Moins mentir rend-il moins malade ?

Certaines études, plus que d’autres, donnent le sentiment de trouver ce qu’elles cherchent plutôt que d’apporter une nouvelle connaissance objective. Celle d’Anita Kelly, professeur de psychologie à l’université de Notre-Dame (dans l’Indiana, non loin de Chicago) et son collègue Lijuan Wang, porte tous les stigmates induisant une telle suspicion. Avec le risque, bien entendu, du doute infondé. Enfin, tout de même… Jugez plutôt.

L’étude qui a été présentée lors de la 120ème convention annuelle de l’Association américaine de psychologie (APA), s’intitule “la science de l’honnêteté”. “Nous avons trouvé que les participants ont pu réduire volontairement et considérablement leurs mensonges quotidiens et que cela a été associé avec une amélioration significative de leur santé”, explique Anita Kelly. Pour parvenir à ce troublant résultat, elle a fait appel à 110 personnes dont 35% d’adultes et 65% d’étudiants. Les âges de l’échantillon allaient de 18 à 71 ans avec une moyenne de 31 ans.

11 mensonges par semaine

Environ la moitié des participants ont accepté d’arrêter de dire des mensonges, aussi bien majeurs que mineurs, pendant une période de 10 semaines. L’autre groupe, utilisé comme contrôle, n’a reçu aucune instruction particulière au sujet du mensonge. Les membres de chaque groupe se sont rendus au laboratoire d’Anita Kelly chaque semaine pendant l’expérience pour des tests concernant leur santé et la qualité de leurs relations humaines ainsi que l’épreuve du polygraphe pour évaluer le nombre de mensonges, aussi bien majeurs que pieux, proférés au cours de la semaine écoulée. Anita Kelly note que la moyenne des Américains se situerait autour de 11 mensonges par semaine.

Au cours des 10 semaines, le lien entre la réduction du nombre de mensonges et l’amélioration de la santé s’est révélée plus forte chez les participants du groupe des “non-menteurs”. Par exemple, quand ces derniers disaient 3 pieux mensonges hebdomadaires de moins qu’auparavant, ils ressentaient, en moyenne, 4 problèmes psychologiques de moins, comme la tension ou la mélancolie, et 3 problèmes physiques de moins, comme les maux de gorge ou les maux de tête.

En revanche, lorsque les membres du groupe de contrôle disaient 3 pieux mensonges de moins, ils ne ressentaient que 2 problèmes psychologiques de moins et environ 1 problème physique de moins. Mais les résultats se sont révélés identiques en ce qui concerne les mensonges non pieux.

Le sentiment d’être plus honnête

Anita Kelly note que, en comparaison avec les participants du groupe de contrôle, ceux du groupe faisant des efforts pour moins mentir ont effectivement réussi à dire moins de mensonges aux cours des 10 semaines d’expérience. Vers la cinquième semaine, ils ont commencé à se considérer comme plus honnêtes. Lorsque les participants des deux groupes mentaient moins au cours d’une semaine, ils ressentaient une amélioration significative de leurs problèmes psychologiques et physiques.

Le rôle des interactions sociales

L’étude révèle également un impact positif sur les relations et les interactions sociales qui se révèlent facilitées en l’absence de mensonges. Lijuan Wang, statisticien, note que “l’amélioration des relations a un impact significatif sur l’amélioration de la santé liée à la réduction du nombre de mensonges”.

A la question de savoir s’il est difficile d’arrêter de mentir au cours des interactions quotidiennes, les participants ont répondu avoir réalisé qu’ils étaient capables de simplement dire la vérité sur leurs réalisations plutôt que de les exagérer tandis que d’autres ont déclaré avoir arrêté de donner de fausses excuses à leurs retards ou à leurs échecs. Enfin, Anita Kelly note que certains ont appris à ne pas mentir en répondant à une question délicate par une autre question ayant pour but de distraire l’interlocuteur.

Amen…

Il faut noter que l’université de Notre Dame, classée en 12ème position dans le top 100 des universités américaines par Forbes, a été fondée en 1842 par un prêtre de la congrégation de la Sainte Croix et reste une université catholique. L’étude d’Anita Kelly a été financée par la fondation John Templeton qui distribue environ 60 millions de dollars par an en bourses et financements de programmes de recherche. Cette fondation est souvent critiquée pour son soutien de travaux mêlant science et religion et accusée, malgré ses multiples dénégations, de collaborer au développement de l’Intelligent Design.
L’utilisation du Polygraph comme méthode de détection des mensonges concernant les mensonges peut sembler contestable.

Voici un remarquable court-métrage au sujet de l’utilisation de détecteurs de mensonges lors d’un entretien d’embauche :

L’absence d’un détecteur de mensonges n’est pas une garantie en matière d’entretien d’embauche comme nous le démontrent les incontournables Monty Python (cette vidéo n’a pas grand chose à voir avec le sujet de ce billet mais, bon, ce sont les vacances et l’on peut se permettre quelques libertés, surtout quand elles sont particulièrement drôles et délirantes…).

Michel Alberganti

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Affetto, le bébé robot qui fait froid dans le dos

Son nom n’a pas été choisi au hasard. Affetto, en italien, signifie quelque chose comme touchant ou affectueusement. En fait, il aurait pu se nommer Gelato, comme transi de froid ou de peur tant ce bébé robot inspire plus de terreur que de tendresse. On pense aux Gremlins de Joe Dante, pour le coté faussement mignon, mais surtout à David, l’enfant de AI Intelligence artificielle de Spielberg (2001) pour le réalisme qui fait vaciller les repères et pointer le spectre de la confusion entre l’humain et le machin (masculin de machine…).

La création du laboratoire Asada d’Osaka, au Japon, a fait l’objet d’une vidéo publiée le 24 juillet 2012 sur YouTube (ci-dessus). Si la première minute relève de l’horreur ordinaire, avec ce corps de métal, avec bavoir en forme de sternum, qui commence à bouger comme un bébé humain, à partir de 57 secondes, on plonge dans l’effroi et la terreur. Dès qu’Affetto revêt son visage humain, il devient soudain… un bébé. On a beau savoir pertinemment qu’il s’agit d’une machine, ses gestes disent le contraire, tant l’humanisation est réussie. Et que dire de son regard ? Il tend pourtant un bras sans main et son visage reste inexpressif. L’on frémit alors en imaginant la version finale, avec main potelée et mimique de bambin… Que ressentirons-nous alors ? En 2011, Affetto n’avait pas encore de tronc mais la mobilité de son visage, posé sur une table, levait le coin du voile sur le résultat final:

Toute la question posée par ce type de travail sur les robots humanoïdes réside dans le malaise qu’ils produisent sur nous. Rien d’anormal à cela, si l’on en croit les chercheurs qui ont travaillé sur la “vallée de l’étrange” (uncanny valley) comme Ayse Pinar Saygin de l’université de Californie à San Diego. Notre cerveau, celui des humains, est programmé pour distinguer très rapidement un homme d’un animal ou d’une machine. Notre perception est si fine que certains scientifiques estiment que nous pouvons même déceler certaines orientations sexuelles au premier coup d’oeil.

Neurones miroirs

En revanche, nos neurones ne savent pas, faute d’expérience, traiter les sujets intermédiaires comme un robot qui bouge comme un être humain ou qui lui ressemble trop. C’est exactement le cas d’Affetto alors même qu’il n’a pas atteint son stade final. L’objectif de Minoru Asada qui dirige le laboratoire depuis 1992 ne semble pas concerner directement la robotique. Pour lui, le robot enfant permet surtout d’explorer de façon différente les relations qui se créent entre un humain et “l’autre”. Mais le choix d’un bébé de 3 kg censé être âgé de 1 à 2 ans n’est certainement pas dû au hasard. La recherche d’un réalisme troublant non plus. Minoru Asada mentionne les neurones miroirs comme l’une des cibles principales pour comprendre les mystères de ce sentiment de différenciation entre soi et les autres. Gageons que le réalisme d’Affetto pourrait ouvrir la voie à d’autres découvertes. Comme, par exemple, le mode d’apprentissage du cerveau pour ajouter de nouvelles catégories au répertoire d’identités qu’il peut reconnaître sans ambiguïté: l’androïde, le gynoïde et aussi, désormais, le pedoïde…

Michel Alberganti

 

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Boire du café, bon pour le coeur et la peau, mauvais pour la FIV


Ah! Le café… Sans céder au cliché du petit noir sur le zinc d’un bistrot, il faut bien reconnaître que ce breuvage est un compagnon incontournable, pour beaucoup d’entre nous, des journées de travail tout comme des moments de détente. Wikipédia nous apprend que cette boisson psychoactive, fruit du caféier, ne date pas d’hier. Son introduction en Europe date de 1600 et il séduit tant que le pape Clément VIII le baptise… Aujourd’hui, il est souvent considéré comme un excitant dont on ignore les impacts sur la santé. Depuis des années, les études s’accumulent pour tenter de cerner les multiples effets du café sur l’organisme humain. Au cours des derniers jours, pas moins de trois ont ainsi été publiées dans les revues scientifiques. Ces travaux révèlent deux point positifs et un négatif.

1 – Les risques cardiaques : deux tasses, ça va…

Consommé quotidiennement avec modération, le café pourrait protéger significativement contre les défaillances cardiaques selon l’article publié le 26 juin 2012 dans le journal de l’association américaine du coeur, Circulation Heart Failure. En revanche, une consommation excessive aurait les effets exactement inverses. Attention, l’acception américaine de la modération risque de décevoir vos espoirs… Pour Murray Mittleman, directeur de l’unité de recherche en Épidémiologie cardiovasculaire du centre médical Beth Israel Deaconess de Boston, elle se limite à l’équivalent de deux cafés américains classiques par jour. Dans ce cas, la réduction du risque cardiovasculaire atteindrait les 11%. La frontière de l’excès arrive très vite. “Cinq ou six tasses de café américain par jour n’apportent pas de bénéfices et peuvent même être dangereuses”, indique Murray Mittleman qui souligne la vertu, dans ce cas comme dans tant d’autres, de la mo-dé-ra-tion…

Pour atteindre ce résultat, les chercheurs ont analysé les résultats de 5 études pourtant que 6522 cas de défaillances cardiaques parmi 140 220 personnes (hommes et femmes). Quatre de ces études ont été réalisées en Suède et une en Finlande. L’origine des études complique leur interprétation tant les modes de consommation du café varient en fonction des pays. La consommation modérée dans le Nord de l’Europe correspond à 4 cafés par jour, soit environ 220 g de liquide qui sont l’équivalent de 2 cafés américains servis dans les coffee shops. La consommation excessive commence à 10 cafés au Nord de l’Europe, soit 4 ou 5 cafés américains. Ces doses varient sensiblement d’un établissement à l’autre puisqu’elles peuvent atteindre plus de 500 grammes, soit un demi-litre, par café en Amérique du Nord.

Il n’a pas échappé aux chercheurs que la force du café, au delà de son volume, varie également fortement suivant les pays. En moyenne, elle est plus faible aux Etats-Unis qu’en Europe. Ils n’ont guère pu tenir compte du caractère caféiné ou décaféiné des boissons car les Suédois et les Finlandais semblent adeptes de la caféine. Malgré ces biais multiples, la conclusion de l’étude prend à contre-pied les prescriptions habituelles qui déconseillent la consommation de café aux personnes susceptibles d’avoir des problèmes cardiaques. Ces dernières vont donc pouvoir passer de l’interdiction à la modération. Un indéniable avantage pour celles qui aiment le café. La Fédération américaine du coeur préconise, pour les personnes sensibles, la boisson d’un à deux cafés américains ou autres boissons caféinées par jour.

2 – Le cancer de la peau : le plus serait le mieux…

Pour la peau, le régime est différent. Selon l’étude publiée le 2 juillet 2012 dans le journal américain Cancer Research, plus nous buvons de tasses de café caféiné, plus nous sommes protégés contre les risques de développer un cancer de la peau, un carcinome basocellulaire. Jiali Han, professeur à l’hôpital Brigham and Women à l’école de médecine de Harvard à Boston, reste toutefois aussi prudent qu’ambigu: “Je ne recommanderai pas que vous augmentiez votre consommation de café à partir des seules données de cette étude. Néanmoins, nos résultats  incluent le carcinome basocellulaire à la liste des maladies pour lesquelles le risque décroit avec l’augmentation de la consommation de café. Dans cette liste, on trouve des pathologies telles que le diabète de type 2 et la maladie de Parkinson”.

Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent des cancers de la peau au Etats-Unis. Malgré son évolution lente, il provoque une morbidité considérable et met à mal les systèmes de santé. “Etant donné le grand nombre de nouveaux cas, tout changement dans le régime alimentaire quotidien ayant un effet protecteur peut avoir un impact sur la santé publique”, précise Jiali Han.

Avec son équipe, Jiali Han a analysé les données provenant de la surveillance médicale de femmes et d’hommes. Sur les 112 897 personnes suivies, 22 786 ont été victimes d’un carcinome basocellulaire au cours des 20 années de suivi médical. Une corrélation inverse est apparue entre la consommation de café et le risque de développer cette maladie. La même corrélation inverse existe avec la consommation de toutes les boissons caféinées (café, tea, cola et chocolat). En revanche, cette corrélation n’est pas apparue avec la consommation de boissons décaféinées. C’est donc bien la caféine qui apparaît comme le facteur protecteur contre ce type de cancer de la peau. Ce résultat confirme celui d’études réalisées sur des souris qui montrent que la caféine peut bloquer la formation de tumeur de la peau.

Il est notable que l’impact de la caféine sur le carcinome basocellulaire ne se retrouve pas sur les deux autres formes de cancer de la peau: le carcinome spinocellulaire et le mélanome malin, le plus mortel. Sur les 112 897 personnes suivies, ces deux maladies ont affecté, respectivement 1953 et 741 individus. “Il est possible que ces chiffres soient trop faibles pour détecter l’impact de la caféine”, note Jiali Han qui estime qu’il faudra encore 10 années de suivi de la cohorte pour avoir une meilleure appréciation sur ce point.

3 – La fécondation in vitro (FIV) : fort risque au dessus de 5 tasses

La situation se complique encore pour les candidates à la fécondation in vitro. Pour ces femmes, la consommation de 5 tasses ou plus de café par jour pourrait réduire de 50% les chances de succès de leur FIV. L’étude présentée le 3 juillet 2012 par Ulrik Schiøler Kesmodel, de la clinique de la fertilité de l’hôpital universitaire d’Aarhus, au Danemark, à la réunion annuelle de la société européenne pour la reproduction humaine et l’embryologie (ESHRE) qui se tient à Istanbul du 1 au 4 juillet, indique ne pas avoir été surpris que la consommation de café affecte les taux de réussite des FIVs. En revanche, l’importance de cet impact n’était pas attendue. Le lien entre caféine et fertilité avait déjà été étudié mais avec des résultats contradictoires. Certaines indiquaient une augmentation des taux d’avortements spontanés liée à la consommation de café, mais d’autres non.

La dernière étude danoise a porté sur 3959 femmes engagées dans une procédure de fécondation in vitro. Les informations sur la consommation de café ont été recueillies au début du traitement. Les effets statistiques d’autres facteurs comme l’âge, le consommation de tabac ou d’alcool, la cause de l’infertilité, la masse corporelle, la stimulation ovarienne ou le nombre d’embryons fécondés ont été contrôlés. Résultat: une frontière apparaît à 5 tasses de café par jour. Mais, contrairement à l’analyse sur les risques cardiaques, la définition de la tasse ne semble pas précisée dans le résumé de l’étude… Outre un taux de succès réduit de 50%, les chercheurs ont noté une baisse de 40% des chances de naissance d’un bébé viable, bien que la valeur statistique de ce chiffre semble contestable, selon les chercheurs eux-mêmes. Ces derniers estiment que le café a un effet négatif similaire à celui du tabac en matière de FIV.

“Il existe peu de preuves concluantes concernant le café dans la littérature”, note Ulrik Kesmodel. “Aussi, nous ne voulons pas inquiéter outre mesure les parents engagés dans une FIV. Mais il semble raisonnable, d’après nos résultats, que les femmes ne boivent pas plus de 5 tasses de café par jour pendant une FIV.”

Et les expressos ?…

Ces trois études semblent significatives de l’approche actuelle d’une partie de la recherche médicale qui se fonde sur des études statistiques pour tenter de dégager des corrélations entre des causes et des effets. Elles rappellent les suivis de grandes cohortes de patients destinés à détecter les causes du cancer. Cette approche semblent révéler l’incapacité de la médecine actuelle à comprendre les mécanismes à l’oeuvre. Aucune cause biologique n’est évoquée pour expliquer pourquoi le café peut protéger contre les risques cardiaques ou les favoriser, réduire les risques de cancer de la peau ou diviser par deux les chances de succès de la FIV. Pas plus d’informations sur les doses maximales découvertes. Tous ces résultats sont issus de pures observations statistiques. Sans nier leur valeur, qui peut exister, il faut bien admettre, et les chercheurs eux-mêmes le soulignent souvent, qu’elles peuvent être sujettes à caution, tant les facteurs perturbateurs semblent nombreux.

Il est également notable que jamais, dans ces trois études, il n’est fait mention du cas des expressos… Dommage quand on considère la quantité de ce type de café consommée dans le Sud de l’Europe, en particulier. Mais il semble que l’affaire intéresse surtout les pays du Nord et les Etats-Unis, amateurs de cafés américains…

Michel Alberganti

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Une micro batterie sous le crâne alimentée par le cerveau

L’un des derniers freins au développement de l’homme bionique réside, à l’évidence, dans l’épineuse question de l’alimentation électrique des implants électroniques, en particulier lorsqu’ils sont situés dans le cerveau. Rien n’est plus disgracieux que des fils sortant du crâne ou des boitiers sans fil glissés sous le cuir chevelu. Au delà de l’aspect esthétique, qui a son importance lorsqu’on imagine un être humain augmenté, ces solutions requièrent un changement régulier des piles qui gâche un peu le rêve de tout Bioman qui se respecte. D’où l’intérêt des travaux d’une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge qui font l’objet d’une publication dans la revue PLoS one le 12 juin 2012.

Carburant: le glucose du liquide cérébro-spinal

Rahul Sarpeshkar, informaticien, et ses collègues du MIT et de la Harvard Medical School, annoncent avoir conçu une technologie qui permet de collecter de l’énergie électrique directement dans le cerveau. Il ne s’agit de rien de moins que d’une pile à combustible utilisant comme carburant le glucose du liquide cérébro-spinal. La pile fonctionne en retirant des électrons du glucose, c’est à dire en les oxydant. Cela marche dans une solution saline simulant le liquide cérébro-spinal. Ne nous emballons donc pas… Les scientifiques ignorent, pour l’heure, l’impact de cette puce sur le cerveau lui-même.

Une puce électronique minuscule dans la tête

Car, en fait, il s’agit bien d’une batterie sur puce. De 1 à 2 millimètres carrés, le composant oxyde le glucose avec son anode en platine et convertit l’oxygène en eau à la surface d’un réseau de nanotubes de carbone intégré à la cathode. Les électrons arrachés au glucose fournissent de l’électricité. L’intérêt du système est qu’il peut fonctionner, en théorie, indéfiniment. Du moins, tant qu’il y a du glucose dans le liquide cérébro-spinal. La première crainte qui vient à l’esprit concerne les effets d’une telle exploitation d’un liquide du cerveau… sur le cerveau lui-même.

Pas de perturbation du cerveau

D’après leurs calculs, les chercheurs estiment que la pile consommerait entre 2,8% et 28% du glucose qui est réapprovisionné en permanence. En effet, le cerveau produit de 500 à 1200 millilitres de liquide cérébro-spinal par jour. Soit un renouvellement complet des 150 millilitres qu’il contient toutes les 6 heures. Nous voici donc avec une production permanente du carburant de notre pile à combustible. Les scientifiques ont étalement analysé la consommation d’oxygène de la pile et ils estiment qu’elle ne devrait pas déstabiliser les niveaux nécessaires au cerveau. Mais rien ne vaut un essai sur un vrai cerveau…

Des fractions de microwatts

Pas question, si l’absence d’effets nocifs est confirmée, d’allumer une lampe frontale ou d’alimenter des lunettes de réalité augmentée. Encore moins de se projeter dans un monde virtuel à la Matrix… L’électricité produite ne dépasse pas les micro-watts (3,4 microwatts par centimètre carré en moyenne avec des pointes possibles à 180 microwatts par centimètre carré). Etant donné la taille réduite de la puce, elle ne produira que des fractions de microwatts. Mais cela pourrait être suffisant pour alimenter des implants permettant, par exemple, à des personnes paralysées de commander des systèmes leur permettant de réactiver la mobilité de leurs membres ou des équipements externes. On se souvient des expériences spectaculaires de contrôle d’un bras robotique par la pensée.

Michel Alberganti

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Réapprendre à marcher après une paralysie des jambes

Cette vidéo montre comment les chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) ont réussi à restaurer la marche chez des rats dont la moelle épinière avait subi une lésion provoquant la paralysie des membres inférieurs (paraplégie). Publiée dans la revue Science du 1er juin, l’étude menée par le Français Grégoire Courtine montre les résultats spectaculaires obtenus grâce à une injection d’un cocktail de produits chimiques et à la stimulation électrique de la moelle épinière lésée. Cinq années de travail ont été nécessaires pour aboutir à cette restauration des facultés motrices des membres inférieurs. Il s’agit d’une démonstration spectaculaire de la plasticité du système nerveux. «Grâce aux effets combinés des stimulations et d’un entraînement avec un dispositif de soutien vertical, nos rats retrouvent la marche volontaire en quelques semaines. Ils peuvent rapidement se mettre à courir, à monter des marches ou à éviter des obstacles», explique Grégoire Courtine dans un article publié sur le site de l’EPFL.

Stimulation électrochimique

Le traitement commence par l’injection dans la partie de la moelle épinière située en dessous de la lésion d’un cocktail chimique qui stimule les neurones coordonnant les mouvements de la marche. Dix minutes plus tard, les scientifiques appliquent une stimulation électrique de la même région de la moelle épinière. En 2009, des travaux précédents de Gérard Courtine, mais également de Reggie Edgerton, professeur à l’université de Californie Los Angeles (UCLA), avaient montré qu’il est possible de restaurer les mouvements des membres paralysés par des stimulations électrochimiques. Mais cette marche n’était alors pas commandée par le cerveau. Le plus important restait donc à faire: reconnecter les neurones situés sous la lésion avec ceux du cerveau. C’est l’exploit réalisé par l’équipe de Gérard Courtine.

Marche volontaire rétablie

Les scientifiques sont partis du constat que la moelle épinière semblait capable de commander les mouvements des pattes inférieures de façon autonome. C’est à dire sans ordres provenant du cerveau. Cela laissait poindre l’espoir que de très faibles signaux pourraient être suffisants pour rétablir un contrôle volontaire de la marche. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont remplacé le tapis roulant sous les pattes du rats par un robot qui n’apporte plus qu’un simple maintien de l’équilibre. Un carré de chocolat est alors suffisant pour motiver l’animal. Au bout de quelques temps, avec le maintien de la stimulation électrochimique, la marche volontaire s’est rétablie.

Les fibres nerveuses contournent la lésion

C’est alors que le plus extraordinaire phénomène se produit: des fibres nerveuses ne mettent à repousser pour contourner la lésion ! “Nos rats sont devenus des athlètes, alors même qu’ils étaient complètement paralysés quelques semaines auparavant. Je parle d’une récupération à 100% des capacités de mouvements volontaires», déclare Gérard Courtine. On imagine facilement les espoirs qu’une telle expérience peut susciter pour l’homme. Les essais de phase 2 sur l”être humain devraient commencer d’ici deux ans. Entre temps, les chercheurs de l’EPFL vont coordonner le projet NeuWalk, doté de 9 millions d’euros.

Un espoir immense

Ces travaux apparaissent très prometteurs. Ils confirment les découvertes multiples des scientifiques sur les extraordinaires capacités plastiques du cerveau et du système nerveux. Il n’est donc plus impossible d’imaginer que des personnes paralysées puissent retrouver le contrôle de la motricité de leurs membres. Nul doute que les chercheurs vont susciter de très nombreuses attentes. Il leur reste à confirmer leurs promesses chez l’homme.

Michel Alberganti

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Ce que nous révèlent les magiciens sur les failles de notre perception

Les chercheurs de l’Institut Barrow Neurological à l’hôpital Saint Joseph de Phoenix, travaillent sur la façon dont le public, c’est-à-dire nous, perçoit les tours des magiciens. Autrement dit, ils traquent les mécanismes et leurs failles qui, dans notre cerveau, sont exploités par les illusionnistes pour tromper, détourner et manipuler notre attention. Ils s’attaquent ainsi à un domaine peu exploré alors qu’il intéresse directement aussi bien les militaires ou les commerciaux que les sportifs. Toutes professions qui tentent d’exploiter à leur profit les faiblesses de leurs adversaires ou de leurs cibles.

Deux docteurs de l’Institut, Susana Martinez-Conde, du laboratoire de neuroscience visuelle et Stephen Macknik, du laboratoire de neurophysiologie comportementale, ont déjà publié plusieurs articles sur leurs travaux d’analyse de la magie et des illusions. Le dernier en date, paru dans la revue Frontier in human Neuroscience en novembre 2011, relate leurs résultats concernant la perception des gestes du magicien par le public.

L’une de leurs études a été réalisée en collaboration avec le magicien Apollo Robbins, qui se définit lui-même comme “gentleman voleur” et qui s’est fait connaître comme pickpocket des agents des sécurité accompagnant le président Carter. Apollo Robins pense que le public réagit différemment suivant le type de geste qu’il fait. Pour lui, lorsqu’il déplace sa main en ligne droite pendant qu’il réalise un tour, chaque spectateur ne concentre son attention que le point de départ et le point d’arrivée de son geste. Et il ne perçoit pas ce qui se passe entre temps. A l’inverse, lors d’un mouvement courbe, l’assistance suit chaque instant du geste.

Mouvements rectilignes ou courbes

En étudiant les mouvements oculaires de spectateurs, les scientifiques de l’Institut Barrow ont pu confirmer le pressentiment d’Apollo Robins. Mais il sont allés un peu plus loin. Ils ont en effet découvert que les différents gestes déclenchent deux types de mouvements des yeux: l’un, continu, est capable de suivre un geste courbe; l’autre saccadé, passe d’un point d’intérêt à un autre dans le cas d’un geste rectiligne. Pour Susana Martinez-Conde, ce constat, s’il intéresse les magiciens, peut également se révéler précieux pour les stratégies de fuite d’une proie poursuivie par un prédateur dans la nature, les tactiques militaires et le marketing. Cette découverte est considérée comme la première réalisée dans le domaine des neurosciences à partir d’une théorie formulée, à l’origine, par un magicien et non par un scientifique.

Positions moyennes des yeux des spectateurs pendant le faux passage de la pièce de la main gauche à la main droite dans deux cas de figure: mouvement rectiligne ou mouvement courbe.

Les expressions du visage ne jouent pas toujours un rôle

Forts de cette réussite, les deux chercheurs ont fait appel à un autre magicien, Mac King, pour analyser le tour classique de la pièce qui disparaît en passant d’une main à l’autre. En réalité, la pièce reste dans la première main. Mais la simulation du passage à l’autre main est si réussie par le magicien qu’il trompe nos neurones. Ceux-ci réagissent alors exactement comme si la pièce avait effectivement changé de main.

Susana Martinez-Conde et Stephen Macknik ont également soupçonné que les perceptions erronées du public pouvait être induites par les expressions du visage du magicien. Ils ont donc présenté à un public deux vidéos de Mac King. Dans la première, les spectateurs pouvaient voir le visage du magicien pendant son tour. Dans la seconde, le visage de Mac King était masqué. Résultat: pas de différence. Surprise, Susana Martinez-Conde en déduit que “les fausses pistes sociales dans la magie sont plus complexes que nous le pensions et qu’elles ne sont pas nécessaires pour tous les tours”.

Un public averti…

Bien sûr, les découvertes des chercheurs sont encore loin de menacer les secrets des magiciens. On comprend qu’ils collaborent à ce type de recherches… Néanmoins, il semble louable que des scientifiques s’attaquent enfin à l’étude de tels phénomènes qui peuvent nous en apprendre beaucoup sur les lacunes de notre perception de la réalité. Histoire de nous inciter à la prudence. Il ne suffit pas de voir pour croire. Sinon, le risque de prendre des vessies pour des lanternes s’aggrave terriblement. Que les magiciens de la politique, eux aussi, se le disent. La science pourrait bientôt mettre à jour leurs meilleurs tours… En attendant de perdre notre naïveté, profitons du plaisir de la magie proposée par Apollo Robins et Mac King:

Michel Alberganti

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Se servir un café à la seule force… de la pensée

 

Une personne paralysée se sert un café grâce à un bras robotisé qu'elle contrôle par la pensée

En matière d’interface cerveau-machine, les quinze dernières années ont été très fructueuses. Mais la dernière expérience réussie dans ce domaine franchit une étape décisive. En effet, pour la première fois, la personne paralysée équipée d’électrodes implantées dans son cerveau parvient à une maîtrise très fine du mouvement dans l’espace qu’elle imprime au bras robotisée. Elle le guide pour qu’il saisisse un thermos de café, la déplace pour l’approcher de sa bouche jusqu’à ce qu’elle puisse boire le café avec une paille et, ensuite, repose le thermos à sa place. Tout cela par la seule concentration de sa pensée.

 

Les chercheurs sont parvenus à obtenir le déplacement d’un bras robotique par un singe dès l’an 2000 (Miguel Nicolelis de la Duke University à Durham, en Caroline du Nord). L’équipe de John Donoghue, neurologiste à l’université Brown à Providence (Rhode Island), a obtenu un résultat identique en 2004. En 2006, elle a équipé des personnes paralysées avec des électrodes leur permettant de déplacer un curseur sur un écran d’ordinateur. La nouvelle expérience, réalisée par la même équipe de John Donoghue et publiée dans la revue Nature du 16 mai 2012, est encore plus spectaculaire car elle ouvre le champ des applications permettant aux handicapés moteurs, au delà de la faculté de s’exprimer, de pouvoir être assistés dans leur vie quotidienne par des machines qu’ils contrôlent par la pensée. La vidéo brute de l’expérience, reprise par le magazine Wired, est impressionnante et émouvante :

Cette version muette de la vidéo présente l’avantage de montrer l’intégralité du geste effectué par le bras robotisé actionné par le cerveau de Cathy Hutchinson, une patiente de 58 ans victime d’une attaque cérébrale il y a 15 ans et privée, depuis, de l’usage de tous ses membres et de la parole. Pour elle, ce simple geste est le premier qu’elle peut contrôler depuis cet accident. On note parfois une tension perceptible sur son visage et quelques petits mouvements de ses bras. Le geste du robot piloté par la pensée laisse pantois. Malgré quelques hésitations, il est d’une remarquable précision. On note que Cathy Hutchinson est gênée par la paille après avoir bu. Mais elle pense alors à faire pivoter le poignet du robot et le conduit ensuite sans problème jusqu’à ce qu’il repose le thermos. Son sourire final exprime bien ce qu’elle doit ressentir à cet instant.
Un autre patient, un homme de 66 ans également victime d’une attaque cérébrale, en 2006, ne peut bouger que sa tête et ses yeux. Voici l’exercice effectué en utilisant sa seule pensée :

Là encore, on peut mesurer la difficulté de l’exercice grâce aux multiples échecs dans la saisie de ces balles en mousse de 6 cm de diamètre fixées à l’extrémité de tiges souples. Les deux patients, Cathy Hutchinson et l’homme, anonyme et désigné par le nom T2 dans l’étude publiée, ont travaillé sur ce test. Sur 200 essais, ils ont réussi à atteindre et à toucher les balles dans 49% à 95% des cas. Dans les deux tiers des atteintes, la main est parvenue à serrer les balles entre ses doigts.

La brainGate est un réseau de 96 électrodes implantées dans le cortex moteur des patients

Pour réaliser ces tâches, les deux patients ont reçu un implant dans leur cerveau. Il s’agit d’une petite pastille carrée, baptisée BrainGate,  couverte par 96 électrodes fixées sur le cortex moteur des deux personnes. Ces électrodes captent les signaux directement émis par le cerveau et qui sont ensuite traités par un ordinateur qui les transforme en commandes pour les mouvements du bras robotisé dans l’espace. Cela signifie que les informations issues du cerveau doivent correspondre aux mouvement de chaque articulation du bras robotisé, soit l’épaule, le coude, le poignet et les doigts. C’est dire la complexité à la fois de l’effort mental des patients et du traitement informatique réalisé en temps réel.

D’après les chercheurs, il semble qu’aucun entraînement spécifique n’ait été nécessaire aux patients. Sans doute parce que les électrodes sont implantées dans une région dédiée au contrôle des mouvements du corps. Néanmoins,  Cathy Hutchinson a reçu cet implant il y a 5 ans, ce qui laisse supposer qu’elle a eu le temps de s’y accoutumer. Les chercheurs ne nient pas le manque de précision qui subsiste dans les gestes commandés par le cerveau. Néanmoins, cette expérience montre que des mouvements utiles dans la vie quotidienne peuvent être effectués par le seul contrôle de la pensée.

Bien entendu, ces progrès rappellent l’objectif ultime des chercheurs dans ce domaine. Lorsqu’il devient possible de capter de tels signaux dans le cerveau, il est envisageable d’imaginer le remplacement du bras robotisé… par les membres des patients eux-mêmes. Cela reviendrait à court-circuiter les parties du système nerveux qui ne fonctionnent plus. Et d’établir une nouvelle liaison entre le cerveau et les membres. Les chercheurs progressent indéniablement dans cette direction. Mais le chemin sera encore long.

Michel Alberganti

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Un(e) homo au premier coup d’oeil ?

Selon Joshua Tabak, du département de psychologie de l’université de Washington, nous disposerions tous, ou presque, d’un “gaydar”, un radar nous permettant de reconnaître presque instantanément l’orientation sexuelle d’une personne. Cette aptitude, qui fonctionne même devant une photo présentée inversée (le haut en bas) serait toutefois plus précise lorsqu’il s’agit de visages de femmes que lorsqu’il s’agit de visages d’hommes. En d’autres termes, nous reconnaissons plus facilement une homosexuelle qu’un homosexuel. Avec Vivian Zayas, du département de psychologie de l’université de Cornell à New York, Joshua Tabak s’est interrogé sur le processus mental qui nous permet de deviner l’orientation sexuelle, malgré une faible quantité d’informations visuelles, avec un taux de réussite supérieur au hasard.

Dans une étude publiée le 16 mai 2012 dans la revue Plos One, les chercheurs s’interrogent: “Cette aptitude est-elle la même que celle qui nous permet de distinguer immédiatement une femme d’un homme, ou un noir d’un blanc?” Joshua Tabak remarque qu’une telle capacité, qu’elle relève de l’observation ou de l’instinct, s’oppose à l’affirmation courante qu’il suffit de garder ses orientations sexuelles pour soi afin que personne ne les connaisse et qu’ainsi les discriminations soient évitées. L’argument est souvent utilisé par ceux qui s’opposent aux politiques antidiscriminatoires de protection des homosexuel(le)s ou des bisexuels.

 

Exemples de visages présentés aux participants

L’étude est basée sur la présentation de 96 photos à chacun des 129 étudiants participants. Les photos représentent des hommes ou des femmes jeunes ayant donné leur orientation sexuelle au préalable: homosexuelle ou hétérosexuelle. Pour éviter toute information révélatrice, les chercheurs ont utilisé des photos en noir et blanc, sans chevelure ni lunettes ni maquillage ou piercing.

Pour les visages féminins, les participants ont deviné l’orientation sexuelle exacte dans 65% des cas lorsque les photos leur ont été présentées sur un écran d’ordinateur. Avec des visages présentés renversés, le taux de réussite descend à 61%.

La distinction d’un homosexuel chez les hommes se révèle plus délicate: 57% de succès seulement et 53% lorsque l’image est renversée. Dans tous les cas, les résultats se situent ainsi au dessus du seuil de 50%, celui du hasard pur.

A l’origine de la différence de réussite entre les visages d’hommes et de femmes, les chercheurs notent un plus grand nombre d’attributions d’une orientation homosexuelle à des visages qui étaient en fait ceux d’hétérosexuels. Pourquoi ? Joshua Tabak émet deux hypothèses: soit les participants sont plus familiarisés avec l’homosexualité masculine ce qui les conduit à attribuer plus facilement cette orientation. Soit la différence entre un visage de femme homosexuelle et celui d’une femme hétérosexuelle est plus notable que dans le cas des hommes.

Néanmoins, de multiples biais d’expériences limitent l’interprétation des résultats. Le principal réside dans l’échantillon des participants: 129 étudiants dont 92 femmes… La difficulté à reconnaître un visage homosexuel masculin est probablement lié, au moins en partie, à ce déséquilibre initial. S’y ajoute une différence dans les photos présentées: 111 homosexuels, 122 hétérosexuels, 87 homosexuelles, 93 hétérosexuelles. Ces écarts introduisent de nouveaux parasites dans les résultats et rendent toute interprétation fine probablement hasardeuse, malgré les corrections statistiques réalisées.

L’intérêt de l’étude réside néanmoins dans la mise en évidence des performances globales de ce “gaydar”. Les chercheurs notent la rapidité de son analyse: les photos n’étaient présentées que pendant 50 millisecondes, soit le tiers de la durée d’un clignement d’yeux ! Que le taux de réussite pour les images inversées soit supérieur à 50% dans de telles conditions est significatif et il a surpris les expérimentateurs eux-mêmes.

Pour aller plus loin, un autre biais devra être corrigé. Les participants étaient âgés de 18 à 25 ans. Cela ne permet pas d’évaluer l’efficacité du “gaydar” de l’ensemble de la population. Loin de là. Au final, il est probable qu’il nous reste une chance non négligeable de ne pas afficher notre orientation sexuelle sur notre visage, au vu et au su de tout le monde. Ce qui est plutôt rassurant, question protection de la vie privée. Néanmoins, de telles études pourraient donner des idées à ceux qui conçoivent les logiciels de reconnaissance faciale… Ce qui est plus inquiétant.

Michel Alberganti

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Parler de soi, c’est bon comme faire l’amour ou manger

Depuis qu’il est facile de s’exprimer grâce à Facebook, Twitter, les blogs et autres moyens électroniques, on peut de demander pourquoi tant de personnes éprouvent le besoin d’utiliser ces outils pour parler d’elles-mêmes. D’où vient ce puissant désir de raconter sa vie, de donner son avis sur tout, de s’exposer au regard de tous ? Comment expliquer le recours permanent au “moi, je…” qui scande également l’expression orale ? Plusieurs études scientifiques se sont penchées sur ces interrogations. Le résultat est concluant: parler de soi excite le système mésolimbique, qui, dans le cerveau, libère de la dopamine.

Shoot de dopamine

Grâce à l’imagerie cérébrale, les chercheurs ont pu mettre en évidence que cette activité actionne le processus de récompense primaire, tout comme le sexe ou la nourriture. On peut noter que ce système mésolimbique est souvent associé aux addictions à différentes drogues. Parler de soi engendre donc rien de moins qu’un shoot de dopamine. De quoi expliquer que certains soient accros. Les autres, sans doute, ignorent encore ce plaisir qui a l’avantage social de ne pouvoir s’exercer en solitaire. Pour parler de soi, il faut l’une, voire les deux oreilles d’un “autre”. Les réseaux sociaux démontrent que cet autre peut être à la fois distant et multiple. Si, dans ce cas, il ne répond pas directement, il doit néanmoins manifester son écoute d’une quelconque manière. D’où les “J’aime” de Facebook ou le nombre de Retweet de Twitter. Les dialogues électroniques se révèlent donc être une succession de discours univoques sur soi adressés à tous. Les réponses sont d’autant plus rares qu’il n’y a pas vraiment de questions…

80% des conversations sur les réseaux sociaux

On comprend mieux pourquoi les êtres humains consacrent de 30 à 40% de leurs conversations quotidiennes à transmettre aux autres des informations sur leurs propres expériences ou leurs relations personnelles. Les études ont montré que ce taux monte à 80% dans les billets de médias sociaux comme Twitter. Il ne s’agit alors, pour l’émetteur, que de relater sa dernière expérience en date. Parfois, souvent, on ne peut plus banale: “Je sors de chez moi”, “J’arrive au bureau”. “Il pleut, je suis trempé”

Dans la dernière étude sur ce phénomène, publiée le 7 mai 2012 dans les Proceedings of the National Academy of Science des Etats-Unis (PNAS), deux chercheurs de l’université d’Harvard, Diana Tamir et Jason Mitchell, ont affiné l’analyse des réactions du cerveau humain dans différentes conditions d’expérience. Ainsi, ils ont découvert une activité supérieure dans le système de récompense chez les participants qui recevaient une petite somme d’argent (2 $). En revanche, les deux groupes (avec ou sans argent à la clé) ont réagi de la même façon lorsque les chercheurs ont comparé l’activité cérébrale des participants exprimant leurs propres opinions ou leurs goûts et lorsqu’ils parlaient des opinions et des goûts des autres. Sans surprise, leur cerveau est nettement plus stimulé dans le premier cas.

Activités du cerveau des participants pendant les tests

Renoncer à de l’argent pour parler de soi

Diana Tamir et Jason Mitchell sont allés encore plus loin. Ils ont mesuré la quantité d’argent à laquelle les participants étaient prêts à renoncer pour avoir le plaisir de révéler des informations sur eux-mêmes. L’étude, semble-t-il, n’est pourtant pas financée par les psychanalystes… Les 37 participants devaient choisir entre trois tâches: parler de leurs opinions et de leurs comportements (“Aimez-vous les sports d’hivers comme le ski?”), juger le comportement d’une autre personne (“Barak Obama aime-t-il faire du ski?”) ou répondre par oui ou par non à un questionnaire factuel (“Léonard de Vinci a peint la Joconde”). A chacun des 195 choix faits par les participants était associée une récompense variable (0.01 $ à 0.04 $), sans qu’il existe de corrélation systématique entre le montant de la récompense et le type de choix. Les chercheurs ont ainsi pu confirmer, une fois de plus, la préférence des participants pour les exercices leur permettant de parler d’eux-mêmes. Lorsque la récompense était équivalente pour les trois types de choix, les participants ont choisi ces tâches dans 66% des cas face aux tâches où ils devaient parler des opinions des autres et dans 69% des cas face aux questions factuelles. Plus probant encore, en moyenne, les participants ont sacrifié 17% de leurs gains en préférant parler d’eux-mêmes face à d’autres choix rapportant plus. “Tout comme des singes prêts à renoncer à leur jus de fruit pour voir le mâle dominant ou des étudiants prêts à donner de l’argent pour voir des personnes séduisantes du sexe opposé, nos participants ont accepté de renoncer à de l’argent pour penser à eux et parler d’eux”, concluent les chercheurs.

Payer pour être lu

Un tel constat pourrait donner des idées à Facebook, entre autres. Si ses utilisateurs sont si accros à la possibilité de parler d’eux, seraient-ils prêts à payer pour cette drogue ? En fait, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook y pense déjà. Comme vous avez pu le lire sur Slate.fr, le site néo-zélandais Stuff a révélé une première tentative. Un test propose une nouvelle fonction, Highlight, qui, pour 2 $ permet  à un billet d’être davantage vu par les “amis”. Même si Facebook s’en défend pour l’instant, la tentation de faire payer le shoot d'”égo-dopamine” risque d’être très forte à l’avenir.

Michel Alberganti

 

 

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A quoi pensent les chiens ?

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Il ne leur manque que la parole…, dit-on.  Faute de cette possibilité de communication avec l’animal qui est devenu le compagnon de l’homme depuis des temps immémoriaux, 10 000 ou peut-être 30 000 ans, comme savoir ce que les chiens pensent ? La question s’est posée brusquement à Gregory Berns, directeur du Emory Center for Neuropolicy, lorsqu’il a vu les images de l’intervention des forces spéciales de l’équipe Seal dans la cachette de Ben Laden. Un chien de l’US Navy y participait. “J’ai été impressionné lorsque j’ai vu ce que les chiens des miliaires peuvent faire. J’ai alors réalisé que si des chiens peuvent sauter d’un hélicoptère ou d’un avion, nous pourrions certainement les entraîner à entrer dans un scanner d’IRM fonctionnelle (IRMf) afin de découvrir ce à quoi ils pensent”, explique Gregory Berns.

On sait que l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle permet de corréler certains signaux (sons, images, activité cérébrale…) avec les zones du cerveau qu’ils activent. On peut alors en déduire des informations sur le type de pensée qu’ils engendrent. Mais avec un chien, toute la difficulté réside dans le dressage permettant de convaincre l’animal de rester allongé dans le tube d’un scanner, immobile malgré le vacarme émis par l’appareil. C’est le défi relevé par Gregory Berns et son équipe.

Callie, une petite chienne de chasse de race Feist de deux ans et McKenzie, un chien de berger Border Collie de trois ans ont été mis à contribution. Tous deux ont été entrainé pendant plusieurs mois à entrer dans un scanner et à rester parfaitement immobile pendant que les chercheurs mesuraient leur activité cérébrale. Un casque les ont protégé du bruit de l’appareil. Callie semble être devenue si impatiente de faire avancer la science qu’elle entre d’elle-même dans le scanner même lorsque ce n’est pas son tour…

 

Callie et Gregory Berns

C’est ainsi que les scientifiques d’Emory sont parvenus à obtenir les toutes premières IRM du cerveau d’un chien. Ils ont alors cherché à déterminer si nos fidèles compagnons ressentent de l’empathie, s’ils savent que leur “maître” est heureux ou malheureux et s’ils comprennent une nombre important de mots de notre langage.

Dans une première expérience, les chiens ont été stimulés à l’aide mouvements de la main. L’un des gestes signifiait que le chien allait recevoir de la nourriture, l’autre qu’il n’allait rien recevoir. La région du cerveau associée à la récompense dans le cerveau humain s’est également activée dans le cerveau des chiens à la suite du premier geste et est restée inerte face au second geste. D’où la mise en évidence d’un lien direct entre les actions de l’homme et la stimulation de cette zone dans le cerveau des chiens. Ils comprennent donc parfaitement leur maître dans ces circonstances. Tout propriétaire de chien en était convaincu sans avoir eu recours à un scanner…

Callie dans le scanner d'entraînement

L’expérience de Gregory Berns vaut donc surtout par la démonstration de la possibilité de placer un chien dans une IRMf sans la moindre atteinte au bien être de l’animal. Ce dernier n’est pas attaché ni endormi. Et il a été entraîné à supporter le casque qui le protège du bruit. Dans ces conditions, les chercheurs ont obtenu que les chiens restent parfaitement immobiles pendant 24 secondes, ce qui leur laisse assez de temps pour réaliser de multiples mesures.

Il leur faut désormais aller plus loin pour sonder les profondeurs du cerveau canin. “Le cerveau des chiens apporte un témoignage de la façon dont l’homme et l’animal ont pu vivre ensemble pendant très longtemps. Il est même possible que les chiens aient pu affecter l’évolution humaine”, estime Gregory Berns. Au delà de la découverte des pensées secrètes de nos compagnons, le cerveau des chiens pourrait nous apprendre quelque chose sur nous-mêmes. Voilà qui justifie encore plus les recherches dans ce domaine…

Michel Alberganti

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