Le véritable “Flower Power” n’est pas celui que l’on croit. Les fleurs ont le pouvoir d’alanguir le cœur des femmes et de leur inspirer des sentiments romantiques, si l’on en croit une astucieuse étude réalisée par le Français Nicolas Guéguen, professeur en sciences du comportement à l’université de Bretagne-Sud, et publiée dans la revue Social Influence. En clair, les fleurs profitent aux dragueurs.
Dans un précédent travail dont je m’étais fait l’écho dans ce blog, Nicolas Guéguen, auteur de plusieurs livres sur la psychologie de la séduction et du consommateur, avait montré que les femmes acceptaient plus volontiers un rendez-vous galant après avoir entendu une chanson d’amour. Reprenant une partie de la méthodologie employée à l’époque, le chercheur a organisé deux petites expériences pour tester la capacité des fleurs à appuyer sur le bouton “Romantisme” placé dans le cerveau de ces dames. Dans la première, il s’agissait de voir si, en présence de fleurs, des femmes trouveraient un homme plus attractif que sans l’environnement floral. 46 représentantes du beau sexe ont donc été conviées dans une pièce pour regarder, seules, pendant 5 minutes la vidéo d’un jeune homme. Dans la moitié des cas, trois bouquets de fleurs mélangeant roses, marguerites et œillets d’Inde, étaient disposés dans la pièce. Pour les 23 autres cobayes, les vases étaient vides et placés aux mêmes endroits. Après avoir regardé la vidéo, les femmes quittaient la pièce et allaient répondre à un questionnaire leur demandant, sur une échelle allant de 1 à 7, de donner leur impression sur le jeune homme. A quel point le trouvaient-elles attirant physiquement et sexuellement, et accepteraient-elles un rendez-vous avec lui. Les femmes qui avaient vu le film en présence de fleurs ont en moyenne significativement mieux noté le garçon que celles qui l’avaient visionné dans une pièce sans bouquet…
Dans la seconde expérience, on est passé de la théorie à la pratique, avec l’aide d’un complice sélectionné pour son charme. Cette fois-ci, 64 femmes ont été “testées”. Le scénario était le suivant. Comme dans la première expérience, l’échantillon était divisé en deux (un avec bouquets, l’autre sans). Là encore, chaque femme regardait, seule, une courte vidéo et, au terme du visionnage, quittait la pièce pour retrouver le fameux complice (dont elle ignorait évidemment le rôle) en présence d’une expérimentatrice censée prendre des notes. Très vite, celle-ci quittait la pièce sous un faux prétexte et laissait le couple en tête à tête. C’est à ce moment-là que l'”Adonis” jouait un petit sketch, toujours le même. D’abord un grand sourire puis deux phrases : “Je m’appelle Antoine, je te trouve très jolie et je me demandais si tu me donnerais ton numéro de téléphone. Je t’appellerai plus tard et nous pourrions prendre un verre quelque part la semaine prochaine.” Puis silence, regard charmeur et re-sourire. Si la jeune femme acceptait, Casanova-pour-la-science notait son numéro. S’il se prenait un râteau, il répondait : “Dommage. Mais bon, pas de problème.” Et re-re-sourire.
Les résultats sont plutôt éloquents. Les femmes qui avaient eu droit aux fleurs pendant le visionnage du film ont accepté la proposition à 81% (26 sur 32). A titre de comparaison, dans l’échantillon non “imprégné” par les bouquets, seulement une sur deux a donné son numéro de téléphone (16 sur 32). Aucune des 64 ne s’est doutée de l’objet véritable de l’étude. Ce qui est intéressant, c’est que, comme dans l’expérience que j’ai citée plus haut sur les chansons d’amour, les fleurs font simplement partie du décor. Elles ne sont pas mises en avant, on ne les offre pas aux sujets et elles agissent même quand on n’est plus en leur présence. Ce que l’on mesure, d’une certaine façon, c’est l’effet d’une exposition aux fleurs sur les aspects romantiques de l’humeur.
Des expérimentations sur l’influence des fleurs ont déjà été réalisées, mais dans des contextes différents. Ainsi, dans une étude publiée en 2008, des chercheurs se sont aperçus qu’en plaçant un bouquet et une petite plante verte dans la chambre de personnes venant de subir une opération de l’appendicite, celles-ci demandaient en moyenne moins d’analgésiques que les personnes dont la chambre était dépourvue de végétation. Les premières présentaient une tension artérielle plus basse ainsi qu’un rythme cardiaque moins élevé que les secondes et se sentaient moins stressées et moins fatiguées par leur hospitalisation. Dans un article de vulgarisation paru en 2010 dans le magazine Cerveau & Psycho, Nicolas Guéguen rapporte que “le psychiatre John Talbott et ses collègues de l’université de Baltimore dans le Maryland ont montré que des patients placés en institution psychiatrique pour des troubles graves, parlent davantage, restent plus longtemps au réfectoire de l’établissement et mangent plus lorsque des plantes florales (ici, des chrysanthèmes jaunes) font partie du décor. Ce détail a son importance, car de nombreux patients en institution psychiatrique mangent peu. Dès lors, les psychiatres préconisent d’installer des plantes et des fleurs pour rendre le lieu plus proche de l’environnement extérieur associé à des événements agréables, et améliorer l’état des patients et leur volonté de se nourrir.”
L’influence des fleurs semble donc bien réelle et c’est sans doute aussi pour cette raison que l’homme s’est échiné à les cultiver depuis des millénaires alors qu’elles ne se mangent en général pas. Mais par quel mécanisme cette influence se fait-elle sentir, notamment sur le plan sentimental ? Les chercheurs n’ont, pour l’heure, pas la réponse. Couleurs ? Parfum ? Conditionnement social (étant donné que les fleurs sont associées aux mariages, aux rendez-vous galants, à la Saint-Valentin, etc) ? Quoi qu’il en soit, Messieurs, la prochaine fois que vous voudrez séduire une femme, donnez-lui rendez-vous devant un magasin de fleurs qui diffuse des chansons d’amour. Et arrivez un peu en retard, mais pas trop : elle pourrait vite préférer le fleuriste.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : le succès de Globule et télescope ne se dément pas puisque le blog a battu un record de fréquentation en avril avec près de 320 000 visiteurs uniques pour plus de 400 000 pages vues. Un grand merci à vous. Dans le même temps, en mai, le Globule reste bien accroché à sa place de numéro 2 dans le classement Wikio des blogs de science.
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