Ce n’est pas bien de copier. Et c’est encore plus mal de coller… Voilà ces principes sacrés de l’enseignement scolaire allègrement bafoués par les élèves et les étudiants qui piochent à qui mieux mieux sur la Toile d’Internet pour faire leurs devoirs plus rapidement. Incroyable ! Inadmissible ! Après le journal télévisé de TF1 le 2 janvier 2012, c’est celui du 30 janvier de France 2 qui reprend le terrible constat: le plagiat mine l’école. Ainsi, ces jeunes qui piratent la musique et la vidéo sans vergogne, Megaupload ou pas, font de même pour leur travail scolaire. Heureusement, la technologie vient réparer les dégâts de la technologie. Les deux chaines de télévision familiale ont, étrangement, toutes les deux non seulement couvert le même sujet de façon très similaire mais aussi découvert le même logiciel miracle : Compilatio. Présenté comme la dernière nouveauté, il semble exister au moins depuis 2007…
Le virage d’Internet
Cette émotion, qui n’est pas sans rappeler les cris d’orfraie des maisons de disques devant la baisse de leurs ventes de CD, révèle à quel point l’enseignement se montre incapable de prendre le virage d’Internet. L’éducation nationale devrait sans doute plutôt se pencher sur le cas des élèves qui ne pratiquent pas le copier-coller pour faire leurs devoirs. Ceux là sont certainement plus en danger que leurs camarades pirates de tous poils. Il se trouve en effet que cette pratique est à la base de l’utilisation du web. Et elle ne fait d’ailleurs que transposer la méthode reine de l’université qui consiste, pour écrire une thèse, à s’appuyer, souvent à 99%, sur ce qui a déjà été écrit. D’où l’infime progrès souvent apporté à la connaissance humaine par chacune de ces œuvres. Mais à l’université, le pillage du passé est institutionnalisé. Références à répétition, notes en bas de page, bibliographie… Le piratage des idées, si ce n’est des textes eux-mêmes, sert de fondation à l’exercice de la thèse. Privilège des études supérieures. Auparavant, il faut en baver… Pas question de copier, pas plus sur le voisin que sur Wikipédia.
Apprendre à apprendre
Seulement voilà… Cela ne marche plus. Les élèves trouvent sur Internet les réponses aux questions que leur pose leur professeur. Et cela ne fera qu’empirer à la vitesse de l’enrichissement du web. Alors, après les caméras de surveillance, les badges et autres systèmes d’identification, il suffit de traquer les copier/coller à l’aide de Compilatio. Ainsi, l’on pourra continuer à enseigner au 21ème siècle comme au 20ème, voire au 19ème…
Dommage. L’aisance des élèves à la navigation sur le web et à la recherche d’information pourrait, au contraire, servir de socle à une nouvelle approche de l’enseignement. On pourrait enfin rêver de mettre en œuvre une vieille utopie : apprendre à apprendre au lieu de bourrer les cranes de notions mal comprises et tout juste exploitées le temps d’un bachotage. On pourrait tenter de remplacer cette illusion de savoir par le développement d’une véritable aptitude à l’acquérir.
Avec Internet, cela semble possible. Le copier-coller n’est problématique que lorsque le travail demandé ne dépasse pas ce que l’on peut trouver directement sur le web. N’est-il pas possible d’imaginer des devoirs impossibles à exécuter par copier-coller ? Ou bien des travaux fondés sur une pratique honnête du copier/coller grâce à l’apprentissage de la citation ? Quelle voie sera la plus utile à des élèves dont on sait bien qu’il devront probablement changer plusieurs fois de métier au cours de leur vie professionnelle ? Avoir appris à apprendre n’est-il pas le meilleur garant du développement de leurs facultés d’adaptation ?
Mais, bien sûr, on peut aussi continuer à enseigner sans rien changer. Surtout lorsqu’on obtient d’aussi bons résultats que la France dans les comparaisons internationales de niveaux des élèves.
Michel Alberganti
Photo: Copy-Paste / avatar-1 via Flickr CC License by
JT de TF1 du 2 janvier 2012
lire le billet
Derniers commentaires