La sélection du Globule #27

Hiver– Il s’est écrit beaucoup de choses sur la météo hivernale de ce début d’hiver (sic !), y compris sur ce blog, et Time revient très sérieusement sur les aspects climatologiques du phénomène. En expliquant notamment que, même si les climato-sceptiques américains s’en donnent à cœur joie depuis qu’il fait froid et se demandent où est passé le réchauffement climatique, ce dernier explique très bien, et de plusieurs manières, la météorologie de ces derniers jours.

En 2011, la population mondiale devrait atteindre les 7 milliards de personnes. La planète y est-elle préparée, se demande Bryan Walsh, sur son blog de Time ?

Toujours dans les prévisions du début d’année, Nature fait des paris sur les avancées scientifiques que 2011 pourrait nous apporter : des scoops sur les particules au LHC, une véritable autre Terre autour d’un autre Soleil, un nouveau médicament contre l’hépatite C, etc.

Le site LiveScience évoque une étude montrant qu’aux Etats-Unis, un tiers des bébés de 9 mois sont déjà en surpoids ou carrément obèses. Cessez de leur mettre des hamburgers et des frites dans les biberons, voyons…

Si vous souhaitez prendre des vacances dans une île tropicale, évitez les Sentinelles, dans l’archipel des Andaman (golfe du Bengale). Sa population, qui a la réputation d’être la plus isolée du monde, s’attaque à tout visiteur, au point que les anthropologues ne s’y risquent pas et que personne ne la connaît ne serait-ce qu’un peu. Comme quoi il est encore possible d’avoir la paix quelque part…

A noter, un petit dossier sur la cryptographie sur le site du Temps, un domaine auquel je suis sensible depuis Le Code Voynich, livre que j’ai “réalisé” sur le manuscrit Voynich, le manuscrit le plus mystérieux du monde.

Pour finir, un diaporama du New York Times qui raconte une histoire culturelle de la Lune en 15 images.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : Je profite de ce premier billet de 2011 pour remercier les lecteurs du Globule de leur fidélité et leur souhaiter une belle année. Et qu’ils fassent connaître ce blog à tous ceux que la science titille ou passionne !

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Quand les mouches emportent l’âme des morts

Huchet, Greenberg, Fig.1C’est une histoire archéologique qui pourrait se lire comme un polar dont les héros seraient des experts de la police scientifique. Une histoire de cadavres et d’animaux plus ou moins analogue à celles qu’aime écrire l’archéozoologue Fred Vargas… Tout commence avec la fouille de tombes de la culture mochica, une civilisation précolombienne qui a fleuri entre 100 et 750 de notre ère le long de la côte nord du Pérou et a fait l’objet, au début de l’année, d’une exposition au musée du quai Branly, à Paris.

Dans ces tombes, on trouve, évidemment, des morts, des objets, ainsi que de nombreuses et étranges petites capsules (voir photo ci-dessus). Il s’agit de puparia, sortes de cocons durs dans lesquels se développent les larves de certains diptères.  Que faisaient là toutes ces larves de mouches, à quoi servaient-elles ? C’est à cette question que deux entomologistes (ou peut-être devrais-je dire archéoentomologistes), le Français Jean-Bernard Huchet et l’Américain Bernard Greenberg, ont tenté de répondre dans une étude publiée dans le numéro de novembre du Journal of Archaeological Science.

Sur le grand site archéologique mochica de la Huaca de la Luna, le locataire de la tombe 45 était un homme jeune, d’une vingtaine d’années, mort il y a plus de 1 700 ans et dont le crâne conservait des traces de cinabre, un pigment minéral rouge. On a retrouvé auprès de lui quatre pièces de vaisselle en céramique et quelque 200 puparia… L’examen anthropologique a montré que le squelette était incomplet puisqu’un morceau du bras gauche et le bas des jambes manquaient à l’appel. Par ailleurs, l’humérus droit était à l’envers. De toute évidence, la tombe avait été rouverte et le cadavre un peu bousculé mais la présence du mobilier prouvait que ce n’était pas le fait de pillards. D’autres études de squelettes ont suggéré que les Mochicas avaient développé des pratiques funéraires complexes incluant des inhumations tardives ainsi que des réouvertures de tombes. Etait-ce ce qui s’était produit dans la sépulture 45 ?

C’est là que les mouches entrent en jeu. Jean-Bernard Huchet et Bernard Greenberg ont adapté à l’archéologie les méthodes de la police scientifique, laquelle exploite l’attraction qu’exercent les cadavres sur certains insectes pour dater le délai post-mortem. C’est selon un calendrier très précis que les bestioles nécrophages arrivent, mangent, pondent, se développent, etc. Un calendrier qu’influencent de très nombreux facteurs, comme la météorologie, les vêtements ou l’état du corps. Nos deux entomologistes ont donc tout d’abord analysé les puparia au microscope électronique à balayage afin d’identifier les espèces en présence. Puis Jean-Bernard Huchet a mené sur le site archéologique péruvien des expériences avec des morceaux de viande de porc, animal qui est un excellent analogue à l’être humain, pour connaître les différents “timings” de ces mouches. Une fois ces chronologies connues, les deux chercheurs ont pu conclure que le cadavre de la tombe 45 était resté un mois à l’air libre avant d’être enterré.

Pour quoi faire ? La meilleure hypothèse à ce jour est peu ragoutante si l’on en juge par nos critères… Elle consiste à dire que les Mochicas voulaient délibérément attirer les mouches et leurs larves nécrophages (qui peuvent dévorer la moitié d’un corps en l’espace d’une semaine) pour libérer l’âme des morts, une pratique que les Espagnols ont retrouvée  dans les Andes un millénaire et demi plus tard et que l’iconographie mochica confirme, la mouche y tenant une place de choix près des morts ou… des futurs morts que sont les prisonniers en partance pour le sacrifice. Une vision à l’exact opposé de ce qui était pratiqué dans l’Egypte antique, notent judicieusement les auteurs de l’étude, où l’on déployait des stratégies complexes pour empêcher la putréfaction du corps (embaumement, momification, prières, amulettes) et permettre au défunt d’accéder à l’immortalité. Dans un cas, l’âme se libère lorsque le corps est détruit, dans l’autre lorsqu’il est préservé…

Pierre Barthélémy

(Crédit photo : C. Chauchat, J.-B. Huchet)

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La sélection du Globule #16

T-Rex

–  Le tyrannosaure était probablement le plus gros prédateur terrestre que notre planète ait connu. Et comme le font d’autres prédateurs après s’être battus entre eux, T-Rex ne dédaignait pas manger un steak de T-Rex… Pour ceux que cette histoire de cannibalisme dinosaurien intéresse, le papier scientifique est ici.

La Chine est devenue un géant du séquençage de génomes, nous explique Le Monde dans un reportage qui fait écho à un article paru dans Nature en mars. Et le pays a décidé d’investir beaucoup d’argent pour établir le protéome humain, le catalogue de toutes les protéines produites par les cellules de notre corps.

Soumis à de nombreuses critiques depuis près d’un an, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) accepte de se réformer. A lire dans Le Temps.

L’imposture “scientifique” des frères Bogdanov est une nouvelle fois dénoncée, par Sylvestre Huet de Libération et aussi par Marianne qui publie un rapport du CNRS “ridiculisant leurs thèses de doctorat”. La seule question véritable qu’il faudrait se poser (à commencer par moi) est : ne vaudrait-il pas mieux de plus jamais parler de ces deux personnages ?

Isaac Newton est mondialement célèbre pour ses talents de physicien et de mathématicien. Moins connue est sa passion pour la chimie, ou plutôt l’alchimie

Si la nourriture servie à bord des avions nous semble si mauvaise (euphémisme), ce n’est peut-être pas de sa faute mais celle… du bruit de fond des moteurs, qui altèrerait notre sens du goût.

Un portfolio sur ces villes qui vont grandir le plus vite au cours des dix ans à venir, de Santiago à Austin, en passant par Hanoi, Chennai et Chengdu…

Pierre Barthélémy

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Enfants empoisonnés au pays des samouraïs

utamaro

"Yama-uba et Kintarō", estampe d'Utamaro (1753-1806)

Le saturnisme est souvent décrit comme une maladie d’enfants défavorisés car il est fréquemment causé par l’ingestion d’écailles de peintures au plomb dans de vieux logements non-réhabilités. Dans le Japon impérial de l’époque d’Edo (1603-1868), ce pourrait bien être le contraire : une maladie d’enfants favorisés, ainsi que le révèle une récente étude publiée par le Journal of Archaeological Science.

Tamiji Nakashima (University of Occupational and Environmental Health, Kitakyushu) et trois de ses collègues ont analysé les ossements très bien préservés découverts sur le site d’un ancien temple bouddhiste zen à Kitakyushu. Seuls les restes des samouraîs et de leur famille y étaient conservés. Au total, les os de 11 hommes, 12 femmes et 38 enfants ont été étudiés. Et voici les concentrations en plomb retrouvées en moyenne : 14,3 microgrammes de plomb par gramme (μg/g) d’os sec chez les hommes, 23,6 μg/g d’os sec chez les femmes, 313 μg/g d’os sec chez les enfants de plus de 6 ans, 462,5 μg/g d’os sec chez les enfants de 3 à 6 ans et, enfin, 1 241 μg/g d’os sec chez les enfants de moins de 3 ans. Ce dernier chiffre est incroyablement élevé, surtout si on le compare à celui des adultes. D’où vient tout ce plomb ?

Les chercheurs avaient déjà constaté, au cours de précédents travaux portant sur les adultes, une différence significative entre hommes et femmes, ce qui les a conduits à soupçonner… les cosmétiques. Ceux-ci sont devenus très à la mode dans les franges aisées de la société japonaise pendant l’époque d’Edo, notamment sous l’influence des acteurs de kabuki. Et, en bonne place parmi les cosmétiques, figurait la céruse. A la même époque, ce cosmétique à base de carbonate de plomb faisait fureur à la cour des rois de France et d’Europe pour le teint blanc qu’il conférait, jusqu’à ce que ses effets nocifs le fassent, à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, disparaître de l’arsenal des fards.

Cette prise de conscience fut visiblement plus tardive au pays des samouraïs où les mères maquillées ont, pendant longtemps et sans le vouloir, empoisonné leurs enfants par simple contact, en concluent les auteurs de l’étude. Ces derniers poussent d’ailleurs leur réflexion plus loin et formulent l’hypothèse que, le saturnisme se traduisant notamment par des troubles mentaux et des retards cognitifs, les élites japonaises n’étaient pas, en raison de ces intoxications, les mieux armées pour bien réagir en période de crise. Ces chercheurs mettent notamment en avant le cas du 13e shogun, Tokugawa Iesada, décrit comme souvent malade et incapable de s’opposer aux pressions américaines qui contraignirent le Japon à rompre son isolationnisme en 1854. N’y aurait-il qu’un pas du maquillage à l’insécurité politique ?

Pierre Barthélémy

Post-scriptum du 6 octobre : le saturnisme est loin d’avoir disparu partout. En témoigne cette dépêche de l’AFP, reprise sur le site Internet du Soir, qui raconte qu’au moins 400 enfants empoisonnés au plomb sont décédés au Nigeria, en raison d’activités minières illégales.

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