Une équipe internationale de chercheurs a annoncé une première, vendredi 27 août, dans la revue Science : le décryptage du génome de deux espèces de fourmis. Cette étude est captivante car ses auteurs ont montré la puissance des modifications épigénétiques sur la morphologie et la physiologie des fourmis, en fonction de la caste à laquelle elles appartiennent. L’épigénétique s’attache à repérer non pas ce que codent les gènes mais la manière dont, sous l’influence de facteurs environnementaux et de l’histoire personnelle, ces gènes s’expriment… ou sont rendus silencieux. Chez les fourmis, chaque individu naît avec un patrimoine génétique ressemblant mais, suivant la caste dans laquelle il atterrit, celui-ci ne s’exprime pas du tout de la même façon. Ainsi, dans l’espèce Camponotus floridanus, les fourmis qui protègent la colonie sont plus grandes que les travailleuses qui cherchent à manger. Et seule la reine est féconde. Lorsqu’elle meurt, la colonie trépasse avec elle. C’est une autre histoire chez Harpegnathos saltator, l’autre espèce, décrite comme plus primitive, dont le génome a aussi été décrypté : quand la reine meurt, une ouvrière peut prendre sa place. Avec tous les attributs y afférents y compris ses caractéristiques épigénétiques : non seulement la “promue” peut pondre, mais elle va aussi se mettre… à vivre plus longtemps car deux de ses gènes vont s’exprimer beaucoup plus fort. Le premier produit une protéine associée à la longévité chez l’homme tandis que le second code pour la télomérase, une enzyme qui, grosso modo, protège les chromosomes contre le vieillissement. On comprend mieux, à la lumière que nous apportent ces fourmis, l’importance potentielle de l’épigénétique, qui fait de nous plus que la somme de nos gènes.
Une étude passionnante donc. Sauf qu’à part une pauvrichonne dépêche AFP reprise plus ou moins proprement par quelques médias, personne en France ne s’est trop intéressé au sujet. Un peu par fainéantise, je le concède, j’ai tapé “ants” (fourmis en anglais) sur le Google News américain, histoire de voir si mes petits camarades d’outre-Atlantique avaient fait mieux. Ce fut la consternation. Non pas que mes confrères américains n’aient pas perçu l’importance de la nouvelle : ils étaient 43, dont le Scientific American par exemple, à l’avoir traitée. Non. Le choc a été de constater que, pour l’immense majorité des médias américains, les seules fourmis palpitantes du moment étaient celles qui “envahissaient” la maison dans laquelle se tourne la douzième saison de “Big Brother”, émission de télé-réalité à 8 millions de téléspectateurs, dont “Loft Story” et “Secret Story” sont les avatars français. Ces fourmis-là, qui dérangent les braves candidats dont la photo de groupe figure en tête de ce billet (ou du moins ceux qui restent après plus de 50 jours d’émissions et d’éliminations), ces fourmis-là ont été “couvertes”, comme l’on dit dans le jargon journalistique, dans 449 articles ! Plus de dix fois plus.
Après quelques pensées amères sur le fait que je me suis trompé de métier (j’aurais dû faire du “people”, c’est payant et moins fatigant pour les neurones), que l’espèce humaine préfère se délasser devant des “clones” bodybuildés et/ou siliconés plutôt que d’enrichir sa culture – scientifique ou pas –, que l’information traditionnelle n’a aucun avenir étant donné que les médias de masse s’ingénient vraiment à vider les cerveaux plutôt qu’à les remplir, je me suis demandé ce que des chercheurs découvriraient s’ils étudiaient la colonie “Big Brother”. Devant sa photo de groupe, j’ai d’abord constaté que ces étranges animaux avaient tous la peau claire, sans doute l’effet d’une mutation génétique qui les a privés de mélanine, et qu’hormis un dimorphisme sexuel assez évident, une certaine uniformité morphologique régnait : pas de gros, pas de vieux, pas de handicapés. L’environnement doit être tellement hostile qu’ils ne peuvent pas survivre… Je me suis ensuite aperçu que, comme chez les fourmis, certains rôles, comme celui du Saboteur, étaient prédéterminés (sans que cela entraîne pour autant des modifications physiques). En revanche, le Chef de maisonnée, contrairement à ce qui se passe chez Camponotus floridanus, change sans arrêt. Il a le pouvoir et la mission de nommer deux membres de la colonie, dont l’un sera chassé par les autres. Curieuse manière de vivre en société que de chercher à tout prix à éliminer les membres de son clan. C’est une colonie bizarre enfermée dans son territoire, qui ne passe son temps qu’à produire des déchets, vit dans l’égoïsme et la perpétuelle idée de la récompense ultérieure qui leur tombera toute cuite, lorsque la colonie sera détruite.
Si des chercheurs étudiaient “Big Brother” et ses dizaines de succédanés qui encombrent les télévisions du monde entier, ils préfèreraient retourner à leurs fourmis.
Pierre Barthélémy
– Voici une vidéo de la grande ceinture d’astéroïdes, située entre les orbites de Mars et de Jupiter. Il y a trois décennies, les astronomes y dénombraient moins de 10 000 habitants. Aujourd’hui, plus d’un demi-million est répertorié… La vidéo dure trois minutes et je vous conseille d’attendre la dernière minute pour voir le rythme des découverte s’accélérer quasi frénétiquement. Pour bien la comprendre, je vous signale que le Soleil est bien sûr le point jaune au milieu, la Terre la troisième planète en partant du centre et que les astéroïdes nouvellement découverts s’allument en blanc tandis que les anciens sont en vert.
– Une bonne façon de connaître l’environnement dans lequel vivaient les mammouths et de savoir ce qu’ils mangeaient consiste à… examiner leurs excréments. Qu’elles soient retrouvées dans le pergélisol ou encore dans les intestins des mammouths congelés que l’on sort régulièrement de terre en Sibérie, ces crottes nous en apprennent beaucoup. Y compris qu’il arrivait à ces herbivores de manger les excréments de leurs congénères, une coprophagie que pratiquent occasionnellement leurs cousins éléphants.
– On a craint un moment que la superficie de la banquise arctique batte un nouveau record à la baisse cette année. Cela ne sera finalement sans doute pas le cas. Cela dit, la surface est une chose, le volume en est une autre. Et celui-ci, même quand la superficie ne se réduit pas trop, continue de baisser, d’après l’enquête de Chris Mooney dans le New Scientist.
– La Bolivie connaît une catastrophe écologique, peut-être la plus importante de son histoire : une vague de froid sans précédent a tué des millions de poissons dans ce pays. La température de l’eau, en moyenne de 15°C à cette époque, est descendue jusqu’à 4°C. La décomposition des poissons a pollué l’eau de nombreuses rivières.
– Alors que le cours du blé a atteint des sommets (dont il n’est pas vraiment redescendu) début août après que la Russie, frappée par la sécheresse et les incendies, a suspendu ses exportations jusqu’à la fin de l’année, une équipe de chercheurs britanniques vient de publier une première version, non finalisée, du génome de cette céréale. L’idée étant de permettre aux semenciers de mettre au point de nouvelles variétés plus résistantes aux maladies.
– Gros scandale scientifique outre-Atlantique : Marc Hauser, un chercheur vedette de Harvard, spécialisé dans la comparaison des cognitions humaine et animales, est accusé d’avoir fabriqué des données pour un article paru en 2002. Il s’agissait d’un test pour savoir si des singes pouvaient ou non saisir des règles de l’algèbre.
– Pour ceux qui auraient raté l’info, un système d’au moins cinq – et peut-être sept – planètes vient d’être découvert autour d’une étoile situé à 127 années-lumière de nous.
– Pour terminer, une des plus petites grenouilles du monde vient d’être découverte à Bornéo. Elle mesure 15 millimètres.
Pierre Barthélémy
lire le billetVous n’avez pas pu aller à Turin entre le 10 avril et le 23 mai pour l’ostension du Saint Suaire, la première depuis 2000 ? Tout n’est peut-être pas perdu : grâce à Luigi Garlaschelli qui vient de publier sa méthode de reproduction du suaire de Turin dans le Journal of Imaging Science and Technology daté juillet-août, vous allez pouvoir refaire vous-même, chez vous, votre propre copie du drap censé avoir été le linceul de Jésus.
Luigi Garlaschelli est un scientifique italien que j’ai rencontré et interviewé il y a quelques années à l’occasion d’un reportage sur la mystérieuse épée de San Galgano, véritable Excalibur enfoncée dans un rocher toscan depuis le XIIe siècle. Chercheur au département de chimie organique de l’université de Pavie, il a pour passion la démystification des pseudo-miracles telle la liquéfaction du sang de San Gennaro (Saint Janvier), qu’il a démontée dans un article paru dans Nature en 1991. En s’attaquant au suaire de Turin, il ne cherchait pas à démontrer qu’il s’agit d’un faux : cela a déjà été prouvé en 1989 dans une célèbre étude qui a daté au carbone 14 le fameux drap de lin, lequel a été fabriqué entre1260 et 1390 (ajoutons que, contrairement à de nombreuses dénégations apportées par des chercheurs et non-chercheurs plus ou moins proches des milieux chrétiens, cette étude et cette datation n’ont jamais été scientifiquement remises en cause). Non, Luigi Garlaschelli n’avait pour seul but que de reproduire, avec des ingrédients disponibles au Moyen-Age (puisque, redisons-le, c’est à cette époque que le suaire a été réalisé), une copie très proche de l’original, de ses caractéristiques tant “esthétiques” que physiques.
Il faut bien reconnaître que la tâche ne s’avère pas si simple. L’image figurant sur le suaire de Turin n’est pas une peinture (même si quelques traces d’ocre persistent) mais une empreinte. A ce titre, on ne voit presque rien sur le drap hormis quelques ombres brunâtres. C’est sur les négatifs des clichés que la silhouette d’un homme barbu apparaît nettement. En fait, cette silhouette est “imprimée” dans le lin et l’image contient des informations en trois dimensions. Pour ces raisons, on a longtemps pensé que le suaire était impossible à reproduire avec toutes ses qualités et que seul un phénomène paranormal avait pu le créer…
Mais comme vous êtes des sorciers, vous allez y parvenir, en suivant la recette de Luigi Garlaschelli. Il vous faut d’abord un homme, de préférence grand et maigre comme celui du suaire. Promettez-lui qu’il ne risque rien et qu’il œuvre pour la science. Peu importe la tête qu’il aura car le visage du suaire, qui n’a pas les proportions tridimensionnelles d’un visage humain recouvert d’un linge, a très probablement été obtenu à partir d’un bas-relief assez plat. Pour votre expérience, un masque en plastique de capitaine Haddock (sans casquette mais avec perruque) fera l’affaire… Vous avez votre cobaye ? Ecce homo. Allongez-le, tout nu, les mains sur le pubis, sur la moitié d’une pièce de lin clair de 4,4 mètres sur 1,1. Recouvrez-le de l’autre moitié. Ensuite, à l’aide d’un chiffon imprégné d’ocre rouge et d’un zeste d’acide pour simuler les impuretés présentes dans la préparation de l’artiste médiéval, tamponnez toutes les zones en relief. C’est ce processus de frottement avec cette mixture, comme me l’a expliqué Luigi Garlaschelli, qui, en attaquant le tissu, crée l’image fantôme du suaire. Après le côté pile, faites le côté face. Sortez ensuite votre bonhomme de là, étendez la toile bien à plat et complétez, toujours en frottant avec votre tampon, les zones mal teintes, afin d’obtenir un rendu uniforme, artistique, analogue à celui du suaire de Turin. N’oubliez pas d’ajouter quelques stigmates (traces de clous aux poignets et chevilles, d’une couronne d’épines sur la tête, de coups de fouet dans le dos et d’un coup de lance dans le flanc). Et voilà, le tour est joué.
Mais, me direz-vous, vous avez une espèce de tableau rouge, ce que le suaire “véritable” n’est pas. C’est juste. Il faut se débarrasser de l’ocre. Vous avez deux solutions : soit attendre quelques décennies ou quelques siècles que le pigment tombe, ce qui a dû se passer avec le suaire de Turin, soit vieillir artificiellement votre tissu. Pour ce faire, mettez votre suaire dans un four, température 140-145°C, pendant trois heures. Puis lavez votre drap afin que l’ocre s’en détache. Cette fois, c’est bon : une silhouette fantomatique se distingue à peine sur le lin. Etendez votre suaire, photographiez-le et regardez le négatif. En quelques heures et avec une très simple recette de chimie, vous avez résumé sept siècles d’histoire. Si vous pouviez extraire les informations en 3D du visage que vous avez produit, vous obtiendriez ceci, une empreinte très proche de l’originale :
Au fait, le suaire qui figure en photo sous le titre de ce billet n’est pas celui de Turin mais celui de Luigi Garlaschelli… La fameuse “image impossible” ne l’est sans doute plus tant que cela.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : les commentaires de ce blog étant modérés a priori, je n’hésite pas à censurer ceux qui ont l’insulte facile. Cela a déjà valu pour d’autres billets, cela vaut pour celui-ci et cela vaudra encore pour les suivants.
lire le billetImage extraite de "Nosferatu le Vampire", de F. Murnau (1922)
Le film Daybreakers sorti en mars. Une histoire de vampires. Le troisième opus de la saga Twilight est arrivé sur les écrans en juillet et le quatrième débarquera dans les salles obscures en 2011. Encore des vampires. Et on nous promet un Blade 4 pour 2012… Toujours des vampires. Je ne sais pas si vous avez le même sentiment que moi, mais j’ai la nette impression que les vampires sont partout ! Et si c’était vrai ? Si c’était vrai, cela se saurait, me direz-vous. Mais non, ils sont partout : ils contrôlent les médias, Wikileaks, l’Etat, la maréchaussée, les statistiques de l’Insee, les dentistes, les marchands d’ail et de crucifix, les entreprises de pompes funèbres et les organismes de donneurs de sang… Une seule chose peut nous aider à établir la vérité : les mathématiques !
C’est à un calcul simple et amusant que je vous invite, un calcul qu’ont réalisé Costas Efthimiou et Sohang Gandhi dans un article retentissant publié en 2008 dans le Skeptical Inquirer. Partons des données de base, que tout le monde connaît : quand un vampire affamé plante pour se nourrir ses crocs dans la carotide d’un humain, celui-ci (s’il ne meurt pas) devient à son tour un vampire. Pour le dire en termes démographiques : à ce moment-là, la population vampire augmente de un, tandis que la population humaine diminue de un. Admettons, pour faire simple, que le vampire suit un régime (parce que le sang des humains d’aujourd’hui est vraiment très riche et très calorique) et qu’il ne mord qu’une fois par mois. Admettons aussi que le premier vampire est apparu sur Terre le 2 juin 2003 à minuit, moment auquel Stephenie Meyer, l’auteur de Twilight, a vu en rêve ce qui allait devenir la trame de ses romans. Ce jour-là, on le sait grâce au Bureau du recensement américain, la population mondiale est estimée à 6.304.006.665 personnes. Enlevons notre vampire originel, sans doute issu d’on ne sait quelle manipulation génétique réalisée par un savant fou, et cela nous fait 6.304.006.664 hommes et femmes. Au bout d’un mois, notre Adam à longues canines a fait un émule. Mais, dans le même temps, la population mondiale a augmenté de plus de 6 millions d’individus.
On peut se dire que le match est inégal, que le taux de reproduction des humains est bien supérieur à celui des Nosferatu et autres Dracula. C’est une erreur (du même genre que celle commise par le roi dans la légende des grains de blé sur l’échiquier de Sissa). Le nombre de vampires va augmenter rapidement en doublant chaque mois. Les mathématiciens parlent de “progression géométrique“. Certes, cela commence de façon modeste (2, 4, 8, 16, etc) mais cela ne cesse de s’accélérer. Pour vous en convaincre, prenez une calculatrice, faites 1×2 et continuez à multiplier le résultat par 2. Au bout du 30e mois, plus de 500 millions de vampires courent les rues. Un mois après, le milliard est dépassé et la population humaine est passée sous la barre des 6 milliards. Au cours du 34e mois, soit en mars 2006, le dernier représentant d’Homo sapiens a succombé. Depuis lors, j’imagine que nous nous nourrissons tous grâce à du sang de synthèse, que nous faisons produire dans des fermes de vaches génétiquement modifiées. Voilà pourquoi le cinéma et la littérature de vampires marchent si bien : ils parlent de nous.
Pierre Barthélémy
Post-scriptum : en réalité, Costas Efthimiou et Sohang Gandhi avaient utilisé ce calcul pour prouver que les vampires ne pouvaient pas exister. Tout le monde peut se tromper…
lire le billet– L’étoile bizarre qui apparaît sur cette vue d’artiste (crédit : ESO/L. Calçada) est un magnétar : il s’agit d’une étoile à neutrons dotée d’un champ magnétique incroyablement puissant (d’où le terme de magnétar, mot-valise construit sur l’expression anglaise de “magnetic star”). C’est le reste d’une grosse étoile en fin de vie, après qu’elle a explosé en supernova. Celle-ci lance un défi aux astrophysiciens car, étant donné sa masse, elle n’aurait jamais dû se transformer en magnétar mais en trou noir… Pourquoi cela ne s’est-il pas produit ? Mystère…
– Qui n’a pas vu un enfant lâcher involontairement dans le ciel son ballon plein d’hélium (et se mettre à hurler dans la seconde suivante) ? Eh bien, ce spectacle risque de ne plus se voir dans quelques décennies, parce que les réserves de ce gaz très léger s’épuisent à vitesse grand V. Le problème, c’est que l’hélium est très utile pour de nombreux appareils (comme les machines à IRM) et procédés industriels…
– Tout le monde connaît le nom de la chienne Laïka, qui fut le premier être vivant envoyé dans l’espace en 1957, par l’URSS. On sait moins comment s’appelaient les premiers animaux qui eurent la chance, contrairement à Laïka qui était condamnée à mourir en orbite, de revenir sur Terre vivants. Il s’agit, là encore, de deux chiennes soviétiques, Belka et Strelka, qui s’envolèrent pour une journée dans l’espace il y a cinquante ans, le 19 août 1960.
– Pour les fans de volcans, je signale le blog (en anglais) d’Erik Klemetti, un géologue spécialiste du magma. Il vient de consacrer une série de trois billets à l’Etna.
– Je vous conseille aussi cette infographie du Washington Post qui retrace l’évolution des émissions de carbone des pays les plus industrialisés depuis 1950. Il y a deux façons de voir les choses : les émissions totales (et là, la Chine est numéro un devant les Etats-Unis) et les émissions par habitant (et là, les Etats-Unis restent de loin le champion incontesté).
– Pour finir : vous n’avez peut-être jamais entendu parler d’Andalgalornis steulleti, une espèce d’autruche avec un énorme bec de rapace (Hitchcock aurait adoré en avoir un ou deux spécimens vivants pour Les Oiseaux…), qui vivait en Argentine il y a quelque 6 millions d’années. Une équipe de chercheurs a scanné son crâne démesuré et très lourd afin de comprendre comment l’oiseau s’en servait pour tuer ses proies. A voir en vidéo ci-dessous :
Pierre Barthélémy
lire le billetSi vous avez bien suivi les cours de sciences naturelles à l’école, vous vous souvenez que les plantes absorbent le carbone contenu dans l’air (le “C” de CO2) pour grandir, fabriquer des branches, des tiges, des feuilles, des racines, etc. C’est la photosynthèse. La végétation est donc ce que les climatologues appellent un puits de carbone. A priori, on pourrait donc se dire que plus les plantes ont de carbone à leur disposition pour croître, plus elles sont contentes et plus elles en absorbent. C’est d’ailleurs un des arguments qu’utilisent les climato-sceptiques pour dire qu’on peut continuer à brûler les énergies fossiles puisque, après tout, les plantes vont se gaver de dioxyde de carbone. Et, même si la première partie de la phrase est contestable, la seconde partie repose sur une réalité mesurée. Ainsi, au cours des décennies 1980 et 1990, la production primaire nette (PPN) des plantes sur Terre a augmenté, ce grâce… au réchauffement de la planète qui a réduit les contraintes climatiques pesant sur la végétation.
Enfin un effet positif du réchauffement ? Pas sûr du tout si l’on en croit une étude publiée ce 20 août dans la revue Science. Maosheng Zhao et Steven Running, deux chercheurs de l’université du Montana, s’y sont posé une question simple. Comme je l’ai rappelé récemment dans un autre article, la décennie 2000-2009 a été la plus chaude depuis la naissance de la météorologie moderne. Pour faire bonne mesure, l’homme n’a jamais largué autant de CO2 dans l’atmosphère qu’au cours de ces dix années-là. Nos deux spécialistes ont donc voulu vérifier si les plantes avaient battu le record d’absorption de carbone. Pour ce faire, ils ont analysé les données enregistrées par Modis, un instrument monté sur le satellite Terra (Etats-Unis, Canada, Japon). Outil conçu pour les climatologues, Modis met de un à deux jours pour scruter, dans différentes longueurs d’onde, chaque point de la Terre et notamment sa végétation.
L’analyse des données a réservé une petite surprise. Au cours de la dernière décennie, au lieu d’augmenter comme elle l’avait fait pendant les vingt précédentes années, la PPN a légèrement chuté. De 550 millions de tonnes de carbone pour être précis. Cela peut sembler beaucoup, mais au regard des quelque 9 milliards de tonnes de carbone que l’homme et ses activités injectent dans l’atmosphère chaque année (données moyennes sur la période 2000-2006), ce n’est pas gigantesque. Néanmoins, ces résultats marquent une rupture. Comment l’expliquer ? Maosheng Zhao et Steven Running ont commencé par regarder les disparités régionales du phénomène. En effet, à certains endroits (en vert sur la carte ci-dessous), la végétation absorbe plus de carbone et à d’autres (en rouge) elle en ingurgite moins.
Les deux chercheurs écrivent dans leur étude que les anomalies négatives (en rouge) de la PPN s’expliquent principalement par des sécheresses à grande échelle : “En 2000, les sécheresses ont réduit la PPN en Amérique du Nord et en Chine ; en 2002, les sécheresses ont réduit la PPN en Amérique du Nord et en Australie ; en 2003, une sécheresse causée par une importante canicule a réduit la PPN en Europe ; en 2005, de graves sécheresses en Amazonie, en Afrique et en Australie ont grandement réduit la PPN sur le plan régional et sur le plan mondial ; et de 2007 à 2009, sur de larges parties de l’Australie, des sécheresses continuelles ont réduit la PPN du continent.” En entrant dans le détail des données, Maosheng Zhao et Steven Running ont compris que la montée des températures a des effets différents suivant les endroits. Aux hautes latitudes et dans les zones de montagne, elle favorise l’augmentation de la biomasse car la saison de croissance de la végétation est allongée. Cela concerne essentiellement l’hémisphère nord car quiconque regarde une carte du monde s’aperçoit que, dans l’hémisphère sud, les terres émergées sont presque entièrement regroupées en deçà du 40e parallèle… Et dès qu’on arrive sous les tropiques, l’argument des saisons n’est plus pertinent. Ce qui compte, c’est la température et l’eau disponible. Or, en Amazonie, dont l’impact sur la PPN mondiale est majeur, la hausse des températures a accru la respiration des plantes (et donc le rejet de gaz carbonique…) tandis que la grave sécheresse de 2005 réduisait la création de biomasse.
Résumons : qui dit plus de CO2 dans l’atmosphère dit des températures en hausse à cause de l’effet de serre ; qui dit plus de chaleur dit plus de sécheresses ; qui dit plus de sécheresses dit végétation qui souffre et absorbe moins de carbone ; lequel reste dans l’atmosphère et augmente l’effet de serre. Les climatologues parlent d’une boucle de rétroaction positive : un phénomène a des effets qui l’augmentent. En français moins jargonnant, on dit que c’est un cercle vicieux. Est-il vraiment enclenché ?
Maosheng Zhao et Steven Running se gardent d’être péremptoires. Toutefois, à la fin de leur étude, ils soulignent qu’une baisse de la PPN peut également “menacer la sécurité alimentaire mondiale et la future production de biocarburant”. Ils concluent en écrivant : “Une surveillance mondiale continue de la PPN sera essentielle pour déterminer si la réduction de la PPN au cours des dix dernières années n’est qu’une variation décennale ou le début du déclin pour la séquestration terrestre du carbone, sous le règne du changement climatique.” Si cette seconde hypothèse se confirmait et si les océans, comme certains le soupçonnent, se mettaient aussi à faire la grève du puits de carbone, le scénario d’un emballement du réchauffement deviendrait de plus en plus probable.
Pierre Barthélémy
C’était dimanche 15 août, à Santa Clara, en Californie, où s’achevait la convention SETI 2010. Pour ceux qui l’ignorent, SETI est l’acronyme de Search for Extraterrestrial Intelligence (recherche d’une intelligence extraterrestre). Cette convention ne réunissait pas une bande d’ufologues allumés, passionnés de Roswell et de soucoupes volantes, mais des chercheurs et des ingénieurs qui écoutent le ciel pour détecter les signaux d’une autre civilisation que la nôtre. Et devant ces personnes invitées par le très sérieux SETI Institute dont il est l’astronome en chef, Seth Shostak déclara ceci : ” Je pense vraiment que les chances que nous trouvions E.T. ne sont pas mauvaises du tout. Jeunes gens qui êtes dans le public, je pense qu’il y a une vraie bonne chance pour que vous voyiez cet événement se produire.”
Il faut préciser que cette convention 2010 était un peu particulière. On y fêtait les 80 printemps de l’astronome Frank Drake qui, il y a un demi-siècle, fut le premier à tendre son radio-télescope (celui de Green Bank en Virginie occidentale) vers les étoiles Tau Ceti et Epsilon Eridani, pendant quelque 150 heures (sans entendre le moindre message extraterrestre). Autre anniversaire : le SETI Institute soufflait quant à lui ses 25 bougies. Mais Seth Shostak n’est pas du genre à laisser l’émotion lui faire dire n’importe quoi. S’il affirme que les astronomes trouveront la trace d’E.T. d’ici “une à deux douzaines d’années”, c’est en référence à une formule “magique”, l’équation que Frank Drake a écrite en 1961.
Que dit cette équation ? Commençons par rassurer ceux à qui les maths donnent de l’urticaire, c’est très simple. L’équation de Drake sert à évaluer “N”, le nombre de civilisations intelligentes censées exister dans notre galaxie, la Voie lactée. Différentes versions de cette formule sont connues mais la plus populaire est celle-ci :
Sans avoir fait Polytechnique, on voit que N est le produit de sept facteurs : N*, le nombre d’étoiles dans notre galaxie ; fp, la fraction de ces étoiles qui sont entourées de planètes ; ne, le nombre moyen de planètes, dans ces systèmes solaires, capables d’accueillir la vie ; fl, la fraction de ces planètes où la vie existe vraiment ; fi, la fraction de ces planètes où se trouve une vie dite intelligente ; fc, la fraction de ces planètes dont les habitants sont capables et désireux de communiquer avec d’autres astres ; L, la fraction de ces planètes dont la durée de vie et d’émission correspond à l’époque à laquelle nous les écoutons (eh oui, pour communiquer, il faut être un tantinet synchrone : si la poste met deux siècles à acheminer une lettre chez vous, vous ne pourrez pas la lire). Toute la beauté, la difficulté ou la bêtise (suivant le point de vue selon lequel on se place) de cette équation consiste à attribuer des valeurs à ces paramètres. En effet, la science n’a de réponse précise pour aucun d’entre eux. Ce qui explique pourquoi certains surnomment l’équation de Drake la “paramétrisation de l’ignorance”.
Ceci posé, on doit ajouter que les astronomes ont tout de même des idées pour remplir les blancs. Ainsi, le nombre total d’étoiles dans notre galaxie avoisine les 200 milliards aux dernières estimations (mais d’aucuns jugent que 400 milliards est aussi une bonne évaluation). Pour le facteur suivant, la moisson croissante de planètes extrasolaires, depuis la découverte de la première d’entre elles en 1995, laisse penser qu’au moins la moitié des étoiles sont accompagnées. Après cela, on entre dans la zone du doigt mouillé… Le nombre moyen de planètes situées dans la zone d’habitabilité de leur étoile (c’est-à-dire, comme la Terre, suffisamment près de leur soleil pour que l’eau y soit liquide, mais assez loin pour que la température ambiante soit acceptable) pourrait être de 2 selon Frank Drake. Pour la valeur suivante, à savoir le pourcentage de ces planètes sur laquelle la vie s’est effectivement développée, des chercheurs australiens ont affirmé que cette proportion dépassait 13% dès lors que la planète était stable sur plus d’un milliard d’années. Faisons-leur confiance et mettons un généreux 20%. Frank Drake a estimé à 1% la fraction de ces planètes où une vie intelligente a pris place. Pourquoi pas ? Nous n’avons qu’un seul exemple connu, le nôtre, et il est bien difficile de généraliser. Idem pour la fraction de planètes communicantes et la fraction de planètes technologiques vivant peu ou prou en même temps que nous (je dis “peu ou prou” car, en raison de la vitesse finie à laquelle voyagent la lumière et les ondes électromagnétiques, nous pouvons parfaitement entendre les signaux d’une civilisation disparue depuis des siècles, si sa planète est loin de la Terre). Pour la première, Drake a écrit 1% et pour la seconde un millionième. Ce dernier chiffre est plutôt optimiste car il sous-entend que les civilisations technologiques survivent dix millénaires…
Au bout du compte, l’équation de Drake me donne 400 planètes, dans toute la Galaxie, susceptibles de communiquer avec nous. Il faut noter que ce résultat est bien plus bas que les premières approximations. Ainsi, il y a trente ans, le célèbre astronome américain Carl Sagan (1934-1996), en plus d’attiser ma curiosité pour le Cosmos avec sa formidable série télévisée du même nom, estimait-il possible que la valeur de “N” soit de plusieurs millions. Seth Shostak, quant à lui, s’accroche au nombre de 10.000 avancé par Frank Drake en personne. L’astronome en chef du SETI Institute pense qu’avec le Allen Telescope Array, un réseau de petits radiotélescopes dont il dispose désormais, et la puissance toujours croissante des ordinateurs, détecter une civilisation communicante n’est qu’une question de temps… A condition que ses hypothèses de départ soient correctes.
L’équation de Drake est en effet intéressante en ce qu’elle souligne à quel point nous ne savons rien des autres mondes. Et c’est en réalité exactement ce que son auteur voulait qu’elle soit lorsqu’il l’écrivit en 1961 à l’occasion de la réunion qui allait donner naissance à SETI : un cadre de travail pour tous ceux qui s’intéresseraient à la recherche d’une vie extra-terrestre. En la lisant, on a l’impression d’avancer étape par étape, de zoomer virtuellement vers E.T. Ceux qui, comme Paul Myers, l’auteur de l’excellent blog Pharyngula, critiquent cette formule oublient qu’il ne s’agit pas réellement d’un outil de science. Juste d’un pense-bête des questions à explorer.
Pour être honnête, l’équation de Drake permet aussi à Seth Shostak de justifier, un peu facilement, le programme SETI d’écoute des signaux radio venus de l’espace… Néanmoins, je ne lui jette pas la pierre. Je me souviens être allé interviewer Jill Tarter, la responsable de ce programme, au radio-télescope d’Arecibo (Porto-Rico), le plus grand du monde avec son antenne géante de 305 mètres de diamètre. Plusieurs heures durant, celle qui a servi à Carl Sagan de modèle pour son roman Contact (transposé au cinéma avec Jodie Foster dans le rôle principal) m’avait expliqué tous les détails de sa quête avec une conviction que j’ai rarement vue. Jill Tarter et ses collègues de SETI veulent ni plus ni moins répondre à une des plus vieilles interrogations de l’humanité : sommes-nous seuls dans l’Univers ?
Pierre Barthélémy
Post-scriptum 1 : malheureusement, l’article que j’avais écrit sur Jill Tarter et SETI, publié dans Le Monde 2 sous le titre de “E.T. y es-tu ?” ne se retrouve pas dans les archives du site Internet du Monde. Et je n’en ai hélas pas de copie papier ni au format pdf.
Post-scriptum 2 : je me souviens de ma première rencontre avec l’équation de Drake. J’ai rempli toutes les cases au “pif”. J’ai trouvé la valeur 1. Il n’y avait, avec les paramètres que j’avais fournis, aucune autre planète communicante que la nôtre… Si vous voulez vous prêter au jeu, la formule de Drake sur Internet est ici.
– Les journaux ont beaucoup titré ces derniers jours sur cette nouvelle bactérie très résistante aux antibiotiques, présente dans le sous-continent indien, qui commence à se promener partout dans le monde. Faut-il pour autant s’affoler et renoncer à son voyage de noces en Inde ? Le blog 80beats de Discover Magazine fait un point rapide et complet.
– Les chiens sont probablement l’espèce de mammifères au sein de laquelle on trouve les plus grandes variations de taille (regardez cette rencontre entre un chihuahua et un grand danois pour vous en persuader…). Ceci est dû aux croisements et élevages sélectifs que l’homme a effectués avec son meilleur ami pendant des siècles et des siècles. Comme le rapporte le Scientific American, une étude australienne vient de s’intéresser aux modifications du cerveau que ces bouleversements morphologiques ont pu entraîner. Elle s’est notamment aperçue que chez les races à nez écrasé, le cerveau avait pivoté, ce qui avait déplacé le bulbe olfactif. Quelles conséquences cela a-t-il sur l’odorat mais aussi sur le comportement et l’agressivité des chiens ? Il faudra mener d’autres études pour le savoir.
– La plus grosse planète de notre système solaire, Jupiter, est une géante gazeuse. Ce qui ne l’empêche pas de posséder un noyau rocheux. Il est cependant surprenant de constater que le noyau de Jupiter est plus léger que celui de sa cousine Saturne, pourtant plus petite. Après avoir effectué une série de simulations, une équipe internationale d’astronomes estime que le noyau de Jupiter a pu être en grande partie vaporisé par une collision avec une grosse planète rocheuse, lors de la jeunesse du système solaire. Pour rappel, l’existence de la Lune est sans doute le fruit d’un carambolage entre la Terre et une planète analogue à Mars.
La Grande Tache rouge de Jupiter
– Restons dans l’astronomie, avec les priorités de recherche pour les dix ans à venir que vient de définir, dans ce domaine, le National Research Council américain. Au menu : découvrir ce qui se cache derrière la mystérieuse énergie noire, remonter à l’origine des galaxies et des trous noirs géants, et chercher, pas trop loin de nous, des planètes extra-solaires dites “habitables”, c’est-à-dire des planètes où les conditions propices à l’apparition de la vie sont réunies.
– La nocivité pour la santé des nanoparticules, dont la taille avoisine le milliardième de mètre, est au centre des débats sur les nanotechnologies. Comme il est difficile de prévoir si ces poussières de poussières seront dangereuses ou pas, les opposants aux “nanos” brandissent le principe de précaution. Cela changera peut-être avec une méthode que viennent de développer des chercheurs américains, qui permet, selon eux, de prédire comment interagira telle ou telle nanoparticule avec un système biologique donné (être humain y compris…).
– Ces mêmes chercheurs pourraient commencer leurs travaux appliqués avec les chaussettes anti-odeurs, qui sont recouvertes de nanoparticules d’argent, lesquelles ont des vertus bactéricides. L’ennui c’est que les chaussettes, cela se lave. Et que se passe-t-il quand les nanoparticules d’argent se décrochent et se retrouvent dans la nature ? C’est à cette question qu’ont voulu répondre d’autres scientifiques américains avec une expérience décrite par le New Scientist. D’où il ressort que les nanoparticules d’argent en liberté peuvent augmenter… l’effet de serre !
Pierre Barthélémy
C’était il y a trente ans. Sous le sapin du Noël 1980 m’attendait un cadeau infernal : un cube à 6 faces de couleurs différentes, chacune décomposée en 9 pastilles carrées. Le cube du Hongrois Ernö Rubik venait de faire son entrée dans mon existence, tout comme il allait hanter des centaines de millions de foyers à la surface du globe. Je n’eus pas la ténacité de ce Britannique qui employa vingt-six années de sa vie à résoudre ce casse-tête sans la moindre aide et la solution me fut donnée par mon prof de maths de quatrième, sous la forme de quelques pages découpées dans une revue scientifique. Certes, il me fallut apprendre des formules absconses par cœur mais ce n’était pas si difficile que cela, surtout si l’on mettait en regard de cet effort l’aura que me valut le pouvoir presque magique de refaire ce maudit cube… Et puis, comme dans Toy Story 3, le jouet finit par me tomber des mains et rejoindre les jolis fantômes de mon enfance.
Puisque le temps passe, lorsque j’ai eu à mon tour des enfants, un Rubik’s Cube est réapparu chez moi. Bien sûr, j’avais oublié les deux tiers de mes formules. Il a donc fallu que je me documente pour, de nouveau, passer pour un dieu, cette fois aux yeux de mes fils. Ce qui m’a permis de découvrir des méthodes de résolution plus simples que la mienne ainsi que… les maths cachées derrière ce casse-tête. Surtout, j’ai appris qu’une énigme plus forte que le Rubik’s Cube lui-même résistait depuis des années aux chercheurs : quel était le nombre maximum de mouvements à effectuer pour reconstituer le cube, quelle que soit la position de départ ? Cette question pourra sembler complètement futile mais il s’agit en réalité d’un défi sérieux posé à une branche des mathématiques appelée théorie des groupes.
Pendant trente ans, elle a tenté de trouver la valeur de ce nombre maximal, surnommé le nombre de Dieu. Et elle vient d’y parvenir. Il faut dire que le travail était titanesque. Imaginez-vous qu’il y a exactement 43.252.003.274.489.856.000 positions de départ possibles. Si vous avez du mal à lire des nombres aussi longs, c’est plus de 43 milliards de milliards de positions. A côté de cela, le nombre de combinaisons à Euro Millions est ridiculement petit : 76.275.360, soit 567 milliards de fois moins… Evidemment, pour les chercheurs qui s’intéressaient au nombre de Dieu, pas question de vérifier les possibilités une par une.
Il leur fallait donc surmonter deux obstacles : le premier, purement mathématique, consistait à réduire le nombre de positions pertinentes (beaucoup de positions sont les miroirs des autres) et à élaborer un algorithme capable de calculer le nombre de mouvements nécessaire pour recomposer le cube ; le second, purement technique, à trouver assez de “temps d’ordinateur” pour faire tourner l’algorithme. Le mathématicien Morley Davidson, l’ingénieur John Dethridge, le professeur de mathématiques Herbert Kociemba et le programmeur Tomas Rokicki viennent d’y parvenir. Le nombre de Dieu est 20. Quelle que soit la position de départ du cube, il faut, en théorie, au maximum 20 coups de poignet pour que les six faces retrouvent leur uniformité de couleur. En réalité, de 16 à 19 mouvements suffisent la plupart du temps mais, pour 100 à 300 millions de positions, 20 sont nécessaires.
Pour obtenir ce résultat, le quatuor cité plus haut a divisé les quelque 43 milliards de milliards de combinaisons en 2.217.093.120 ensembles contenant chacun 19.508.428.800 positions. Puis, ils ont réduit le nombre d’ensembles à 55.882.296, en exploitant les symétries et les recouvrements d’ensembles. Ils ont ensuite écrit un programme qui parvenait à résoudre un ensemble en 20 secondes environ sur un bon ordinateur portable (4 cœurs, 2,8 GHz, pour les puristes qui ne manqueront pas de me le demander si je ne leur fournis pas ce détail). Mais il y avait comme un hic. Comme un rapide calcul le montre, même en ne prenant que 20 secondes pour chaque ensemble de 19,5 milliards de positions, avec 55.882.296 ensembles, il faut… 35 ans pour faire le tour de la question ! C’est là que John Dethridge a été utile. Il faut préciser que cet homme est ingénieur chez Google et que sa société possède beaucoup, mais alors beaucoup, d’ordinateurs. En répartissant la tâche sur plusieurs machines, le temps de calcul a été ramené à quelques semaines.
Il n’est pas sûr que ces travaux soient très utiles, en pratique, aux champions du Cube. D’autant que ceux-ci se sont déjà empiriquement rapprochés de Dieu. Les techniques actuelles de résolution nécessitent une trentaine de mouvements, voire moins. Le record du monde de rapidité est un époustouflant 7,08 secondes, réalisé par le Néerlandais Eric Akkersdijk en 2008. A savourer ci-dessous, même si la vidéo est de piètre qualité.
Pierre Barthélémy
lire le billet– Vous avez été amputé d’un membre ou bien votre muscle cardiaque a été abîmé après un infarctus ? Pas grave, vous répondra votre médecin dans quelques décennies ou quelques siècles. On va les faire repousser. La régénération arrive et c’est le New York Times qui en parle.
– Le pire des effets du réchauffement climatique pour la Nature pourrait bien être… la manière dont l’humanité réagira à ce même réchauffement, explique un article du site Science Centric. Ce qui ne signifie évidemment pas qu’il ne faut rien faire mais que nous dev(r)ons, avant d’agir, bien peser les conséquences de notre adaptation au changement climatique.
– C’est une surprise génétique. Les éponges, qui sont de bons candidats au titre de plus anciens organismes multicellulaires sur cette Terre puisque leurs premiers représentants vivaient il y a au moins 635 millions d’années, ont un génome étonnamment complexe, assez proche du nôtre tout compte fait. Il vient d’être décrypté et publié dans Nature.
– Tout amoureux de BD revoit cette planche de On a marché sur la Lune dans laquelle Tintin glisse sur de la glace lunaire. Un des grands dadas des planétologues est de chercher de l’eau (indispensable à la vie) sur notre satellite. Et, depuis des années, les journalistes scientifiques suivent cette affaire en tournant la tête à droite puis à gauche, comme le public dans un match de tennis. Une fois l’eau est là, une autre fois elle n’y est plus. Le dernier coup, présenté par la revue Nature, vient du côté des “pas d’eau”.
– Si les championnats d’Europe d’athlétisme sont terminés, la saison des meetings bat encore son plein. On s’est beaucoup intéressé aux sprinters et aussi, sur Slate.fr, aux lanceurs de poids. Mais il y a une chose dont Yannick Cochennec ne vous a pas parlé : l’angle du lancer. A priori, le meilleur angle théorique est de 45°. Dans les faits, les meilleurs résultats sont obtenus avec des angles un peu plus aigus. Sur son blog, Nicola Guttridge explique pourquoi. Ce n’est pas une question de physique mais de physiologie.
Pierre Barthélémy
lire le billet
Derniers commentaires