnes raisons d’éteindre de nombreux éclairages nocturnes, comme la gène qu’ils causent aux astronomes qui tentent d’observer le ciel étoilé et, surtout, l’impérieuse nécessité de faire des économies d’énergie.
Michel Alberganti
lire le billetIl y a eu les shadoks qui pompaient, pompaient… Demain, il y a aura peut-être les virus qui se tortillent, se tortillent et… rechargent nos téléphones, nos lecteurs MP3, nos ordinateurs portables ou nos caméras vidéo. Telle est la surprenante promesse de chercheurs du laboratoire national Lawrence Berkeley (Berkeley Lab). Ils sont en effet découvert que certains virus, inoffensifs pour l’homme, peuvent produire de l’électricité lorsqu’ils sont soumis à une pression mécanique. Ces virus sont tout simplement piézoélectriques. Cette propriété a été découverte en 1880 par Pierre et Jacques Curie, alors âgés de 21 et 25 ans. Elle existe dans certains cristaux, de quartz en particulier, qui produisent de l’électricité lorsqu’ils sont soumis à une légère pression. D’où les montres à quartz (qui utilisent cet effet à l’envers), mais également les briquets, les moteurs d’autofocus, les microphones de guitare, les télécommandes sans piles… De modestes applications en apparence mais qui ont tout de même généré, selon Wikipédia, un marché de près de 15 milliards de dollars en 2010.
Mais revenons à nos virus. Seung-Wuk Lee, chercheur au Berkeley Lad et professeur associé de bio ingénierie à l’université de Berkeley, et ses collègues ont travaillé sur des virus baptisé M13 et qui ont la propriété de se nourrir exclusivement de bactéries. Par nature, il se réplique à des millions d’exemplaires en quelques heures ce qui peut être un avantage dès lors qu’il évite de le faire à l’intérieur du corps humain. Ce qui est le cas. Par ailleurs, le M13 peut être facilement génétiquement modifié. Sa structure en forme de bâtonnet favorise également son placement en rang bien ordonnés à l’intérieur d’un film, comme des crayons rangés dans une boite. Enfin lorsqu’on leur applique un champ électrique, les protéines hélicoïdales qui couvrent la surface du virus se mettent à se tordre et à se tortiller. Justement la réaction que les chercheurs attendaient car elle révèle la propriété piézoélectrique des virus M13. A l’inverse, soumis à une pression, les virus peuvent produire de l’électricité.
L’hélice des protéines
Afin d’améliorer l’efficacité de ce nouveau générateur, l’équipe de Seung-Wuk Lee a gonflé leur moteur: quatre résidus d’acide aminé (glutamate) chargés négativement fixés à l’extrémité de l’hélice des protéines de surface ont faire l’affaire. C’est toute la beauté, parfois inquiétante, de l’ingénierie génétique que de ressembler à de la mécanique automobile… pratiquée sur des organismes vivants. Ainsi, dopés, les M13 fournissent un voltage plus important. Mais, bon, il en faut un certain nombre pour que leur travail soit exploitable par… nous.
Assez d’électricité pour afficher le chiffre 1
Qu’à cela ne tienne. Les chercheurs ont réalisé des films constitués par une couche unique de virus. Et ils les ont empilées. D’après leurs essais, c’est une épaisseur de 20 couches qui donne les meilleurs résultats. Après ce travail de nano mécanique, il restait à tester cette nouvelle “pile à virus OGM”. Avec un peu d’entrainement, les virus ont appris à s’organiser spontanément à l’intérieur d’un film multicouches d’un centimètre carré de surface. Pris en sandwich entre deux électrodes plaquées or, le film a été connecté par des fils à un écran à cristaux liquides. Lorsqu’une pression est appliquée sur le sandwich, une tension de 400 millivolts et un courant de 6 nanoampères sont délivrés par le dispositif… Soit le quart de la tension fournie par une pile AAA. Suffisant pour afficher le chiffre 1 sur l’écran.
Pas de quoi fermer une centrale nucléaire mais il ne s’agit là que d’une démonstration de principe qui fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Nanotechnology du 13 mai 2012. Le nouvel objectif de Seung-Wuk Lee est d’améliorer les performances du dispositif. Mais il se déclare confiant pour l’avenir: “Les outils des biotechnologies permettent de produire à grande échelle des virus génétiquement modifiés, les matériaux piézoélectriques basés sur les virus peuvent ouvrir de nouvelles voies à la microélectronique dans le futur”, déclare-t-il.
Pile à virus OGM
Outre l’originalité de l’utilisation d’organismes vivants pour produire de l’électricité exploitable par l’homme, les promesses de la pile à virus OGM de Berkeley s’inscrivent dans les multiples tentatives récentes visant tirer profit de sources d’énergie aussi gratuites et inépuisables que le soleil et le vent. Avec une différence notable: c’est l’énergie mécanique produite par l’homme lui-même qu’il s’agit de récolter. Imaginez que l’on puisse capter une partie de l’énergie produite par le passage du public dans un hall de gare ou dans les couloirs du métro. Chaque pas, chaque mouvement du corps humain pourrait devenir une source d’électricité grâce… à la piézoélectricité. D’où les projets de tapis récoltant le courant produit par la pression des chaussures (vidéo ci-dessous). Cette récolte d’énergie mécanique représenterait déjà un marché de 605 millions de dollars en 2010 et pourrait atteindre 4,4 milliards de dollars d’ici 2020, selon un article publié en mars dans le journal Applied Physics Letters.
Et pourquoi ne pas incorporer ces dispositifs dans les chaussures elles-mêmes ? Le générateur de Seung-Wuk Lee pourrait s’y loger facilement. Ou s’intégrer dans le tissu d’une veste, ou d’un pantalon. Et nous rechargerions nos téléphones en marchant, en bougeant ! Et en espérant échapper aux nanoturbines dans les narines…
Michel Alberganti
lire le billetMère Nature est loin d’avoir livré tous ses secrets aux scientifiques. Après l’avoir longtemps ignorée ou méprisée, les chercheurs se tournent désormais de plus en plus souvent vers elle pour la copier (biomimétisme, biorobotique…). Une façon de ne pas réinventer la roue… Il pourrait en être de même avec les cellules solaires. Après avoir développé le photovoltaïque qui transforme directement l’énergie solaire en électricité, certains chercheurs travaillent sur la création de feuilles artificielles. Il s’agit tout simplement de réaliser un processus qui s’inspire de la photosynthèse à l’oeuvre dans les feuilles des plantes. Ces dernières fonctionnent avec deux ressources très abondantes: l’eau et la lumière. Véritables capteurs solaires, les feuilles fournissent l’énergie dont les plantes et les arbres ont besoin pour vivre. Pourquoi un tel système, breveté par la nature, ne pourrait-il pas nous apporter les mêmes services ? C’est la question que s’est posée Daniel Nocera, professeur d’énergétique et de chimie au Massachusetts Institute of Technology, le MIT. Sa réponse : la feuille artificielle.
Hydrogène, le retour
Il s’agit pas d’une dénomination légèrement abusive. La feuille de Daniel Nocera ne ressemble que vaguement à l’original. Et son fonctionnement ne lui est fidèle que dans son principe. Contrairement à son homologue naturel, son carburant n’est pas l’air et le CO2 qu’il contient mais l’eau dans laquelle elle est plongée. Éclairée par le soleil, la feuille artificielle produit de l’oxygène et, surtout, de l’hydrogène. Et qui dit hydrogène dit énergie. En effet, les piles à combustibles prennent le relais et transforment l’hydrogène en eau et en électricité. On pourrait alors penser que la feuille artificielle introduit une étape inutile par rapport à la cellule photovoltaïque qui réalise directement la conversion soleil-électricité. En réalité, cette étape se révèle très précieuse. En effet, la production d’hydrogène permet de stocker l’énergie électrique que la même façon que le pétrole. Pour faire de même avec les cellules photovoltaïques, on fait appel à des batteries. Ce qui remet les deux processus à égalité, avec trois étapes chacun. Toutefois, malgré les progrès des batteries au lithium par exemple, l’hydrogène est considéré par certains, comme Jeremy Rifkin, comme le carburant du futur grâce à sa très importante densité d’énergie (rapport entre la masse et l’énergie emmagasinée) et malgré les risques d’explosion que les spécialistes estiment maîtrisables.
Plongée dans un récipient d’eau et éclairée par de la lumière, la feuille artificielle produit en permanence des bulles de gaz (oxygène et hydrogène). Cela semble un peu miraculeux. Le système résout l’un des problèmes majeurs de l’hydrogène: l’importante quantité d’énergie nécessaire pour l’extraire de l’eau avec les techniques classiques (hydrolyse). Ici, l’énergie est fournie par le soleil. Et le système semble très stable. Il a montré qu’il peut fonctionner pendant plus de 40 heures. Comment réaliser une telle alchimie ? Comment ça marche !?
De la chimie impénétrable
Daniel Nocera explique ses derniers progrès dans un article publié le 4 avril 2012 dans la revue Accounts of Chemical Research. Etant donné qu’il s’agit essentiellement de chimie, le processus est totalement incompréhensible, impénétrable pour le commun des mortels. Les spécialistes apprécieront… Nous nous contenterons de noter que la feuille artificielle est composée d’un sandwich constitué par, d’un coté, du silicium amorphe photovoltaïque qui se charge d’isoler l’hydrogène grâce aux photons fournis par la lumière et, de l’autre coté, par un assemblage de cobalt et de phosphate. Entre les deux, un alliage ternaire (nickel, molybdène, zinc, joue le rôle de catalyseur. Au final, ce morceau de silicium recouvert de deux couches d’alliages métalliques suffit pour séparer l’oxygène et l’hydrogène de l’eau… Et l’on peut, selon Daniel Nocera, produire assez d’énergie pour alimenter une maison avec moins de 4 litres d’eau (un gallon) par jour dans les pays ensoleillés… Soleil, eau, feuille artificielle, hydrogène, pile à combustible, électricité. Le tour est joué…
Tata sur le coup
Avant d’arriver à ce “petit” miracle, juste capable de résoudre le problème de la fourniture d’une énergie verte en quantité illimitée à moindre coût, il faudra résoudre quelques problèmes techniques. Récupérer l’hydrogène, par exemple. Mais gageons les enjeux vont stimuler les techniciens… et les industriels. Justement, l’un d’entre eux, et pas de moindre puisqu’il s’agit du groupe indien Tata (100 sociétés dans 80 pays, 425 000 salariés, 83,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires) va construire une petite centrale, de la taille d’un réfrigérateur, d’ici fin 2012, selon Wired UK.
L’énergie personnalisée
En attendant, Daniel Nocera milite. Il ne s’agit pas seulement d’un scientifique potentiellement génial – si la feuille artificielle fonctionne, il devrait avoir le prix Nobel -, c’est aussi un orateur qui plaide pour le développement de “l’énergie personnalisée”. C’est à dire le modèle exactement inverse de celui, très centralisé, que nous utilisons aujourd’hui. Pour lui, demain, chacun produira l’énergie dont il a besoin. Cela paraissait difficile d’y parvenir avec les technologies vertes (solaire, éolien, biomasse, géothermie…). Mais la feuille artificielle pourrait apporter une solution capable, un jour peut-être assez proche, de nous permettre le rompre le cordon ombilical qui nous relie à… EDF.
Michel Alberganti
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